Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 19 janvier 2022, n° 19/01704

  • Sociétés·
  • Licenciement·
  • Afrique francophone·
  • Employeur·
  • Salarié·
  • Contrat de travail·
  • Maghreb·
  • Maroc·
  • Code de conduite·
  • Rupture

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 19 janv. 2022, n° 19/01704
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/01704
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 12 février 2019, N° F15/00017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 00A

17e chambre

ARRÊT N°


CONTRADICTOIRE


DU 19 JANVIER 2022


N° RG 19/01704


N° Portalis DBV3-V-B7D-TDIA


AFFAIRE :

G X


C/

SAS NOVARTIS PHARMA



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 février 2019 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de NANTERRE


Section : E


N° RG : F 15/00017


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Oriane DONTOT

Me Cyril GAILLARD

Me Christophe DEBRAY


Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX,


La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur G X

né le […] à VICHY

de nationalité française

[…]

[…]

[…]


Représentant : Me Susana LOPES DOS SANTOS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0318 et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et

APPELANT

****************

SAS NOVARTIS PHARMA


N° SIRET : 410 349 070

[…]

[…]


Représentant : Me Cyril GAILLARD de la SAS BREDIN PRAT, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T12 substitué à l’audience par Me Geoffrey GURY, avocat au barreau de Paris

SAS LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE venant aux droits de la SAS NOVARTIS VACCINES AND DIAGNOSTICS


N° SIRET : 642 041 362

[…]

[…]


Représentant : Me Adeline LAVARON de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081 -, substitué à l’audience par Me Marine BARAQUE, avocat au barreau de Paris et par Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

INTIMÉES

**************** Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 novembre 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller


Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK


Par jugement du 13 février 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a :


- débouté M. G X de l’intégralité de ses demandes,


- débouté la société Novartis Pharma et la société Laboratoire Glaxosmithkline venant aux droits de la société Novartis et Diagnostics de leurs demandes reconventionnelles formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné M. X aux éventuels dépens.


Par déclaration adressée au greffe le 29 mars 2019, M. X a interjeté appel de ce jugement.


Une ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2021.


Par dernières conclusions remises au greffe le 24 septembre 2021, M. X demande à la cour de :


- le recevoir en son appel, et en ses fins et prétentions et les dire bien fondées,


- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles des sociétés Novartis Pharma et Laboratoire Glaxosmithkline au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

à titre principal,

sur la qualité d’employeur de la société Novartis Pharma,


- constater qu’à compter du 1er novembre 2013, il a exécuté une mission de directeur général de l’Afrique de l’Ouest Francophone pour le bureau de liaison ivoirien de la division Novartis Pharma en tant qu’expatrié de la société Novartis Pharma, son employeur français,


- dire que la société Novartis Pharma était son seul et unique employeur à la date de la rupture de son contrat de travail,

sur la rupture du contrat de travail par la société Novartis Pharma, vu l’article 1199 du code civil,


- constater que le licenciement qui lui a été notifié par Novartis Vaccines & Diagnostics le 9 octobre 2014 n’a aucune existence juridique et n’a pu avoir pour effet de mettre fin à la relation de travail entre lui et la société Novartis Pharma qui était l’employeur,


Vu l’article L. 1232-1 du code du travail,


- constater que la société Novartis Pharma a mis fin, de fait, à son contrat de travail mais sans respecter la procédure légale de licenciement de sorte que le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,


- subsidiairement, à supposer que par extraordinaire la cour estime qu’il n’y a pas eu de rupture de fait du contrat de travail par la société Novartis Pharma France, son employeur, mais que le licenciement prononcé le 9 octobre 2014 par une autre entité du groupe Novartis (en l’espèce Novartis Vaccines & Diagnostics aux droits de laquelle vient la société Laboratoire Glaxosmithkline) doive cependant produire effet, dire que le licenciement notifié le 9 octobre 2014 est alors nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

sur les condamnations à l’encontre de la société Novartis Pharma,

vu l’article 33 de la convention collective des industries chimiques,


- condamner la société Novartis Pharma à lui verser à titre principal, 46 263,89 euros nets à titre de rappel sur l’indemnité de licenciement ou, subsidiairement, 33 247,15 euros nets, à ce titre,


