Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 10 mars 2022, n° 20/05214

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 16e ch., 10 mars 2022, n° 20/05214
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/05214
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES


Code nac : 53A

16e chambre

ARRET N°


CONTRADICTOIRE


DU 10 MARS 2022


N° RG 20/05214 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UDZ6


AFFAIRE :

D E X


C/

S.A. BNP PARIBAS


Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juillet 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE


N° Chambre : 6


N° RG : 17/08166


Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies

délivrées le : 10.03.2022

à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Z A de l’ASSOCIATION De CHAUVERON VALLERY-RADOT LECOMTE, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


LE DIX MARS DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, après prorogation du 03 mars 2022 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur D E X

né le […] à HAI Y (VIETNAM)

de nationalité Française

[…]

[…]

Madame C X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]


Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – N° du dossier 004739 – Représentant : Me Franck LAVAIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1633

APPELANTS

****************

S.A. BNP PARIBAS


N° Siret : 662 042 449 (RCS Paris)

[…]

[…]


Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège


R e p r é s e n t a n t : M e C h r i s t o p h e F O U Q U I E R d e l ' A S S O C I A T I O N D e C H A U V E R O N VALLERY-RADOT LECOMTE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110 – N° du dossier A1710177

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :


En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Janvier 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,


Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE


Selon offres émises le 19 février 2014, reçues 1e 20 février 2014 et acceptées le 3 mars 2014, la société BNP Paribas a consenti à M. D E X et à Mme C X, son épouse, deux prêts immobiliers destinés à financer l’achat d’une maison à usage de résidence principale, à savoir :

• un prêt d’un montant de 90 000 euros, d’une durée de neuf ans, au taux d’intérêt de 2,78% l’an et au TEG affiché de 3,55% l’an,

• un prêt d’un montant de 170 000 euros, d’une durée de 18 ans, au taux d’intérêt de 3,67% l’an et au TEG affiché de 4,16% l’an.


Se prévalant de fausses déclarations et de pièces falsifiées remises par eux en vue de l’octroi de ces prêts, la société BNP Paribas a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 19 mai 2017, reçue le 29 mai 2017, notifié aux époux X l’exigibilité immédiate de leurs crédits, et les a mis en demeure de lui régler, sous quinze jours, l’intégralité des sommes dues à ce titre, à savoir la somme totale de 240 398,05 euros.


Cette mise en demeure étant restée vaine, la banque a, selon acte d’huissier délivré le 18 août 2017, fait assigner M. et Mme X devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d’obtenir le paiement des sommes dues.

Par jugement contradictoire rendu le 17 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a':

• dit sans objet la demande tendant à l’irrecevabilité des pièces communiquées par M. X et par Mme X épouse X ; débouté M. X et Mme X épouse X de toutes leurs demandes ;•

• condamné solidairement M. X et Mme X épouse X à verser à la société BNP Paribas la somme de 175 052,30 euros au titre du prêt n°30004029330006020157560, assortie des intérêts au taux de 3,67% sur la somme de 163 600,28 euros à compter du 13 juin 2017 et au taux légal sur la somme de 11 452,02 euros à compter du présent jugement ;

• condamné solidairement M. X et Mme X épouse X à verser à la société BNP Paribas la somme de 65 029,57 euros au titre du prêt n°30004029330006020l 67260, assortie des intérêts au taux de 2,78% sur la somme de 60'775,30 euros à compter du 13 juin 2017 et au taux légal sur la somme de 4 254,27 euros à compter du présent jugement ;

• dit que les intérêts échus pour une armée entière depuis la demande en justice, soit le 18 août 2017, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 18 août 2018 ;

• condamné in solidum M. X et Mme X épouse X à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; ordonné l’exécution provisoire du jugement ;•

• condamné in solidum M. X et Mme X épouse X aux dépens de l’instance, distraits an profit de Maître Z A dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ; rejeté toute autre demande.•
Le 26 octobre 2020, M. X et Mme X ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 7 décembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 janvier 2022.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 16 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. X et Mme X, appelants, demandent à la cour de :

les déclarer recevables en leur appel et les y déclarant bien fondés,•


Y faisant droit :

infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,•


En conséquence, statuant à nouveau :


A titre principal':

• dire que l’article « définition et conséquences de la défaillance » des conditions générales du prêt créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de la société BNP Paribas d’une part et de M. et Mme X d’autre part, dire que ces stipulations leurs sont inopposables,•


En conséquence,

• dire que les contrats de prêts litigieux devront se poursuivre dans les conditions contractuelles sous réserve du taux d’intérêts visé auxdits prêts,


En tant que de besoin,

• ordonner restitution aux époux X de toutes les sommes versées à la BNP Paribas, déduction faite de celles dues en exécution desdits contrats, le cas échéant après déduction des intérêts contractuels annulés, sans intérêts de retard ni pénalités,


