CAA de MARSEILLE, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 19MA05279, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 3e ch., 30 déc. 2021, n° 19MA05279
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA05279
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 1er octobre 2019, N° 1808889
Identifiant Légifrance : CETATEXT000044826632

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des contributions exceptionnelles sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1808889 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2019, M. B…, représentée par la Selarl Louit – Dutel et Associés agissant par Me Dutel, puis par Me Darbier, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du 2 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l’instance.

Il soutient que :

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

— il a été privé d’un débat oral et contradictoire avec le vérificateur en violation des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales et de la charte du contribuable vérifié ;

 – la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires aurait dû être saisie, dès lors qu’elle était compétente s’agissant à tout le moins de la contestation de la somme de 30 000 euros réintégrée dans ses revenus imposables au titre de l’année 2011 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

— c’est à tort que l’administration a imposé entre ses mains, sur le fondement du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts, les rehaussements de bénéfices résultant des vérifications de comptabilité dont ont fait l’objet les sociétés à responsabilité limitée (SARL) Laëtitia et Michel, ces rehaussements de bénéfices n’étant pas fondés ;

 – c’est à tort que l’administration a réintégré, dans ses revenus imposables au titre des années litigieuses, les sommes inscrites au crédit des comptes courants d’associé qu’il détient au sein des SARL Laëtitia et Michel, dès lors que, d’une part, la substitution de base légale opérée par les premiers juges renonçant à l’application du a. de l’article 111 du code général des impôts au profit du 2° de l’article 109-1 du même code l’a privé d’une garantie et, d’autre part, il n’a pas eu la disposition de ces sommes au sens de l’article 156 de ce code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2020, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. B….

Il fait valoir que les moyens invoqués par l’appelant ne sont pas fondés.

Par courrier du 16 novembre 2021, des pièces complémentaires ont été demandées au ministre de l’économie, des finances et de la relance pour compléter l’instruction, en application de l’article R. 613-1-1 du code de justice administrative. Ces pièces réceptionnées le même jour ont été communiquées le 17 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Bernabeu,

 – les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

 – et les observations de Me Darbier, représentant M. B…,

Considérant ce qui suit :

1. M. B…, qui est gérant et associé des sociétés à responsabilité limitée (SARL) Laëtitia et Michel, a fait l’objet d’un examen de sa situation fiscale personnelle à l’issue duquel l’administration fiscale l’a assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010, 2011 et 2012 et à des contributions exceptionnelles sur les hauts revenus au titre des années 2011 et 2012. M. B… relève appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

I. Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. En premier lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l’examen de la situation fiscale personnelle d’un contribuable au regard de l’impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d’adresser la proposition de rectification qui, selon l’article L. 48 de ce livre, marquera l’achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire – qui ne doit pas nécessairement être engagé sous forme orale – avec le contribuable sur les points qu’il envisage de retenir. A cet égard, l’administration n’est pas tenue, au cours de l’examen de la situation fiscale personnelle du contribuable, d’engager un débat contradictoire avec l’intéressé à propos de l’ensemble des éléments qu’elle a rassemblés sur les redressements qu’elle envisage de retenir. En outre, dans sa version applicable au litige, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l’administration par l’article L. 10 du même livre prévoit que, dans le cadre de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le dialogue joue un rôle très important tout au long de la procédure.

3. D’une part, M. B… ne saurait utilement se prévaloir du moyen tiré du défaut de débat contradictoire avec le vérificateur à l’encontre des rectifications relatives à l’année 2010 dès lors qu’elles procèdent d’une procédure de taxation d’office sur le fondement des dispositions du 1° de l’article L. 66 et de l’article L. 67 du livre des procédures fiscales, sa déclaration de revenus n’ayant été déposée que tardivement. D’autre part, s’agissant des autres rectifications, il résulte de l’instruction, notamment de la proposition de rectification du 16 décembre 2013, que le vérificateur et M. B… se sont rencontrés à trois reprises dans les locaux de l’administration les 16 septembre, 4 octobre et 15 novembre 2013. Le requérant, qui se borne à se référer aux observations portées sur cette proposition de rectification figurant à côté de la date de chaque entretien, n’établit pas que le vérificateur se serait refusé à tout dialogue contradictoire lors de ces rencontres sur l’ensemble des points qu’il envisageait de retenir, en particulier les rectifications découlant du rattachement à son revenu global des revenus regardés comme distribués au titre du 1°) de l’article 109-1 du code général des impôts, à la suite des vérifications de comptabilité des SARL Laëtitia et Michel, d’une part et celles afférentes à la réintégration dans ses bases imposables de sommes inscrites en comptes courants d’associé ouverts au sein de ces sociétés au titre des années 2010 et 2012, d’autre part. Par suite, M. B… n’est pas fondé à soutenir qu’il a été privé de la garantie relative à l’existence d’un débat contradictoire avec le vérificateur, attachée à la procédure d’examen de la situation fiscale personnelle en vertu des dispositions précitées des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l’administration par l’article L. 10 du livre des procédures fiscales.