- condamner la société Novartis Pharma à lui payer :

. 596 953 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et financier postérieurs à la rupture du contrat de travail,

à titre subsidiaire,

s’il était considéré que la société Novartis Vaccines and Diagnostics était son employeur et qu’elle lui a valablement notifié son licenciement le 9 octobre 2014,


- dire que le licenciement notifié le 9 octobre 2014 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


- dire en outre que la société Novartis Vaccines & Diagnostics a manqué à ses obligations et lui a occasionné des préjudices postérieurement à la rupture de son contrat de travail,


- condamner en conséquence la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis Vaccines and Diagnostics, à lui payer :

. 596 953 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et financier postérieurs à la rupture du contrat de travail,

demandes annexes,

à titre principal,
- ordonner à la société Novartis Pharma de lui remettre un certificat de travail mentionnant que l’employeur est la société Novartis Pharma France et que le dernier poste qu’il a occupé a été celui de directeur général Afrique Francophone ainsi qu’une attestation Pôle emploi conforme mentionnant comme employeur la société Novartis Pharma et que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

subsidiairement,


- ordonner la remise par la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis Vaccines and Diagnostics, d’un certificat de travail mentionnant que le dernier poste qu’il a occupé a été celui de Directeur général Afrique francophone et d’une attestation Pôle emploi conforme à l’arrêt mentionnant que le licenciement est dépourvu cause réelle et sérieuse,


- assortir les condamnations indemnitaires des intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’arrêt,


- prononcer la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1342-3 du code civil, la première demande ayant été formulée dans la saisine prud’homale,


- condamner la société Novartis Pharma ou subsidiairement, la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis Vaccines and Diagnostics, à lui payer à la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- rejeter la demande de la société Novartis Pharma de condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la demande de condamnation aux entiers dépens,


- rejeter la demande de la société Laboratoire Glaxosmithkline de condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamnation aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,


- condamner la société Novartis Pharma et la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis Vaccines and Diagnostics, aux dépens de l’instance d’appel qui pourront être directement recouvrés par le SELARL JRF Avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.


Par dernières conclusions remises au greffe le 10 janvier 2020, la société Novartis Pharma demande à la cour de :

à titre principal,


- constater qu’elle n’est pas l’employeur de M. X,


- dire que les demandes de M. X sont irrecevables à son encontre,

en conséquence,


- prononcer sa mise hors de cause,


- débouter M. X de l’intégralité de ses demandes à son encontre,

à titre subsidiaire,


- constater qu’elle est le co-employeur de M. X aux côtés de la société Novartis Vaccines and
Diagnostics et ne l’a été que pendant une période très limitée (à peine plus d’un an),


- constater que les demandes de M. X sont largement disproportionnées,

en conséquence, dans l’hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à l’égard des intimées,


- réduire les demandes indemnitaires de M. X à de plus justes proportions,


- procéder à la répartition de l’obligation solidaire entre elle et Novartis Vaccines and Diagnostics en tenant compte de l’ancienneté très limitée de M. X en son sein,

en tout état de cause,


- rejeter la capitalisation des intérêts,


- condamner M. X à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamner M. X aux entiers dépens.


Par dernières conclusions remises au greffe le 9 septembre 2019, la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis Vaccines and Diagnostics, demande à la cour de :

s’il était considéré que la société Novartis Vaccines and Diagnostics était l’employeur de

M. X et qu’elle lui avait valablement notifié son licenciement le 9 octobre 2014,


- confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 13 février 2019,

en conséquence,


- constater que le licenciement de M. X repose sur une cause réelle et sérieuse,


- constater l’absence de préjudice distinct de M. X postérieurement à la rupture de son contrat de travail,


- débouter M. X de l’ensemble de ses demandes,


- condamner M. X aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,


- condamner M. X à verser à la société Laboratoire Glaxosmithkline la somme de

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA COUR,

M. G X a été engagé par la société Novartis Santé Familiale à partir du 1er septembre 2001.
Jusqu’au 31 octobre 2009, il a exercé diverses fonctions de direction en Afrique francophone.