Sur les intérêts,


A titre principal':

prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt litigieux ;•

• prononcer la substitution du taux légal au taux d’intérêt conventionnel, soit 0,04% et ordonner l’imputation des intérêts indûment perçus jusqu’à la date du 'jugement’ à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

• enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du 'jugement’ à intervenir, la société BNP Paribas de produire un nouveau tableau d’amortissement, prenant en compte la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel et cette imputation sur le capital restant dû,


A titre subsidiaire,

• prononcer la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d’intérêt légal soit 0,04% et ordonner l’imputation des intérêts indûment perçus jusqu’à la date du 'jugement’ à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû, enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la• signification du 'jugement’ à intervenir, la BNP Paribas de produire un nouveau tableau d’amortissement, prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts et cette imputation sur le capital restant dû,


A titre subsidiaire':


A titre principal':•

• dire la société BNP Paribas également responsable du préjudice qu’elle allègue et de la situation l’ayant conduite à prononcer la déchéance du terme des prêts accordés aux époux X,


En conséquence,

• 'limiter les restitutions la restitution du capital restant dû par les époux X pourrait se concevoir dans le cadre d’un partage de responsabilité, toutes pénalités ou intérêts contractuels seront supprimés dans cette hypothèse’ (sic),


A titre subsidiaire,

prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt litigieux,•

• prononcer la substitution du taux légal au taux d’intérêt conventionnel, soit 0,04% et ordonner l’imputation des intérêts indûment perçus jusqu’à la date du 'jugement’ à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû,

• enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du 'jugement’ à intervenir, la BNP Paribas de produire un nouveau décompte de sa créance prenant en compte la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel et cette imputation sur le capital restant dû,


A titre encore plus subsidiaire':

• les autoriser à reporter le remboursement de leur dette à 24 mois suivant signification du 'jugement’ à intervenir,

• dire et juger qu’en application de l’article 1244-2 du code civil, les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par la juge,


En tout hypothèse :

• condamner la société BNP Paribas à leur payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, comprenant les frais de constat, que Maître Hongre-Boyeldieu, avocat aux offres droits pourra recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société BNP Paribas, intimée, demande à la cour de :


I- Sur les griefs émis en première instance et repris en appel par M. et Mme X':

• confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 17 juillet 2020 en toutes ses dispositions,


Ce faisant,

1- Sur les demandes de la société BNB Paribas
A titre principal':

condamner solidairement M. et Mme X à lui payer les sommes suivantes :•

• 71 353,87 euros outre intérêts contractuels au taux de 2,78 % du 2 février 2021 jusqu’à parfait paiement au titre du crédit d’un montant initial de 90 000 euros,

• 197 725,05 euros outre intérêts contractuels au taux de 3,67 % du 2 février 2021 jusqu’à parfait paiement au titre du crédit d’un montant initial de 170 000 euros,

• ordonner la capitalisation des intérêts de retard sur le fondement de l’article 1154 du code civil (en sa rédaction applicable à l’époque des faits), débouter M. et Mme X en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,•


A titre subsidiaire et d’appel incident, si par extraordinaire la cour jugeait que la déchéance du terme dont elle se prévaut n’est pas opposable aux époux X,

• juger que M. et Mme X ont commis un dol lors de la souscription de leurs crédits dans ses livres en remettant sciemment de faux documents et en effectuant de fausses déclarations sur leurs situations personnelles et qu’en tout état de cause, son consentement a été vicié par erreur sur les capacités de remboursement des emprunteurs,

• annuler, par conséquent, les deux crédits souscrits le 3 mars 2014 à hauteur de 90 000 euros et de 170 000 euros par M. et Mme X dans ses livres,


Au titre des effets inhérents à une éventuelle annulation des crédits,

condamner solidairement M. et Mme X à lui payer :•

1- Au titre du crédit de 90 000 euros :

• la somme de 53 372,18 euros au titre du capital restant dû, outre intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du prêt (soit le 17 mars 2014) jusqu’à complet paiement,

• la somme de 11 728,26 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice par elle subi,

2- Au titre du crédit de 170 000 euros :

• la somme de 142 376,66 euros au titre du capital restant dû, outre intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du prêt (soit le 17 mars 2014) jusqu’à complet paiement,

• la somme de 78 627,86 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice par elle subi,

2- Sur les demandes reconventionnelles formées par M. et Mme X


A titre principal,

• débouter M. et Mme X en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions pour les motifs exposés dans le corps des présentes écritures,


A titre subsidiaire', à supposer que M. et Mme X rapportent la preuve d’une erreur affectant les TEG par elle affichés dans les deux offres de crédits immobiliers litigieuses du 3 mars 2014 avec une incidence sur le TEG au-delà du seuil de la décimale tolérée par l’article R. 313-1 du code de la consommation,


