Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 9 septembre 2021, n° 20/06149

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 14e ch., 9 sept. 2021, n° 20/06149
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/06149
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 SEPTEMBRE 2021

N° RG 20/06149 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UGIP

AFFAIRE :

A X

C/

S.C. SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET […]

Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé rendue le 19 Mai 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 19/10724

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 09.09.2021

à :

Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur A X

[…]

[…]

Monsieur C Y

[…]

[…]

Monsieur E F

CHEZ ME […]

[…]

Monsieur G H

[…]

[…]

Représentés par : Me Nathalie LANGLOIS-THIEFFRY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 486

Assistés de : Me Benjamin CHABERNAUD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0448

APPELANTS

****************

SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET […]

société à capital variable, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

N° SIRET : 775 675 739 (RCS Nanterre)

[…]

[…]

Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2064266

Assistée de : Me Anne BOISSARD, Plaidant, avocat au barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Juin 2021, Madame Marina IGELMAN, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Nicolette G, Président,

Madame Marie LE BRAS, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

M. A X est sociétaire de la SACEM depuis 2010. Il s’est vu reconnaître, en 2017, la qualité de sociétaire professionnel.

Il a déclaré, en qualité d’auteur, les oeuvres musicales suivantes :

— 'Générique A votre service', dont la musique a été composée par M. E F ;

— 'Générique Autoroute expresse ouverture', dont la musique a été composée par M. E F ;

— 'Générique Autoroute expresse 1' dont la musique a été composée par M. C Y ;

— 'Générique Autoroute expresse 2', dont la musique a été composée par M. C Y ;

— 'Premier amour', dont la musique a été composée par M. C Y ;

— 'N’exister que pour toi', dont la musique a été composée par M. C Y et arrangée par M. E F ;

— 'A votre service', dont la musique a été composée par M. G H.

Contestant la répartition des droits opérée, en juillet 2018, pour l’année 2017, M. X a saisi le service des réclamations de la SACEM.

M. X a par la suite produit des avis de diffusions additionnelles relatifs au générique de la série 'A votre service', que la SACEM ne prendra pas en considération lors des régularisations et répartitions ultérieures, aucun versement n’étant en outre opéré au titre des diffusions revendiquées par M. X pour l’année 2018.

Par acte d’huissier de justice délivré le 8 octobre 2019, M. X a fait assigner en référé la SACEM aux fins d’obtenir principalement sa condamnation à lui payer la somme de 52 555,59 euros, subsidiairement ramenée à 46 496,71 euros, outre les intérêts, au titre des droits qu’il revendique.

MM. Y, F et H, compositeurs des musiques en cause, sont intervenus

volontairement à l’instance.

Par ordonnance contradictoire rendue le 19 mai 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

— déclaré recevables les demandes formées par M. A X,

— déclaré MM. C Y, E F et G H recevables en leur intervention volontaire accessoire,

— dit n’y avoir lieu à référé,

en conséquence,

— rejeté l’ensemble des demandes de M. A X,

— condamné M. A X à payer à la SACEM la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— laissé à MM. C Y, E F et G H la charge des dépens liés à leur intervention volontaire,

— condamné M. A X à supporter les autres dépens,

— rappelé que la décision est exécutoire par provision.

Par déclaration reçue au greffe le 5 août 2020, MM. X, Y, F et H ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l’exception de ce qu’elle a déclaré recevables les demandes formées par M. A X et déclaré MM. C Y, E F et G H recevables en leur intervention volontaire accessoire.

Sur assignation de la SACEM, le premier président de la cour d’appel de Versailles, par ordonnance contradictoire rendue le 12 novembre 2020, a :

— ordonné la radiation de l’affaire portant le RG n°20/03811 du rôle de la cour d’appel,

— dit que l’affaire pourra être enrôlée à nouveau sur présentation des justificatifs de l’exécution provisoire de l’ordonnance dont appel,

— rejeté les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d’amende civile,

— rejeté la demande de la SACEM sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— laissé les dépens de la présente instance à la charge de la SACEM.

