Cour Administrative d'Appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 11 avril 2014, 13MA02095, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 5e ch. - formation à 3, 11 avr. 2014, n° 13MA02095
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 13MA02095
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 14 mai 2013
Identifiant Légifrance : CETATEXT000028854857

Sur les parties

Texte intégral

Vu, enregistrée, le 31 mai 2013 au greffe de la cour administrative de Marseille sous le n°13MA02095, la décision n° 352236 du 15 mai 2013 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a, saisi d’un pourvoi présenté pour l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille n° 09MA04287 en date du 23 juin 2011 et renvoyé l’affaire devant la même cour ;

Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2009 au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille sous le n°09MA04287, présentée pour l’EARL De Taxo, dont le siège social est au Lieudit Villerase, BP 48 à Saint-Cyprien (66750), par Me D… et Me A… ;

L’EARL demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n°0804917 du 16 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l’annulation de l’ordre de reversement émis à son encontre le 2 septembre 2008 par l’office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture (VINIFLHOR) ainsi que des titres de recette des 22 et 23 septembre 2008 ;

2°) d’annuler l’ordre de reversement et les titres de recette précités et, à titre subsidiaire, réformer les titres exécutoires et limiter la somme due au montant indûment perçu ;

3°) de mettre à la charge de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Elle soutient que :

 – le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où en visant tant le paragraphe 1er que le paragraphe 4 du règlement communautaire du 18 décembre 1995 il ne l’a pas mis à même de comprendre quels sont les éléments de droit qui lui ont permis de considérer que sa demande de subvention était de nature à justifier le retrait de l’avantage en résultant en application de l’article 4 dudit règlement ;

 – le jugement est également irrégulier en ce que les premiers juges ont opéré une substitution de base légale et de motifs alors que celle-ci n’a pas été demandée par FranceAgriMer ;

 – une telle substitution n’était pas possible et qu’en tout état de cause elle n’a pas été mis à même de présenter ses observations devant le Tribunal sur cette substitution ;

 – le Tribunal a commis une erreur de fait en ce qu’il a considéré à tort que les douze EARL constituaient une exploitation unique et que le dépôt des demandes de subventions par ces EARL a eu pour effet de permettre à cette exploitation unique de bénéficier d’une subvention supérieure à celle qu’elle aurait obtenue en ne déposant qu’un seul dossier de subvention ;

 – le Tribunal a en outre entaché son jugement d’erreurs de droit en considérant que les faits en cause étaient de nature à justifier le retrait de l’avantage obtenu en application de l’article 4 du règlement du 18 décembre 1995, que l’application de l’article L. 341-3 du code rural n’exigeait pas la démonstration de la division d’une exploitation initiale ;

 – que les règles nationales relatives au retrait des décisions créatrices de droit devaient être écartées en raison de l’obligation de VINIFLHOR d’exécuter son obligation de tirer toutes les conséquences de l’irrégularité au regard du droit communautaire de la subvention versée et enfin, en considérant que les dispositions de l’article 4 du règlement du 18 décembre 1995 faisaient obstacle à la réformation des décisions contestées ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 25 février 2011 au greffe de la Cour, le mémoire en défense présenté pour l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l’office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture (VINIFLHOR), par Me Alibert, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l’EARL De Taxo d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

 – le moyen tiré de l’insuffisante motivation manque en fait ;

 –  le Tribunal n’a pas opéré de substitution de base légale ;

 – l’obligation qui pèse sur le juge national d’assurer la pleine effectivité du droit communautaire commande d’interpréter l’article L. 341-3 du code rural dans l’optique téléologique d’une parfaite application de l’article 4 du règlement du 18 décembre 1995 ;

 – en l’espèce, il y a eu un montage par la création de douze EARL avec pour seul objet de permettre des versements de subventions supérieures à celles auxquelles le GFA aurait pu prétendre ;

 – l’article L. 341-3 du code rural n’exige pas une intention frauduleuse ;

 – la notion de division d’une exploitation agricole est indépendante de la chronologie et revêt davantage une signification fonctionnelle appréciée in concreto ;

 – l’appelante ne peut utilement se prévaloir de la circulaire ONIFLHOR du 22 novembre 2001 ;

 – les règles nationales en matière de retrait doivent être écartées en cas de recouvrement d’une aide indue accordée au prix d’une irrégularité préjudiciable aux budgets gérés par les communautés;

