CAA de NANTES, 6eme chambre, 15 juin 2021, 19NT03602, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 6e ch., 15 juin 2021, n° 19NT03602
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT03602
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 19 juin 2019, N° 1801611
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043672512

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E… C… a demandé au tribunal administratif de Caen :

1 – d’annuler la décision implicite par laquelle l’établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) de Coutances a refusé que l’organisation de son emploi du temps soit revue de manière à respecter le temps de travail annuel défini contractuellement, et a rejeté sa demande tendant au versement des sommes de 26 500 euros au titre de la rémunération de ses heures de travail de nuit et de 50 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence subis par suite du non-respect de l’amplitude horaire et du temps de repos quotidien réglementaires ;

2 – de condamner l’EPLEFPA de Coutances à lui verser les sommes de 26 500 euros au titre des heures de travail de nuit non rémunérées, et de 50 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence qu’il a subis en raison du non-respect de l’amplitude horaire et du temps de repos quotidien réglementaires.

Par un jugement n° 1801611 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 septembre 2019 et le 15 octobre 2020, M. C…, représenté par Me B…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2019 ;

2°) de condamner l’EPLEFPA de Coutances à lui verser la somme de 34 555,68 euros au titre de la rémunération de ses heures de travail de nuit ;

3°) de condamner l’EPLEFPA de Coutances à lui verser la somme totale de 50 000 euros à titre d’indemnisation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence dû au non-respect de son contrat de travail, de l’amplitude horaire et du repos quotidien, soit respectivement les sommes de 17 732 euros et 32 269 euros ;

4°) de mettre à la charge de l’EPLEFPA de Coutances la somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige.

Il soutient que :

— c’est à tort que le tribunal lui a appliqué le statut des maîtres d’internat et surveillants d’externat prévu par les décrets du 11 mai 1937 et n° 77-280 du 15 mars 1977, dès lors que sa situation relève du statut particulier des surveillants des établissements d’enseignement technique agricole prévu par le décret n° 80-666 du 18 août 1980 relatif au corps des surveillants des établissements d’enseignement technique agricole, le décret n° 95-910 du 7 août 1995 fixant le statut particulier du corps des surveillants des établissements d’enseignement technique agricole et le décret n° 96-85 du 30 janvier 1996 instituant une indemnité forfaitaire en faveur des répétiteurs et des surveillants des établissements publics d’enseignement relevant du ministre chargé de l’agriculture ;

 – l’EPLEFPA de Coutances a commis une faute :

* en l’absence de paiement des heures travaillées, car si sa durée annuelle de travail a été augmentée le 1er janvier 2001, l’établissement ne l’a jamais rémunéré à hauteur de cette augmentation de 78 heures par an ;

* en ne respectant pas son contrat de travail, car il n’a été rémunéré que sur la base de trois heures par nuit ;

* en ne respectant pas l’amplitude horaire quotidienne prévue par le décret du 25 août 2000 relatif à la réduction du temps de travail ;

 – la réparation de son préjudice liée aux heures de nuit non rémunérée depuis plus de quinze ans peut être évaluée à la somme de 34 555,68 euros, somme actualisée pour tenir compte de la date à laquelle il a quitté l’établissement, soit le 1er janvier 2019 ;

 – l’indemnisation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence qu’il subit depuis de nombreuses années peut être évaluée à la somme de 50 000 euros ;

 – la prescription biennale ou quinquennale n’est opposable que lorsque l’administration sollicite auprès d’un agent la restitution d’un trop perçu.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 juin et le 30 octobre 2020, l’EPLEFPA de Coutances conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C… la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête est irrecevable pour tardiveté, qu’en tout état de cause, le calcul de M. C… formulé sur quinze années ne peut être pris en compte que concernant les cinq années antérieures à sa demande indemnitaire, conformément à la prescription quinquennale posée par l’article 2224 du code civil et que les moyens soulevés par M. C… ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

 – la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret du 11 mai 1937 relatif au statut des maîtres et maîtresses d’internat des lycées, collèges et cours secondaires ;

 – le décret n° 76-211 du 26 février 1976 ;

 – le décret n° 77-280 du 15 mars 1977 ;

 – le décret n° 80-666 du 18 août 1980 ;

 – le décret n° 95-910 du 7 août 1995 ;

 – le décret n° 96-34 du 15 janvier 1996 ;

 – le décret n° 96-85 du 30 janvier 1996 ;

 – le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. A… ;

 – les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

 – et les observations de Me D…, substituant Me B…, représentant M. C….