L’affaire a été rétablie au rôle le 8 décembre 2020.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 4 février 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, MM. X, Y, F et H demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1353 du code civil et 700 et 809 du code de procédure civile, de :

— infirmer l’ordonnance dont s’agit dans toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

— dire que M. X est recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

— dire que la créance de M. X sur la société SACEM d’un montant de 52 555,59 euros nets, subsidiairement la somme de 46 496,71 euro nets, est bien fondée tant en son principe qu’en son quantum ;

en conséquence,

— condamner la SACEM à payer à M. X, à titre provisionnel, la somme de 52 555,59 euros nets, subsidiairement la somme de 46 496,71 euros nets, à majorer des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2019 (date de la mise en demeure) ;

— condamner la SACEM à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 février 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SACEM demande à la cour, au visa des articles 121-4, 121-5 et 313-1 du code pénal, de :

— confirmer l’ordonnance rendue le 19 mai 2020 en toutes ses dispositions et en conséquence dire n’y avoir lieu à référé ;

— condamner M. X à lui payer une somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris Versailles, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. X sollicite la réformation de l’ordonnance entreprise en faisant valoir que la résistance de la SACEM à s’acquitter de sa dette à son égard constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile.

Il relate que la répartition des droits attachés aux oeuvres 'Générique A votre service', 'Générique Autoroute expresse ouverture', 'Générique Autoroute expresse 1', 'Générique Autoroute expresse 2', 'Premier amour', 'N’exister que pour toi’ et 'A votre service’ n’a jamais présenté de difficultés jusqu’à celle du mois de juillet 2018 (portant sur les droits de l’année 2017) pour laquelle il a été contraint de déposer une réclamation auprès de la Direction des relations sociétaires du département des vérifications de la répartition, les rapports entre lui et la SACEM s’étant ensuite envenimés.

Après avoir retracé les difficultés qu’il a rencontrées à compter de cette date pour percevoir ses droits, il déplore l’absence totale de paiement de ses droits au titre des diffusions de ses oeuvres sur l’année 2018, qu’il s’agisse des diffusions sur TV Paese ou des diffusions sur MCE et Demain TV, alors pourtant que la SACEM ne conteste pas ces dernières.

Il critique le prétendu 'contrôle’ effectué par la SACEM sur les attestations qu’il a versées, alors que la procédure prévue à l’article 86 du Règlement général de la SACEM n’a pas été suivie.

Il reproche à l’intimée de n’avoir même pas pris la peine de prendre simplement contact avec la chaîne TV Paese, tout en portant des accusations extrêmement graves pour lesquelles il se réserve le droit de déposer plainte pour diffamation contre la SACEM.

Il fait valoir qu’en tout état de cause, les 'explications’ de l’intimée ne résistent pas à la critique puisqu’elle n’a pas pris attache avec M. K Z, président de la chaîne de télévision Télé Paese, n’a pas soulevé d’incident de faux ou porté plainte alors qu’elle prétend que les attestations qu’il verse sont des faux.

Il ajoute que M. Z a attesté le 10 décembre 2019 que les attestations de diffusion des programmes audiovisuels litigieuses sont exactes et que c’est bien sa signature électronique qui y est apposée.

Il fait valoir s’agissant des temps de diffusion de la mini-série 'A votre service', que l’intimée ne conteste pas le temps de diffusion des autres oeuvres et que le calcul qu’elle a effectué démontre au contraire la cohérence avec la durée moyenne d’un épisode qui est d’environ 2 minutes contrairement à ce qui est indiqué sur la fiche Allociné ou Wikipédia, et que ce n’est pas la production, au demeurant partielle, de grilles de programmes TV 'retrouvées par la SACEM sur des sites Internet dont les origines et les sources sont inconnues et non-officielles qui viendront remettre en cause la véracité du nombre de diffusions'.

Il N de la sommation interpellative signifiée à M. Z le 26 août 2020 dont les réponses sur l’authenticité des attestations sont limpides ainsi que du procès-verbal de constat établi par Maître L M, huissier de justice, les 26 et 27 août 2020, établissant l’existence du clip 'A votre service'.