 – en l’espèce, le principe de la restitution s’applique à la totalité de l’aide perçue;

Vu, enregistré le 14 mars 2011 au greffe de la Cour, le mémoire en réplique présenté pour l’EARL De Taxo qui persiste dans ses écritures ;

Elle soutient en outre que la circulaire ONIFLHOR du 9 août 1995 et les règles de plafonnement qu’elle détermine lui sont inopposables ;

Vu, enregistré le 11 mai 2011 au greffe de la Cour, le mémoire présenté pour FranceAgriMer qui, produit après la clôture d’instruction, n’a pas donné lieu à communication en application de l’article R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu, enregistré le 12 mai 2011 au greffe de la Cour, le mémoire présenté pour l’EARL De Taxo qui, produit après la clôture d’instruction, n’a pas donné lieu à communication en application de l’article R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte qu’il a été demandé le 4 juin 2013, après le renvoi du Conseil d’Etat, aux parties de produire leurs observations ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2013, présenté pour l’EARL De Taxo, par Me D… et Me E…, qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures ;

Elle soutient en outre que :

— les titres de recette contestés méconnaissent le principe de proportionnalité dans la mesure où ils auraient dû être limités au remboursement du seul avantage indûment obtenu et que, par ailleurs ;

 – FranceAgriMer n’établit pas de façon régulière le montant de l’avantage indûment obtenu et que la circulaire du 9 août 1995 sur laquelle se fonde FranceAgriMer n’a jamais été publiée et ne lui est donc pas opposable ;

 – en conséquence, les titres litigieux doivent être purement et simplement annulés, sans que la Cour puisse user de son pouvoir de réformation dans le cadre de sa compétence de juge de pleine juridiction ;

Vu, enregistré le 16 janvier 2014 au greffe de la Cour, le mémoire en défense présenté pour l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l’office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture (VINIFLHOR), par Me Alibert, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l’EARL De Taxo d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— le moyen tiré de l’insuffisante motivation manque en fait ;

 – le Tribunal n’a pas opéré de substitution de base légale, ni soulevé le moindre moyen d’office ;

 – l’obligation qui pèse sur le juge national d’assurer la pleine effectivité du droit communautaire commande d’interpréter l’article L. 341-3 du code rural dans l’optique téléologique d’une parfaite application de l’article 4 du règlement du 18 décembre 1995 ;

 – en l’espèce, il y a eu un montage par la création de douze EARL avec pour seul objet de permettre des versements de subventions supérieures à celles auxquelles le GFA aurait pu prétendre ;

 – l’article L. 341-3 du code rural n’exige pas une intention frauduleuse ;

 – la notion de division d’une exploitation agricole est indépendante de la chronologie et revêt davantage une signification fonctionnelle appréciée in concreto ;

 – l’appelante ne peut utilement se prévaloir de la circulaire ONIFLHOR du 22 novembre 2001 ;

 – les règles nationales en matière de retrait doivent être écartées en cas de recouvrement d’une aide indue accordée au prix d’une irrégularité préjudiciable aux budgets gérés par les communautés;

 – en l’espèce, le principe de la restitution s’applique à la totalité de l’aide perçue dans la mesure où une aide communautaire directe indue au départ doit faire l’objet d’une action en restitution ou en remboursement et que ce remboursement ne repose en rien sur le fondement de la circulaire du 9 août 1995 de l’ONIFLHOR mais sur la combinaison des dispositions de l’article L. 341-3 du code rural, du règlement ( CEE) 3816/92 du Conseil du 28 décembre 1992 et du règlement ( CE) 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;

 – les résultats du contrôle de l’ACOFA, ainsi que l’instruction ultérieure ont démontré que c’est la création même des douze EARL qui procède d’une fiction contraire aux dispositions de l’article L. 341-3 du code rural et, partant, qu’aucune d’entre elles n’avait naturellement et ab initio droit à prétendre invoquer le bénéficie de la circulaire en question ;

 – il ne s’agit pas d’une hypothèse de méconnaissance des règles techniques de plafonnement contenues dans la circulaire de 1995 donc il n’est d’aucune importance pour la solution du présent litige que ladite circulaire ait été ou non publiée et en tout état de cause, l’EARL a nécessairement eu connaissance de ladite circulaire, notamment pour présenter son dossier d’aide ;

