CAA de NANTES, 5ème chambre, 5 avril 2022, 19NT02389, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 5e ch., 5 avr. 2022, n° 19NT02389
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 19NT02389
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nantes, 5 octobre 2020, N° 19NT02389
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045521558

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt no 19NT02389 du 6 octobre 2020, la cour administrative d’appel de Nantes a, en application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, sursis à statuer, jusqu’à l’expiration du délai d’un an à compter de la notification de cet arrêt, sur la demande de l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles (NACICCA) tendant à l’annulation de l’arrêté du 18 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a autorisé, au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, la construction et l’exploitation d’un parc éolien en mer au large de la commune de Port-Saint-Louis-du-Rhône, afin de permettre à la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large ou à l’État de notifier à la cour une autorisation environnementale modificative.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2021, la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large, représentée par Me Elfassi, a communiqué à la cour l’arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a délivré un arrêté complémentaire portant modification de son arrêté du 18 février 2019.

Par un mémoire, enregistré le 3 décembre 2021, l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles, représentée par Me Victoria, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et demande, en outre, à la cour d’annuler l’arrêté du 28 octobre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône.

Elle soutient que :

— les arrêtés contestés méconnaissent les dispositions du VI de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;

— ils méconnaissent les dispositions du VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;

— ils méconnaissent les dispositions de l’article L. 163-1 du code de l’environnement ;

— ils méconnaissent les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2021, la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par l’association NACICCA ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par l’association NACICCA ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’énergie ;

— le code de l’environnement ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Bréchot,

— les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

— et les observations de Me Elfassi, représentant la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large.

Considérant ce qui suit :

1. Par l’arrêt susvisé du 6 octobre 2020, la cour administrative d’appel de Nantes a jugé que l’autorisation délivrée par l’arrêté du 18 février 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône était illégale dès lors, d’une part, qu’elle avait été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, d’autre part, qu’elle n’avait pas été précédée d’un avis conforme des parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros en application du III de l’article L. 331-14 du code de l’environnement, et, enfin, en tant qu’elle n’incorporait pas la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces animales non domestiques et de leurs habitats, prévue à l’article L. 411-2 du code l’environnement. La cour a considéré que ces vices étaient, en l’état de l’instruction, susceptibles d’être régularisés par une autorisation modificative, laquelle ne pourrait être accordée que sous réserve que soient recueillis préalablement l’avis conforme favorable des parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros et que soient respectées, d’une part, les conditions fixées au VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement permettant à l’autorité compétente de donner son accord au projet, en l’absence de solutions alternatives, pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, assorti de mesures compensatoires afin de maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000, ainsi que, d’autre part, les conditions fixées au 4° de l’article L. 411-2 du code l’environnement pour déroger aux interdictions édictées pour la conservation des espèces animales non domestiques et de leurs habitats. La cour a enfin précisé que la délivrance d’une telle autorisation modificative impliquerait également l’organisation d’une nouvelle enquête publique afin de soumettre ces nouveaux éléments à la connaissance du public.

2. À la suite de ce premier arrêt de la cour, la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large (ci-après la « société PGL »), après avoir fait réaliser par un bureau d’études spécialisées un addendum à l’évaluation des incidences Natura 2000 ainsi qu’un dossier de demande de dérogation aux interdictions édictées pour la conservation des espèces animales non domestiques et de leurs habitats, a déposé, le 15 janvier 2021, une demande d’autorisation environnementale modificative. Les conseils d’administration des parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros ont rendu des avis conformes favorables au projet respectivement les 26 février et 9 mars 2021. Le conseil national de la protection de la nature a émis un nouvel avis sur le projet le 31 mars 2021, de même que l’autorité environnementale le 5 mai 2021. À la suite de l’enquête publique relative à la demande d’autorisation environnementale modificative, qui s’est déroulée du 1er au 30 juin 2021, le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable le 5 août 2021. Par un arrêté du 28 octobre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a délivré à la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large une autorisation environnementale modificative tenant lieu d’accord au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement et de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées au titre des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement. Cet arrêté complémentaire du 28 octobre 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône, portant modification de l’arrêté préfectoral du 18 février 2019, a été communiqué à la cour par la société PGL et par le préfet des Bouches-du-Rhône. L’association NACICCA demande l’annulation de cet arrêté du 28 octobre 2021 et soutient qu’il n’a pas régularisé les vices dont était entaché l’arrêté du 18 février 2019.

3. Aux termes de l’article L. 181-18 du code de l’environnement : " I. – Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ; / 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / () "

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 18 février 2019 et de l’arrêté du 28 octobre 2021 :

En ce qui concerne le moyen tiré de l’absence d’avis conforme des parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros :

4. Aux termes du III de l’article L. 331-14 du code de l’environnement : « Lorsqu’une activité est susceptible d’altérer de façon notable le milieu marin compris dans le cœur d’un parc national, l’autorisation à laquelle elle est soumise ne peut être délivrée que sur avis conforme de l’établissement public du parc national pris après consultation de son conseil scientifique. Cette procédure n’est pas applicable aux activités répondant aux besoins de la défense nationale, de l’ordre public, de la sécurité maritime et de la lutte contre la pollution. »