Il avance avoir donc pleinement satisfait à son obligation de preuve, dans le respect des dispositions réglementaires propres à la SACEM et sollicite, compte tenu de la résistance de l’intimée à s’acquitter de sa dette constituant un trouble manifestement illicite, l’allocation d’une somme provisionnelle de 52 555,59 euros nets dans la mesure où :

— le montant des droits versés au titre des diffusions de 2017 s’est élevé à 46 496,71 euros nets, correspondant à 8 157 759 secondes de diffusion,

— la durée totale de diffusion, sur les mêmes 'uvres, s’est élevée à 9 220 778 secondes en 2018,

et à tout le moins et à titre subsidiaire, dans la mesure où le total de la durée de diffusion des oeuvres concernées a été plus important en 2018 qu’en 2017, l’allocation de la somme de 46 496,71 euros nets à titre d’acompte.

La SACEM, intimée, sollicite la confirmation de l’ordonnance querellée, soulignant que l’appelant, tout en visant dans ses conclusions les deux alinéas de l’article 809 du code de procédure civile, n’argumente ses demandes que sur le fondement de l’existence d’un trouble manifestement illicite, sans doute selon elle car les pouvoirs du juge des référés pourraient alors s’exercer 'même en présence d’une contestation sérieuse', oubliant que pour que le trouble puisse être O de manifestement excessif, il faudrait que les droits revendiqués par M. X soient eux-mêmes 'manifestes', ce qui n’est pas le cas.

Elle fait valoir que si, pour pallier la carence de certaines chaînes concernant leurs obligations déclaratives, elle a accepté de prendre en considération d’autres sources d’informations dont des avis de diffusion, 'pour autant qu’ils soient validés par les chaînes', l’article 86 de son Règlement général n’en demeure pas moins applicable, qui prévoit que son Conseil d’administration pourra faire procéder à des inspections et à des constats pour vérifier la sincérité des programmes.

Elle précise également que contrairement aux allégations de l’appelant, celui-ci l’avait déjà assignée en justice en 2013, procédure à l’issue de laquelle il a été débouté de toutes ses demandes et condamné à lui payer des frais irrépétibles.

Elle fait valoir que le présent litige porte sur les droits revendiqués par M. X, la première fois dans un courrier reçu le 20 mai 2019 auquel étaient joints 15 avis de diffusion au titre de l’année 2018 ainsi que 7 récapitulatifs établis par ses soins, 6 concernant la chaîne TV Paese, courrier suite auquel elle a décidé de procéder à un contrôle qui 'a fait surgir de véritables problèmes qui donnent à penser que les avis remis par Monsieur X sont faux ou mensongers, à tel point que leur emploi fait songer à une tentative d’escroquerie au jugement'.

Elle procède ensuite à un examen des avis de diffusion produits par l’appelant et en particulier de sa pièce 9, réunissant notamment 11 avis concernant TV Paese, tous 'censés’ avoir été établis par 'Monsieur K Z, président de la chaîne de télévision Télé Paese', desquels il ressort selon elle que :

— s’agissant des 5 attestations revendiquées par l’appelant qui ont pour objet la diffusion d’épisodes de la mini-série 'A votre service', le cumul des données conduit à considérer que cette série aurait bénéficié chaque jour de l’année 2018 d’un total variant entre 78 et 84 diffusions, alors que les grilles des programmes de cette télévision qu’elle est parvenue à retrouver établissent l’impossibilité de ces quelques 80 diffusions quotidiennes,

— s’agissant des attestations brandies par l’appelant ayant pour objet la diffusion de la série intitulée 'Autoroute express', il se déduit des données qu’elle aurait bénéficié chaque jour de l’année 2018 d’un total de 29 diffusions, chacune portant sur un épisode dans son intégralité, résultat peu crédible qui ne résiste pas à sa confrontation aux grilles de programmes qu’elle s’est procurées,

— selon les autres attestations, le clip 'A votre service’ aurait été diffusé 44 fois par jour, tous les jours entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, le clip 'N’exister que pour toi’ serait passé sur la chaîne 28 fois tous les jours entre le 16 mars et le 31 décembre 2018 et le clip 'Premier amour’ aurait été diffusé 33 fois tous les jours de l’année 2018, ce qui équivaut à retenir que les 3 clips revendiqués auraient occupé plus de 6 heures de diffusion tous les jours du 16 mars au 31 décembre 2018.