 – le total des aides perçues a représenté 47,78 % du montant cumulé (sur les 12 dossiers) des investissements et si l’on applique ce même taux au plafond des investissements subventionables, l’aide se serait établie à 291 360, 57 euros alors que 2 396 443, 82 euros ont été versés ;

Vu le courrier du 5 février 2014 adressé aux parties en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et précisant la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2 ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 février 2014, présenté pour l’EARL De Taxo, par Me D… et Me E…, qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures ;

Elle soutient en outre qu’en l’absence de chiffrage de l’avantage indûment obtenu, les titres exécutoires litigieux doivent être annulés, sans que la Cour puisse user de son pouvoir de réformation ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2014, présenté pour l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), par Me Alibert, qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu l’avis d’audience adressé le 28 février 2014, portant clôture d’instruction en application de l’article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu le règlement (CEE) n° 3816/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, prévoyant, dans le secteur des fruits et légumes, la suppression du mécanisme de compensation dans les échanges entre l’Espagne et les autres Etats membres ainsi que des mesures connexes ;

Vu le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 2005-1780 du 30 décembre 2005 relatif à certains offices d’intervention dans le secteur agricole ;

Vu le décret n° 2009-340 du 27 mars 2009 relatif à l’Agence de services et de paiement à l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer et à l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 mars 2014 :

— le rapport de Mme Ciréfice, premier conseiller ;

— les conclusions de Mme Marzoug, rapporteur public ;

— les observations de Me C… D… et Me E… du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre pour l’EARL De Taxo ;

— et les observations de Me Alibert pour l’Etablissement National FranceAgrimer ;

1. Considérant que, en application du règlement (CEE) n° 3816/92 du Conseil du 28 décembre 1992 prévoyant, dans le secteur des fruits et légumes, la suppression du mécanisme de compensation dans les échanges entre l’Espagne et les autres Etats membres, ainsi que des mesures connexes, la Communauté européenne a participé au financement de programmes d’actions nationaux en vue de la restructuration des secteurs des fruits et légumes les plus touchés par la suppression du mécanisme de compensation dans les échanges entre l’Espagne et les autres Etats membres ; que le programme français a été approuvé par la Commission européenne par une décision du 13 mars 1995 ; que les conditions de mise en oeuvre de ce programme ont été précisées par une circulaire du 9 août 1995 du directeur de l’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture (ONIFHLOR) ; que, dans le cadre de ce programme, l’ONIFHLOR a attribué à l’EARL De Taxo une subvention qui lui a été versée le 2 septembre 1998 pour la réalisation d’un projet de construction de serres destinées à la production de tomates ; qu’à la suite d’un contrôle effectué en 2000 et 2001 par l’agence centrale des organismes d’intervention dans le secteur agricole (ACOFA) sur les EARL La Fontaine, Les Acacias et Les Marronniers, l’Office National Interprofessionnel des Fruits, des légumes, des Vins et de l’Horticulture (VINIFLOR), venant aux droits de l’ONIFHLOR, a adressé le 2 septembre 2008 un ordre de reversement de cette subvention à l’EARL De Taxo au motif que la création de douze EARL, au nombre desquelles figure l’appelante, a permis de déplafonner le montant de la subvention par une division d’exploitation en méconnaissance des règles de l’article L. 341-3 du code rural, puis a émis deux titres de recettes les 22 et 23 septembre 2008 ; que, par un jugement du 16 octobre 2009, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ces trois actes ; que, par un arrêt du 23 juin 2011, la cour administrative de Marseille a annulé ledit jugement, déchargé l’EARL de l’obligation de payer mise à sa charge par l’Onifhlor le 2 septembre 2008 et annulé les titres exécutoires litigieux  ; que, par une décision en date du 15 mai 2013, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour ; que, dans le dernier état de ses conclusions d’appel, l’EARL De Taxo demande l’annulation du jugement du 16 octobre 2009 du Tribunal administratif de Montpellier, de l’ordre de reversement émis à son encontre le 2 septembre 2008 par l’office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l’horticulture (VINIFLHOR) et des titres de recette des 22 et 23 septembre 2008 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 1er du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : « 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. » ; que l’article 4 du même règlement dispose : « 1. Toute irrégularité entraîne, en règle générale, le retrait de l’avantage indûment obtenu: /- par l’obligation de verser les montants dus ou de rembourser les montants indûment perçus, /- par la perte totale ou partielle de la garantie constituée à l’appui de la demande d’un avantage octroyé ou lors de la perception d’une avance. / 2. L’application des mesures visées au paragraphe 1 est limitée au retrait de l’avantage obtenu augmenté, si cela est prévu, d’intérêts qui peuvent être déterminés de façon forfaitaire. / 3. Les actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire applicable en l’espèce, en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence, selon le cas, soit la non-obtention de l’avantage, soit son retrait. / 4. Les mesures prévues par le présent article ne sont pas considérées comme des sanctions. » ;