Le 28 septembre 2009 une convention tripartite a été passée entre la société Novartis Santé familiale, la société Novartis Vaccines and Diagnostics et M. X, aux termes de laquelle le salarié et la société Novartis Santé Familiale mettaient fin au contrat de travail les liant à partir du 31 octobre 2009 et le salarié et la société Novartis Vaccines and Diagnostics concluaient un contrat de travail à partir du 1er novembre 2009 qui prévoyait que M. X exercerait les fonctions de responsable Région Maghreb au sein de la société Novartis Vaccines and Diagnostics et que son détachement au Maroc serait prolongé pour une durée de 3 ans, soit jusqu’au 30 octobre 2012. Cette convention n’est pas signée par M. X.


Le 1er novembre 2009, M. X et la société Novartis Vaccines and Diagnostics ont signé un contrat de travail prévoyant l’engagement du salarié comme responsable région Maghreb à partir du 1er novembre 2009.


En exécution d’un document dénommé « Long term international assignment » (LTIA), signé le 6 octobre 2009 M. X a été « détaché » au sein de la société Novartis Pharma Maroc au poste de directeur de la division Vaccins du pôle Maghreb jusqu’au 31 octobre 2012.


A partir du 1er novembre 2012, M. X a exercé les fonctions de directeur Specialty & Primary Care pour le Maghreb au sein de la société Novartis Pharma Maroc, en restant rattaché à la société Novartis Vaccines & Diagnostics.


Le 5 février 2014, le service mobilité du groupe Novartis a transmis à M. X un exemplaire de LTIA confirmant sa nomination en qualité de directeur du groupe de Pays Afrique Occidentale Française à compter du 1er août 2014 et indiquant qu’il resterait l’employé de Novartis Pharma.


Le 16 juillet 2014, un avertissement a été notifié à M. X le sanctionnant pour avoir, au cours d’une conférence téléphonique qui s’était tenue le 26 juin 2014, refusé, malgré la demande insistante d’un interlocuteur non francophone, de mener la discussion en anglais et pour avoir eu un comportement inadapté à l’égard du RH qui lui demandait des explications.


Par lettre du 17 septembre 2014, M. X a été informé que sa LTIA ne serait pas renouvelée au-delà du 31 octobre 2014 et que son contrat avec Novartis Vaccines & diagnostics serait réactivé en conséquence.


Par lettre du 22 septembre 2014, émanant de la société Novartis Vaccines and Diagnostics,

M. X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 6 octobre 2014.


Il a été licencié par lettre du 9 octobre 2014, émanant encore de la société Novartis Vaccines and Diagnostics, dans les termes suivants :

« (')

Le Code de conduite de Novartis reflète les engagements que Novartis prend en tant qu’entreprise citoyenne responsable pour répondre aux attentes des parties prenantes concernées par ses activités et contient les principes fondamentaux qui gouvernent la conduit éthique de ses affaires. Le groupe Novartis pense en effet que la manière dont il obtient ses résultats commerciaux revêt autant d’importance que les résultats eux-mêmes.

Le Code de Conduit de Novartis fait partie intégrante des conditions d’embauche de tous les collaborateurs du groupe Novartis. Il y est clairement stipulé que « nous traitons nos collaborateurs de manière équitable et respectueuse ».

Novartis exige une stricte observation du Code de Conduite de la part de l’ensemble des salariés, et plus particulièrement des managers exerçant des responsabilités hiérarchiques. Une parfaite exemplarité de leur part est attendue.

Or, il est apparu que vous ne respectiez pas ces valeurs et que vous adoptiez un style de management inadapté et contraire au code de conduite de Novartis.

Lors de la réunion interne « S&OP » se déroulant le 26 juin 2014, vous avez en effet imposé que la langue utilisée soit le français et refusé d’adopter une langue de travail commune, à savoir l’anglais, alors que l’un des participants, Gosai Chilwa (Responsable supply chain ' Cluster Afrique) ne parlait pas français et avait très clairement manifesté son désaccord. Ainsi, vous l’avez volontairement privé de toute interaction possible et exclu du travail d’équipe alors que ce dernier avait préparé une intervention et devait activement participer à la réunion.

