Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 28 janvier 2021, n° 19/02684

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 28 janv. 2021, n° 19/02684
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/02684
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise, 22 mai 2019, N° F18/00125
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JANVIER 2021

N° RG 19/02684 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TJFV

AFFAIRE :

X, Y, J Z

C/

Société CHUBB FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : F18/00125

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS

la SCP FROMONT BRIENS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur X, Y, J Z

né le […] à […]

[…]

[…]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 020596 – Représentant : Me Thibault GUILLEMIN de la SELAS GUILLEMIN FLICHY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0133

APPELANT

****************

Société CHUBB FRANCE

N° SIRET : 702 000 522

[…]

[…]

[…]

Représentant : Me Cyrille FRANCO de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0107 substitué par Me Marie-Sophie TURET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Décembre 2020, Monsieur Eric LEGRIS, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE

Le 22 janvier 2001, M. X Z était embauché par la SCS Chubb France en qualité de contrôleur de gestion (statut cadre) par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention des ingénieurs et cadres de la métallurgies

Le 9 juin 2017, l’employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien avait lieu le 20 juin 2017. Le 7 juillet 2017, il lui notifiait son licenciement pour faute grave.

Par courrier du 6 décembre 2017, le salarié contestait son licenciement. Le 22 mars 2018, M. X Z saisissait le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise.

Vu le jugement du 23 mai 2019 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise qui a :

— dit que le licenciement pour faute grave de M. X Z est bien fondé sur des éléments objectifs et sérieux

— débouté M. X Z de la totalité de ses demandes

— débouté la SCS Chubb France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de M. X Z.

Vu l’appel interjeté par M. X Z le 24 juin 2019.

Vu les conclusions de l’appelant, M. X Z, notifiées le 27 août 2019, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de:

— déclarer recevable et bien-fondé l’appel

Y faisant droit :

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 23 mai 2019, en ce qu’il a :

— dit que le licenciement pour faute grave de M. Z était fondé ;

— débouté Monsieur X Z de la totalité de ses demandes à l’encontre de la société Chubb France ;

— mis les dépens de l’instance à la charge de M. Z.

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

— condamner la société Chubb France à lui verser 145 152 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

— enjoindre à la société Chubb France, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir, de le réintégrer dans ses effectifs ;

A titre subsidiaire :

— condamner la société Chubb France à lui verser 145 152 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

— fixer la rémunération moyenne des 12 derniers mois de M. Z à la somme de 8 064 euros brut ;

— condamner la société Chubb France à lui verser :

—  5 692,14 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ;

—  569,21 euros brut à titre de congés payés afférents ;

—  19 100 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  1 910 euros brut à titre de congés payés afférents ;

—  53 424 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  24 192 euros au titre des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement ;

—  4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— assortir l’ensemble des condamnations des intérêts légaux avec anatocisme, à

compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;

— enjoindre à la société Chubb France, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir, la remise d’un bulletin de salaire et

d’une attestation Pôle emploi rectifiés ;

— condamner Chubb France aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Courtaigne Avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de l’intimée, la société Chubb France, notifiées le 22 novembre 2019, soutenues à l’audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise du 23 mai 2019 ;

— dire et juger que le licenciement notifié à M. X Z repose sur une faute grave ;

Par conséquent :

— débouter M. Z de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner M. Z à 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. Z aux entiers dépens de l’instance.

Vu l’ordonnance de clôture du 9 novembre 2020.

SUR CE,

Sur le licenciement

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis ; la charge de la preuve incombe à l’employeur qui l’invoque ;

En l’espèce, M. A a été licencié pour faute grave ; la lettre de licenciement est rédigée dans les termes suivants :

"(…) Nous avons été informés, le 16 mai 2017, que vous avez eu, a plusieurs reprises, des échanges inappropriés avec une collaboratrice occupant les fonctions de commerciale au sein de l’agence Immobilier, Mme L B. Ainsi, depuis son embauche, à la 'n de l’année 2015, et jusqu’à 'n février 2017, vous avez échangé avec cette collaboratrice plus d’une centaine de messages sur la messagerie professionnelle instantanée LYNC et parfois par le biais de SMS.