3. Considérant que l’EARL requérante soutient d’abord que le jugement du tribunal administratif serait, à défaut de préciser le paragraphe de l’article 4 du règlement n° 2988/98 du Conseil du 18 décembre 1995 appliqué, insuffisamment motivé ; que, toutefois, après avoir cité les alinéas 1 et 3 de l’article 4 du règlement du conseil du 18 décembre 1995, le tribunal administratif a ensuite jugé que les demandes de subvention devaient être regardées comme ayant été conçues dans le souci de réaliser une plus-value financière sans rapport direct avec l’objectif de restructuration de production visé par le dispositif communautaire ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit être écarté ;

4. Considérant que l’EARL requérante fait valoir ensuite que les premiers juges, en se fondant sur l’article 4 précité du règlement du Conseil du 18 décembre 1995, ont opéré une substitution de base légale et de motifs sans la mettre à même de présenter ses observations, méconnaissant ainsi le principe du contradictoire ;

que, toutefois, il ne ressort pas du jugement du tribunal administratif que ce dernier ait opéré ladite substitution, fut-elle de motifs ou de base légale ; qu’il résulte, par ailleurs, de l’instruction que les dispositions dudit article 4 étaient invoquées par FranceAgriMer dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, enregistré le 4 juin 2009 et communiqué à l’EARL ; que, par suite, cette dernière n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas été mise à même de présenter ses observations sur ce point ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

5. Considérant, en premier lieu, que l’EARL appelante soutient qu’elle n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits lors des opérations de contrôle menées par l’ACOFA et reprend ainsi en appel le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire par l’ACOFA ; qu’il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 341-3 du code rural, en vigueur à la date à laquelle ont été présentées les demandes de subventions : « La division d’une exploitation agricole ne peut conduire les exploitations qui en sont issues à bénéficier d’aides ou de subventions publiques supérieures à celle dont l’exploitation initiale aurait bénéficié en l’absence de division. / Cette règle s’applique quelle que soit la forme des exploitations en cause. (…)  » ; que ces dispositions, qui formalisent dans une hypothèse particulière le principe général selon lequel il appartient à l’administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d’obtenir un avantage en application de dispositions de droit public, d’y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d’un acte de droit privé, font obstacle à ce que les personnes qui sollicitent une aide publique puissent, en se prévalant d’un montage juridique destiné à donner une apparence de pluralité d’exploitations et de projets alors que les demandes d’aide se rapportent en réalité à un projet unique, obtenir un montant total de subventions supérieur à celui auquel elles auraient normalement droit pour un seul projet en application d’une règle de plafonnement ;

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que douze EARL sont rassemblées en blocs de trois exploitations au sein desquels les moyens matériels et humains sont mis en commun et la production n’est pas individualisée ; qu’elles sont construites sur un site unique, en une seule entité physique, que M. B… est actionnaire dans huit de ces entreprises et que sa femme, son fils et sa belle fille sont actionnaires majoritaires dans les quatre autres ; qu’enfin, elle vendent toute leur production de tomates à la coopérative Sud-Roussillon, dont elles détiennent chacune 1/12e du capital ; que les douze EARL, bien que juridiquement distinctes, sont donc unies par une étroite communauté d’intérêts économiques et associés pour la réalisation d’un projet unique ; que, par suite, il y a bien, en l’espèce, et contrairement à ce que soutient l’EARL requérante, une division d’exploitation agricole au sens de l’article L. 341-3 du code rural ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 341-3 du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur : « La division d’une exploitation agricole ne peut conduire les exploitations qui en sont issues à bénéficier d’aides ou de subventions publiques supérieures à celle dont l’exploitation initiale aurait bénéficié en l’absence de division. / Cette règle s’applique quelle que soit la forme des exploitations en cause. / Il peut toutefois y être dérogé lorsque la division est justifiée, d’une part, par la distance entre les fonds séparés ou l’autonomie des moyens de production desdits fonds et, d’autre part, par l’amélioration de la viabilité des exploitations ou le maintien de cette viabilité, notamment dans le cas d’une installation répondant aux conditions de l’article L. 330-1. Pour l’appréciation de la viabilité des exploitations, il n’est pas tenu compte des aides publiques plafonnées. »