Considérant ce qui suit :

1. M. C… a été recruté en qualité de surveillant des établissements d’enseignement technique agricole à mi-temps par le centre de formation d’apprentis agricoles public de la Manche, d’abord sous contrat d’un an conclu le 11 janvier 1993 prenant effet au 1er janvier de la même année, puis sous contrat à durée indéterminée, conclu le 1er janvier 1994. Par un avenant du 1er septembre 1999, il a, à compter de cette date, exercé ses fonctions à temps plein. Les contrats en question prévoyaient une durée de travail de trente-neuf heures hebdomadaires, la surveillance d’une nuit comptant pour quatre heures effectuées et prévoyaient une rémunération calquée sur celle des maîtres d’internat-surveillant d’externat. Le conseil d’administration de l’établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) a adopté, le 28 novembre 2000, un « protocole pour la gestion des personnels des CFPPA et CFA de l’EPLEFPA de Coutances » prévoyant notamment un temps de travail annuel de 1 482 heures pour les surveillants. Par un avenant du 1er janvier 2001 à son contrat de travail, ce protocole a été rendu applicable à M. C…. Par lettre recommandée du 27 février 2018, M. C… a demandé à son employeur l’indemnisation des heures de nuit effectuées et non rémunérées à hauteur de 26 500 euros, ainsi que l’indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence subis du fait du non-respect de l’amplitude horaire et du temps de repos quotidien réglementaires. Cette demande a fait l’objet d’une décision implicite de rejet. Par sa requête visée ci-dessus, M. C… relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2019 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’EPLEFPA de Coutances à l’indemniser pour la réparation des préjudices allégués.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Il ressort des pièces du dossier que la réclamation indemnitaire préalable de M. C… en date du 27 février 2018 a été réceptionnée par l’EPLEFPA de Coutances le 6 mars 2018. Par suite, l’EPLEFPA de Coutances n’est pas fondée à soutenir que la demande de M. C…, enregistrée au greffe du tribunal le 6 juillet 2018, est irrecevable en raison de sa tardiveté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la prescription :

3. Il résulte de l’article 2223 du code civil que les dispositions de l’article 2224 de ce code ne font pas obstacle à l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois. Or, la règle de prescription quadriennale fixée par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat, les départements, les communes et les établissements publics, doit être regardée comme une règle spéciale rendant inapplicable en l’espèce la règle de la prescription quinquennale prévue par l’article 2224 du code civil.

En ce qui concerne le non-paiement des heures travaillées :

4. D’une part, aux termes du décret du 25 août 2000 susvisé dans sa rédaction applicable au litige : « La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l’Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d’enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées (…) ». D’autre part, aux termes, de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : « Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, (…) ».

5. Il résulte de l’instruction que le contrat de travail de M. C…, conclu le 1er janvier 1994, prévoyait une durée de travail hebdomadaire de trente-neuf heures, sans précision quant à la durée annuelle de travail. Par une convention adoptée le 28 novembre 2000 par le conseil d’administration de l’établissement, rendue applicable à M. C… par un avenant à son contrat de travail du 1er janvier 2001, le temps de travail annuel des surveillants a été fixé à 1 482 heures. Dès lors que le volume de 1 482 heures établi contractuellement correspond à un service à temps complet de maître et de maîtresse d’internat rémunéré en référence à un indice détenu par l’intéressé et conforme au décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État, qui prévoit que la durée du travail effectif de 1 607 heures maximum peut être réduite pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, M. C… n’est pas fondé à soutenir que l’EPLEFPA de Coutances aurait commis une faute en l’absence de paiement d’heures supplémentaires effectuées.