Nous rappelons que Mme L B est rattachée hiérarchiquement à Mme W Q R, qui vous est elle-même directement rattachée. II s’agit donc de l’une des collaboratrices sous votre autorité hiérarchiquement; ce qui est une circonstance aggravante. Ces messages comportaient des compliments sur le physique de cette dernière et sa tenue vestimentaire, ainsi que des propositions pour l’accompagner seule en dehors de l’agence. Ils étaient ambigus et à double sens. Ils laissaient entendre que Mme L B vous plaisait et que vous souhaitiez avoir une relation avec elle. Ainsi, la teneur de ces messages était pour le moins inappropriée entre un responsable hiérarchique de niveau n+2 et l’une de ses collaboratrices.

Pour exemple :

- L B : " la cliente réclame sa vérif de 2016 » ; Vous : " et toi tu ne réclames rien ' »

- Vous : << bon quand est-ce que tu m’emmènes en clientèle ' Va falloir qu’on programme ça » ; L << si tu veux venir déposer des registres avec moi il n’y a pas de problème » ; vous : << bah au moins ça prendra pas beaucoup de temps de temps, ça nous en laissera ensuite »

- Vous : " merci » ; L : " ha de rien mais pourquoi ' » ; vous : "d’avoir mis le pantalon que je préfère »

Plusieurs témoignages nous ont par ailleurs con’rmé que vous vous déplaciez très rarement en clientèle avec les commerciaux.

Lors de l’entretien préalable, vous avez reconnu avoir envoyé plusieurs dizaines de message via LYNC à L B, de la 'n de l’année 2015 à 'n février 2017. Vous avez toutefois indiqué que, la plupart du temps, c’est elle qui en était à l’initiative, qu’il n’y avait pas d’ambiguïté dans vos intentions et qui! s’agissait d’un jeu entre vous deux sur le ton de l’humour. Ces échanges ont eu lieu selon vous « dans un respect mutuel, la plus grande courtoisie » et se voulaient « paternalistes, affectifs et rassurants ». D’après vous, L B était amoureuse de vous. Vous aviez quant à vous besoin de décompresser au travers de ces échanges, pour vous permettre de faire face à la charge de travail importante que vous aviez sur les deux agences.

Or, plusieurs témoins nous ont con’rmé que L B n’était pas à l’initiative de ces messages et ne faisait que vous répondre. Vous n’avez par ailleurs pas pu nous produire des éléments démontrant votre version des faits.

L B nous a précisé que le 27 février 2017, elle a reçu un message de votre part sur LYNC dont la teneur était Ia suivante : « c’est comme ça la reconnaissance ' C’est comme ça qu’on dit merci ' En fait juste servi à te donner ton CDI, le meilleur secteur de l’agence et le meilleur client de l’agence ». Elle vous a répondu : « Ah parce qu’il aurait fallu que je sois reconnaissante ' »

Ensuite vos échanges par LYNC ont cessé.

L B a été profondément bouleversée par cet échange. Elle s’est remise en question et a eu l’impression quelle n’avait pas sa place sur le poste pour lequel elle a été recrutée. Elle a même pensé à démissionner.

Pendant l’entretien préalable, vous avez reconnu avoir écrit ce message à L B sur le ton de l’humour mais n’avez pas pu nous expliquer le contexte dans lequel vous le lui aviez envoyé.

Vous avez également reconnu avoir fait le trajet le 1er mars 2017 depuis l’agence de Rosny, avec Mme M H qui a pris son nouveau poste de gestionnaire comptes clients l’agence Grands comptes de Villepinte.

Des témoignages font état du fait que lors de ce trajet, cette dernière vous aurait informé que des bruits couraient au sein de l’agence sur votre comportement à l’égard de L B.

Vous avez indiqué ne plus vous souvenir de la teneur de votre conversation lors de ce trajet.