Sur la demande principale de M. et Mme X en annulation de la stipulation d’intérêts contractuels, • juger qu’en présence d’un crédit immobilier pour lequel il est invoqué une erreur ou inexactitude dans l’offre de crédit immobilier en application de l’article L.312-8 du code de la consommation, la seule sanction encourue est la déchéance facultative et, le cas échéant, partielle des intérêts contractuels en application de l’article L.312-33 du code de la consommation, débouter M. et Mme X en leur demande principale,•


Sur la demande subsidiaire de M. et Mme X en déchéance des intérêts contractuels,

• juger qu’eu égard aux griefs invoqués par M. et Mme X, il n’y a pas lieu de la déchoir des intérêts contractuels dans le cas d’espèce,


Plus subsidiairement, si la cour juge qu’il y a matière à sanction,

• ordonner une simple déchéance partielle des intérêts contractuels à hauteur d’un quantum d’intérêts forfaitaire fixé par le juge dans la décision à intervenir et en tenant compte du préjudice réellement subi et prouvé par M. et Mme X (et qui est en l’état inexistant),


A titre infiniment subsidiaire, sur la demande d’annulation de la stipulation d’intérêts contractuels et à supposer que par exceptionnel la cour juge recevable cette demande,

• juger, en pareille hypothèse, que M. et Mme X resteront débiteurs à son égard, le cas échéant, des intérêts au taux légal ; le taux légal étant alors révisable périodiquement selon les révisions que la loi lui apporte (C.Cass 21 janvier 1992 n°90-18116 et 90-18120 ; C. Cass 11 mai 2017 n° 14-27253 ; C.Cass 23 janvier 2019 n°17.20818 ; C.Cass 22 mai 2019 n°17-28858),


En tout état de cause,

• débouter M. et Mme X de leur demande de condamnation sous-astreinte ; la nature du litige ne le justifiant pas,


II- Sur les griefs et demandes émis par M. et Mme X pour la première fois devant la cour

1- Sur la demande subsidiaire de M. et Mme X tendant à voir prononcer un partage de responsabilité avec la société BNP Paribas

• débouter M. et Mme X en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions pour les motifs exposés dans le corps des présentes écritures,

2- Sur la demande infiniment subsidiaire de M. et Mme X tendant à voir reporter le remboursement de leur dette à 24 mois


A titre principal,

• débouter M. et Mme X en l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions pour les motifs exposés dans le corps des présentes écritures,


A titre subsidiaire, si la cour accorde des délais de paiement à M. et Mme X, juger, en pareille hypothèse, que :

• tout éventuel échelonnement de paiement des sommes dues ne saurait excéder une durée maximale de deux ans, conformément à l’article 1343-5 du code civil, à l’issue du délai de deux ans, l’intégralité des sommes dues au titre du prêt devront être• acquittées en capital et intérêts de retard compris ; les délais de paiement n’arrêtant aucunement le cours des intérêts,

• enfin, le non-paiement d’une quelconque des échéances du moratoire entraînera de plein droit l’exigibilité immédiate de toutes les sommes dues.


III- En tout état de cause : sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

• condamner solidairement M. et Mme X à lui payer, en complément de l’indemnité de 2 000 euros allouée en première instance, une somme supplémentaire de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Maître Z A, avocat au barreau de Paris sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 3 mars 2022, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 10 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur la déchéance du terme

M. et Mme X remettent en cause la déchéance du terme opérée par la banque. Ils font valoir, en substance :


- que la clause de déchéance du terme qui leur a été opposée est abusive au sens de l’article L.212-1 ( L.132-1 ancien) du code de la consommation, en ce qu’elle crée au profit de la banque un déséquilibre significatif dans les rapports entre les partie, dans la mesure où elle autorise cette dernière à prononcer discrétionnairement la déchéance du terme, sans informer préalablement les emprunteurs des difficultés de leur situation, et sans considération de la personne de celui qui fournit les éléments litigieux, ou qui en bénéficie,


- que s’ils ont effectivement signé le document intitulé 'synthèse déclarative et informative des emprunteurs’ sur lequel s’est appuyé le premier juge, c’est sans avoir pu en prendre connaissance, et dans l’ignorance de la portée de ce document, soumis à leur signature par un intermédiaire peu recommandable, en sorte que l’apposition de leur signature sur ce document n’emporte en aucune façon reconnaissance, par eux, de la réalité des déclarations qu’il vise,


- que la banque a activement contribué à la réunion des conditions nécessaires à la déchéance du terme, puisque son préposé, M. B, qu’elle a licencié pour faute grave en raison de ces faits, et dont elle est responsable des agissements, a accepté de prendre en compte les éléments qui lui étaient fournis par M. Y,


- que l’établissement prêteur ayant conclu les contrats de prêt en parfaite connaissance de cause, est mal fondé à solliciter l’application de la clause de déchéance du terme,


- qu’à supposer que la cour ne retienne pas que la clause litigieuse est une clause abusive, l’utilisation qu’en a fait la banque est manifestement abusive, ce qui contrevient à l’obligation d’exécuter les conventions de bonne foi, et doit être sanctionné par l’inopposabilité de la clause,


- que la déchéance du terme ne pouvait valablement être prononcée, en l’absence de mise en demeure préalable et de demande d’explication de la part de la banque.