De plus, vous avez démontré à son égard une attitude humiliante et un mépris total lorsque vous avez indiqué en présence de collaborateurs qu’il s’était plaint à l’issue de la réunion « auprès de son père », en désignant un membre de la Direction.

Cet incident vous a valu de recevoir un avertissement écrit le 16 juillet 2014 sanctionnant une attitude inacceptable qui ternissait l’image du cluster Afrique et dégradait l’esprit d’équipe.

Cet incident a également donné lieu au déclenchement d’une enquête interne menée par le BPO (Business Practices Office).

Or, il ressort de cette enquête que l’incident du 26 juin 2014 n’était pas un événement isolé. En effet, le rapport rédigé à la suite de cette investigation interne indique que vous avez mis en place un « management par la terreur ».

Il a notamment été porté à l’attention de la personne chargée de cette enquête interne que certains collaborateurs redoutaient d’assister aux réunions auxquelles vous participiez également au motif que vous adoptiez un mode de communication agressif et une attitude supérieure et humiliante, de sorte que vos collaborateurs se sentaient dévalorisés.

Votre style de communication très agressif s’est d’ailleurs à nouveau manifesté au cours d’une réunion le 12 septembre 2014 au cours de laquelle vous avez déclaré « C’est Kamal qui a la vision, tout le monde doit suivre. Ici, c’est comme dans le gouvernement Hollande: un ministre, ça ferme sa gueule ou sa démissionne. »

En outre, le non-respect de votre part des valeurs du Code de conduite Novartis ne se manifeste pas seulement à l’égard de vos collaborateurs mais aussi à l’égard de votre Direction.

A titre d’exemple, vous avez remis en cause l’intégrité du groupe Norvatis en faisant parvenir un mail au département des Ressources Humaines indiquant « (') Je crois sincèrement que l’on à faire à de la mauvaise foi interne. Et ce ne sera pas la première foi dès qu’il s’agit de me rembourser mes notes de frais ou de verser mes salaires en Dirham… Je suis vraiment choqué par tant de petitesse. (…) Merci de transmettre tous ces éléments à la finance et qu’elle revienne avec son risque avéré et validé, et pas des évaluations biaisés et orienté dénué de tout fondement légal ».

En conclusion, vous n’incarnez pas une valeur forte qui se doit d’être partagé par l’ensemble du Groupe Novartis et qui est celle du respect mutuel, qui implique notamment de traiter les autres avec dignité et de créer une ambiance de travail dans laquelle les personnes se sentent appréciées. Par vos débordements comportementaux et verbaux vous mettez en péril l’image du Groupe Novartis ainsi que le climat de travail nécessaire au déroulement de la bonne marche des affaires du Groupe.

Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement »

M. X a été dispensé de l’exécution de son préavis de trois mois qui lui a été intégralement payée.


Le 7 janvier 2015, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de demander que la qualité d’unique employeur soit reconnue à la société Novartis Pharma et de contester son licenciement disciplinaire prononcé, selon lui, à tort par la société Novartis Vaccines and Diagnostics.


Dans la présente procédure, la société Laboratoire Glaxosmithkline vient aux droits de la société Novartis Vaccines and Diagnostics.

Sur la qualité d’employeur de la société Novartis Pharma :


Il n’est pas discuté qu’au sein du groupe Novartis fonctionnaient six divisions, dont la division Novartis Pharma en charge des spécialités pharmaceutiques et médicales de prescription et la division Novartis Vaccines & diagnostics en charge de la gamme vaccins et diagnostics.


Il n’est pas non plus discuté que le groupe Novartis possède un service de mobilité internationale (global I) qui gère les détachements à l’étranger de tous les salariés et leur famille et qui, à cette fin, fait le lien entre les salariés détachés ou expatriés, les sociétés du groupe Novartis dans le pays d’accueil (host company) et les sociétés du pays d’origine (home company) considéré comme l’employeur du salarié et le salarié.

M. X soutient que, même s’il n’a pas été lié par un contrat de travail écrit à la société Novartis Pharma, celle-ci en réalité était son employeur depuis le 1er novembre 2013.