5. Postérieurement au premier arrêt de la cour, le conseil d’administration du parc national des Calanques a, par une délibération du 26 février 2021 prise après consultation de son conseil scientifique, rendu un avis conforme favorable au projet en litige, assorti de préconisations ainsi que de réserves, dont la teneur a été intégrée à l’arrêté préfectoral du 28 octobre 2021. Le conseil d’administration du parc national de Port-Cros a, par une délibération du 9 mars 2021 prise après consultation de son conseil scientifique, également émis un avis conforme favorable au projet, assorti de recommandations. Dès lors, le vice tiré de ce que l’arrêté contesté du 18 février 2019 n’a pas été précédé d’un avis conforme de ces parcs nationaux a été régularisé par l’arrêté contesté du 28 octobre 2021.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 414-4 du code de l’environnement :

6. Aux termes de l’article L. 414-4 du code de l’environnement : « I. – Lorsqu’ils sont susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après »Évaluation des incidences Natura 2000" : / () 2° Les programmes ou projets d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations ; / () VI. – L’autorité chargée d’autoriser, d’approuver ou de recevoir la déclaration s’oppose à tout () projet () si l’évaluation des incidences requise en application des III, IV et IV bis n’a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s’il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d’un site Natura 2000. / () VII. – Lorsqu’une évaluation conclut à une atteinte aux objectifs de conservation d’un site Natura 2000 et en l’absence de solutions alternatives, l’autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d’intérêt public majeur. Dans ce cas, elle s’assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge () du bénéficiaire du () projet d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations, (). La Commission européenne en est tenue informée. / VIII. – Lorsque le site abrite un type d’habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, l’accord mentionné au VII ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l’environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur. "

7. Aux termes de l’article R. 414-23 du même code : " Le dossier d’évaluation des incidences Natura 2000 est établi, () s’il s’agit () d’un projet (), par le maître d’ouvrage ou le pétitionnaire (). / Cette évaluation est proportionnée à l’importance du document ou de l’opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. / () II. – Dans l’hypothèse où un ou plusieurs sites Natura 2000 sont susceptibles d’être affectés, le dossier comprend également une analyse des effets temporaires ou permanents, directs ou indirects, que () le projet () peut avoir, individuellement ou en raison de ses effets cumulés avec d’autres documents de planification, ou d’autres programmes, projets, manifestations ou interventions dont est responsable l’autorité chargée d’approuver le document de planification, le maître d’ouvrage, le pétitionnaire ou l’organisateur, sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites. / III. – S’il résulte de l’analyse mentionnée au II que le () projet () peut avoir des effets significatifs dommageables, pendant ou après sa réalisation (), sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier comprend un exposé des mesures qui seront prises pour supprimer ou réduire ces effets dommageables. / IV. – Lorsque, malgré les mesures prévues au III, des effets significatifs dommageables subsistent sur l’état de conservation des habitats naturels et des espèces qui ont justifié la désignation du ou des sites, le dossier d’évaluation expose, en outre : / 1° La description des solutions alternatives envisageables, les raisons pour lesquelles il n’existe pas d’autre solution que celle retenue et les éléments qui permettent de justifier () la réalisation () du projet (), dans les conditions prévues aux VII et VIII de l’article L. 414-4 ; / 2° La description des mesures envisagées pour compenser les effets dommageables que les mesures prévues au III ci-dessus ne peuvent supprimer. Les mesures compensatoires permettent une compensation efficace et proportionnée au regard de l’atteinte portée aux objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et du maintien de la cohérence globale du réseau Natura 2000. () ; / 3° L’estimation des dépenses correspondantes et les modalités de prise en charge des mesures compensatoires (). "

8. Ces dispositions transposent en droit français celles de l’article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et la flore sauvage (directive « Habitats ») et de son article 7, qui en étend l’application aux sites désignés par l’article 4 de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, remplacée par la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « Oiseaux »).

9. Il résulte des dispositions précitées du VI de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, éclairées par l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne aux dispositions de la directive européenne qu’elles transposent, que l’autorisation d’un projet entrant dans leur champ d’application ne peut être accordée qu’à la condition que les autorités compétentes, une fois identifiés tous les aspects de ce projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation du site Natura 2000 concerné, et compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, aient acquis la certitude qu’il est dépourvu d’effets préjudiciables sur les objectifs de conservation du site. Il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets. Lorsqu’une évaluation conclut à une atteinte par le projet en cause aux objectifs de conservation d’un site Natura 2000, l’autorité compétente peut néanmoins, en application du VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, autoriser ce projet à titre dérogatoire pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, en l’absence de solutions alternatives, sous réserve que des mesures compensatoires soient prises afin de maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000.

S’agissant du respect des dispositions du VI de l’article L. 414-4 du code de l’environnement :

10. Le projet de parc éolien en litige est inclus dans le périmètre de la zone de protection spéciale « Camargue » (ZPS FR9310019). Il est en outre implanté à proximité de la zone de protection spéciale « Iles Marseillaises-Cassidaigne » (ZPS FR9312007), de la zone de protection spéciale « Marais entre Crau et Grand Rhône » (ZPS FR9312001), et se situe enfin à 140 km de la zone de protection spéciale « Iles d’Hyères » (ZPS FR93100204), dont certaines espèces peuvent fréquenter le site d’implantation du projet.