La société BNP Paribas objecte :


- qu’elle était en droit de rendre le prêt immobilier intégralement exigible, conformément aux stipulations du contrat liant les parties, puisque les époux X, qui ne contestent pas avoir signé la synthèse déclarative et informative contenant de fausses informations, ni la fausseté des documents remis, avaient effectué des déclarations inexactes et remis de fausses pièces lors de la souscription de leurs prêts, lesquelles qui étaient déterminantes pour l’appréciation du risque du crédit,


- qu’étant tenue à des obligations légales au titre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et ignorant compte tenu des fausses déclarations effectuées l’origine des fonds utilisés pour rembourser les crédits souscrits, elle avait pour obligation, en application des dispositions d’ordre public du code monétaire et financier, de mettre un terme à la relation contractuelle,


- que contrairement à ce qui est soutenu, la clause dont elle a fait application n’est aucunement abusive, puisque visant exclusivement à sanctionner toute fausse déclaration ou remise de faux documents ayant une incidence sur l’appréciation du risque du crédit par le prêteur, qui est un élément déterminant du consentement de celui-ci à l’acte de prêt, et qu’au surplus, elle vise les 'renseignements personnels ou confidentiels inexacts’ et 'les fausses déclarations', de sorte que la possibilité pour la banque de se prévaloir de cette clause n’est pas laissée à son appréciation discrétionnaire, et qu’en conséquence, la clause litigieuse ne crée pas un déséquilibre significatif au profit de la banque,


- que les époux X, qui ont approuvé et attesté de la réalité de l’ensemble des informations figurant dans la synthèse déclarative et informative qu’ils ont dûment signée, alors qu’elle comportait de fausses informations, et qui ne contestent pas la fausseté des documents remis, et qui ont donc à tout le moins pleinement adhéré à la fraude dont la banque est victime, ne peuvent sérieusement soutenir que l’éventuelle participation d’un préposé de la banque à cette fraude serait de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties, et à rendre la clause abusive, alors qu’ils ne contestent pas avoir eux-mêmes, par leur propre comportement, participé à la fraude commise et avoir trompé la banque quant à l’exécution normale de l’opération de prêt, faussant l’appréciation par le prêteur de son risque,


- que les époux X sont mal fondés à se prévaloir de l’absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, alors que les manquements qui leur sont reprochés – les fausses déclarations et la remise de faux documents lors de sa souscription de leurs crédits – ne pouvaient pas être régularisés,


- qu’à supposer que les époux X aient été effectivement victimes d’un expert comptable indélicat qui aurait remis à la banque de faux documents, ainsi qu’ils le soutiennent, un tel argument est inopérant, dès lors que leur demande de financement repose sur de faux renseignements et des justificatifs inexacts, en sorte que la banque était en droit de mettre en oeuvre la clause de déchéance du terme, sans qu’une éventuelle faute commise par le mandataire des époux X, qui peut leur être imputée en leur qualité de mandants, fasse obstacle à sa mise en oeuvre,


- que la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme n’est pas subordonnée à la démonstration par la banque de la mauvaise foi des emprunteurs, seule étant requise la constatation, en cours d’exécution du crédit, que le dossier de financement a été établi sur la base de renseignements inexacts et de faux justificatifs de nature à fausser l’appréciation du risque du crédit par la banque.

Quant à l’existence d’une clause abusive :


Aux termes de l’article L.132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont d’ordre public :

' Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Un décret en Conseil d’Etat (…) détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. (…)

Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses. (…)


La clause litigieuse qui figure dans les deux contrats de prêt au paragraphe 'définitions et conséquences de la défaillance', est ainsi rédigée :

' L’emprunteur est réputé défaillant en cas de :

- renseignement personnel ou confidentiel inexact ayant une incidence sur l’objet du crédit ou le risque du prêteur

- fausse déclaration de sa part ayant une incidence sur l’objet du crédit ou le risque du prêteur (…).