Il explique que son détachement à F en qualité de directeur général de l’Afrique occidentale a été effectif au 1er novembre 2013, qu’au cours de la relation contractuelle à de nombreuses reprises son rattachement juridique à une société française et l’exécution de ses fonctions en expatriation ont eu lieu sans signature des documents nécessaires.


Il affirme que, dès le mois d’octobre 2012, il avait été convenu que la société Novartis Pharma France serait la société française d’origine à laquelle il serait rattaché juridiquement lors de sa prochaine mission au sein de la division Pharma.


Il ajoute que les clauses comprises dans le contrat LTIA du 5 février 2014 avaient déjà toutes été exécutées et qu’il ne s’agissait pas que d’un projet comme le prétend la société Novartis Pharma.


La société Novartis Pharma réplique que le contrat de travail de M. X ne lui a jamais été transféré. Elle indique qu’un salarié peut travailler pour le compte de la division Pharma sans être pour autant salarié de la société Novartis Pharma et que, d’ailleurs, M. X admet avoir été dans cette situation lors de son affectation au Maroc à partir du mois de novembre 2012 en qualité de directeur Specialty & Primary Care pour le Maghreb. Elle souligne qu’en fonction de ses intérêts M. X s’est prévalu de sa qualité de salarié de la société Novartis Vaccines & diagnostics, puis de la société Novartis Pharma. Elle fait valoir que la société Novartis Vaccines & Diagnostics s’est toujours comportée comme étant l’employeur de M. X.


Par mail du 23 octobre 2013 (pièce S n°93), Mme Y, global I manager, a indiqué à M. X que Global I avait été avisée de sa prochaine mission internationale à long terme en
Côte d’Ivoire et l’a informé qu’elle serait son contact pour cette mission. Elle lui a envoyé divers documents d’information et lui a précisé qu’en cas de difficultés il pouvait prendre contact avec sa responsable RH pays d’origine J D, dont il n’est pas discuté qu’elle était DRH de la société Novartis Pharma France.


Il est établi par les attestations concordantes de M. Z, directeur de franchise pour Novartis Pharam en Afrique de l’ouest francophone sous l’autorité de M. X, de M. A, responsable hiérarchique et fonctionnel de M. X de novembre 2013 à avril 2014, de

M. B, executive assistant sous l’autorité de M. X, et de M. C, collègue, (pièces S n°84 à 87) que M. X a pris ses fonctions de directeur général de la division Pharma pour l’Afrique de l’ouest à F le 1er novembre 2013. Cet état de faits est d’ailleurs confirmé par l’attestation de travail délivrée le 9 octobre 2014 par la société Novartis Pharma Services.


Le 5 février 2014, Mme Y a adressé à Mme D un contrat LTIA (pièce S n° 12) en lui demandant de l’imprimer en deux exemplaires sur papier à en-tête Novartis et de le faire circuler pour signature puis de communiquer deux exemplaires à M. X qu’il devrait signer. Ce contrat prévoyait la nomination de M. X par Novartis Pharma Services AG en qualité de directeur du groupe de pays Afrique Occidentale français à partir du 1er août 2014 et que pendant sa mission il resterait employé de Novartis Pharma SAS à Reuil-Malmaison.

M. X indique avoir contacté Mme Y pour avoir des explications sur la date d’effet de sa nomination au 1er août 2014 alors qu’il était en fonction depuis le 1er novembre 2013 et que celle-ci lui a répondu qu’elle avait besoin d’un délai supplémentaire sur le plan administratif pour formaliser son transfert de la division Novartis Vaccines à la division Novartis Pharma même si c’était déjà effectif dans les faits et pour que le service Novartis Mobilité International puisse « couvrir » sa famille restée au Maroc jusqu’à ce qu’elle le rejoigne au mois d’août en Côte d’Ivoire pour la prochaine rentrée scolaire.


Par mail du 11 février 2014, M. X a informé Mme Y que suite à leur dernier appel téléphonique il lui avait adressé par courrier postal deux copies signées de la lettre de mission pour procéder à leur circulation pour signature.


Force est de constater que le document signé des deux parties concernées n’est pas versé au débat et que la société Novartis Pharma prétend ne pas l’avoir signé.