11. Par son arrêt avant-dire droit du 6 octobre 2020, la cour a jugé qu’il subsistait un doute raisonnable, d’un point de vue scientifique, quant à la possibilité que le parc projeté, en cas de surmortalité annuelle de plusieurs individus provoquée par des collisions avec les éoliennes, ait des effets significatifs dommageables sur la bonne conservation des populations de puffin yelkouan et de puffin de Scopoli présentes dans les zones de protection spéciale « Camargue », « Iles Marseillaises-Cassidaigne » et « Iles d’Hyères », ainsi que sur la bonne conservation des populations de sterne caugek présentes principalement dans la zone de protection spéciale « Camargue ». Elle en a conclu, au point 65 de cet arrêt, que, d’une part, si l’évaluation des incidences requises au regard des objectifs de conservation des zones de protection spéciale « Camargue », « Iles Marseillaises-Cassidaigne » et « Iles d’Hyères », qui faisait état des incertitudes liées à certains éléments du projet et aux lacunes des connaissances scientifiques, pouvait être regardée comme suffisante quant à son contenu, elle aurait dû conclure que la réalisation du projet porterait atteinte aux objectifs de conservation de plusieurs sites Natura 2000, et, d’autre, part, que le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait autoriser le projet en litige, à titre dérogatoire, qu’après avoir vérifié qu’étaient remplies les conditions prévues par le VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement.

12. À la suite de ce premier arrêt de la cour, la société PGL a fait réaliser, en janvier 2021, un addendum à l’évaluation des incidences Natura 2000 par un bureau d’études spécialisées. Il ressort de cette étude que, même après prise en compte des mesures d’évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire, il subsiste un doute raisonnable quant au fait que le projet de parc éolien soit susceptible de porter atteinte à l’état de conservation des populations de sept espèces présentes dans les zones de protection spéciale citées au point 10, à savoir le puffin yelkouan, le puffin de Scopoli, la sterne caugek, la mouette mélanocéphale, la sterne pierregarin, le puffin des Baléares et l’océanite tempête. Il résulte ainsi de l’instruction que le projet en litige est susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation des zones de protection spéciale « Camargue », « Iles Marseillaises-Cassidaigne », « Iles d’Hyères » et « Marais entre Crau et Grand Rhône ».

13. En revanche, en ce qui concerne les oiseaux migrateurs terrestres, dont neuf espèces (le canard souchet, le héron pourpré, le hibou des marais, l’engoulevent d’Europe, le busard des roseaux, l’aigrette garzette, la grue cendrée, la bondrée apivore et le flamant rose) ont justifié la désignation de trois des zones de protection spéciale considérées (les ZPS « Camargue », « Iles d’Hyères » et « Marais entre Crau et Grand Rhône »), l’addendum à l’évaluation des incidences Natura 2000 réalisé en janvier 2021 conclut qu’il est possible d’exclure tout doute raisonnable que le projet de la société PGL ait des effets significatifs dommageables sur la bonne conservation de ces espèces dans ces zones et donc qu’il est possible d’exclure toute atteinte aux objectifs de conservation de ces zones. Cette étude expose ainsi que l’impact résiduel du projet sur ces espèces est évalué « au maximum comme faible pour l’ensemble des effets du projet », notamment s’agissant du risque de collision, en raison des mesures de réduction prévues par l’autorisation modificative, consistant à déployer un système d’effarouchement efficace pour les espèces migratrices qui ne fréquentent que de façon ponctuelle la zone du projet et à prévoir un arrêt des machines, programmé au cours des périodes de migration. Cette étude précise également que les neuf espèces déjà citées de migrateurs terrestres « présentent globalement un bon, voire excellent, état de conservation de leurs populations dans les ZPS considérées », à l’exception des populations reproductrices et migratrices de héron pourpré et de bondrée apivore en Camargue qui présentent un état de conservation jugé « moyen » en raison, respectivement, d’une potentielle régression de la population et de faibles effectifs. L’étude indique néanmoins que les individus nicheurs de ces espèces ne sont pas susceptibles d’être affectés par les effets du projet, situé à 14 km des côtes, dans la mesure où ces espèces ne s’alimentent pas préférentiellement en mer. Par ailleurs, si l’étude relève que les effets du projet peuvent concerner ces espèces lors des périodes migratoires, elle indique que le risque de collision potentiel est « très limité » du fait de la configuration et de la superficie réduite du parc, et que leur fréquentation seulement ponctuelle de la zone du projet permet d’exclure une atteinte à l’état de conservation de ces espèces dans les zones de protection spéciales considérées.

14. Pour contester les conclusions de cette étude en ce qui concerne les oiseaux migrateurs terrestres, l’association NACICCA fait valoir que la mer Méditerranée est traversée deux fois par an, au printemps et à l’automne, par plusieurs milliards d’oiseaux migrateurs, avec un effectif moyen de 8 000 à 12 000 oiseaux par kilomètre de front, lesquels s’engagent quotidiennement en mer, essentiellement de nuit, entre fin août et fin octobre. Elle ajoute que ce phénomène est sans doute exacerbé en Camargue, qui constitue l’un des plus importants points de halte de la rive européenne de la Méditerranée et le plus important de France, et que le projet de parc s’implantera au droit d’une zone de protection spéciale d’importance internationale pour la conservation des oiseaux. Il résulte par ailleurs de l’instruction que les migrateurs terrestres nocturnes sont très sensibles aux éclairages et que des cas de collision et de mortalité massifs de nuit sont documentés sur des phares et des parcs éoliens en mer, principalement par des passereaux. Les migrateurs terrestres diurnes sont, pour leur part, susceptibles de percuter les éoliennes lorsqu’elles sont utilisées comme reposoirs en fin de trajet migratoire ou en cas de dégradation rapide des conditions météorologiques.