En cas de défaillance de l’emprunteur :

- le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du solde du compte, à l’issue d’un préavis de quinze jours, après une notification faite à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception. Jusqu’à la date du règlement effectif, ce solde produit des intérêts de retard au taux du crédit lors de la résiliation ; en outre, le prêteur perçoit une indemnité de 7%, calculée sur le montant du solde rendu exigible,

- si le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du solde débiteur du compte, le taux du crédit est majoré de 3 points, jusqu’à reprise du paiement normal des règlements.'


Il est de droit ( 1ère Civ., 20 janvier 2021, pourvoi n° 18-24.297) que ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la clause qui permet au prêteur de prononcer, en l’absence même de préavis ou de défaillance dans le remboursement du prêt, la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du concours financier et que l’emprunteur conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l’application de la clause à son égard.


La clause litigieuse, telle qu’énoncée ci-dessus, limite la faculté pour la banque de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt aux hypothèses dans lesquelles l’inexactitude des renseignements personnels ou confidentiels fournis par l’emprunteur, ou la fausseté de ses déclarations, a une incidence sur l’objet du crédit ou le risque du prêteur. L’appréciation, par le prêteur, du risque qu’il prend en accordant un prêt, sur la base des informations et justificatifs fournis par l’emprunteur, notamment quant à sa situation professionnelle et patrimoniale, constitue un élément déterminant de sa décision d’octroyer ou non ce prêt, ce qui du reste est expressément indiqué dans l’offre de prêt, qui énonce que le crédit est consenti ' en considération des déclarations et informations (…) communiquées au prêteur', relatives notamment à la situation personnelle de l’emprunteur, à son projet et à sa capacité de remboursement, la clause litigieuse satisfait à la première des deux conditions exposées ci-dessus.


Par ailleurs, aucune disposition du contrat ne l’interdisant, l’emprunteur conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l’application de la clause, ainsi qu’il le fait, d’ailleurs, dans le cadre de la présente instance.


En conséquence, le moyen tiré de l’existence d’une clause abusive est écarté.

Quant à la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme :


Il est constant que M. et Mme X ont signé une 'synthèse déclarative et informative’ le 14 janvier 2014, mentionnant, notamment, que M. X était salarié, en contrat de travail à durée indéterminée, de la SARL Yuma depuis le 1er janvier 2009, et percevait à ce titre un revenu fixe de 43 466 euros.


Les époux X ont également présenté à la banque, pour valider leurs revenus et charges, leur dernier avis d’imposition sur les revenus, leurs 3 derniers bulletins de salaires, et leurs 3 derniers relevés de compte.


Or, il ressort de la réponse apportée le 25 avril 2017 par la Société Générale à une demande d’authentification que lui a adressée la société BNP Paribas le 24 avril 2017, que les relevés de compte de la Société Générale produits par les emprunteurs sont des faux ( cf 'relevés falsifiés') et il en est de même des bulletins de salaire censés être ceux de M. X, la société Yuma, interrogée par la société BNP Paribas, lui ayant indiqué par courrier du 4 mai 2017 qu’elle n’avait jamais eu de salarié au nom de M. D E X, et que le salaire mentionné sur les dits bulletins était trop élevé par rapport aux salaires réels pratiqués dans cette entreprise.


Il est ainsi matériellement établi que les renseignements et justificatifs fournis à la banque sont inexacts, et, dès lors qu’il s’agit de déclarations et informations relatives notamment à la situation personnelle de l’emprunteur et à sa capacité de remboursement, ils étaient déterminants du consentement donné par le prêteur, comme précisé aux contrats de prêt.


Si M. et Mme X soutiennent, en substance, avoir été victimes, moyennant, de surcroît, selon leur affirmation, le versement d’honoraires substantiels ( 20 000 euros), d’un 'expert-comptable vietnamien très influent dans la communauté asiatique', un nommé M. Y, qui en réalité 'montait des dossiers dans la communauté asiatique au moyen de systèmes et manoeuvres frauduleuses', et qu’ils se sont bornés, pour leur part, à 'signer là où il leur était demandé de signer par M. Y', qui opérait intégralement l’instruction du crédit en lien avec le préposé de la banque, les pièces qu’ils versent aux débats, soit :


- un extrait KBis d’une société ATF 6 Audit Tax Financial, qui exerce une activité d’expertise comptable et commissaire aux comptes, a pour président M. G H Y, et a commencé son activité le 8 juin 2016, soit plus de deux ans après la souscription des contrats de prêt en cause,


- un extrait KBis d’une société ACDN, Management de conseil et d’investissements financiers immatriculée le 19 mars 2014, qui a pour président un nommé Wuylens, et qu’aucune de ses mentions ne rattache à M. Y,


- un extrait d’un échange sur un forum ' Experatoo’ de conseil juridique gratuit, que rien là encore ne permet de rattacher à M. Y, hormis quelques références au Vietnam et à un expert comptable,


- une fiche de présentation de M. Y sur le site e-decideurs,

n’objectivent en rien la version qu’ils présentent à la cour, selon laquelle ils auraient été en réalité des victimes de cet individu, qui aurait agi à leur insu, et ce alors qu’il est établi :


- qu’ils sont bien les signataires de la synthèse déclarative et informative des emprunteurs, qu’ils ont l’un et l’autre 'lue et approuvée’ avant signature, le 14 janvier 2014,


- qu’une partie, au moins, des justificatifs produits à la banque sont des faux.