Vous avez toutefois reconnu étre au courant que N I (Responsable du Pôle Données

Clients et mère de L B) faisait courir des bruits selon lesquels vous choisissiez vos recrutements en fonction du physique des candidates, mais avez soutenu que cela n’avait aucun lien avec le message que vous avez adressé e L B 'n février 2017.

Le 27 mars 2017, vous avez demande par courriel à Mme W Q R de recevoir L B, ce qu’elle a fait le jour même, a’n de savoir pourquoi sa performance stagnait depuis le 17 mars 2017 : elle était à 66% d’atteinte de sa prévision du mois de mars mais avait atteint et même dépassé son objectif trimestriel. Au même moment, un autre commercial, O P, n’était qu’à 61 % de son prévisionnel du trimestre mais vous n’avez pas demande qu’il soit reçu par sa hiérarchie.

Vous lui avez également demande de suivre de près les horaires et l’activité de L B. Or, à 'n mars 2017, seuls deux commerciaux de l’équipe de Mme Q R avaient atteint leurs objectifs du trimestre : L B : 110, 7% et S T 101,6 %. Ils étaient ensuite suivis de U V 81,3 %, puis loin derrière par deux autres commerciaux ayant atteint entre 60 et 70 % de leur objectif trimestriel, deux autres entre 50 et 60 %, puis deux en dessous de 50 %. Or pour ces commerciaux en dif’culté, vous n’avez pas demandé à Mme Q R de suivi spéci’que.

Pour seule explication, vous nous avez indiqué que cette demande de suivi de votre part était justifiée par le fait que L B avait atteint son objectif trimestriel grâce à son gros client « Toit et joie », qui émet ses commandes en début d’année, mais qu’elle exploitait mal le reste de son portefeuille de clients et qu’elle aurait été en dessous de ses objectifs à la 'n de l’année.

Nous avons constaté que L B a fait l’objet d’un suivi rapproché de la part de sa hiérarchie, la plupart du temps à votre demande. Elle a notamment été reçue quatre fois entre le lundi 10 avril et le mercredi 12 avril 2017. Elle a ainsi été reçue trois fois par son manager, Mme Q R (dont deux fois le 11 avril) et une fois par vous-même le 12 avril 2017. Nous vous avons indiqué que quatre entretiens avec sa hiérarchie sur trois jours ne nous semblaient pas être un suivi normal de l’activité d’un collaborateur, même lorsque les résultats sont mauvais, et pourrait être vécu par celui-ci comme une forme de harcèlement. Vous avez con’rmé être à l’initiative du point du 12 avril 2017, qui a eu lieu avec L B

en l’absence de sa hiérarchie. Vous avez souhaité faire le point avec L sur ses relances clients.

L B nous a en revanche relaté que vous lui aviez dit que vous faisiez ce point à la demande de Mme Q R, cette dernière étant absente. Or, sa responsable hiérarchique nous a indiqué qu’elle ne vous avait pas demandé de recevoir L B.

Vous avez précisé ne pas être au courant des points du 11 avril de L B avec son manager. Or il s’avère que vous ne pouviez ignorer leur existence puisque, selon les témoignages, non seulement vous étiez à l’initiative de la demande de ces points, mais vous aviez également été destinataire d’un compte-rendu de ces points par Madame Q R.

Nous sommes d’autant plus étonnés que vous ayez pris l’initiative de recevoir seul L B, alors que plusieurs témoins nous ont certi’é que vous ne receviez jamais les commerciaux seuls, mais toujours en présence de leur manager.

Vous avez indiqué que durant l’entretien vous aviez été « gentil » avec L et aviez essayé de la remotiver.

L B nous a toutefois indiqué qu’elle avait mal supporté ce suivi rapproché sur quelques jours, dont elle s’est estimée être la victime. Lorsque nous vous avons demande si vous aviez des éléments factuels a nous fournir a’n d’étayer votre version des faits, vous avez déclaré que vous préfériez les garder pour votre défense.