15. Pour autant, le parc éolien projeté sera composé de seulement trois éoliennes implantées, selon une orientation relativement parallèle aux mouvements migratoires nord-sud, sur un linéaire nord-sud de 3 km et une largeur est-ouest inférieure à 1 km. Le passage potentiel d’oiseaux migrateurs terrestres dans la zone du projet ne sera en outre que ponctuel au cours des périodes de migration. Compte tenu par ailleurs du relativement bon état de conservation des espèces considérées au sein des trois zones de protection spéciale en cause, de l’importance de la répartition spatiale de la migration nocturne à l’échelle de la Méditerranée et en altitude, ainsi que des mesures de réduction prévues par l’autorisation modificative, il ne résulte pas de l’instruction que le projet en litige, même en tenant compte de ses effets cumulés avec les autres parcs d’éoliennes flottantes développés au large des côtes méditerranéennes françaises, serait susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation de ces zones.

16. Dès lors, et en tout état de cause, l’évaluation des incidences Natura 2000 complétée par son addendum se révèle suffisante et le moyen tiré de ce que l’autorisation environnementale litigieuse méconnaîtrait les dispositions du VI de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, notamment en ce qui concerne les oiseaux migrateurs terrestres, doit être écarté.

S’agissant du respect des conditions prévues par le VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement pour autoriser le projet en litige :

17. Ainsi qu’il a été dit au point 12, il résulte de l’instruction que le projet en litige est susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation des zones de protection spéciale « Camargue », « Iles Marseillaises-Cassidaigne », « Iles d’Hyères » et « Marais entre Crau et Grand Rhône » en raison du risque d’atteinte à l’état de conservation des populations de puffin yelkouan, puffin de Scopoli, sterne caugek, mouette mélanocéphale, sterne pierregarin, puffin des Baléares et océanite tempête. Ce projet ne peut donc être légalement autorisé à titre dérogatoire, en application des dispositions du VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement, qu’en l’absence de solutions alternatives et pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, et sous réserve que des mesures compensatoires soient prises afin de maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000.

Quant à l’absence de solutions alternatives :

18. Il résulte de l’instruction, notamment des informations qui figurent en pages 63 et suivantes de l’addendum à l’évaluation des incidences Natura 2000 réalisé en janvier 2021 pour le pétitionnaire, que la société PGL a initié son projet de parc éolien flottant en avril 2010, à une époque où il n’existait aucune éolienne flottante. Le choix de la technologie de l’éolien flottant a été motivé par les nombreux avantages qu’il présente par rapport à l’éolien posé en mer, notamment la possibilité d’atteindre des bathymétries sensiblement supérieures et donc de s’éloigner des côtes, permettant de profiter de vents plus forts et plus réguliers, de réduire les conflits d’usage en mer et de diminuer les impacts sur l’avifaune et les atteintes aux paysages. La mer Méditerranée a par ailleurs été très tôt identifiée par l’État et par la société PGL comme propice à l’expérimentation et au développement de l’éolien flottant, en raison de la profondeur de ses fonds qui les rendent inaccessibles à l’éolien posé en mer, de gisements éoliens particulièrement importants dans le golfe du Lion, ainsi que d’un marnage réduit qui offre des conditions d’expérimentation plus sûres pour les systèmes de flotteurs que celles rencontrées sur les autres façades maritimes françaises.

19. Afin d’identifier le site le plus favorable à son projet, la société PGL a réalisé une analyse multicritère à partir d’une cartographie réalisée entre 2008 et 2010 par les services de l’État, dans le cadre d’une première concertation associant de nombreux acteurs, qui a évalué la sensibilité des zones maritimes d’implantation potentielle de l’éolien en mer au regard des textes applicables et de ses impacts ou incidences prévisionnels. Au vu de cette cartographie, la société PGL a identifié quatre sites présentant une moindre sensibilité environnementale et sur le plan des usages, au large du Cap Cerbère, du Languedoc, de la Camargue et du golfe de Fos. Elle les a ensuite analysés en prenant en compte des critères tenant à la superficie disponible, aux contraintes liées aux radars de surveillance, aux interactions avec l’activité de pêche, à la proximité d’infrastructures portuaires adaptées, à la qualité du gisement de vent, à la sécurité maritime, à la bathymétrie, au potentiel de raccordement au réseau électrique et à la sensibilité du site. Il est ressorti de cette étude que le site du golfe de Fos était à la fois « le seul à avoir été classé en niveau de sensibilité modéré dans le zonage de l’Etat » et « le plus adapté techniquement », grâce à l’un des meilleurs gisements éoliens, une profondeur d’eau adéquate, un réseau électrique de forte puissance et la proximité du grand port de Marseille-Fos susceptible d’accueillir les activités d’assemblage des flotteurs et des éoliennes. En outre, sur le plan environnemental, le site identifié au large de la Camargue a été jugé plus sensible aux enjeux avifaunistiques que celui du golfe de Fos. Cette étude a conduit la société PGL, en novembre 2010, à retenir la zone du golfe de Fos pour se porter candidate à l’appel d’offres « NER 300 » de l’Union européenne, organisé dans le cadre d’un programme de soutien aux énergies renouvelables d’avenir.