Par ailleurs, la cour observe que les époux X, qui prétendent en substance avoir tout ignoré de la remise de documents falsifiés à l’appui de leur demande de prêts, ne communiquent aucun renseignement, ni aucune pièce, concernant leur véritable situation au moment de l’octroi des prêts (et notamment aucun bulletin de paie de M. X, ni relevés de compte bancaires), et s’abstiennent d’indiquer à la cour la provenance des revenus avec lesquels ils procédaient au remboursement de leur crédit immobilier.


En toute hypothèse, à supposer, pour les besoins du raisonnement, que les époux X aient effectivement totalement ignoré l’inexactitude des informations communiquées à la banque sous leur signature, et le caractère apocryphe des justificatifs produits, cette ignorance ne fait pas obstacle à l’exercice, par la banque, de son droit de mettre en oeuvre la clause de déchéance du terme, dès lors qu’il est établi que les crédits litigieux ont été octroyés en considération d’éléments qui sont faux.


Enfin, le fait que son préposé M. B, que la banque a effectivement licencié pour faute grave selon courrier en date du 21 mars 2017, après avoir découvert que des dossiers de prêt immobilier traités par ses soins comportaient des anomalies, à savoir des falsifications des documents présentés, se soit montré, à tout le moins, négligent, en omettant de réaliser les contrôles permettant la détection de la falsification de documents, ne suffit pas, en soi, à caractériser une mauvaise foi de la banque, seul prêteur, dans la mise en oeuvre de la clause de déchéance du terme.


En dernier lieu, il résulte de ce qui précède ( cf l’arrêt 1ère Civ., 20 janvier 2021, pourvoi n° 18-24.297 cité ci-dessus) que l’envoi d’une mise en demeure préalable n’est pas, en droit, indispensable lorsque la déchéance du terme est prononcée en raison de la fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du concours financier.


Le jugement déféré, qui n’est pas utilement critiqué sur ce point par les appelants, a à bon droit retenu que, au vu des stipulations contractuelles, les parties n’avaient pas entendu subordonner le prononcé de la déchéance du terme à l’envoi préalable d’une lettre de mise en demeure, cette formalité n’étant pas conventionnellement prévue.


En conséquence, le moyen tiré de l’absence de mise en demeure est également écarté.


Les conditions lui permettant de prononcer la déchéance du terme étant réunies, et la prétendue mauvaise foi de la banque n’étant pas caractérisée, c’est à bon droit que le premier juge a considéré que la banque était bien fondée à prononcer la déchéance du terme.


Sur la responsabilité de la banque


Les époux X considèrent que la responsabilité de la banque est engagée, et sollicitent, à ce titre, à tout le moins un partage de responsabilité. Ils font valoir :


- que dès lors qu’ils n’ont falsifié aucun document, ils ne sauraient subir seuls les conséquences d’une responsabilité qui ne leur incombe pas ou qui est à tout le moins à partager';


- qu’en effet, la faute de la société BNP Paribas dans le choix ou la surveillance de son préposé est incontestable'; que la banque en a d’ailleurs tiré un avantage puisqu’elle a conclu une opération de crédit profitable';


- qu’en outre, elle est civilement responsable de son préposé, qui s’est délibérément abstenu de procéder aux vérifications et contrôles nécessaires, ce qui a permis, voire favorisé, la fraude'; que d’ailleurs, elle reconnaît sa responsabilité dans la survenance du préjudice qu’elle allègue, puisqu’elle a opté pour un licenciement pour faute grave alors que seul le licenciement pour faute lourde aurait permis l’engagement de la responsabilité civile du salarié ;


- que s’il peut se concevoir qu’ils ne 'bénéficient’ pas de la fraude litigieuse, il n’est pas davantage justifié que l’établissement bancaire, qui n’a subi aucun préjudice, et qui a participé à la fraude par son préposé qu’elle n’a même pas licencié pour faute lourde puisse pour sa part en bénéficier grâce notamment à la perception d’indemnités de résiliations contractuelles et d’intérêts moratoires prohibitifs,


- qu’il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement déféré qui a statué en envisageant seulement leur responsabilité, alors que les conséquences de l’annulation des prêts sont disproportionnées les concernant, puisqu’ils se retrouvent à indemniser la BNP Paribas pour un préjudice qu’elle a manifestement participé à constituer,


- que si la restitution du capital restant dû pourrait se concevoir dans le cadre d’un partage de responsabilités, toutes pénalités ou intérêts contractuels pourrait être supprimés dans cette hypothèse.