En ce qui concerne la rémunération des heures effectuées de nuit :

6. Tout d’abord, aux termes de l’article 1er du décret du 11 mai 1937 modifié relatif au statut des maîtres et maîtresses d’internat des lycées, collèges et cours secondaires : « Les fonctions de maitre et de maitresse d’internat de lycée, de collège ou de cours secondaires sont des fonctions essentiellement temporaires dont la durée est rigoureusement limitée, conformément aux dispositions de l’article 2. (…) ». Aux termes de l’article 5 du même décret : « Les maitres et maitresses d’internat sont chargés du service de nuit. Ce service commence à l’heure réglementaire du départ des externes surveillés et se termine à l’entrée des élèves en classe le lendemain matin. Ils sont chargés, en outre, d’assurer la surveillance de tous les services propres à l’internat et, éventuellement, de la bibliothèque classique et, d’une manière générale, de tous les services de surveillance qui ne pourraient être confiés à des répétiteurs dont le maximum de service serait atteint. (…) ». Aux termes de l’article 1er du décret du 26 février 1976 fixant les dispositions applicables aux surveillants d’externat et aux maîtres d’internat des établissements d’enseignement technique agricole : « Les fonctions de surveillants d’externat et de maitres d’internat des établissements d’enseignement technique agricole sont des fonctions essentiellement temporaires dont la durée est limitée (…) ». Aux termes de l’article 1er du décret du 15 mars 1977 fixant les conditions de service hebdomadaire des surveillants d’externat et maîtres d’internat des établissements d’enseignement technique agricole : « Les obligations de service hebdomadaire des surveillants d’externat et des maîtres d’internat sont fixées comme suit : / (…) Maîtres d’internat : trente-quatre heures (la durée de service au dortoir, du coucher au lever des élèves, étant comptée pour trois heures) ».

7. Ensuite, aux termes de l’article 1er du décret du 7 août 1995 fixant le statut particulier du corps des surveillants des établissements d’enseignement technique agricole ayant modifié le décret du 18 août 1980 relatif au corps des surveillants des établissements d’enseignement technique agricole : « Les surveillants des établissements d’enseignement technique agricole constituent un corps classé dans la catégorie C prévue à l’article 29 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et régi par les dispositions du décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 relatif à l’organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C ainsi que par celles du présent décret. Ils concourent au bon ordre de la vie scolaire dans les lycées professionnels agricoles, les lycées d’enseignement général et technologique agricole, les établissements assimilés ainsi que les centres de formation professionnelle agricole pour jeunes relevant du ministre chargé de l’agriculture. (…) ».

8. Enfin, le contrat de travail à durée déterminée conclu le 11 janvier 1993 entre M. C… et l’EPLEFPA de Coutances, non modifié sur ce point par les clauses du contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er janvier 1994, prévoit que : « Conditions d’activité – horaires de travail – congés payés : La durée hebdomadaire de travail est fixée à 39 h. La surveillance d’une nuit comptant pour 4 heures effectives. ».

9. Eu égard aux missions confiées à l’intéressé par ses contrats de travail avec l’EPLEFPA de Coutances, consistant essentiellement en des fonctions de surveillant-éducateur, effectuées également la nuit, pouvant conduire à assurer des fonctions pédagogiques accessoires consistant en des activités de surveillance ou de devoir sur table, au fait que la rémunération de M. C… et le régime de ses congés annuels a été fixé par référence au régime applicable aux surveillants d’externat et maîtres d’internat et au corps des surveillants des établissements d’enseignement technique agricole, ainsi qu’en attestent également les bulletins de salaires produits, le requérant doit être regardé comme relevant à la fois du statut général des maîtres et maîtresses d’internat des lycées, collèges et cours secondaires prévu par le décret du 11 mai 1937 susvisé, du statut particulier des surveillants des établissements d’enseignement technique agricole, tel que prévu par le décret du 18 août 1980 modifié, et du statut des surveillants d’externat et maîtres d’internat des établissements d’enseignement technique agricole, tel que prévu par le décret du 26 février 1976 précité. La circonstance que M. C… ait été recruté par contrat de travail du 1er juin 1994 par le directeur régional de l’agriculture et de la forêt en qualité d’enseignant et de surveillant sur la période du 17 janvier au 28 mai 1994, est sans incidence sur la nature des fonctions définies par les contrats de travail en cause entre l’intéressé et l’EPLEFPA de Coutances et sur le régime juridique applicable à leur relation de travail. Dans ces conditions, les dispositions de l’article 1er du décret du 15 mars 1977 fixant les obligations de services des maîtres d’internat étaient applicables à M. C… dans le cadre de ses fonctions de maître d’internat et faisaient obstacle à l’application du contrat de travail de M. C…, en ce qu’il prévoyait, en méconnaissance de ces dispositions, que les heures effectuées de nuit soient comptabilisées et rémunérées sur la base de quatre heures de travail effectif. Par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’EPLEFPA de Coutances aurait commis une faute en le rémunérant sur la base de trois heures par nuit.