Il n’en demeure pas moins que les deux parties s’étaient entendu pour que M. X soit rattaché à la société Novartis Pharma pour cette nouvelle mission, ce qui correspondait d’ailleurs à la demande que le salarié avait formulé par courriel du 4 septembre 2012 lors de sa nomination comme directeur Specialty & Primary Care pour le Maghreb au sein de la société Novartis Pharma Maroc, en faisant valoir qu’il travaillerait uniquement avec la division Pharma. (pièce S n°90).


La proposition de contrat accepté expressément par le salarié valant contrat de travail, il convient de considérer que le document litigieux signé par le salarié le 11 février 2014 a une valeur contractuelle.


Au surplus, il a été établi que M. X travaillait comme directeur général Région Afrique Francophone depuis le 1er novembre 2013 et que le 23 octobre 2013 le référent DRH qui lui a été donné était celui de la société Novartis Pharma. Egalement, il n’est pas discuté que

M. X travaillait uniquement pour la Division Pharma, ce qui est confirmé par les attestations évoquées précédemment dont celle de M. Z qui atteste que M. X a remplacé M. E à F et que celui-ci avait un contrat avec la société Novartis Pharma France.


Dès lors le contrat du 11 février 2014, qui en réalité officialisait la situation de fait existant depuis le 1er novembre 2013, doit prendre effet à partir de cette date.


Il en résulte que quand bien-même M. X recevait des bulletins de paie émis par la société Novartis Vaccines & Diagnostics et que cette société a mené la procédure de licenciement, depuis le 1er novembre 2013 son employeur était la société Novartis Pharma.


Il convient donc, infirmant le jugement, de dire que la société Novartis Pharma était l’employeur de M. X à la date du licenciement.

Sur la situation de co-employeur de la société Novartis Vaccines & Diagnostics et la condamnation in solidum :


La société Novartis Pharma expose que si, par extraordinaire, elle était considérée comme employeur, elle ne pourrait qu’être co-employeur avec la société Novartis Vaccines & Diagnostics et que la cour devrait procéder à la répartition de l’obligation in solidum entre chacune des sociétés au pro rata de la durée d’emploi effectif par chacune d’elles.


Au soutien de cette demande, la société Novartis Pharma ne soumet à la cour aucun moyen de fait ou de droit.


Il convient donc de la débouter de cette demande et de la demande subsidiaire de condamnation in solidum.

Sur la rupture et ses conséquences :

Sur la rupture :

M. X étant salarié de la société Novartis Pharma, la société Novartis Vaccines & Diagnostics ne pouvait valablement rompre le contrat de travail.


La société Novartis Pharma qui n’a pas repris le contrat de travail du salarié à la suite de l’expiration de la LTIA a rompu, de fait, le contrat de travail la liant à M. X.


Cette rupture est donc constitutive d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement :

M. X sollicite le bénéfice des dispositions de l’article 33 de la convention collective des industries pharmaceutiques avec une reprise d’ancienneté au 1er septembre 2001.


La société Novartis Pharma ne discute ni l’application de la convention collective de l’industrie pharmaceutique dont elle relève, ni la reprise d’ancienneté au 1er septembre 2001, date de la première embauche du salarié au sein du groupe Novartis.


En application de l’article 33 de la convention collective de l’industrie pharmaceutique la base de calcul de l’indemnité de licenciement est la rémunération effective totale mensuelle gagnée par le salarié licencié, pendant le mois précédant le préavis de licenciement et cette rémunération ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des 12 mois précédant le préavis de licenciement.


Pour le calcul de cette rémunération, entrent en ligne de compte, outre le salaire de base, les majorations relatives à la durée du travail, les avantages en nature, les primes de toute nature y compris les primes de rendement, les primes à la productivité et la prime d’ancienneté, lorsqu’elle est attribuée au salarié, les participations au chiffre d’affaires ou aux résulats à l’exclusion de celles relatives à l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, les gratifications diverses ayant le caractère contractuel ou de fait d’un complément de rémuénration annuelle, à l’exclusion des gratifications exceptionnelles.


A juste titre donc le salarié sollicite l’intégration dans l’assiette de calcul du bonus 2014 versée en mars 2015.