Vous avez cependant reconnu au cours de l’entretien n’avoir pas eu le comportement managerial adapté vis-a-vis de cette collaboratrice, sous votre autorité hiérarchique.

Vous avez également reconnu avoir invité une ou deux fois L B à diner, toujours par le biais d’échanges sur le ton de l’humour, et avez déclaré que vous n’auriez pas su quoi faire si elle avait accepté.

Vous avez précisé n’avoir eu ce type de comportement que vis-à-vis d’elle et pas vis-à-vis d’autres collaboratrices de l’agence.

Nous pensons que vous avez eu des échanges de messages inappropriés avec cette jeune collaboratrice, dont c’était le premier CDI, qui se trouve sous votre responsabilité hiérarchique et dont vous pensiez qu’elle était amoureuse de vous. Vous avez été à l’initiative de ces messages, auxquels elle a répondu de manière courtoise, mais sans jamais vous encourager ni répondre favorablement à vos sous-entendus. Elle ne savait pas comment réagir face 2 à cette situation avec son manager n+2.

A un moment donné, lorsque les échanges se sont arrêtés dé’nitivement, vous avez tenté d’exercer sur elle une pression qui peut s’apparenter à des représailles. En effet, tous les éléments que nous avons réunis démontrent que cette attitude de votre part n’a été adoptée que vis-à-vis de L B et pas vis à vis des autres commerciaux, dont les résultats étaient pourtant bien plus mauvais que les siens.

Un témoin nous a par ailleurs indiqué vous avoir entendu dire au cours d’un déjeuner au restaurant d’entreprise que L B ne faisait pas ses chiffres et que vous alliez "la sortir».

Vous avez également expliqué au cours de l’entretien préalable que vous étiez victime d’un complot de la part de la mère de L B, Madame N I. Cette dernière n’aurait

pas supporté que Mme M H quitte son équipe pour rejoindre l’agence Grands Comptes dont vous étiez le directeur.

Cependant, l’ensemble des explications et tentatives de justi’cation que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modi’er notre appréciation de la situation. Nous ne comprenons pas comment vous avez pu en arriver à une telle situation, alors que vous avez suivi en 2016 et 2017 plusieurs modules de formation à l’éthique et notamment : « Communication ef’cace et respectueuse », « Discrimination et harcèlement », « Condamner les représailles et favoriser la communication ».

Un tel comportement est inadmissible et nous sommes donc contraints de vous noti’er par la présente votre licenciement pour faute grave, pour les motifs que nous vous avons rappelés ci-dessus.

Le licenciement prend effet à la date d’envol de cette lettre et votre solde de tout compte sera

arrêté a cette date, sans indemnités de préavis ni de licenciement. En outre, la période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée.(…) ».

M. Z soutient à titre principal que son licenciement est nul et subsidiairement que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Il fait valoir, au soutien de sa demande, à titre principal, que ses droits fondamentaux ont été violés au cours de l’enquête interne précédant son licenciement, entachant celui-ci de nullité et subsidiairement que la société Chubb France ne justifie pas avoir rempli son obligation préalable d’information des salariés et de consultation des institutions représentatives du personnel sur l’existence d’un dispositif d’enquête interne, ce que le conseil de prud’hommes a omis de relever dans son jugement de sorte que les éléments retenus par l’employeur à l’encontre de M. Z lui sont inopposables et que son licenciement s’en trouve privé de cause réelle et sérieuse ; il estime en tout état de cause n’avoir commis aucune faute grave ;

Il estime ainsi que l’enquête interne a été menée en violation de ses droits, en soulignant notamment avoir été totalement privé d’accès au dossier d’enquête, n’avoir pu avoir accès aux copies d’écran des conversations fournies, avoir été contraint de faire une déposition en présence de l’enquêteur interne, à l’issue d’un interrogatoire ayant duré plus de 5 heures, mené à l’extérieur des locaux de la société, à l’occasion duquel aucune possibilité d’être assisté par un représentant du personnel ou un autre membre du personnel ne lui a été offerte et l’absence de confrontation réalisée par l’enquêteur interne ;

