CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 5 janvier 2023, 19MA03660

  • 600-5 s'agissant de la mesure de régularisation·
  • Possibilité de mettre en œuvre les articles l·
  • Règles de procédure contentieuse spéciales·
  • Urbanisme et aménagement du territoire·
  • 600-5-1 du code de l'urbanisme)·
  • Pouvoirs et devoirs du juge·
  • 1) existence·
  • 600-5-1 et l·
  • 2) limites·
  • Conditions

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Il résulte des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge administratif doit, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu’il fasse le choix de recourir à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l’autorisation lui ait indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Il n’en va pas différemment lorsque l’autorisation d’urbanisme contestée devant le juge est une mesure de régularisation qui lui a été notifiée pendant le délai qu’il avait fixé en mettant antérieurement en œuvre l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. En revanche, aucune disposition légale ou règlementaire ne permet d’appliquer de manière successive l’article L. 600-5-1 pour la régularisation d’un même vice affectant le permis de construire initial, que la première mesure de régularisation transmise n’a pas permis de « purger »…….La Cour avait sursis à statuer en application de l’article L. 600-5 dans une requête concernant un permis de construire concernant un parc solaire au motif que ce permis de construire était entaché d’un vice régularisable, en l’occurrence l’insuffisance de l’étude d’impact. Le pétitionnaire a obtenu un permis de construire modificatif de régularisation après avoir fait réaliser une étude d’impact complémentaire. Le Cour relève que l’étude d’impact est toujours insuffisante et annule le permis de construire en refusant de faire droit à une nouvelle demande de sursis à statuer. …1. Cf., s’agissant de l’articulation entre ces deux procédures, CE, Section, avis, 2 octobre 2020, M. Barrieu, n° 438318, p. 337….2. Comp., s’agissant de la possibilité de mettre en oeuvre l’article L. 600-5 pour la régularisation d’un vice affectant le permis de régularisation obtenu par le pétitionnaire dans le délai imparti par une première décision ayant fait elle-même application de l’article L. 600-5-1 pour régulariser un autre vice qui affectait le permis de construire initial, CE, 17 mars 2021, Mme Venturin, n° 436073, p. 240. …[RJ1].

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droit-urbanisme-et-amenagement.efe.fr · 19 décembre 2023
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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 1re ch. - formation à 3, 5 janv. 2023, n° 19MA03660
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 19MA03660
Importance : Intérêt jurisprudentiel signalé
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nîmes, 3 juin 2019, N° 1703419, 1703421
Précédents jurisprudentiels : [RJ1] - « Cf. » signifie « confirme » (et non confer). La décision nouvelle reprend et confirme la solution dégagée par un précédent, le cas échéant en « en précisant » la portée. Lorsque la décision analysée applique le même raisonnement en droit mais aboutit, à cause de différences tenant aux circonstances d'espèce, à une solution de fait inverse, le rapprochement l'indique par « Cf. sol. contr. »
... - « Rappr. », pour « rapprocher », renvoie à une solution similaire dégagée par un précédent dans un contexte juridique différent de celui de la décision fichée (version antérieure d'un même texte, contentieux voisin, etc.). Ce lien renvoie également à une décision rendue par une autre juridiction (Cons. const., CJUE, CEDH) dont la décision analysée reprend la solution en droit mais que le Conseil d'Etat ou le Tribunal des conflits ne peut véritablement « confirmer », n'en étant pas l'auteur
... - « Comp. », pour « comparer », renvoie à une solution adoptée dans un contexte juridique similaire lorsque, cette fois, des différences ont paru devoir justifier l'adoption d'une solution juridiquement différente. « Rappr. » et « Comp. » sont en principe accompagnés d'une précision sur les ressemblances ou différences ayant justifié le rapprochement retenu
... - « Ab. jur. » signale un « abandon de jurisprudence » par le Conseil d'Etat ou le Tribunal des conflits.
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 17 janvier 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046949522

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Demeure Sainte-Croix, M. B A et Mme D C ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler, d’une part, l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Sainte-Croix à Roussillon, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, d’autre part, l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Les Grès à Saint-Saturnin-lès-Apt, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1703419, 1703421 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par un arrêt n° 19MA03660 du 28 décembre 2021, la cour administrative de Marseille a, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, sursis à statuer sur l’appel présenté par la SCI Demeure Sainte-Croix, M. A et Mme C à l’encontre de ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2019, jusqu’à l’expiration du délai de huit mois à compter de la notification de cet arrêt fixé pour la notification à la Cour des permis de construire modificatifs adoptés conformément aux modalités de régularisation mentionnées au point 37 de ce même arrêt.

