Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 16 décembre 2021, n° 18/00902
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 21e ch., 16 déc. 2021, n° 18/00902 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 18/00902 |
Sur renvoi de : | Cour de cassation, 8 novembre 2017 |
Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Thomas LE MONNYER, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties : Société CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS, Société MONSIEUR LE MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88G
21e chambre
Renvoi après cassation
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 16 DECEMBRE 2021
N° RG 18/00902 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SE4M
AFFAIRE :
Y X
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE PARIS
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mars 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS
N° Section :
N° RG : 10-00154
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe
social le 9 Janvier 2018 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2017 cassant et annulant l’arrêt rendu le 24 Mars 2016 par la cour d’appel de de PARIS
Madame Y X
née le […] à […]
[…]
[…]
représentée par Me Sylvie ASSOUNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W04
****************
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE PARIS
Direction du contentieux
[…]
[…]
représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901 substituée par Me Rachel LEFEBVRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE
[…]
[…]
non comparant, non représenté
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Octobre 2021, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Valérie AMAND, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l’affaire,
Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU
FAITS ET PROCÉDURE
Mme X, employée par la Société Editions Hubert en qualité de rédacteur graphiste a été
licenciée pour motif économique le 27 juin 2007 et a bénéficié d’allocations d’aide au retour à
l’emploi qu’elle a cumulées avec un travail de pigiste pour divers magasines à compter d’avril 2008.
Le 3 décembre 2008, elle a débuté une grossesse, le point de départ du repos prénatal étant fixé au 23
juillet 2009.
Mme X a sollicité de la caisse le versement d’indemnités journalières pendant son congé
maternité.
Par décision du 31 juillet 2009 , la caisse primaire d’assurance maladie de Paris lui a opposé un refus
aux motifs qu’elle ne remplissait pas les conditions d’ouverture des droits.
Mme X a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, puis le tribunal
des affaires de la sécurité sociale qui, par jugement en date du 30 mars 2011, l’a déboutée de son
recours.
La salariée a régulièrement interjeté appel total de ce jugement le 15 mars 2012.
Mme X a conclu à l’infirmation du jugement, a demandé que lui soit reconnu le droit aux
prestations en espèces de l’assurance maternité, et a sollicité compte tenu du préjudice moral et
financier qu’elle a subi, l’octroi d’une somme de 15 000 euros dommages et intérêts outre une
indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle faisait
principalement valoir que la caisse n’avait pas cherché, comme elle en a l’obligation, des possibilités
d’ouverture de droit à prestations en espèces sur d’autres textes que les articles R. 313-1 et R. 313-7
code de la sécurité sociale et qu’elle aurait dû examiner sa situation au regard de l’article L. 311-5 du
même code sur le fondement duquel elle remplit les droits à prestations.
La caisse primaire d’assurance maladie a conclu à la confirmation du jugement, indiquant avoir
examiné toutes les possibilités d’ouverture fournies par les textes.
Le défenseur des droits, par conclusions écrites reçues par la cour le 24 mars 2015, a estimé que la
situation dans laquelle se trouve placée Mme X lui paraissait constitutive d’une
discrimination fondée sur l’état de grossesse et d’une atteinte à ses droits en tant qu’usager du service
public, aux motifs qu’aucun but légitime permettant de justifier l’absence d’application des articles
L. 161-8 et L. 311-5 du code de la sécurité sociale aux femmes exerçant une profession discontinue,
ne ressort des éléments versés au dossier par la requérante.
Par arrêt du 24 mars 2016, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement et débouté Mme
X de ses demandes.