La société Chubb France fait valoir en réplique que le déroulé d’une enquête interne, organisée en dehors de toute procédure disciplinaire, est distincte de la procédure de licenciement et qu’une enquête interne n’a pas à respecter le principe du contradictoire, prévu par l’article 16 du code de procédure civile, dans la mesure où cette règle s’applique à la phase judiciaire de l’affaire ;

Si l’article L 1232-3 du code du travail fait obligation à l’employeur d’indiquer au cours de l’entretien préalable au salarié dont il doit recueillir les explications le motif de la sanction envisagée, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier de la sanction ;

L’employeur n’a ainsi pas l’obligation de communiquer les pièces et compte-rendu d’enquêtes internes préalablement à la procédure de licenciement ;

Au surplus, M. Z a été entendu lors de l’enquête interne, comme la salariée se plaignant de ses agissements et les membres de son équipe, et il a été mis à même d’indiquer s’il avait des éléments factuels à fournir a’n d’étayer sa propre version des faits ;

Aucune obligation légale n’imposait à l’employeur d’organiser une confrontation, s’agissant au surplus d’une enquête sur un comportement inappropriée par un supérieur hiérarchique envers une jeune salariée ;

La société Chubb France souligne à juste titre qu’elle devait respecter son obligation de sécurité ;

En outre les témoins entendus lors de l’enquête sont identifiés et sont des membres de l’entreprise ; il ne s’agit pas ici de témoignages anonymes ;

La violation alléguée par M. Z du principe du contradictoire et plus largement de ses droits fondamentaux au cours de l’enquête interne n’est pas caractérisée ;

Les droits de M. Z ont enfin été respectés lors de l’entretien préalable à la mesure de licenciement ;

Le rejet de la demande de nullité du licenciement, et par suite de réintégration, sera donc confirmée ;

M. Z fait ensuite valoir que la société Chubb France a mené une enquête à son encontre du 29 mai au 20 juin 2017 en application des « processus internes en vigueur au sein de la société Chubb France » mais que rien n’indique que l’employeur ait préalablement porté ces « processus internes » à la connaissance des salariés de l’entreprise, ni que le comité d’entreprise et le CHSCT aient été informés et consultés sur ce point ;

Cependant, l’enquête interne menée par la société Chubb France est sans rapport avec un système de contrôle et de surveillance, et il n’est pas démontré par M. Z qu’une collecte de renseignements intrusifs à l’encontre des salariés ait été opérée, étant souligné au surplus que le rapport d’enquête éthique se fonde essentiellement sur les témoignages de salariés ;

En tout état de cause, le contrôle de l’activité d’un salarié au temps et au lieu du travail par un service interne à l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié, un mode de preuve illicite ; l’enquête interne a été menée suite aux révélations de Mme B.

M. Z fait valoir que la société Chubb France a mené une enquête entièrement à charge et que ni la prétendue invitation à dîner ni les échanges Lync entre Mme B et M. Z n’ont été « inappropriés», que les entretiens effectués avec Mme B ne caractérisent aucunement des mesures de rétorsions et que la société a pris sa décision de licenciement sur la base d’un rapport d’enquête biaisé après avoir été induite en erreur par un groupe de salariées ayant toutes un intérêt au départ de M. Z, se référant à un rapport d’une enquête diligentée à la demande du CHSCT ;

M. Z ne conteste toutefois pas avoir proposé à Mme B, à une heure tardive, de commander des pizzas ni surtout la teneur des échanges contenus dans les messages Lync susvisés dans la lettre de licenciement, se contentant d’alléguer que ceux-ci ont été tenus sur le ton de l’humour ou demeuraient « mesurés » ; cependant, les témoignages tant de Mme B que de plusieurs de ses collègues contredisent cette interprétation et font ressortir le malaise et le retentissement consécutifs au comportement de M. Z, lequel s’est aussi accompagné d’un suivi particulier de Mme B alors même que celle-ci avait atteint ses résultats trimestriels (110,18 % de son objectif au 25 avril 2017), quand bien même M. Z a pu effectuer des « recadrages »de commerciaux qui étaient pour leur part en difficulté ;