4. En second lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 59 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d’imposition en litige : « Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l’administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l’avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires prévue à l’article 1651 H du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l’article 667 du même code. / Les commissions peuvent également être saisies à l’initiative de l’administration. ». Il résulte de ces dispositions que la commission dont s’agit ne peut être saisie, à la demande du contribuable, que dans l’hypothèse où l’administration a mis en œuvre la procédure de rectification contradictoire, qui est le seul cas dans lequel elle notifie des rectifications susceptibles de donner lieu à la persistance d’un désaccord avec le contribuable.

5. D’autre part, aux termes de l’article L. 73 du livre des procédures fiscales : "'Peuvent être évalués d’office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d’entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d’exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l’article 53 A du code général des impôts n’a pas été déposée dans le délai légal ; / (…) Les dispositions de l’article L. 68 sont applicables dans les cas d’évaluation d’office prévus aux 1o et 2o « . Aux termes de l’article L. 68 de ce livre, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 : » La procédure de taxation d’office prévue aux 2° et 5° de l’article L. 66 n’est applicable que si le contribuable n’a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d’une mise en demeure. / Toutefois, il n’y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (…) / 3° Si le contribuable ne s’est pas fait connaître d’un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s’il s’est livré à une activité illicite ; (…) ".

6. M. B… soutient que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires aurait dû être saisie, s’agissant de l’imposition d’une commission versée par la société Alpilles investissements d’un montant de 24 000 euros dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l’année 2011. Toutefois, et d’une part, il résulte des termes de la proposition de rectification du 16 décembre 2013 que ces bénéfices industriels et commerciaux ont été évalués d’office par l’administration fiscale, sur le fondement de l’application combinée des dispositions des articles L. 66, L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales, en l’absence de dépôt d’une déclaration de résultat et dès lors que M. B… ne s’est pas fait connaître, pour son activité d’apporteur d’affaires, d’un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. En outre, contrairement à ce que soutient M. B…, les dispositions du 3° de l’article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans leur version issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 n’étaient pas applicables dès lors qu’il résulte du II du B de l’article 50 de la loi précitée que la nouvelle rédaction ne s’appliquait qu’aux avis d’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle adressés à compter du 8 décembre 2013, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, l’avis étant daté du 23 juillet 2013 et ayant été réceptionné par le contribuable le 27 juillet suivant. Ainsi, et dès lors que les bénéfices industriels et commerciaux de M. B… ont été régulièrement évalués d’office, ce dernier n’est pas fondé à soutenir qu’il aurait été irrégulièrement privé de l’une des garanties d’une procédure contradictoire, à savoir la faculté de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.

II. Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus réputés distribués sur le fondement du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts :

7. Aux termes de l’article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (…) ".

8. En l’espèce, l’administration fiscale a imposé dans la catégorie des revenus mobiliers des sommes réputées distribuées entre les mains de M. B… à la suite de la vérification de comptabilité des sociétés Laëtitia et Michel, dont le requérant est associé et gérant, sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts.

9. En ce qui concerne les revenus distribués au titre de l’année 2010, M. B…, qui a fait l’objet d’une procédure de taxation d’office, ainsi qu’il a été dit précédemment, supporte la charge de la preuve de l’exagération des impositions en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales. En ce qui concerne les revenus distribués au titre des années 2011 et 2012, notifiés suivant la procédure contradictoire de redressement, dès lors que M. B… a contesté dans les délais requis les rectifications concernées, il incombe à l’administration, en application des dispositions de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d’apporter la preuve, d’une part, de l’existence et du montant des revenus distribués et, d’autre part, de leur appréhension par ces derniers.