En ce qui concerne le non-respect de l’amplitude horaire :

10. Tout d’abord, aux termes de l’article 8 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, laquelle a repris sur ce point les dispositions de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 qui devait être transposée dans le droit interne des Etats au plus tard le 23 novembre 1996 : " Durée du travail de nuit – Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que : a) le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ; « . Aux termes de l’article 16 de cette directive : » Les États membres peuvent prévoir : (…) c) pour l’application de l’article 8 (durée du travail de nuit), une période de référence définie après consultation des partenaires sociaux ou par des conventions collectives ou accords conclus au niveau national ou régional entre partenaires sociaux. (…) « . Aux termes du paragraphe 3 de l’article 17 de cette directive : » Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16:/ (…) / b) pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes (…) ".

11. Ensuite, aux termes de l’article 1er précité du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’Etat et dans la magistrature : « La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l’Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d’enseignement. Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées. Cette durée annuelle peut être réduite, par arrêté du ministre intéressé, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, pris après avis du comité technique ministériel, et le cas échéant du comité d’hygiène et de sécurité, pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail, ou de travaux pénibles ou dangereux. ». Aux termes de l’article 3 du même décret : " I.- L’organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d’une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures. / Les agents bénéficient d’un repos minimum quotidien de onze heures. / L’amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures. / Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou une autre période de sept heures consécutives comprise entre 22 heures et 7 heures. / II.- Il ne peut être dérogé aux règles énoncées au I que dans les cas et conditions ci-après : / a) Lorsque l’objet même du service public en cause l’exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d’Etat, pris après avis du comité d’hygiène et de sécurité le cas échéant, du comité technique ministériel et du Conseil supérieur de la fonction publique, qui détermine les contreparties accordées aux catégories d’agents concernés ; b) Lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, par décision du chef de service qui en informe immédiatement les représentants du personnel au comité technique compétent « . Aux termes de l’article 8 du même décret : » Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée par décret en Conseil d’Etat, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat et du comité technique ministériel pour des corps ou emplois dont les missions impliquent un temps de présence supérieur au temps de travail effectif tel que défini à l’article 2. Ces périodes sont rémunérées conformément à la grille des classifications et des rémunérations ".

12. Enfin, aux termes, de l’article 6 du décret du 11 mai 1937 relatif au statut des maîtres et maîtresses d’internat des lycées, collèges et cours secondaires : « Les maîtres et maîtresses d’internat ont droit à une liberté de vingt-quatre heures consécutives par semaine et le service doit être réglé de manière à leur laisser, les jours de classe, six heures au moins de liberté entre l’entrée des élèves en classe le matin et le départ des externes surveillés après l’étude du soir ». Aux termes de l’article 2 du décret du 15 mars 1977 précité fixant les obligations de service hebdomadaire des surveillants d’externat et maîtres d’internat des établissements d’enseignement technique agricole : « Les obligations de service hebdomadaire des (…) maîtres d’internat sont fixées (à…) 34 heures (la durée de service au dortoir, du coucher au lever des élèves étant comptée pour 3 heures) ».