Statuant sur le pourvoi formé par Mme X, la Cour de cassation a, par arrêt du 9 novembre
2017, cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 mars 2016, entre les parties, par
la cour d’appel de Paris et a remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de
Versailles, aux motifs suivants :
' Vu les articles L. 311-5 et R. 311-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que toute personne percevant un revenu de remplacement au
titre de l’assurance chômage conserve la qualité d’assuré et bénéficie du maintien de ses droits aux
prestations du régime obligatoire d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès dont elle
relevait au moment de la cessation d’activité du fait de chômage lorsque, en cas de reprise d’activité,
elle ne justifie pas des conditions d’ouverture du droit à prestation fixées par l’article L. 313-1 du
code de la sécurité sociale au terme du délai prévu par le second ; que la reprise d’une activité à
temps réduit assortie du maintien du revenu de remplacement ne prive pas l’assuré du maintien de
ses droits lorsque les revenus tirés de cette activité ne sont pas suffisants pour lui ouvrir les droits
aux prestations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès ;
Attendu que pour rejeter le recours de Mme X, l’arrêt relève qu’elle a bénéficié des
dispositions de l’article L. 311-5 à compter du 27 octobre 2007, date à laquelle lui ont été versées
des indemnités de chômage ; qu’elle a repris une activité en avril 2008 et, à ce titre, été rémunérée
en qualité de pigiste ; que cette activité étant insuffisante pour justifier des conditions d’ouverture du
droit à prestations fixées à l’article L. 313-1, elle a continué à bénéficier du maintien de ses droits
pendant une période de trois mois soit jusqu’au 30 juin 2008 ; que la date présumée de début de
grossesse étant le 3 décembre 2008, Mme X ne bénéficiait plus à cette date du maintien de
ses droits prévu par ce texte ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que, tout en conservant le bénéfice de
l’allocation de retour à l’emploi, Mme X exerçait une activité réduite insuffisante à lui
ouvrir les droits aux prestations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, la cour d’appel
a violé les textes susvisés ;
Et sur les deuxième et troisième moyens :
Attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen emporte la cassation par voie de
conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, des chefs de l’arrêt rejetant
la demande de Mme X tendant à la condamnation de la caisse à lui payer une certaine
somme à titre de dommages-intérêts et la condamnant à payer un droit d’appel à hauteur de 321,80
euros.
Mme X a saisi, par acte du 9 janvier 2018, enregistré le 6 février 2018, la cour d’appel de
Versailles.
L’affaire a été appelée à l’audience rapporteur du 8 octobre 2019.
Mme X ayant sollicité que l’affaire soit examinée en audience collégiale, l’examen du
dossier a été renvoyé au 24 mars 2020, et de nouveau reporté, tenant la crise sanitaire, au 19 octobre
2021.
' Selon ses conclusions développées oralement à l’audience, Mme X demande à la cour
d’infirmer le jugement et de :
Lui reconnaître le droit au bénéfice des prestations en espèces au titre de son congé de maternité,
Condamner la Caisse primaire d’assurance maladie à lui verser les sommes de :
— 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier résultant du refus
opposé par la caisse de lui faire bénéficier de son droit à prestations en espèces ;
— 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation.
Condamner la Caisse primaire d’assurance maladie aux entiers dépens.
L’appelante reproche à la caisse de n’avoir envisagé de possibilités d’ouvertures de droit à prestations
en espèces qu’en application des articles R. 313-1 et 313-7 du code de la sécurité sociale, sans
examiner la conservation de sa qualité d’assurée au titre de l’article L. 311-5 et celles relatives au
maintien des droits, prévu par l’article L. 161-8 du même code.
Mme X soutient que ses périodes de travail comme pigiste à compter d’avril 2008, ayant
précisément été insuffisantes pour lui ouvrir de nouveaux droits aux indemnités Pôle-emploi, ne
peuvent donc être considérées comme le dernier jour travaillé avant son indemnisation et qu’un
demandeur d’emploi ayant repris une activité insuffisante pour s’ouvrir de nouveaux droits ne saurait
voir son droit réduit par rapport à la situation qui aurait été la sienne s’il n’avait pas repris un emploi à
temps partiel.
L’appelante plaide qu’une occurrence contraire reviendrait à sanctionner cette reprise d’activité par un
traitement discriminatoire. Aussi, de la combinaison des articles L. 311-5 avec les articles L. 161-8 et
R161-3 du code de la sécurité sociale découle un principe qui vise précisément à maintenir à l’assuré
qui a cessé d’être indemnisé par Pôle-emploi – donc qui n’a pas travaillé suffisamment pour s’ouvrir
de nouveau le droit à indemnisation – de continuer à bénéficier pendant un an, en qualité d’assuré,
des prestations en espèces de la CPAM.
Ces dispositions sont systématiquement occultées par la CPAM, dès que l’assurée est intermittente
du spectacle, ou effectue un emploi rémunéré à la pige, comme Mme X postérieurement à
son licenciement.
' Développant oralement les conclusions soutenues devant la Cour d’appel de Paris, le 14 janvier
2016, le conseil de la Caisse primaire d’assurance maladie de Paris demande à la cour de confirmer le
jugement entrepris.
La caisse fait valoir que même au regard des dispositions de l’article L. 311-5 du code de la sécurité
sociale, Mme X ne remplissait pas les conditions requises en soutenant que :
Mme X bénéficiait des dispositions de l’article L.311-5 à compter du 27 octobre 2007 suite
à son licenciement en sa qualité de bénéficiaire des allocations chômage.
A compter du mois d’avril 2008, l’assurée sociale a repris une activité car elle a commencé à être
rémunérée en qualité de pigiste.