20. Une fois le golfe de Fos retenu, la société PGL a proposé à l’État une implantation en haute mer, à l’extérieur des eaux territoriales françaises et de toute zone Natura 2000, à l’écart du chenal d’accès au grand port maritime de Marseille-Fos et du futur parc national des Calanques. Cependant, en 2011, du fait de l’absence de cadre réglementaire applicable pour ce type de projet au sein d’une zone économique exclusive, les services de l’État ont proposé à la société PGL d’implanter le parc pilote dans les eaux territoriales françaises, afin notamment de sécuriser l’éligibilité de la future production électrique du parc à un contrat d’obligation d’achat d’électricité, condition de la viabilité économique de l’opération. Une solution n° 2 a donc été identifiée, consistant à relocaliser le projet immédiatement au nord de sa localisation initiale, en limite intérieure de la zone de protection spéciale « Camargue ». A cet égard, une relocalisation plus à l’est, dans les eaux territoriales françaises mais à l’extérieur de cette zone Natura 2000, a été estimée impossible en raison du risque, perçu comme inacceptable, d’implanter la ferme pilote à proximité du chenal d’accès au grand port maritime de Marseille-Fos ou au sein du futur parc national des Calanques. L’identification de la zone d’implantation du projet a alors fait l’objet d’une deuxième phase de concertation, organisée par la société EDF Énergies Nouvelles entre 2011 et début 2013, auprès des acteurs du territoire. Il ressort de l’addendum précité que, lors des réunions organisées dans ce cadre, « les spécialistes de l’avifaune ont estimé qu’en l’état des connaissances, il n’existait pas d’éléments montrant que le flux migratoire au départ du littoral Camarguais serait plus important qu’au départ d’une toute autre partie du littoral méditerranéen » et que, s’agissant des oiseaux marins, « les cartes de 2013 diffusées par le CEFE CNRS, l’Agence des Aires Marines Protégées et le Parc National de Port Cros ont confirmé que la localisation du puffin Yelkouan est distribuée sur tout le littoral méditerranéen et non pas uniquement sur la zone envisagée pour l’implantation du projet », ce qui a conduit à considérer les enjeux avifaunistiques comme « homogènes sur l’axe est-ouest ».

21. En 2013, une troisième phase de concertation a été organisée par la société PGL, qui a conduit à la proposition d’une solution n° 3 consistant à faire pivoter l’alignement des éoliennes d’un axe est-ouest à une orientation nord-est – sud-ouest, afin de positionner les machines face aux vents dominants, puis à la proposition d’une solution n° 4 consistant à aligner les éoliennes sur un axe nord-sud, afin de s’aligner sur la ligne bathymétrique de 100 mètres de fond favorisant le chalutage et d’offrir une orientation des éoliennes relativement parallèle aux flux des oiseaux migrateurs.

22. En 2015, la pertinence du choix de la localisation du site au large du Golfe de Fos a été confirmée au terme d’une quatrième phase de concertation, organisée par l’État à l’échelle du golfe du Lion et associant notamment des associations de protection de l’environnement et les gestionnaires de milieux naturels, afin de définir les zones éligibles à l’appel à projets « fermes pilotes éoliennes flottantes » que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) lancera en août 2015. Cette concertation a abouti à la rédaction d’un « document de planification : le développement de l’éolien en mer Méditerranée », lequel, sur la base de multiples critères, a identifié trois zones comme propices à l’installation de fermes pilotes, à savoir les zones de Leucate, Gruissan et Faraman, cette dernière zone incluant le site déjà identifié par la société PGL pour son projet. Parmi les critères retenus pour identifier ces zones, il a été considéré que l’installation de parcs éoliens était impossible au sein d’une réserve naturelle nationale et du cœur des parcs marins nationaux, tandis qu’elle restait possible au cas par cas, après évaluation des incidences du projet, au sein des sites Natura 2000. L’analyse des données scientifiques du programme PACOMM a par ailleurs conduit à estimer que la zone côtière, à moins de 6 milles nautiques, présentait des enjeux majeurs pour l’avifaune, les enjeux étant en revanche moins forts au-delà, du fait d’une plus grande dispersion de l’avifaune.

23. En 2015 également, la société PGL a renoncé à la technologie d’éoliennes « à axe vertical », au profit d’éoliennes « à axe horizontal », et choisi un modèle d’éolienne de 8 MW de puissance nominale, très supérieur au précédent modèle qui était doté d’une puissance nominale de 2 MW. En conséquence, le nombre d’éoliennes du parc projeté a été réduit de treize à seulement trois, pour une puissance totale presque équivalente (24 MW au lieu de 26 MW), avec un alignement sur une ligne unique au lieu de deux lignes. Cette réduction du nombre d’alignements et du linéaire du parc a été considérée comme de nature à réduire significativement l’effet barrière et le risque de collision avec les oiseaux, tant sur l’axe est-ouest que sur l’axe nord-sud. Parallèlement, la société PGL a choisi un nouveau type de flotteurs, de type « TLP » dits « à lignes d’ancrage tendues », présentant le double avantage de comporter des ancrages débordant de quelques dizaines de mètres de l’emprise de la machine, contre plusieurs centaines de mètres pour le système d’ancrage de type caténaire initialement prévu, ainsi que d’éviter le phénomène de « ragage » lors des mouvements de la plateforme. Grâce à ces modifications technologiques, favorables à la protection de l’environnement, la superficie occupée par le projet en litige a été réduite de 14 à moins de 0,8 kilomètres carrés. Cette solution n° 5 a fait l’objet d’une cinquième phase de concertation sur la localisation du projet, sous la supervision d’une garante désignée par la commission nationale du débat public.