Par des mémoires enregistrés le 2 septembre 2022, le 27 octobre 2022 et le 14 novembre 2022, la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, qui a communiqué à la Cour les permis de construire modificatifs délivrés par le préfet de Vaucluse le 26 août 2022, maintient ses conclusions.

Elle soutient que :

— les vices relevés par la Cour dans son arrêt du 28 décembre 2021 ont été régularisés par les permis de construire modificatifs délivrés par le préfet de Vaucluse le 26 août 2022 ;

— les moyens soulevés par la SCI Demeure Sainte-Croix et autres qui ne sont pas en rapport avec ces vices sont inopérants ;

— les autres moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2022, le ministre de la transition écologique a communiqué à la Cour les permis de construire modificatifs délivrés par le préfet de Vaucluse le 26 août 2022.

Par des mémoires enregistrés le 31 octobre 2022, le 7 novembre 2022 et le 25 novembre 2022, la SCI Demeure Sainte-Croix et autres demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2019 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Sainte-Croix à Roussillon, la décision implicite de rejet de leur recours gracieux et l’arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire modificatif ;

3°) d’annuler l’arrêté du 11 mai 2017 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé lieudit Les Grès à Saint-Saturnin-lès-Apt, la décision implicite de rejet de leur recours gracieux et l’arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme un permis de construire modificatif ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— les permis de construire modificatifs sont entachés de l’incompétence de leur signataire ;

— le commissaire enquêteur a omis d’analyser les observations formulées au cours de l’enquête publique et d’émettre un avis personnel et motivé ;

— les communes de Roussillon et de Saint-Saturnin-lès-Apt, la communauté de communes du Pays d’Apt, le parc naturel régional du Lubéron auraient dû être consultés en application notamment de l’article R. 123-23 du code de l’environnement ;

— les dispositions de l’article R. 423-50 du code de l’urbanisme imposaient la consultation du service départemental d’incendie et de secours de Vaucluse ;

— l’élaboration d’un simple complément à l’étude d’impact ne permet pas de régulariser le vice relevé par la Cour dans son arrêt du 28 décembre 2021 ;

— le dossier soumis à l’enquête publique, qui ne portait que sur ce complément, était incomplet ;

— le complément à l’étude d’impact est, au regard des articles L. 122-1-1 III et R. 122-5 du code de l’environnement, insuffisant en ce qui concerne l’inventaire des espèces animales et végétales, les enjeux de conservation et les effets du projet ;

— ce complément est insuffisant s’agissant des défrichements et débroussaillages nécessités par le projet ;

— ce complément ne prend en compte ni l’aire d’étude rapprochée, ni l’aire d’étude éloignée ;

— il ne procède pas à l’évaluation des effets cumulés du projet avec deux autres projets situés à proximité ;

— il ne permet pas de s’assurer s’il est porté atteinte à la fonctionnalité écologique de la zone d’étude ;

— le projet ne correspond plus à la nouvelle doctrine du parc naturel régional du Lubéron en matière d’implantation de parcs photovoltaïques au sol ;

— les lacunes de l’étude d’impact portent atteinte aux droits garantis par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et par l’article 1 du premier protocole additionnel à cette convention.

Les parties ont été invitées, le 7 décembre 2022, à présenter leurs observations sur l’application envisagée par la Cour des dispositions de l’article R. 611-1-1 du code de l’urbanisme.

Des observations ont été présentées en réponse à cette communication le 12 décembre 2022 par la SCI Demeure Sainte-Croix et autres et la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme.

Des mémoires ont été enregistrés le 1er décembre 2022 et le 2 décembre 2022, présentés pour la SCI Demeure Sainte-Croix et autres, et non communiqués en application des dispositions de l’article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. d’Izarn de Villefort,

— les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

— et les observations de Me Hequet, représentant la SCI Demeure Sainte-Croix et autres, et de Me Ferrant, représentant les sociétés Saint-Saturnin Roussillon Ferme et Reden Solar.

Une note en délibéré, présentée pour les sociétés Saint-Saturnin Roussillon Ferme et Reden Solar, a été enregistrée le 15 décembre 2022.