Elle est donc entrée dans le cadre de la « reprise d’une activité insuffisante pour justifier des
conditions d’ouverture du droit à prestation fixées par l’article L.313-1 » et a donc bénéficié du
maintien de ses droits pendant trois mois, soit jusqu’au 30 juin 2008, date à laquelle tous les droits
qu’elle tenait de son précédent contrat de travail s’étant terminé par un licenciement se sont éteints.
Or, la date présumée de début de grossesse est fixée au 3 décembre 2008.
Par la suite, si Mme X a de nouveau été indemnisée par le Pôle Emploi, les seuls droits
auxquels elle pouvait prétendre au titre du maintien de droit résultaient de sa reprise d’activité, à
savoir des piges qu’elle avait effectuées à compter d’avril 2008 mais certainement pas
du contrat de travail qui s’est achevé en 2007 par son licenciement.
En conséquence, que ce soit à la date présumée de début de grossesse ou à la date de début du repos
prénatal, l’appelante ne pouvait prétendre au versement des indemnités journalières en application de
l’article L.311-5 car son activité n’avait pas été suffisamment rémunératrice pour lui permettre de
prétendre à l’ouverture de droits au titre des prestations en espèces.
' Régulièrement convoqué par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 juin 2020, le
Ministre chargé de la sécurité sociale n’est pas représenté et n’a pas conclu.
MOTIFS
I – Sur le bénéfice des indemnités journalières d’assurance maternité :
Dans sa décision du 2 novembre 2010, la commission de recours amiable de la Caisse primaire
d’assurance maladie de Paris a rejeté le recours formé par Mme X contre la décision en date
du 31 juillet 2009 aux termes de laquelle la caisse a refusé le paiement de son congé de maternité du
23 juillet au 11 novembre 2009 en considérant qu’en application des articles L. 313-1 et R. 313-1 du
code de la sécurité sociale, l’assurée n’avait pas cotisé sur un salaire suffisant, à la date présumée de
grossesse ou à la date du début de repos prénatal, quelles que soient les hypothèses prévues par les
textes et ce, que ce soit au regard des conditions du cas général ou de l’activité de pigiste exercée.
Les règles de droit commun régissant le versement des prestations en espèces de l’assurance
maternité sont édictées par les dispositions des articles R. 313-3 et R. 313-7 du code de la sécurité
sociale.
Aux termes de l’article R. 313-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date
de la demande des indemnités journalières litigieuses, les conditions d’ouverture du droit prévues à
l’article L. 313-1 sont appréciées en ce qui concerne les prestations en nature et en espèces de
l’assurance maternité au début du 9ème mois avant la date présumée de l’accouchement ou à la date
du début du repos prénatal.
Les indemnités journalières (IJ) constituant un revenu de remplacement mis en oeuvre dans le cadre
de la solidarité professionnelle, leur bénéfice ne résulte pas d’un droit universel auquel peut prétendre
tout salarié.
Il résulte, par ailleurs de l’article R. 313-3 du même code que pour avoir droit aux allocations
journalières de l’assurance maternité, l’assurée doit justifier à cette date de référence:
— soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et
décès assises sur les rémunérations qu’elle a perçues pendant les six mois civils précédents est au
moins égal au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 1015 fois la valeur du
salaire minimum de croissance au premier jour de la période de référence,
— soit avoir effectué au moins 200 heures de travail salarié ou assimilé au cours des trois mois civils
ou des quatre vingt dix jours précédents.
Les dispositions de l’article R. 313-3 du code de la sécurité sociale, de même que celles des articles
R. 313-2 et R. 313-3-1 à R. 313-6 relatives, respectivement, aux conditions d’ouverture des droits
aux prestations en nature de l’assurance maladie, aux prestations de l’assurance maternité, aux
prestations de l’assurance invalidité et aux prestations de l’assurance décès, sont assorties de
dispositions qui fixent les modalités d’assimilation soit aux périodes de référence, soit aux salaires de
référence mentionnés dans ces dispositions, des périodes d’interruption du travail pour cause de
maladie, de maternité, de paternité, d’invalidité, de chômage, d’incapacité temporaire pour accident
de travail ou de formation professionnelle (art.313-8 et R. 313-9 du code de la sécurité sociale).
A ces dispositions de droit commun, s’ajoutent enfin les dispositions de l’article R. 313-7 du code de
la sécurité sociale, qui fixent des conditions d’ouverture des droits propres aux 'assurés appartenant à
des professions à caractère saisonnier ou discontinu'.