13. En l’espèce, il résulte de l’instruction, comme l’a relevé le tribunal, que M. C… effectue, du lundi soir au vendredi matin, de 17h45 le soir à 8h30 le lendemain matin, un service quotidien de 14h45 minutes comptées pour 9h30 minutes de travail donnant lieu à rémunération, les heures effectuées de 22h30, heure de coucher des élèves, à 6h45, heure de lever, étant décomptées pour trois heures de travail effectif. L’amplitude horaire quotidienne du temps de travail de M. C… est donc supérieure à l’amplitude réglementaire fixée par l’article 1er précité du décret du 25 août 2000, qui ne peut excéder douze heures, sauf dérogation prévue au II du même article. De même, s’agissant de la durée de repos quotidien laissé à M. C… entre deux périodes de travail, il résulte de l’instruction qu’elle est égale à 9h15 minutes, soit une durée inférieure aux dispositions de l’article 1er du décret n° 2000-815 qui fixe cette durée à onze heures au minimum. Toutefois, une dérogation a été prévue par l’article 8 du même décret qui autorise à fixer un temps de travail supérieur à la durée légale lorsqu’il est institué un horaire d’équivalence, réduisant d’autant le temps de repos quotidien. Ce régime d’équivalence qui constitue un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction, est prévu, pour les surveillants d’externat et maîtres d’internat des établissements d’enseignement technique agricole, par l’article 2 du décret du 15 mars 1977 précité qui prévoit que la période comprise entre 22h30 (heure du coucher des élèves) et 6h45 (heure de lever) doit être décomptée comme 3 heures de travail effectif.

14. Néanmoins, si les dispositions de la directive 2003/88/CE précitées n’empêchent pas, pour l’établissement de l’amplitude horaire quotidienne du temps de travail des maîtres et maîtresses d’internat des lycées, collèges et cours secondaires, de fixer des équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d’inaction, le dépassement de la durée maximale de travail qu’elles prévoient porte atteinte à la sécurité et à la santé des intéressés en ce qu’il les prive du repos auquel ils ont droit et leur cause, de ce seul fait, un préjudice, indépendamment de leurs conditions de rémunération ou d’hébergement. Par suite, M. C…, est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à obtenir une réparation de son préjudice lié au non respect de l’amplitude horaire quotidienne prévue par le décret du 25 août 2000 relatif à la réduction du temps de travail et, par voie de conséquence, de son temps minimum de repos quotidien.

15. Il y a lieu d’évaluer le préjudice ainsi constaté en fonction des circonstances de l’espèce, notamment de la réalité, de la répétition et de l’amplitude des dépassements effectués, dès lors que l’atteinte portée à la sécurité et à la santé du travailleur est susceptible de s’accroître de manière exponentielle par l’effet d’accumulation de la fatigue qui en découle.

16. Il résulte de l’instruction que M. C…, qui disposait d’une chambre pour dormir de 22h30 à 6h45, dont rien n’indique qu’il n’en aurait pas fait usage, a effectué 02h45 par journée de travail en dépassement du plafond quotidien réglementaire depuis 1996 jusqu’au début du mois de mars 2018, date de réception de sa réclamation préalable indemnitaire. Il n’est pas établi que ces heures n’auraient pas été rémunérées dans des conditions régulières. Il sera fait, dans ces conditions, une juste appréciation des troubles subis par le requérant dans ses conditions d’existence du fait de ces dépassements, et notamment de l’atteinte portée à sa santé et à sa sécurité, en lui accordant à ce titre, pour chacune des années en cause, une somme de 500 euros, soit une somme totale de 11 000 euros.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C… est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en ce que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’EPLEFPA de Coutances pour non-respect de l’amplitude horaire réglementaire de travail.

Sur les frais de procédure :

18. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de M. C…, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par l’EPLEFPA de Coutances au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’EPLEFPA de Coutances une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.


DÉCIDE :

Article 1er : L’EPLEFPA de Coutances est condamné à verser à M. C… une somme de 11 000 (onze mille) euros en réparation de ses préjudices.

Article 2 : Le jugement du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu’il est contraire à l’article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L’EPLEFPA de Coutances versera à M. C… la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E… C… et à l’EPLEFPA de Coutances.

Délibéré après l’audience du 28 mai 2021, à laquelle siégeaient :


- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2021.


Le rapporteur,

F. A… Le président,

O. GASPON


La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de l’alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19NT03602

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