Une note en délibéré, présentée pour la SCI Demeure Sainte-Croix et autres, a été enregistrée le 19 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés distincts du 11 mai 2017, le préfet de Vaucluse a délivré à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme les permis de construire une centrale photovoltaïque au sol sur un terrain situé, lieudit Sainte-Croix à Roussillon, et lieudit Les Grès à Saint-Saturnin-lès-Apt. Par un jugement du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la SCI Demeure Sainte-Croix, M. A et Mme C tendant à l’annulation de ces arrêtés et des décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux. Par un arrêt du 28 décembre 2021, la cour administrative de Marseille a, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, sursis à statuer sur l’appel présenté par la SCI Demeure Sainte-Croix et autres à l’encontre de ce jugement, jusqu’à l’expiration du délai de huit mois à compter de la notification de cet arrêt fixé pour la notification à la Cour des permis de construire modificatifs adoptés conformément aux modalités de régularisation mentionnées au point 37 de ce même arrêt. L’autorité environnementale a émis un nouvel avis le 15 juin 2022. Une enquête publique s’est tenue du 20 juin au 20 juillet 2022. La commissaire enquêteure ayant émis un avis favorable avec une réserve, le préfet a, par arrêtés du 26 août 2022, délivré à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme deux permis de construire modificatifs, dont les requérants demandent également l’annulation.

2. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction désormais applicable : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ».

3. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l’appui de la contestation de l’acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu’il n’a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu’il s’agisse d’un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l’exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

4. La Cour a jugé, au point 7 de son arrêt du 28 décembre 2021, que les arrêtés du 11 mai 2017 étaient entachés d’un vice de procédure tenant à la circonstance que l’autorité environnementale, qui avait émis un premier avis après avoir été destinataire de l’étude d’impact réalisée en 2013, n’avait pas été saisie à nouveau après la réalisation d’une nouvelle étude d’impact en 2015, qui tenait compte de changements apportés au projet dans son emprise et en ce qui concerne le débroussaillement et l’arrachage d’arbres et de haies dans les parties sud et est de cette emprise. La Cour a caractérisé, au point 10 de cet arrêt, un autre vice relatif à l’insuffisance de l’étude d’impact de 2015 qui, d’une part, ne prenait pas en compte les défrichements, autorisés par les arrêtés du préfet de Vaucluse pour une superficie de l’ordre de deux hectares, et demandés dans le but de permettre la mise en protection contre les incendies de forêt de la zone d’implantation de la centrale photovoltaïque au sol, d’autre part, indiquait de manière erronée que le site du projet se localise au sein de l’emprise d’une carrière, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qu’il inclut des terres agricoles sur la commune de Saint-Saturnin Les Apts qui n’ont jamais été utilisées pour une activité de carrière. La Cour a considéré, au point 37 de son arrêt, que « le premier vice dont sont entachés les arrêtés du préfet de Vaucluse contestés peut être régularisé en procédant à une nouvelle consultation de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement avec une étude d’impact correspondant au dossier de demande de permis de construire. Le second vice nécessite d’organiser une enquête publique complémentaire à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l’environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l’avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation, une nouvelle étude d’impact prenant notamment en compte les défrichements nécessités par la réalisation du projet de centrale photovoltaïque au sol et le périmètre exact du projet. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, les mesures de régularisation devront être notifiées à la cour administrative d’appel de Marseille dans un délai de huit mois à compter du présent arrêt. ».

5. En premier lieu, aux termes de l’article R. 123-23 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la procédure, eu égard à la date du 26 août 2013 à laquelle les permis de construire initiaux ont été demandés : « Lorsqu’une enquête complémentaire est organisée conformément au II de l’article L. 123-14, elle porte sur les avantages et inconvénients des modifications pour le projet et pour l’environnement. L’enquête complémentaire, d’une durée minimale de quinze jours, est ouverte dans les conditions fixées aux articles R. 123-9 à R. 123-12. / Le dossier d’enquête initial est complété dans ses différents éléments, et comprend notamment : () 2° Lorsqu’ils sont requis, l’étude d’impact ou l’évaluation environnementale intégrant ces modifications, ainsi que l’avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement mentionné aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du présent code ou de l’article L. 104-6 du code de l’urbanisme portant sur cette étude d’impact ou cette évaluation environnementale actualisée. () ». Aux termes du II de l’article L. 123-14 du même code : « () Avant l’ouverture de l’enquête publique complémentaire, le nouveau projet, plan ou programme, accompagné de l’étude d’impact ou du rapport sur les incidences environnementales intégrant ces modifications, est transmis pour avis à l’autorité environnementale conformément, selon les cas, aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du présent code et à l’article L. 104-6 du code de l’urbanisme et aux collectivités territoriales et à leurs groupements consultés en application du V de l’article L. 122-1. ». Aux termes du V de l’article L. 122-1 du même code : « Lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet comprenant l’étude d’impact et la demande d’autorisation déposée est transmis pour avis à l’autorité environnementale ainsi qu’aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet. () ».