L’intimée soutient donc qu’au moyen des diverses attestations figurant dans sa pièce numéro 9, l’appelant tente de rapporter la preuve ce que la diffusion des oeuvres musicales dont il est coauteur aurait couvert quotidiennement 50 % du temps d’antenne de la chaîne Télé Paese, ce qui est selon elle inconcevable.

Elle considère donc que c’est en recourant à ces attestations 'clairement mensongères’ que M. X N satisfaire à ses obligations déclaratives.

Elle ajoute avoir décelé une difficulté supplémentaire concernant le clip 'A votre service', dont elle n’a retrouvé aucune trace sur Internet et que l’appelant a mis des mois à lui communiquer, donnant le 'sentiment d’avoir été réalisé pour les besoins de la procédure'.

La SACEM relève aussi qu’elle, ainsi que les autres sociétés d’auteurs, ont perçu de la part des trois chaînes de télévision qui auraient diffusé les oeuvres de M. X un montant total de redevance pour l’année 2018 n’excédant pas au total 20 000 euros de sorte que le sociétaire ne peut réclamer des montants qui sont très supérieurs au total des sommes qu’elle a perçues.

En réponse à l’argumentation adverse, elle fait observer que si elle reconnaît qu’en l’état de son enquête elle n’est pas parvenue à réunir d’éléments probants concernant les avis de diffusion afférents aux chaînes à 'Demain !' et 'Ma chaîne étudiante', ces avis émanent de sociétés qui ont été condamnées à son bénéfice et que dans l’hypothèse où ses soupçons concernant les avis de diffusion sur Télé Paese auront été confirmés, elle se trouvera créancière de M. X.

Elle ajoute que la légitimité de M. X à percevoir des redevances d’exploitation au titre des séries 'A votre service’ et 'Autoroute express’ est contestable dans la mesure où il n’est pas établi que

les musiques sonorisant les génériques des épisodes comportent la moindre parole, soulignant que l’appelant revendique précisément des droits pour avoir écrit les paroles de ces oeuvres musicales.

Elle fait également valoir que si elle n’a pas pris directement contact avec M. Z, c’est dans un souci de discrétion et que les assertions de ce dernier dans son attestation et ses réponses à l’huissier ne font que confirmer ses soupçons.

Elle relève notamment les contradictions selon elle entre les dires de M. Z selon lesquels les séries et clips litigieux sont des 'programmes dits complémentaires (…) dispatchés et multidiffusés sur la chaîne’ et le fait que selon le contenu des avis litigieux, les séries et clips en question auraient couvert en 2018 50 % du temps d’antenne, entre l’assertion de M. Z selon laquelle il est 'impossible de mentionner avec précision les horaires de [leurs] programmes’ et la mention sur les avis de diffusion d’horaires très précis.

Elle souligne également l’incohérence résultant de la comparaison entre les avis de diffusion de la chaîne Télé Paese pour l’année 2017 et ceux de l’année 2018, faisant apparaître un nombre de diffusions des oeuvres auxquelles M. X a collaboré identique pour chacun des jours des deux années concernant les épisodes des séries et n’ayant varié qu’une fois unique concernant les clips.

Enfin, elle soutient qu’il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir soulevé un incident de faux ou de ne pas avoir porté plainte puisqu’à ce stade, il n’est pas possible de savoir si l’attestation de M. Z constitue un faux matériel ou intellectuel.

Sur ce,

Il ressort des conclusions de l’appelant que bien que visant dans le dispositif de celles-ci l’article 809 du code de procédure civile dans son intégralité, il fonde, dans le corps de ses conclusions, sa demande uniquement sur l’existence d’un trouble manifestement illicite que le juge des référés, et la cour à la suite, n’ont le pouvoir de faire cesser que sur le fondement de l’alinéa 1er de cet article qui prévoit qu’ils peuvent, 'même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite'.

Pourtant son unique prétention consiste à solliciter l’octroi d’une provision, laquelle demande ne constitue ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état, de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite.