Selon l’article L.161-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au jour de la
période de maternité de l’assurée, toute personne résidant en France qui cesse de remplir les
conditions pour bénéficier, en qualité d’assuré ou d’ayant droit, du régime général ou d’un régime qui
lui est rattaché, bénéficie, à compter de la date à laquelle ces conditions ne sont plus remplies, du
maintien de ses droits aux prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès pendant
des périodes qui peuvent être différentes selon qu’il s’agit de prestations en nature ou de prestations
en espèces.
Il convient de relever que la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, adoptée postérieurement à la
situation litigieuse soumise à la cour, a complété ces dispositions en précisant que les demandeurs
d’emploi bénéficiant, en application de ce texte, du maintien de leur droit aux prestations des
assurances maladies, invalidité et décès continuent d’en bénéficier lorsqu’elles reprennent une activité
insuffisante pour justifier des conditions d’ouverture du droit à ces prestations.
La durée du maintien des droits est fixée par l’article R. 161-3 du même code. Elle est de douze mois
pour ce qui concerne les prestations en espèces.
Par ailleurs, selon l’article L. 311-5, alinéas 1 et 2, du code de la sécurité sociale, toute personne
percevant des revenus de remplacement de l’assurance chômage conserve la qualité d’assuré et
bénéficie du maintien de ses droits aux prestations du régime obligatoire d’assurance maladie,
maternité et décès dont elle relevait antérieurement ou, à défaut, bénéficie des prestations en nature
des assurances maladie et maternité du régime général. Elle continue à en bénéficier, en cas de
reprise d’une activité insuffisante pour justifier des conditions d’ouverture du droit à prestation.
L’article R. 311-1 du code de la sécurité sociale précise que le délai pendant lequel un assuré qui ne
remplit pas, après sa reprise d’activité, les conditions d’ouverture du droit à prestations prévues à
l’article L. 313-1 continue à bénéficier des droits aux prestations d’assurance maladie, maternité,
invalidité et décès acquis auprès du régime obligatoire dont il relevait antérieurement, est fixé à trois
mois à compter de la date de reprise de cette activité.
La situation du chômeur en fin de droits est régie par les alinéas 3 et 4 de l’article L. 311-5 : sous
réserve de l’application de l’article L.161-8, la personne qui a épuisé ses droits aux revenus de
remplacement continue à bénéficier des prestations en nature des assurances maladie et maternité du
régime général tant qu’elle recherche un emploi à moins qu’elle ne soit dispensée d’une telle
recherche. Ce régime n’ouvre donc pas droit au versement d’indemnités journalières en cas de congé
de maternité.
Pour le salarié licencié qui est pris en charge par l’assurance chômage immédiatement après la perte
de son emploi, s’appliquent donc d’abord les dispositions des alinéas 1 et 2 de l’article L. 311-5 du
code de la sécurité sociale (pendant toute la période d’indemnisation), ensuite celles de l’article
L.161-8 (pendant douze mois) enfin celles des alinéas 3 et 4 de l’article L. 311-5 (à l’issue de cette
période de douze mois).
En définitive, en l’état de ces textes, selon l’article L. 311-5 du code de la sécurité sociale, toute
personne percevant un revenu de remplacement au titre de l’assurance chômage conserve la qualité
d’assuré et bénéficie du maintien de ses droits aux prestations du régime obligatoire d’assurance
maladie, maternité, invalidité et décès dont elle relevait au moment de la cessation d’activité du fait
de chômage lorsque, en cas de reprise d’activité, elle ne justifie pas des conditions d’ouverture du
droit à prestation fixées par l’article L. 313-1 au terme du délai prévu par l’article R. 311-1 du même
code. La reprise d’une activité à temps réduit assortie du maintien du revenu de remplacement ne
prive pas l’assuré du maintien de ses droits lorsque les revenus tirés de cette activité ne sont pas
suffisants pour lui ouvrir les droits aux prestations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès.
Par suite, et alors qu’en l’espèce il est démontré par Mme X qu’elle remplissait les
conditions d’activité et de rémunération requises pour l’ouverture de ses droits en espèces et nature au
titre de l’assurance maternité au dernier jour travaillé en 2007 précédant son indemnisation au titre de
l’allocation de retour à l’emploi et qu’il est établi que Mme X, tout en continuant à
bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi, avait repris à compter d’avril 2008 une activité à temps
partiel discontinue laquelle était complétée par l’allocation chômage, cette reprise d’activité ne
pouvait pas la priver du maintien de ses droits aux prestations du régime obligatoire d’assurance
maternité dont elle relevait au moment de la cessation d’activité du fait de chômage.
C’est donc à tort et par des motifs erronés que les premiers juges ont débouté Mme X de son
recours contre le refus de la caisse d’assurance maladie de lui servir les indemnités journalières
d’assurance maternité au motif qu’ayant repris une activité, elle ne pouvait plus prétendre au maintien
de ses droits.