6. Ainsi qu’il a été rappelé au point 4, la Cour a jugé par son arrêt du 28 décembre 2021 que le second vice qu’elle a caractérisé nécessitait d’organiser une enquête publique complémentaire à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l’environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l’avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation, une nouvelle étude d’impact prenant notamment en compte les défrichements nécessités par la réalisation du projet de centrale photovoltaïque au sol et le périmètre exact du projet. Si la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme fait valoir que les dispositions du V de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, auxquelles revoient celles du II de l’article L. 123-14 du même code, ne s’appliquent qu’aux projets soumis à évaluation environnementale et que l’arrêt du 28 décembre 2021 a jugé que la régularisation des permis de construire du 11 mai 2017 pouvait résulter de l’organisation d’une enquête publique complémentaire portant sur une étude d’impact et non une évaluation environnementale actualisée, il n’en demeure pas moins que le projet entre dans le champ d’application de ces dispositions dès lors qu’il est effectivement soumis à évaluation environnementale.

7. Il est constant que le dossier et notamment le complément à l’étude d’impact élaboré n’a été soumis, préalablement à l’enquête publique complémentaire, à aucune collectivité territoriale ou à l’un de leurs groupements intéressés par le projet, la transmission du dossier pour avis aux maires des communes de Roussillon et de Saint-Saturnin-lès-Apt au titre de l’article R. 423-72 du code de l’urbanisme ne pouvant être regardée comme la consultation de celles-ci.

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s’il a privé les intéressés d’une garantie. L’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte. Au cas d’espèce, eu égard au champ restreint de l’enquête publique complémentaire et à l’objet de cette consultation, l’absence de consultation des communes de Roussillon et de Saint-Saturnin-lès-Apt, de la communauté de communes du Pays d’Apt et du syndicat mixte d’aménagement et de gestion du parc naturel régional du Lubéron, collectivités territoriales ou groupements de celles-ci intéressées au sens du V de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, a été susceptible d’exercer une influence sur le sens des arrêtés du 26 août 2022 et a privé d’une garantie les intéressés. Ce vice propre entache donc d’illégalité les deux arrêtés du 26 août 2022.

9. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est susceptible de fonder l’annulation, en l’état du dossier, des deux arrêtés du 26 août 2022.

10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l’étude d’impact élaborée en vue de régulariser les permis de construire accordés le 11 mai 2017 se présente sous la forme d’un document intitulé « compléments » à l’étude d’impact réalisée en mai 2015 et que ces deux documents ont été soumis à la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe), laquelle a émis un avis le 15 juin 2022.

11. Le document complémentaire à l’étude d’impact réalisée en mai 2015 mentionne que les trois autorisations de défrichement délivrées portent sur des espaces limitrophes au projet et indique que seul le défrichement d’une surface de 3456 m² au nord de l’emprise du projet, autorisé par un arrêté préfectoral du 19 avril 2016 en vue de « la mise en protection contre les incendies de forêts d’une zone d’implantation de panneaux photovoltaïques » est lié au projet. Il considère, à l’inverse, que les défrichements qui ont été autorisés par arrêtés du 18 juillet 2014 et du 30 avril 2015 ne sont pas liés au projet dans la mesure où le premier a été autorisé dans le cadre de l’exploitation de la carrière anciennement exploitée sur l’emprise du projet et que le second l’a été dans le cadre de l’exploitation agricole qui se trouve hors de cette emprise. Pourtant, ainsi d’ailleurs que la MRAe l’a estimé dans son avis du 15 juin 2022, l’arrêté du 18 juillet 2014, qui autorise un défrichement compris dans l’emprise clôturée du parc photovoltaïque, a été délivré en vue de « la mise en protection contre les incendies de forêts d’une zone d’implantation de panneaux photovoltaïques ». Si l’arrêté du 30 avril 2015 autorise un défrichement pour un motif tiré de la mise en culture de céréales, la zone concernée se situe dans la bande de 70 m à débroussailler annuellement, en limite est du projet. Il est constant que les espaces concernés par les arrêtés du 18 juillet 2014 et du 30 avril 2015 ont été effectivement défrichés et que celui couvert par l’arrêté du 19 avril 2016 l’a été partiellement.