S’agissant des revenus distribués résultant de la vérification de comptabilité de la SARL Laëtitia :

Quant à l’existence et au montant des revenus distribués :

10. En premier lieu, M. B…, qui ne conteste pas le rejet de comptabilité opposé par l’administration lors des opérations de vérification, soutient que la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires de la SARL Laëtitia, qui a conduit à une exagération des bases d’imposition, est radicalement viciée ou, à tout le moins, excessivement sommaire.

11. Il résulte de l’instruction que, pour reconstituer les recettes de la SARL Laëtitia au titre des exercices clos les 30 juin 2010, 2011 et 2012 ainsi que pour la période du 1er juillet 2009 au 30 avril 2013, l’administration s’est fondée sur les documents qu’elle a obtenus de l’autorité judiciaire dans le cadre de l’exercice de son droit de communication et notamment de cahiers manuscrits faisant état de recettes toutes charges comprises inscrites quotidiennement et totalisées en fin de mois, du mois de juillet 2009 au mois de novembre 2012. Ces cahiers, dont M. B… a reconnu avoir été le rédacteur lors de l’entretien qui s’est déroulé dans les locaux de l’administration fiscale le 6 décembre 2013, comportaient également des graphiques portant sur l’évolution du chiffre d’affaires de l’entreprise à l’année et diverses annotations concernant des évènements organisés au cours de la période vérifiée par l’établissement exploité par la SARL. L’administration a retenu, pour reconstituer les recettes de cette société sur les exercices et période litigieux, les montants qui y étaient mentionnés en considérant que ces cahiers devaient être regardés comme une comptabilité occulte.

12. M. B… soutient d’abord que la méthode de reconstitution des recettes de la société Laëtitia ne pouvait reposer sur les mentions figurant sur les cahiers saisis par l’autorité judiciaire, au motif que le procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a, par ordonnance du 24 septembre 2019, classé sans suite une plainte portant sur des « faits d’abus de biens sociaux, abus de crédit et abus de pouvoir ». Cependant, il résulte de l’avis de classement sans suite, produit à l’instance, que les faits classés ne concernent pas des faits imputables à la société mais à son gérant, sans que ces derniers ne soient d’ailleurs explicités. Ainsi, ce classement sans suite est sans incidence sur la prise en compte par l’administration des cahiers manuscrits établis par M. B… et regardés comme une comptabilité occulte de la société Laëtitia. L’intéressé soutient ensuite, comme en première instance, que les cahiers ainsi exploités par l’administration comportent des mentions erronées dès lors que, d’une part, les montants de recettes qui y sont mentionnés étaient « doublés » voire « triplés » et, d’autre part, ces derniers n’étaient rédigés que pour constituer un alibi auprès de son ex-compagne avec laquelle il entretenait des relations conflictuelles. Toutefois, il produit en appel les mêmes pièces que celles versées en première instance, dont une attestation d’un salarié de la société, une attestation d’un salarié d’un établissement voisin de la brasserie, trois attestations de clients de la brasserie, les attestations de l’ex-compagne du gérant, d’une personne se présentant comme « sa maîtresse » et du père de cette dernière, des quittances de loyer datées des 13 février 2010 et 28 février 2009 et un contrat de bail du 19 février 2011 ainsi que des reçus de location de matériel de sport datés des mois de février 2009, ces pièces n’étant pas suffisamment probantes ni circonstanciées, les attestations de tiers étant d’ailleurs postérieures aux opérations de vérification de comptabilité. En revanche, ainsi qu’il ressort de la proposition de rectification, M. B…, lors de la première intervention du service dans les locaux de la brasserie, a indiqué que l’établissement était ouvert toute l’année et tous les jours du lundi au dimanche inclus, que les horaires d’ouverture étaient de 7 heures à 20 heures du lundi au samedi et de 9 heures à 20 heures le dimanche, et que l’établissement fermait à minuit le samedi soir en période estivale ou à l’occasion d’évènements particuliers. Il n’est pas contesté que le compte rendu de cet entretien a été dressé par courrier du 11 juillet 2013, et restitué le 22 juillet 2013 au vérificateur daté et signé par le gérant, qui n’a formulé aucune observation.