24. Enfin, une sixième concertation, organisée par les services de l’État dans la perspective d’identifier les secteurs propices au développement de l’éolien flottant dans une logique commerciale – et non plus d’expérimentation – s’est achevée en juin 2018 par la publication d’un nouveau document de planification, qui a, de nouveau, intégré le secteur identifié par la société PGL parmi les secteurs propices au développement de l’éolien flottant.

25. Ainsi, il résulte des points 18 à 24 que la société PGL a, au cours d’une période de dix ans et dans le cadre de multiples concertations associant notamment des experts scientifiques et des associations de protection de l’environnement, vérifié l’absence de solutions alternatives à l’implantation retenue pour son projet, et étudié les moyens de réduire l’impact de celui-ci sur les objectifs de conservation des sites Natura 2000 concernés.

26. Si l’association NACICCA soutient que l’État et la société PGL n’ont à aucun moment analysé la nécessité de la réalisation du projet, et donc l’abandon de celui-ci afin de préserver l’intégrité du réseau Natura 2000, alors que deux autres projets expérimentaux de parcs éoliens flottants ont été autorisés en Méditerranée en dehors de sites Natura 2000 et seraient davantage avancés, il résulte de l’instruction que le projet en litige vise, avec trois autres projets dont deux en Méditerranée, à évaluer, dans des conditions réelles d’exploitation, la technologie de l’éolien en mer flottant ainsi que ses impacts sur les autres activités et sur l’environnement, préalablement au développement de l’éolien flottant commercial, conformément à l’appel à projet lancé en août 2015 par l’ADEME. Ces projets visent également à acquérir des connaissances sur l’avifaune et les écosystèmes marins ainsi qu’à expérimenter différentes technologies. Or, comme le fait valoir la société PGL, le projet en litige se situe dans une zone éloignée des deux autres projets pilotes, situés au large de Leucate et Gruissan, de sorte que le retour d’expérience et les données scientifiques acquises par ces différents projets seront complémentaires et permettront de couvrir une large partie de la façade méditerranéenne française. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que la technologie utilisée par la société PGL, issue du secteur pétrolier et reposant sur des flotteurs à lignes tendues qui permettent une meilleure stabilité de l’ensemble et une emprise aquatique réduite, est inédite dans l’Union européenne et dans le monde, et se distingue nettement de celles employées par les autres projets. Au demeurant, il ne résulte pas de l’instruction que les deux autres projets autorisés au large de Leucate et Gruissan seraient davantage avancés.

27. L’association NACICCA soutient encore que d’autres secteurs, moins sensibles sur le plan environnemental et moins dommageables pour les objectifs de conservation des sites Natura 2000 affectés par le projet que celui retenu par la société PGL, auraient pu être choisis par cette dernière, au regard notamment des différents « zonages » retenus par l’État dans ses documents de planification de 2015 et 2018. Néanmoins il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit précédemment, que le site retenu par la société PGL l’a été à la suite d’un long processus d’étude et de concertation, qu’il s’insère dans l’une des trois zones identifiées par l’État en 2015 pour développer des fermes pilotes d’éoliennes flottantes au regard d’une multiplicité de critères, incluant les enjeux environnementaux et en particulier les enjeux sur l’avifaune, et que les deux autres zones identifiées par l’État font l’objet de deux projets distincts portés par des sociétés différentes, les trois expérimentations étant complémentaires dans une perspective d’acquisition de connaissances technologiques et environnementales. En outre, il résulte d’une carte issue du document de planification de 2018, recensant les données du programme de suivi par télémétrie des puffins yelkouan, que ces derniers se déplacent dans la majeure partie de la bande comprise entre la côte et la limite des 12 milles marins, bien que de façon moindre à l’ouest, de sorte qu’une localisation plus à l’ouest n’aurait pas nécessairement pour effet de réduire significativement les risques d’atteinte aux objectifs de conservation des sites Natura 2000 concernés.

28. Dès lors, il résulte de ce qui précède que l’association NACICCA n’est pas fondée à soutenir que ne serait pas remplie la condition tenant à l’absence de solutions alternatives au projet en litige.