12. S’appuyant sur des extraits de plans de zonage des plans locaux d’urbanisme de Roussillon et de Saint-Saturnin-lès-Apt, l’étude complémentaire expose que l’emprise foncière du projet, reportée sur une carte, ne comporte aucune partie cultivée ou classée en zone agricole et que le terrain défriché en 2016 à vocation agricole reste en dehors de cette emprise. Elle procède à la mise à jour, en ce qui concerne les paysages et la biodiversité (flore, habitats, faune), de l’état initial du site, de l’analyse des incidences et des mesures de réduction d’impact décrits dans l’étude d’impact élaborée en 2015.

13. L’étude complémentaire élaborée comporte, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, un inventaire de la faune et de la flore établi à la suite de deux visites effectuées sur le terrain en février et en mars 2022 et indique les mesures de prévention à adopter lors des opérations de débroussaillages à venir. Pour autant, elle n’analyse que partiellement les impacts des défrichements, effectués pour les besoins du projet, ainsi qu’il a été constaté au point 11, sur la faune, dont l’habitat a pourtant été détruit. Elle n’en décrit notamment pas les effets sur le batracien pélobate cultripède, espèce protégée dont l’étude d’impact effectuée en 2015 relevait la présence sur le site, notamment au niveau de la mare, en grande partie depuis asséchée, située au sein du secteur défriché, les visites effectuées en février et en mars 2022 n’ayant d’ailleurs plus constaté cette présence.

14. Il résulte à la fois de l’illégalité des deux arrêtés du 26 août 2022 et du contenu insuffisant des informations figurant dans l’étude d’impact complémentaire que les vices relevés par la cour dans son arrêt du 28 décembre 2021 n’ont pas été régularisés par ces arrêtés.

15. Aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l’autorisation pourra en demander la régularisation, même après l’achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d’annulation partielle est motivé ». Aux termes de l’article L. 600-5-1 du même code : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

16. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge administratif doit, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu’il fasse le choix de recourir à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l’autorisation lui ait indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Il n’en va pas différemment lorsque l’autorisation d’urbanisme contestée devant le juge est une mesure de régularisation qui lui a été notifiée pendant le délai qu’il avait fixé en mettant antérieurement en œuvre l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. En revanche, aucune disposition légale ou règlementaire ne permet d’appliquer de manière successive l’article L. 600-5-1 pour la régularisation d’un même vice affectant le permis de construire initial, que la première mesure de régularisation transmise n’a pas permis de « purger ».

17. Si les deux arrêtés du 26 août 2022 sont entachés du vice propre caractérisé au point 8, l’insuffisance de l’étude d’impact complémentaire soumise à l’avis de la MRAe et à l’enquête publique viciait déjà les permis de construire initiaux du 11 mai 2017 et ne constitue donc pas un vice propre affectant ceux du 26 août 2022 qui serait susceptible d’être lui-même régularisé.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Demeure Sainte-Croix et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Demeure Sainte-Croix et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Ces dispositions font également obstacle à ce qu’il soit fait droit à la demande présentée sur ce fondement par la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt, qui n’a pas la qualité de partie. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat et de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme une somme chacun de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la SCI Demeure Sainte-Croix et autres.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2019, les deux arrêtés du préfet de Vaucluse du 11 mai 2017 et les deux arrêtés du même préfet du 26 août 2022 sont annulés.

Article 2 : L’Etat et la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme verseront chacun une somme de 1 000 euros à la SCI Demeure Sainte-Croix et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme et de la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Demeure Sainte-Croix, à M. B A, à Mme D C, à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, à la société Reden Solar, à la commune de Saint-Saturnin-lès-Apt et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Carpentras.

Délibéré après l’audience du 14 décembre 2022, où siégeaient :

— M. Portail, président,

— M. d’Izarn de Villefort, président assesseur,

— M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.

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CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 5 janvier 2023, 19MA03660