Ainsi, s’agissant d’une demande d’octroi d’une provision, il convient de faire application du 2e alinéa de l’article 809 susvisé (applicable aux procédures introduites avant le 1er janvier 2020 comme tel est le cas en l’espèce), qui prévoit que le juge des référés peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Il convient donc de déterminer si les contestations opposées par la SACEM à la demande de provision de M. X sont sérieuses ou non et donc d’apprécier si la solution du litige apparaît ou pas évidente sans qu’il soit besoin de trancher une question de fond opposant les parties.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article 1353 du code civil, il incombe à M. X de rapporter la preuve de la diffusion des oeuvres en débat.

Il est acquis aux débats que lors de la répartition des droits que la SACEM a opérée au profit de M. X en juillet 2019, elle n’a pas pris en compte les 15 avis de diffusion au titre de l’année 2018 qu’elle a reçus le 20 mai 2019 et qui représenteraient 9 220 778 secondes de durée totale de diffusion.

A l’appui de sa demande de condamnation de la SACEM au paiement à titre provisionnel d’une somme correspondant au montant de ses droits au titre de ces diffusions, calculé par ses soins au prorota des sommes qu’il avait perçues au titre de l’année 2017 pour ces mêmes oeuvres par rapport au nombre de secondes de diffusion pour ces deux années, l’appelant conclut à l’exactitude des avis de diffusion émanant des 3 chaînes de télévision diffuseuses et verse aux débats pour le démontrer plusieurs éléments.

Ainsi, il N tout d’abord de l’attestation de M. Z établie le 10 décembre 2019 accompagnée de la copie recto verso de la carte d’identité de celui-ci, rédigée en ces termes :

'Je, soussigné K Z, né le […] à […], de nationalité française, certifie avoir établi les attestations de diffusion des programmes audiovisuels 'Autoroute express’ (saisons 1, 2, 3), 'A votre service’ (saisons 1, 2, 3 et Prime 1 & 2) ainsi que des clips musicaux intitulés 'N’exister que pour toi', 'Premier amour’ et 'A votre service’ pour le compte de la chaîne Télé Paese sur l’année 2018. Je confirme l’exactitude de ces attestations concernant le nombre total de diffusions indiqué.

Je me permets de signaler par ailleurs que la programmation de la chaîne telle que mentionnée sur le site 'archive.org’ ou encore par le magazine 'Zappy Mag’ ne reflète pas avec exactitude la réalité de la grille de diffusion de la chaîne Télé Paese.

Il convient en effet de souligner que tous les programmes nommés ci-dessus sont des programmes courts, voire très courts (certaines pastilles étant inférieures à 2 minutes) et ont pour objectif de garnir le contenu de notre chaîne locale qui émet 24H/24. Ces programmes dits 'complémentaires’ sont dispatchés et multidiffusés sur la chaîne, nuit et jour, ce qui explique par conséquent le nombre important de diffusions mais aussi le fait qu’il nous soit impossible de mentionner avec précision les horaires de nos programmes.

Je rappelle néanmoins que le nombre de diffusions quotidiennes ne souffre lui d’aucun débat.

Je confirme par ailleurs que la signature électronique apposée sur lesdites attestations est bien la mienne et non une reproduction faite par un tiers. J’indique également que la majorité de nos documents officiels sont signés de la même façon comme il en est d’usage dans bon nombre de structures.

Pour conclure, je certifie que ni la chaîne Télé Paese, ni moi n’avons été contactés par les services de la SACEM afin de vérifier la véracité des attestations fournies.

Pour faire valoir ce que de droit.'

M. X produit également une sommation interpellative signifiée à sa demande par acte d’huissier de justice du 26 août 2020 à la SA Télé Paese, aux termes de laquelle M. Z confirme que :

— les attestations de diffusion ont été établies par ses soins,

— l’intégralité des diffusions indiquées sur ces attestations sont exactes,

— la SACEM ne l’a pas contacté concernant ces attestations.

M. X verse enfin aux débats un procès-verbal établi par Maître L M, huissier de justice, les 26 et 27 août 2020, constatant la transmission par l’appelant d’un fichier intitulé 'Clip 'A votre service'' contenant un clip vidéo d’une durée de 3 minutes et 23 secondes représentant un homme brun dans une voiture interprétant un texte sur une musique dont les paroles sont reproduites ainsi que la transmission par l’appelant de plusieurs fichiers constituant les rushs du clip, que l’huissier de justice, à partir d’un sondage, identifie comme comportant une date de création au 28 novembre 2016.