La banque considère qu’il n’y a pas lieu à un quelconque partage de responsabilité, et fait valoir :


- qu’il n’incombe pas au banquier dispensateur de crédit de vérifier l’authenticité des pièces communiquées par un emprunteur au soutien de sa demande de crédit’ et des déclarations qu’il certifie exacte et sincère, observation faite que l’emprunteur n’est pas censé faire de fausses déclarations et remettre de faux justificatifs,


- que les époux X ayant sciemment attesté de fausses informations sur leur patrimoine financier pour bénéficier de crédits immobiliers qu’ils ont effectivement pu obtenir, leur responsabilité est pleinement engagée, et ils ne sauraient échapper à leurs obligations en raison de l’éventuelle participation d’un préposé de la banque,


- que si elle a effectivement procédé au licenciement de M. B, le 21 mars 2017, ceci ne démontre nullement qu’elle aurait pu savoir que les crédits souscrits par les époux X en 2014 pouvaient être concernés par la fraude dont elle a été victime, que par ailleurs, quand bien même M. B aurait participé aux actes reprochés, elle n’a jamais elle-même avalisé une telle fraude, totalement contraire à ses intérêts, et enfin, que les époux X qui ont bénéficié des fruits de cette infraction pénale ne sauraient valablement opposer l’éventuelle participation d’un préposé de la banque qui en a été victime.
Ainsi qu’il l’a été indiqué ci-dessus, M. et Mme X n’apportent aucun élément objectif à l’appui de leur affirmation selon laquelle c’est à leur insu qu’ils ont transmis à la banque des déclarations inexacts et des justificatifs falsifiés.


Ils ne caractérisent pas la commission, par la banque, d’une faute dans le recrutement de son salarié, ou la surveillance de celui-ci, se bornant sur ce point à des considérations d’ordre générale, alors que précisément, la banque a reproché à son salarié de n’avoir pas réalisé les contrôles qu’il aurait dû opérer.


Observation faite que la lettre de licenciement n’identifie pas les quelques prêts pour lesquels des anomalies justifient, selon l’employeur, le licenciement de son salarié, et que ce licenciement, notifié le 21 mars 2017, est antérieur aux vérifications opérées par la banque des pièces produites à l’appui de la demande de prêts présentée par les époux X, ceux-ci n’apportent pas la démonstration qu’une faute a spécialement été commise par M. B à l’occasion de l’examen de leur demande.


Enfin, l’éventuelle participation de M. B aux faits litigieux ne saurait permettre à M. et Mme X, qui en sont les bénéficiaires, d’opposer ce fait à la banque, qui en a été victime.


Il n’y a pas lieu en conséquence de faire droit à la demande de M. et Mme X d’un partage de responsabilité.


Sur la contestation des intérêts contractuels

M. et Mme X font valoir :


- que le TEG annuel indiqué dans les différents documents contractuels n’est pas proportionnel au taux de période, et n’a pas été calculé conformément aux dispositions du code de la consommation, puisque, selon leurs calculs, le TEG aurait dû être de 3,60% pour le prêt de 90 000 euros, au lieu du taux de 3,55% affiché par la banque, et de 4,20% pour le prêt de 170 000 euros au lieu du taux de 4,16% affiché par la banque,


- que contrairement à ce qui est exigé par l’article R.313-1 du code de la consommation, la durée de la période, soit 30,41666 jours, n’est pas mentionnées dans les offres de prêt, qui mentionnent uniquement le taux mensuel, étant relevé que dans ses écritures la banque reconnaît que l’offre n’indique pas expressément que les intérêts sont calculés sur 365 jours, alors que cette information est indispensable puisque le terme ' mois’ ou ''mensuelle’ peut être un mois civil, bancaire ou normalisé,


- que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, la seule sanction applicable en cas d’irrégularité du TEG est la nullité des intérêts au taux contractuel, qui sont alors remplacés par des intérêts au taux légal depuis l’origine,


- qu’à tout le moins, la banque doit être déchue du droit aux intérêts, par application de l’article L.312-33 ancien du code de la consommation.


La banque intimée rétorque :


- que les TEG revendiqués par les époux X n’impliquent aucun écart supérieur à 0',1 %, de sorte que, quel que soit l’éventuel bien fondé de l’erreur invoquée, aucune sanction n’est encourue, en conformité avec l’article R.313-1 du code de la consommation et la jurisprudence constante de la Cour de cassation,


- qu’en toute hypothèse, en cas d’erreur dans le TEG, la seule sanction applicable est la déchéance facultative, et le cas échéant, partielle, des intérêts contractuels,
- que la durée de la période est parfaitement et expressément affichée, conformément aux exigences de la Cour de cassation, observation faite que les textes n’imposent aucunement de préciser si le mois est civil, bancaire ou normalisé';


- qu’en toute hypothèse, les textes relatifs au taux de période et à la durée de la période n’assortissent l’affichage du taux de période et/ou de la durée de la période d’aucune sanction.