Quant à l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur :

29. Le développement des énergies renouvelables, dans le contexte de la lutte contre le changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, résulte d’engagements énergétiques européens, nationaux et régionaux. En particulier, le paquet « énergie-climat », adopté par le Parlement européen le 17 décembre 2008, s’est traduit pour la France par l’adoption de l’objectif contraignant de 23 % d’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie finale à l’horizon 2020. La directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, a porté à 32 % la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union en 2030. L’article L. 100-4 du code de l’énergie fixe ainsi la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie à 23 % en 2020 et à 33 % en 2030. Dans ce cadre, le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit de réduire la consommation d’énergie primaire fossile par rapport à 2012 et de développer la production d’électricité d’origine renouvelable, notamment en portant la puissance installée de l’éolien en mer à 2,4 GW en 2023 et au moins 5,2 GW en 2028. Pour contribuer à atteindre ces objectifs, ce même décret prévoit de lancer des procédures de mise en concurrence en matière d’éolien en mer, afin de sélectionner un lauréat pour un parc de 250 MW au sud de la Bretagne en 2021 et deux parcs de 250 MW chacun en Méditerranée en 2022. Le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, approuvé le 15 octobre 2019, fixe pour sa part l’objectif d’atteindre 1 GW de puissance installée d’énergie électrique à partir d’éoliennes flottantes en 2030 et 2 GW en 2050.

30. Or, d’une part, ainsi qu’il a été dit au point 18, l’éolien flottant présente de nombreux avantages par rapport à l’éolien posé en mer, tandis que la mer Méditerranée, par la profondeur de ses fonds et l’importance de ses gisements éoliens, s’avère propice à l’expérimentation et au développement de parcs d’éoliennes flottantes.

31. D’autre part, ainsi qu’il a été dit au point 26, il résulte de l’instruction que le projet en litige vise, avec trois autres projets dont deux en Méditerranée et un au sud de la Bretagne, à évaluer, dans des conditions réelles d’exploitation, la technologie de l’éolien en mer flottant ainsi que ses impacts sur les autres activités et sur l’environnement, préalablement au développement de l’éolien flottant commercial, conformément à l’appel à projet lancé en août 2015 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) avec le soutien de l’Union européenne. Ces projets visent également à acquérir des connaissances sur l’avifaune et les écosystèmes marins ainsi qu’à expérimenter différentes technologies. En outre, le projet porté par la société PGL est l’unique projet d’éolien en mer au niveau mondial qui permettra d’expérimenter un système de flotteurs de type « plateforme à lignes tendues », qui a pour spécificité d’offrir une stabilité comparable à celle des éoliennes en mer posées et une emprise réduite sur les fonds marins par rapport aux technologies dites caténaires, ainsi que de préserver les fonds marins et leur biodiversité du fait de l’absence de « ragage » par les chaînes ou les câbles.

32. Au surplus, le projet va contribuer à créer autour de l’éolien en mer une nouvelle filière industrielle, susceptible d’importantes retombées économiques et sociales en France et notamment dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

33. Dès lors, la réalisation du projet de la société PGL participe à la mise en œuvre des politiques publiques menées aux niveaux européen, national et régional en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la lutte contre le réchauffement climatique et, plus globalement, de la préservation de l’environnement. Il répond ainsi, au sens des dispositions précitées du VII de l’article L. 414-4 code de l’environnement, à une raison impérative d’intérêt public majeur.

Quant à l’existence de mesures de compensation :

34. L’article 10 de l’arrêté du 18 février 2019, modifié par l’article 3.2 de l’arrêté complémentaire du 28 octobre 2021, prescrit des mesures de compensation des impacts du projet sur les sept espèces d’oiseaux dont l’état de conservation pourrait être altéré au sein des zones de protection spéciale « Camargue », « Iles Marseillaises-Cassidaigne », « Iles d’Hyères » et « Marais entre Crau et Grand Rhône ».

35. Il est ainsi prévu, d’une part, d’améliorer la survie des jeunes et des adultes des populations de puffin yelkouan, de puffin de Scopoli et d’océanite tempête dans les colonies de reproduction de ces espèces au sein des parcs nationaux de Port Cros et des Calanques, c’est-à-dire au sein des zones de protection spéciale « Iles Marseillaises-Cassidaigne » et « Iles d’Hyères », par le contrôle et l’éradication des prédateurs (chats harets et rats) sur les îles de ces parcs (mesure MC 1).

36. D’autre part, afin de limiter les captures accidentelles d’individus de puffin yelkouan, puffin de Scopoli et puffin des Baléares, la société PGL devra soutenir des actions visant à améliorer la sélectivité des engins de pêche professionnelle (mesure MC 2). Cette mesure sera assurée par une charte collaborative avec la prud’homie de pêche de Martigues, dans l’objectif d’atteindre, au plus tard cinq ans après l’installation des éoliennes, le respect par tous les pêcheurs professionnels des bonnes pratiques (notamment la pêche de nuit, la réduction de la vitesse et la décongélation des appâts) ainsi que l’utilisation de matériels adaptés (par le changement des appâts, le lestage des lignes et la signalisation des engins).

37. Ensuite, des îlots favorables à la nidification des laro-limicoles, dont la sterne caugek, la sterne pierregarin et la mouette mélanocéphale, seront créés ou restaurés et entretenus par la société PGL dans l’emprise ou à proximité du parc naturel régional de Camargue, c’est-à-dire de la zone de protection spéciale « Camargue » (mesures MC 4 et MC 5). L’objectif de cette mesure sera de favoriser la reproduction et d’améliorer les conditions de reproduction de ces espèces. Ces îlots devront être achevés et fonctionnels en début de saison de reproduction précédant la mise à l’eau des éoliennes, puis entretenus tous les dix ans.