13. Par ailleurs, si M. B… estime que le chiffre d’affaires est exagéré, compte tenu du nombre de serveurs employés sur la période, de la configuration de la brasserie pendant la période vérifiée, du taux de remplissage de l’établissement, des tarifs pratiqués, il n’apporte aucun justificatif permettant d’étayer les conditions réelles d’exploitation de l’établissement. Si le requérant entend en outre se prévaloir de données statistiques issues du site Infogreffe retraçant les chiffres d’affaires réalisés, sur la période considérée, par des établissements qui seraient similaires au sien, il n’est pas établi, ainsi que le fait valoir l’administration, que les données ainsi fournies seraient issues d’établissements en tous points comparables à l’établissement vérifié, au regard de leur taille et de la nature de leur activité. De même, le document intitulé « statistiques professionnelles régionales 2012 », dont l’origine n’est pas mentionnée, n’est pas davantage probant alors surtout que ces données ne portent que sur des débits de boissons.

14. Enfin, si M. B… soutient, comme en première instance, que l’administration fiscale a nécessairement sous-évalué ses charges au regard des montants des chiffres d’affaires reconstitués, il n’apporte aucun élément de nature à démontrer que la société Laëtitia a supporté des charges d’exploitation supplémentaires à celles qui ont été comptabilisées et ont été effectivement déclarées. En particulier, il ne fournit aucune information claire et précise sur la nature des achats dissimulés qui auraient pu être effectués ni sur leur montant. A cet égard, s’il se fonde sur les données de l’exercice 2013, en soutenant que les achats de marchandises ont constitué plus de 30 % du montant du chiffre d’affaires, un tel constat, qui concerne un exercice n’ayant pas donné lieu à la reconstitution du chiffre d’affaires à l’origine des rehaussements contestés, n’est pas probant. Par suite, à défaut pour le requérant d’apporter une quelconque justification de la réalité et du montant d’achats non comptabilisés, l’administration a pu fixer le bénéfice de la société en se fondant sur les seules recettes non déclarées figurant sur les cahiers manuscrits établis par son gérant.

15. Il résulte de ce qui précède aux points 11 à 14 que, s’agissant des revenus distribués au titre de l’année 2010, le requérant n’apporte pas la preuve que la méthode de l’administration serait radicalement viciée ni excessivement sommaire. S’agissant des revenus distribués au titre des années 2011 et 2012, l’administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve que sa méthode n’est ni radicalement viciée dans son principe, ni que les bases d’imposition ainsi reconstituées seraient exagérées.

Quant à l’appréhension des revenus distribués :

16. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d’user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l’affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu’il contrôle. La qualité de seul maître de l’affaire suffit en outre à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en application du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance qu’il n’aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard.

17. En l’espèce, pour justifier l’appréhension des sommes concernées par M. B…, l’administration s’est fondée sur la circonstance que ce dernier est le gérant statutaire et associé majoritaire de la SARL Laëtitia à hauteur de 7 999 parts sur 8 000. Au titre des années en litige, il possédait seul la signature sur les comptes bancaires ouverts au nom de cette société et détenait tous les pouvoirs de gestion sur cette dernière. Ainsi, M. B… doit être regardé comme ayant disposé sans contrôle des fonds sociaux de la société Laëtitia. Par suite, sa qualité de seul maître de l’affaire suffit à le regarder comme bénéficiaire des revenus distribués, en application du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts, résultant des rehaussements des bénéfices imposables de la société Laëtitia au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

S’agissant des revenus distribués résultant de la vérification de comptabilité de la SARL Michel :

Quant à l’existence et au montant des revenus distribués :

18. M. B…, qui ne conteste pas le rejet de comptabilité opposé par l’administration lors des opérations de vérification, soutient que la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires de la SARL Michel, qui a conduit à une exagération des bases d’imposition, est radicalement viciée ou, à tout le moins, excessivement sommaire.