9. Considérant que si les titres contestées sont fondés sur le non respect des dispositions de l’article L. 341-3 du code rural précitées, lesdites dispositions qui permettent à l’administration de sanctionner les comportements frauduleux commis en vue d’obtenir un avantage, ne font pas obstacle à l’application de la réglementation communautaire ; que les subventions obtenues en l’espèce par l’EARL requérante ont été versées en application d’un programme de restructuration des secteurs de fruits et légumes prévu par le règlement n° 3816-92 du 28 décembre 1992 du Conseil des communautés européennes ; qu’il appartient au juge administratif, lorsqu’il apprécie la légalité ou le bien fondé d’une décision intervenue dans une matière régie par le droit communautaire, d’interpréter les règles de droit national dans un sens conforme au droit communautaire, ou le cas échéant de les écarter, afin d’en assurer la pleine effectivité ; qu’il n’est pas sérieusement contesté que le fait pour les douze EARL de déposer chacune une demande de subvention a eu pour effet de leur permettre de bénéficier d’une subvention supérieure à celle qu’elles auraient obtenu en ne déposant qu’un seul dossier de subvention, en évitant le plafonnement de son montant ; que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont appliqué, et sans opérer de substitution de base légale, tant les dispositions de l’article L. 341-3 du code rural que celles de l’article 4 du règlement du Conseil du 18 décembre 1995, en particulier celles contenues dans le 3) ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que les règles de droit national, selon lesquelles les décisions pécuniaires créatrices de droit ne peuvent être retirées au delà d’un délai de quatre mois, ne peuvent faire obstacle à la pleine effectivité du droit communautaire et remettre en cause l’obligation pour Vinifhlor de tirer toutes les conséquences de l’irrégularité au regard du droit communautaire, de la subvention versée ; que, par suite, l’EARL requérante n’est pas fondée à soutenir que le titre de recette, procédant au retrait de la subvention au-delà d’un délai de quatre mois, serait pour ce motif illégal ;

11. Considérant, enfin, qu’il résulte des dispositions de l’article 4 du règlement n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, que les irrégularités ou les actes pour lesquels il est établi qu’ils ont pour but d’obtenir un avantage contraire aux objectifs du droit communautaire en créant artificiellement les conditions requises pour l’obtention de cet avantage, ont pour conséquence soit la non-obtention de l’avantage, soit son retrait ; qu’en l’espèce, FranceAgrimer se réfère au plafond de dépenses ouvrant droit à subvention par projet de serres fixé à 4 millions de francs au point 2.1 de la circulaire du directeur de l’ONIFLHOR du 9 août 1995, dont au demeurant et en tout état de cause la requérante a nécessairement eu connaissance en remplissant sa demande, et soutient sans être contesté que les douze EARL ont perçu des subventions d’un montant cumulé de 13 695 622 francs ;que, par ailleurs, il est constant que la part nationale comme communautaire de la subvention litigieuse a été versée en application d’un programme de restructuration des secteurs des fruits et légumes prévu par le règlement 3816/92 du 28 décembre 1992 du Conseil des communautés européennes ; que la subvention litigieuse entre donc, en son intégralité, dans le champ des dispositions de l’article 4 précité, lequel prévoit uniquement le retrait de l’avantage indu ; que par suite, les conclusions à fin de réformation des titres contestés, afin que ne soit rappelée le cas échéant que la part communautaire et indue de la subvention, doivent être rejetées ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’EARL requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que FranceAgrimer, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à l’EARL De Taxo quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’EARL De Taxo une somme de 500 euros au titre des frais exposés par FranceAgrimer et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de l’EARL De Taxo est rejetée.

Article 2 : L’EARL De Taxo versera à l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer une somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’EARL De Taxo et à l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgrimer).

Délibéré après l’audience du 21 mars 2014, où siégeaient :

— M. Bocquet, président de chambre,

 – Mme Ciréfice, premier conseiller,

 – Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2014.

Le rapporteur,
Mme CIREFICELe président,

P. BOCQUETLe greffier,

P. RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 13MA02095

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Cour Administrative d'Appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 11 avril 2014, 13MA02095, Inédit au recueil Lebon