En premier lieu, il est de droit que, en application de l’article R.313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, une erreur de calcul affectant le TEG inférieure à une décimale n’appelle pas de sanction.


Comme l’ont parfaitement relevé le premier juge et la banque intimée, les erreurs dont se prévalent les époux X, à les supposer établies, entraînent pour l’un et l’autre prêt une écart inférieur à une décimale. En conséquence, la contestation soutenue par les époux X est dépourvue de portée.


En vertu du même article R. 313-1, le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur.


Comme le relève la banque, les offres mentionnent, pour l’une que ' le taux effectif global est de 2,78% + 0,77% = 3,55% l’an, soit un taux mensuel de 0,30%', et pour l’autre que ' le taux effectif global est de 3,67% + 0,49% = 4,16% l’an, soit un taux mensuel de 0,35%', en sorte que la durée de la période – mensuelle- est bien expressément indiquée, et ce d’autant que s’y ajoute l’indication que le remboursement du crédit est effectué au moyen de versements mensuels de 963,89 euros. Par ailleurs, aucun texte n’exige qu’il soit ajouté à l’indication de la durée de la période – en l’occurrence mensuelle – qu’il s’agit d’un mois civil, bancaire ou normalisé.


La banque a donc satisfait aux exigences de l’article R.313-1 susvisé quant à l’indication de la durée de la période.


Les contestations soutenues par les époux X ne peuvent en conséquence prospérer.


Sur la créance de la banque et le report du paiement


En dehors de leur demande tendant à ce que soit prise en compte dans le calcul de leur dette, la nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels ou, à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts, qui sont écartées par la cour, et d’une suggestion, faite à la cour, sur le seul fondement d’un partage de responsabilité, de supprimer les pénalités ou intérêts contractuels mis à leur charge et de limiter leur condamnation au montant du capital restant dû, M. et Mme X n’articulent aucune contestation concernant le montant de leur dette tel qu’il a été retenu par le jugement déféré.


La société BNP Paribas, qui ne sollicite pas l’infirmation du jugement, ne peut prétendre obtenir la condamnation des époux X au delà de ce qui a été décidé par le premier juge, et en conséquence il n’y a pas lieu de retenir ses décomptes actualisés au 1er février 2021, qui font produire des intérêts au taux contractuels aux indemnités de résiliation, alors que le jugement déféré les a assorties des intérêts au taux légal.


Il y a donc lieu, en conséquence, à la confirmation des termes du jugement s’agissant des condamnations prononcées au titre des deux prêts litigieux, sauf pour ce qui concerne la capitalisation des intérêts, contraire aux dispositions d’ordre public du code de la consommation.

M. et Mme X sollicitent en outre, en cause d’appel, d’être autorisés à reporter le remboursement de leur dette de 24 mois, suivant la signification du 'jugement’ à intervenir, sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil, mais force est de constater qu’ils se bornent, à l’appui de leur demande, à rappeler que le débiteur malheureux est celui qui éprouve des difficultés sérieuses à s’acquitter de ses engagements immédiatement, sans ni expliciter en quoi ils seraient, en l’occurrence, des débiteurs malheureux, ni produire la moindre pièce à l’appui de leur demande de délais, qui en conséquence, ne peut qu’être rejetée. Au surplus, leur patrimoine a été enrichi du bien immobilier acquis grâce au prêt obtenu frauduleusement de la société BNP Paribas.


Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. et Mme X qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens de l’appel.


Ils devront en outre régler à la société BNP Paribas, in solidum, une somme que l’équité commande de fixer à la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles que celle-ci a exposés en cause d’appel, et seront déboutés de leur propre demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 17 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions frappées d’appel, sauf en ce qu’il a dit que les intérêts échus pour une année entière des sommes de 175 052,30 euros et de 65 029,57 euros que M. X et Mme X ont été condamnés à payer à la société BNP Paribas produiraient eux-mêmes des intérêts à compter du 18 août 2018 ;

Infirme le jugement déféré sur ce point ;


Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

Déboute M. D E X et Mme C X de toutes les demandes qu’ils ont formulées en cause d’appel ;

Condamne M. D E X et Mme C X in solidum à payer à la société BNP Paribas la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne M. D E X et Mme C X in solidum aux dépens de l’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile.


- arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Méalanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier, Le président,
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Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 10 mars 2022, n° 20/05214