CAA de NANCY, 1ère chambre, 29 décembre 2022, 21NC02681, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 1re ch. - formation à 3, 29 déc. 2022, n° 21NC02681
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 21NC02681
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nancy, 13 septembre 2021, N° 2101603
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046929994

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A D a demandé au tribunal administratif de Nancy d’annuler l’arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d’être reconduit.

Par un jugement n° 2101603 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 30 juin 2022 M. A D, représenté par Me Lemonnier, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 14 septembre 2021 ;

3°) d’annuler la décision du 18 mai 2021 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

4°) d’enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer pour la durée de l’examen et dans un délai de quinze jours une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 000 euros au titre de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l’État au titre de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

— elles sont insuffisamment motivées ;

— elles sont entachées d’une erreur de visa ;

— elles méconnaissent l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; elles méconnaissent l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; elles méconnaissent l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

— elle est entachée d’erreur d’appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle est dépourvue de base légale en raison de l’illégalité affectant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

— elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 juin 2022 et le 4 juillet 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

— et les observations de Me Lemonnier, pour M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. A E B, ressortissant béninois né le 28 mai 1991, a déclaré être entré sur le territoire français le 3 octobre 2015 muni d’un passeport en cours de validité et d’un visa de long séjour pour étudiant. Il s’est vu délivrer une carte de séjour portant la mention étudiant qui a été régulièrement renouvelée jusqu’au 11 février 2021. M. B a demandé le renouvellement de son titre de séjour et un changement de statut en se prévalant de sa situation familiale et professionnelle. Par un arrêté du 18 mai 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d’être reconduit. M. B relève appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

2. M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2022. Il n’y a pas lieu, par suite, de l’admettre à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur la légalité de l’arrêté du 18 mai 2021 :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, l’arrêté litigieux, qui n’avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant, précise les dispositions légales sur lesquelles il s’appuie et rappelle de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à la situation de M. B, notamment ses conditions d’entrée et de séjour en France, sa situation familiale et sa situation professionnelle. Par suite le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes de l’arrêté litigieux que le préfet a procédé à un examen sérieux de la situation individuelle de l’intéressé en prenant notamment en compte sa situation administrative et familiale, mais également la formation suivie.

4. En deuxième lieu, si M. B se plaint de ce que l’arrêté du 18 mai 2021 ne vise pas l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin à Cotonou le 28 novembre 2007, une telle erreur de visa, à la supposer fondée, n’est pas par elle-même et ce en tout état de cause de nature à entacher cette décision d’illégalité.

5. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Aux termes de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur au 18 mai 2021 : « L’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine. / L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ».

6. M. B soutient être arrivé en France le 3 octobre 2015, qu’il a deux enfants nés en France et que ses quatre frères sont en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le séjour en France de l’intéressé a été conditionné par le renouvellement de titres de séjour précaires liés à la poursuite de ses études, que le séjour de sa compagne, elle-même de nationalité béninoise en France dépend du renouvellement de titre de séjour étudiant, qu’il n’est pas établi ni même allégué que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans leur pays d’origine. Par suite, compte tenu des circonstances de l’espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l’intéressé en France, l’arrêté litigieux du 18 mai 2021 n’a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle n’a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.

7. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration : « Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l’Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée. / Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement. ». Et aux termes de l’article D. 312-11 du même code : " Les sites internet mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-3 sont les suivants : / () / ; www.interieur.gouv.fr ()/ Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l’article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention « Documents opposables » ".

8. En instituant le mécanisme de garantie de l’article L. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration, le législateur n’a pas permis de se prévaloir d’orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l’octroi d’une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l’intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu’elles ont été publiées sur l’un des sites mentionnés à l’article D. 312-11 précité.

9. Les énonciations de la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile constituent seulement des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l’exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, mesures de faveur au bénéfice desquelles ceux-ci ne peuvent faire valoir aucun droit.

10. Dès lors qu’un étranger ne détient aucun droit à l’exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, M. B ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des orientations de la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 pour l’exercice de ce pouvoir.

11. En cinquième lieu, aux termes de l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

13. Aux termes de l’article L. 612-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d’un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L’autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L’étranger est informé par écrit de cette prolongation. ».

14. Il ressort de la rédaction même de l’arrêté du 18 mai 2021 que M. B dispose d’un délai de départ volontaire de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et que ce délai pourra être prolongé pour une durée équivalente à celle nécessaire à la réouverture des frontières du pays de destination. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette mention ne constitue pas une décision administrative mais un rappel des dispositions précitées et une information sur leur possible mise en œuvre dans le cadre de la lutte contre la pandémie de covid-19.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en fait par l’indication que l’intéressé est de nationalité béninoise, qu’il pourra être reconduit d’office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est légalement admissible et qu’il n’établit pas être exposé à un risque de traitements prohibés par l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays. Dès lors, le moyen tiré d’une insuffisante motivation doit être écarté.

16. En deuxième lieu, ainsi qu’il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n’est pas entachée d’illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n’a pas été prise sur le fondement d’une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d’une telle exception d’illégalité ne peut, dès lors, qu’être écarté.

17. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant doit être écarté pour les motifs exposés au point 6 ci-dessus.

18. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est dépourvu de toute précision permettant à la cour d’en apprécier le bien-fondé.

19. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal a rejeté ses conclusions. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d’injonction et celles sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu d’admettre M. B, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A D et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l’audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Wallerich, président de chambre,

— M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

— M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. C

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

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