Il convient donc sur la base du calcul non utilement critiqué par la société Novartis Pharma de lui accorder un complément d’indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de

46 263,89 euros nets.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M. X qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.


Au regard de son âge au moment du licenciement, 44 ans, de son ancienneté d’environ 13 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération moyenne mensuelle de 18 580 euros qui lui était versée, de ce qu’il a bénéficié des allocations retour à l’emploi du 11 septembre au 29 novembre 2015, a retrouvé un emploi comme directeur général au sein de la société Novo Nordisk à Casablanca le 1er décembre 2015, dans le cadre d’un contrat de travail de droit marocain, avec des conditions financières beaucoup moins intéressantes, a fait l’objet d’un licenciement économique le 13 octobre 2017 et s’est trouvé sans emploi au moins jusqu’au mois d’octobre 2019, de la perte du statut d’expatrié du groupe Novartis particulièrement favorable, du contexte du licenciement alors que sa femme et ses trois enfants se trouvaient toujours au Maroc, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 200 000 euros.


En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur les dommages et intérêts en réparation des préjudices postérieurs à la rupture du contrat de travail :

M. X soutient qu’après la rupture il a subi de nombreux agissements abusifs de la part de la société Novartis Pharma.


Il établit n’avoir reçu que le 1er juillet 2015 le remboursement de 436 euros de frais à titre de remboursement de sa cotisation pour l’affiliation individuelle à la CFE pour la période du 1/12/14-21/1/15, n’avoir reçu que le 3 juillet 2015 une attestation Pôle emploi conforme, avoir rencontré des difficultés pour obtenir la confirmation du portage de sa mutuelle santé, avoir dû solliciter une décision du bureau de conciliation du 31 mars 2015 pour obtenir le paiement de son bonus 2014 et le remboursement de la note de frais relative à la location de l’appartement familial au Maroc et avoir été contraint d’être soutenu par un délégué du personnel ( mail du 16 janvier 2015) pour obtenir le quitus fiscal nécessaire à son retour en France.


Le préjudice subi sera réparé par l’allocation d’une somme de 2 000 euros.

Sur la remise des documents de rupture :
Il convient d’ordonner à la société Novartis Pharma de remettre à M. X un certificat de travail mentionnant sa qualité d’employeur, que le dernier poste occupé était celui de directeur général Afrique Francophone et une attestation Pôle emploi la désignant comme employeur et précisant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les intérêts :


Les créances salariales porteront intérêts à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compte du présent arrêt. Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :


Il est inéquitable de laisser à la charge de M. X les frais par lui exposés non compris dans les dépens à hauteur de 5 000 euros, somme qui sera mise à la charge de la société Novartis Pharma.


Les sociétés Novartis Pharma et Laboratoire Glaxosmithkline seront déboutées de leurs demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS :


Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,


INFIRME le jugement,


Statuant à nouveau,


DIT que la société Novartis Pharma était l’employeur de M. X depuis le 1er novembre 2013,


CONDAMNE la société Novartis Pharma à payer à M. X les sommes suivantes :

. 46 263,89 nets à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

. 200 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier postérieurs à la rupture du contrat de travail,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,


DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,


ORDONNE à la société Novartis Pharma de remettre à M. X un certificat de travail mentionnant sa qualité d’employeur, que le dernier poste occupé était celui de directeur général Afrique Francophone et une attestation Pôle emploi la désignant comme employeur et précisant que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


DÉBOUTE la société Novartis Pharma de sa demande tendant à être déclarée co-employeur avec la société Novartis Vaccines & Diagnostics et de sa demande subséquente de condamnation in solidum,


ORDONNE d’office le remboursement par la société Novartis Pharma, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,


DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,


CONDAMNE la société Novartis Pharma à payer à M. X la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel,


DÉBOUTE la société Novartis Pharma et la société Laboratoire Glaxosmithkline, venant aux droits de la société Novartis Vaccines & Diagnostics, de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


CONDAMNE la société Novartis Pharma aux dépens de l’instance d’appel qui pourront être directement recouvrés par le SELARL JRF Avocats, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente

[…]
Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 19 janvier 2022, n° 19/01704