19. Il résulte de l’instruction que, pour reconstituer les recettes de la SARL Michel au titre des exercices clos les 30 juin 2010, 2011 et 2012 ainsi que pour la période du 1er juillet 2009 au 30 avril 2013, l’administration s’est fondée sur les documents qu’elle a obtenus de l’autorité judiciaire dans le cadre de l’exercice de son droit de communication et notamment de cahiers manuscrits faisant état de recettes toutes charges comprises inscrites quotidiennement et totalisées en fin de mois, du mois de juillet 2009 au mois de novembre 2012. Ces cahiers, dont M. B… a reconnu avoir été le rédacteur lors de l’entretien qui s’est déroulé dans les locaux de l’administration fiscale le 6 décembre 2013, comportaient également des graphiques portant sur l’évolution du chiffre d’affaires de l’entreprise à l’année et diverses annotations concernant des évènements organisés au cours de la période vérifiée par l’établissement exploité par la SARL. L’administration a retenu, pour reconstituer les recettes de cette société sur les exercices et période litigieux, les montants qui y étaient mentionnés en considérant que ces cahiers devaient être regardés comme une comptabilité occulte.

20. Si M. B… conteste la véracité des informations contenues dans les cahiers « manuscrits » obtenus par l’administration fiscale dans le cadre de l’exercice de son droit de communication auprès de l’autorité judiciaire, en expliquant notamment que ces cahiers étaient rédigés pour lui fournir un alibi auprès de son ex-compagne dans le cadre de relations conflictuelles, il n’établit pas le caractère erroné des informations qui y sont contenues, en se bornant à fournir des attestations d’une personne présentée comme son ex-compagne, d’une autre de ses relations ainsi que du père de cette dernière, toutes établies postérieurement aux opérations de contrôle. A cet égard, l’administration fait valoir, sans être contestée, que les cahiers manuscrits ne mentionnent aucun congé mais comportent des jours de fermeture le dimanche et précise que, pour les journées du dimanche où sont mentionnées des recettes, les montants de ces recettes sont très réduits par rapport aux autres journées. Si l’appelant fait valoir par ailleurs que les montants des chiffres d’affaires mentionnés dans ces cahiers sont excessifs au regard des conditions d’exploitation de l’activité de bar-brasserie par la SARL Michel et notamment du nombre d’employés et de la circonstance qu’ils bénéficient de contrats à mi-temps, de la taille de l’établissement et de ses horaires d’ouverture et de fermeture, il n’apporte aucun justificatif permettant d’étayer les conditions réelles d’exploitation de l’établissement. Si l’intéressé produit des données statistiques issues du site Infogreffe retraçant les chiffres d’affaires réalisés, sur la période considérée, par des établissements qui seraient similaires au sien, il n’est pas établi, ainsi que le fait valoir l’administration, que les données ainsi fournies seraient issues d’établissements en tous points comparables à l’établissement vérifié, au regard de leur taille et de la nature de leur activité. De même, les « statistiques professionnelles régionales 2012 » produites, dont l’origine n’est pas mentionnée, ne sont pas davantage probantes alors surtout qu’elles concernent seulement des débits de boissons. Enfin, si M. B… soutient que l’administration fiscale a nécessairement sous-évalué les charges de la société au regard des montants des chiffres d’affaires reconstitués, il n’apporte aucun élément de nature à démontrer que cette dernière a supporté des charges d’exploitation supplémentaires à celles qui ont été comptabilisées et ont été effectivement déclarées. En particulier, il ne fournit aucune information claire et précise sur la nature des achats dissimulés qui auraient pu être effectués ni sur leur montant. A cet égard, s’il se fonde sur les données de l’exercice 2013, en soutenant que les achats de marchandises ont constitué plus de 30 % du montant du chiffre d’affaires de l’établissement, un tel constat, qui concerne un exercice n’ayant pas donné lieu à la reconstitution du chiffre d’affaires à l’origine des rehaussements contestés, n’est pas probant.

21. Il résulte de ce qui précède que, s’agissant des revenus distribués au titre de l’année 2010, le requérant n’apporte pas la preuve que la méthode de l’administration serait radicalement viciée ni excessivement sommaire. S’agissant des revenus distribués au titre des années 2011 et 2012, l’administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve que sa méthode n’est ni radicalement viciée dans son principe, ni que les bases d’imposition ainsi reconstituées seraient exagérées.