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et la réclamation de l’assurée accueillie.
II – Sur la demande de dommages et intérêts :
Se prévalant tant de la décision du Défenseur des Droits, en date du 3 mars 2017, qui conclut que 'le
refus de délivrer à Mme X les prestations en espèces de l’assurance maternité porte atteinte
à un droit d’un usager du service public et consacre une discrimination indirecte fondée sur le sexe'
que de la circulaire de la Sécurité Sociale N° CIR-47/2002 ayant pour objet la « concomitance d’une
indemnisation ASSEDIC et d’une activité salariée » (pièce n°44) qui énonce que 'pour résoudre la
concomitance de statuts, il convient de comparer les deux situations et de retenir la plus favorable
pour l’assuré.
Ainsi lorsque l’activité reprise est insuffisante pour ouvrir droit aux prestations ou que l’indemnité
journalière calculée est d’un montant moins important, il convient alors d’accorder les prestations au
titre de l’article L. 311-5 du code de la sécurité sociale , dont aurait bénéficié l’assuré s’il n’avait pas
repris une activité salariée », Mme X sollicite l’indemnisation des préjudices d’ordre moral
et financier que ce refus lui a occasionnés.
La Caisse objecte que l’assurée ne justifie en aucune façon d’une faute qu’elle aurait commise à son
égard étant précisé que quelle que soit les dispositions applicables Mme X ne pouvait
prétendre au bénéfice des indemnités journalières.
Un organisme de sécurité sociale peut voir sa responsabilité engagée, sur le fondement du droit
commun (ancien article 1382, devenu 1240 du Code civil), en raison des fautes commises par ses
services dans l’attribution, le service ou la liquidation d’une prestation. L’engagement de la
responsabilité de l’organisme de sécurité sociale suppose que soit rapportée par le demandeur la
preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice, éléments que
les juges du fond doivent caractériser, peu important que cette faute soit grossière ou non et que le
préjudice soit ou non anormal.
Nonobstant le débat juridique qui existait à l’époque, les positions doctrinales, les décisions
jurisprudentielles contrastées et l’évolution législative intervenue en décembre 2012, la caisse ne
justifie pas les raisons pour lesquelles la situation de l’assurée n’a pas été examinée au visa de l’article
L. 311-5 du code de la sécurité sociale ainsi que la circulaire interne le recommandait expressément.
Cette omission, considérée discriminatoire par le Défenseur des Droits, est à tout le moins fautive.
Mme X justifie par la communication de nombreuses attestations circonstanciées,
conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, de proches, compagnon,
parent, amis, que le refus que lui a opposé la Caisse primaire d’assurance maladie a non seulement
été vécu douloureusement par l’assurée comme une injustice et a eu une répercussion sur son
équilibre psychique, mais a conduit, en outre, son couple à se faire aider financièrement par la
famille au moment où l’arrivée de l’enfant au sein du foyer familial occasionnait des frais
complémentaires.
En l’état de ces éléments justifiant d’une faute de la caisse dans l’examen de la demande formée par
l’assurée et de préjudices en lien avec cette faute, la demande d’indemnisation présentée par Mme
X sera accueillie à hauteur de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts.
III – Sur les intérêts :
Conformément aux dispositions de l’article 1153 du code civil, désormais codifiées sous l’article
1231-6 de ce code, la créance d’une somme d’argent, dont le principe et le montant résultent de la loi
ou du contrat et non de l’appréciation du juge, porte intérêt dès la sommation de payer.
La saisine de la commission de recours amiable vaut mise en demeure. La créance d’ indemnités
journalières au titre de l’assurance maternité produit des intérêts à compter de cette date.
En revanche, les intérêts moratoires sur la créance indemnitaire prennent effet à compter du
prononcé de la présente décision.
La capitalisation de ces intérêts est de droit dès lors qu’elle est demandée en justice.
L’équité commande par ailleurs de faire application des dispositions de l’article de l’article 700 du
code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, sans dépens,
Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 novembre 2017,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
Dit que Mme X est fondée à bénéficier des prestations en espèces au titre de son congé de
maternité,
Renvoie Mme X devant la caisse pour la liquidation de ses droits lesquels produisent
intérêts au taux légal à compter de la date de saisine de la commission de recours amiable,
Condamne la Caisse primaire d’assurance maladie de Paris à lui verser les sommes de :
— 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier, avec intérêts au taux
légal à compter de la présente décision,
— 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne la capitalisation des intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année
entière.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier,
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,
Textes cités dans la décision