Il découle des éléments de preuve ainsi avancés par l’appelant que l’existence du clip 'A votre service’ comportant des paroles n’apparaît pas sérieusement contestable et que par ailleurs, l’auteur des avis de diffusion des oeuvres de M. X en 2018 sur la chaîne Télé Paese ne souffre d’aucune contestation sérieuse.

Toutefois, la SACEM de son côté, relève entre les diverses attestations de M. Z des incohérences et contradictions de nature à questionner l’exactitude de leurs contenus.

Ainsi l’allégation de l’intimée selon laquelle il apparaît incohérent que dans son attestation du 10 décembre 2019 M. Z O les oeuvres dont la diffusion est revendiquée par M. X de 'programmes dits 'complémentaires'' alors que ces diffusions représenteraient selon les avis de diffusion qu’il a rédigés environ 50 % du contenu de la chaîne, apparaît audible, de même qu’il apparaît que M. Z se contredit en mentionnant des horaires de diffusion très précis dans les avis de diffusion (horaires au demeurant presqu’intégralement identiques à ceux de 2017, ce qui est là aussi difficilement crédible) tout en attestant le 10 décembre suivant qu’il est impossible de mentionner avec précision les horaires des programmes diffusés.

Par ailleurs, nonobstant le fait que M. X justifie désormais par la production du procès-verbal d’huissier de justice des 26 et 27 décembre 2020 de l’existence tant du clip 'A votre service', que des paroles y figurant, il ne justifie en revanche d’aucun élément concret pour contrer la pièce numéro 22 de l’intimée, contenant la reproduction du générique de la série 'Autoroute express', lequel est dénué de paroles dont il revendique pourtant les droits.

Surtout, la SACEM produit aux débats des grilles de programmes de la chaîne Télé Paese pour certaines périodes de l’année 2018, d’une part recensées sur le site Internet archive.org, et d’autre part présentées dans plusieurs numéros du magazine Zappy Mag, bimensuel distribué gratuitement en Corse, qui contiennent des différences avec ce qui figure dans les avis de diffusion litigieux, notamment en ce que les épisodes de la série 'A votre service’ n’ont pas été systématiquement diffusés quotidiennement en janvier 2018 et en ce que lorsqu’ils qu’ils ont été diffusés, ils l’ont été un nombre de fois bien inférieur à ce qui est indiqué sur les avis de diffusion.

Ces grilles de programmes sont les seules produites aux débats de sorte que la seule assertion de M. Z dans son attestation du 10 décembre 2019 selon laquelle elles ne refléteraient pas avec exactitude la réalité de la grille de diffusion de la chaîne Télé Paese est insuffisante à anéantir leur valeur probante.

Ainsi, au vu des éléments contradictoires et/ou incohérents mis en avant par la SACEM ainsi qu’au regard des grilles de programme qu’elle produit, il convient de considérer que l’intimée oppose des contestations suffisamment sérieuses à la demande de paiement provisionnel de M. X au titre de ses droits pour l’année 2018 pour les diffusions revendiquées sur la chaîne Télé Paese.

S’agissant des droits relatifs aux diffusions des oeuvres de M. X sur les chaînes 'Demain !' et

'Ma chaîne étudiante', la contestation sérieuse de la SACEM relative à l’absence de paroles dans le générique de la série 'Autoroute express', s’oppose à la constatation de l’évidence du droit de créance de M. X en ce qui les concerne, étant au demeurant relevé que l’appelant ne sollicite pas à titre subsidiaire l’allocation d’une provision relative à ses droits d’auteur pour les diffusion de ses oeuvres sur ces chaînes en 2018.

L’ordonnance critiquée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé et rejeté toutes les demandes de M. X.

Sur les demandes accessoires :

L’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. X ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Il devra en outre supporter les dépens d’appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la SACEM la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. M. X sera en conséquence condamné à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME l’ordonnance du 19 mai 2019 en toutes ses dispositions,

CONDAMNE M. A X à verser à la SACEM la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que M. A X supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette G, Président et par Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code pénal
  3. Code civil
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Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 9 septembre 2021, n° 20/06149