Quant à l’appréhension des revenus distribués :

22. Pour justifier l’appréhension des sommes concernées par M. B…, l’administration s’est fondée sur la circonstance que ce dernier est le gérant statutaire et associé majoritaire de la SARL Michel à hauteur de 799 parts sur 800 et qu’au titre des années en litige, il possédait seul la signature sur les comptes bancaires ouverts au nom de cette société, dont il constituait l’unique interlocuteur auprès des fournisseurs et des administrations. Ainsi, M. B… doit être regardé comme ayant disposé sans contrôle des fonds sociaux de la société Michel. Par suite, eu égard aux principes rappelés au point 16 du présent arrêt, sa qualité de seul maître de l’affaire suffit à le regarder comme bénéficiaire des revenus distribués, en application du 1° de l’article 109-1 du code général des impôts, résultant des rehaussements des bénéfices imposables de la société Michel au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

En ce qui concerne les revenus distribués au titre du 2° de l’article 109-1 du code général des impôts :

23. Aux termes du 1 de l’article 109 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués : / (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (…) ».

24. Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l’associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu’il n’a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d’un revenu.

25. Il résulte de l’instruction que l’administration fiscale a constaté que le solde des comptes courants d’associé que M. B… détenait au sein des SARL Laëtitia et Michel étaient, respectivement, créditeurs à hauteur des sommes de 49 500 euros et 25 000 euros en 2010 ainsi que de 12 000 euros et 16 681,31 euros en 2012. L’administration, considérant que ces sommes avaient été mises à sa disposition par ces sociétés, les a imposées en qualité de revenus distribués sur le fondement des dispositions du a. de l’article 111 du code général des impôts. Dans le cadre de la première instance, l’administration fiscale a toutefois sollicité, s’agissant de ces revenus distribués, la substitution des dispositions du 2° de l’article 109-1 du code général des impôts à celles du a. de l’article 111 du même code. Le tribunal administratif, constatant que cette substitution n’avait pas pour effet de priver le requérant d’une garantie, y a fait droit. En appel, pour soutenir qu’une telle substitution de base légale a pu le priver d’une garantie, M. B… ne saurait utilement se prévaloir de ce qu’aucun débat contradictoire n’a pu se nouer avec le vérificateur pendant l’examen de sa situation fiscale personnelle, un tel constat ne procédant pas, en tout état de cause, de la substitution ainsi demandée. Par suite, l’intéressé n’est pas fondé à contester cette substitution de base légale.

26. En outre, et contrairement à ce que fait valoir M. B…, la circonstance que le service a procédé au rejet de la comptabilité de la SARL Michel avant de procéder à la reconstitution du chiffre d’affaires de cette dernière, ne permet pas d’écarter l’existence même des sommes inscrites en comptes courants d’associés dès lors que le service n’a pas remis en cause ces écritures comptables.

27. Enfin, si le requérant invoque l’indisponibilité des sommes précitées, motif pris de difficultés de trésorerie au cours des exercices clos en 2010 et 2011, il n’apporte pas d’éléments en justifiant, en se bornant à soutenir que le service qui a examiné les pièces comptables relatives aux exercices clos en 2010, 2011, 2012 et 2013 ne pouvait ignorer la situation de trésorerie des deux sociétés concernées. Ainsi, M. B… ayant, au cours des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, bénéficié de l’inscription des sommes dont s’agit au crédit de ses comptes courants d’associé des sociétés Laëtitia et Michel, ces sommes pouvaient être qualifiées de revenus distribués sur le fondement du 2° de l’article 109-1 du code général des impôts, qui permet de présumer la mise à disposition de cette somme à l’intéressé, à charge pour le contribuable, et non pour l’administration, de démontrer soit l’indisponibilité en droit ou en fait de la somme ainsi créditée, soit l’absence de qualification de revenu de cette somme créditée, par exemple lorsqu’elle a une contrepartie. Par suite, et en l’absence d’une telle démonstration par l’appelant, c’est à bon droit que l’administration a pu regarder ces sommes inscrites au crédit de ses comptes courants d’associé comme des revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles relatives aux entiers dépens.


D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2021, où siégeaient :

— Mme Paix, présidente,

 – Mme Bernabeu, présidente assesseure,

 – Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2021.

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N° 19MA05279

nc

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CAA de MARSEILLE, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 19MA05279, Inédit au recueil Lebon