La relation des faits par Leslie B dans le cadre de l’enquête interne lors de l’entretien du 16 mai 2017 en présence de Mme C, membre du CHSCT et de M. D, responsable RH, qui est citée dans le jugement de première instance, qui a constaté aussi que des photos de certaines

conversations sms et Lync sont annexés au document et l’attestation de Mme B corroborent les faits reprochés dans la lettre de licenciement ;

Comme l’ont retenu justement les premiers juges, les messages Lync produits et le témoignage de Mme B, cité dans le jugement, établissent les sous-entendus, notamment à caractère sexuel, de la part du directeur de 42 ans usant de sa position hiérarchique en vue d’obtenir une relation avec sa jeune subordonnée de 22 ans décrite, notamment par Mme E (cadre commercial) à laquelle cette dernière s’était confiée, comme "fragile, un peu effacée et discrète« et »ayant eu peur« et qui précise que »L ne faisait que répondre aux sollicitations (Lync), elle n’était jamais à l’origine, à l’initiative (…) L n’a donné aucun signe à X d’arriver à ses fins, mais elle ne voulait pas le vexer, elle était naïve. Il en a profité" et l’attestation extrêmement précise et circonstanciée de Mme Q R, qui confirme notamment avoir reçu Mme B en entretien à la demande de M. Z (« je ne comprenais pas pourquoi il me demandait tout ça et pourquoi elle était traitée différemment des autres »(…) Cet intérêt de suivi était non justifié compte tenu des résultats de performance [de Mme B]) est particulièrement éclairante sur le comportement de M. Z et le retentissement des faits sur sa subordonnée (par exemple : "j’avais noté un changement important chez elle. Elle s’était introverti, elle rasait les murs, elle avait maigri, ne riait plus, elle était devenue trop discrète et portait des vêtements larges (…) Elle m’a répondu : au début c’était des petits compliments ensuite c’est devenu pire et je ne savais pas comment répondre, j’étais gênée. Je lui ai demandé ce qu’il lui disait et s’il lui avait parlé de manière crue de sexe. Elle m’a répondu que oui. (…) Puis elle m’a supplié de ne rien dire car elle avait peur de lui et peur pour sa mère. Elle voulait démissionner (…) ) ;

L’intimée relève par ailleurs que tous les collaborateurs ont été entendus et que certains d’entre eux, comme M. F ou Mmes G et H, ne se sont pas prononcés sur le comportement de M. Z, ce qui contredit l’affirmation de l’appelant selon laquelle l’enquête aurait été menée à charge ou biaisé ;

Par ailleurs l’enquête « Rosny sous Bois » du CHCST sur les raisons du départ précipité de deux intérimaires dont l’appelant indique qu’ils étaient placés sous l’autorité de Mme I est un simple « projet » et sans lien avec la présente procédure ; les seuls éléments avancés par M. Z, s’ils établissent que ses relations se sont détériorées avec Mme I (mère de Mme B) ne démontrent pas que M. Z aurait été la cible d’un groupe de salariés formés contre lui ;

En conséquence, les faits reprochés sont établis, bien au-delà d’un simple « ressenti subjectif de Mme B » comme allégué par M. Z ;

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave de M. X Z est bien fondé sur des éléments objectifs et sérieux et débouté celui-ci de la totalité de ses demandes en lien avec le licenciement ;

Sur les demande au titre de circonstances brutales et vexatoires de son licenciement ;

Il a été retenu que la faute grave est établie ; dans ces conditions, la mise à pied conservatoire était justifiée ; les circonstances brutales et vexatoires invoquées par M. Z ne sont pas démontrées ;

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire formée de ce chef ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de M. Z ;

La demande formée par la société Chubb France au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 1 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. X Z à payer à la société Chubb France la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d’appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. X Z aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 28 janvier 2021, n° 19/02684