38. Enfin, la société PGL devra prolonger et améliorer les mesures de gestion déjà mises en œuvre au sein des ZPS « Iles Marseillaises-Cassidaigne », « Camargue » et « Iles d’Hyères » pour limiter le dérangement causé par les activités humaines sur les colonies de reproduction de puffins, d’océanites tempête et de laro-limicoles (mesure MC 3). Cette mesure, qui sera mise en œuvre pendant toute la durée de l’exploitation du parc, consistera notamment en une description du dérangement occasionné sur les sites de nidification des espèces ciblées et en la mise en place de mesures de gestion, telles que la fermeture des sentiers localisés à proximité des sites de nidification en période de reproduction, l’interdiction de l’accès aux sentiers pour les chiens ou l’éloignement des zones de mouillages de sites de nidification.

39. En premier lieu, l’association NACICCA soutient que ces mesures de compensation seraient insuffisantes au motif que les objectifs de compensation retenus par la société PGL afin d’évaluer l’efficacité des mesures qu’elle propose seraient trop faibles. À cet égard, il ressort de l’addendum à l’évaluation des incidences Natura 2000 que la société PGL a retenu, afin de compenser le risque de mortalité par collision avec les éoliennes, les « objectifs d’équivalence écologique » annuels suivants : la survie d’un adulte en mer et l’atteinte à l’âge de la première reproduction par un individu de puffins yelkouan ou de Scopoli, la survie d’un adulte en mer de puffin des Baléares et l’atteinte de l’âge de la première reproduction par un individu d’océanite tempête, trois individus de sternes caugek et pierregarin et deux individus de mouette mélanocéphale. Ces objectifs ont été définis à partir d’une modélisation du risque de collision pour les différentes espèces, qui n’a cependant pas été possible, s’agissant des puffins et de l’océanite tempête, en raison de leur faible hauteur de vol qui a conduit à estimer que la probabilité d’un risque de collision avec les pales des éoliennes tendait vers zéro. Dans une approche conservatrice, le risque de collision pour ces espèces a néanmoins été évalué à un individu par an. Si l’association NACICCA soutient que ces probabilités sont erronées dès lors qu’elles se fondent sur des retours d’expérience obtenus sur des fermes éoliennes situées non en Méditerranée, mais dans le nord de l’Europe où les puffins yelkouan et de Scopoli ne sont pas présents, ainsi que sur des parcs d’éoliennes posées et non flottantes, il résulte des premiers résultats, rendus le 6 mai 2021, du projet ORNIT-EOF, qui vise notamment à estimer le risque de collision entre les puffins de Scopoli et les éoliennes à partir de données télémétriques et altimétriques des puffins des îles Marseillaises, que l’altitude moyenne de vol de ces puffins est de 3,3 mètres et que ceux-ci volent 97 % de leur temps en dessous de 20 mètres d’altitude, soit en dessous du niveau des pales des éoliennes du projet. En combinant ces données avec d’autres hypothèses, notamment un taux d’évitement de 98 %, les résultats provisoires de cette étude évaluent le nombre de collisions attendues par saison de reproduction pour les trois éoliennes du projet à 0,008 individu, soit une occurrence de retour de cet évènement tous les 125 ans par saison de reproduction. Dans ces conditions, en l’état des connaissances scientifiques et même en supposant que le taux d’évitement retenu par ce modèle serait trop élevé, il ne résulte pas de l’instruction que l’évaluation à un individu par an du risque de mortalité par collision des puffins yelkouan et de Scopoli, dans une approche conservatrice, serait insuffisante. Pour les mêmes raisons, l’évaluation des objectifs de compensation, qui prend en compte les dynamiques de populations nicheuses françaises de puffins de Scopoli et yelkouan dans les îles d’Hyères et de Marseille, n’apparaît pas insuffisante pour compenser les atteintes susceptibles d’être portées par le projet à l’état de conservation des populations de ces espèces dans les zones de protection spéciale considérées.

40. En deuxième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 56 de l’arrêt du 6 octobre 2020, l’état de conservation du puffin yelkouan et du puffin de Scopoli au sein des zones de protection spéciale « Camargue », « Iles Marseillaises-Cassidaigne » et « Iles d’Hyères » est qualifié d'« excellent » ou de « bon » selon les zones et les espèces. Pour autant, les modèles de dynamique de population au sein des parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros indiquent un déclin généralisé des populations de puffins de Scopoli et yelkouan, de l’ordre de moins 3,1 % à moins 13,1 % par an, les survies adultes de ces espèces dans les parcs en cause ne permettant pas d’assurer la pérennité des populations. À cet égard, il résulte de l’instruction que le paramètre biologique clé de la dynamique des populations de puffins yelkouan et de Scopoli est la survie adulte, dès lors qu’il s’agit d’espèces longévives dont la survie est bien plus sensible aux variations de mortalité au stade adulte qu’aux variations de fécondité (un jeune produit par an pour les puffins). Il en résulte que l’enjeu prioritaire pour la bonne conservation de ces espèces est la protection des adultes reproducteurs contre toute mortalité additionnelle à la mortalité naturelle, tandis que l’amélioration du succès reproducteur constitue un enjeu secondaire. La littérature scientifique indique que les captures accidentelles dans les engins de pêche sont l’une des principales raisons de la faible survie adulte chez ces espèces de puffins, suivie par les prélèvements effectués par différents prédateurs. Contrairement à ce que soutient l’association NACICCA, la mesure MC 1, qui consiste à contrôler et éradiquer les prédateurs sur les îles des parcs nationaux de Port Cros et des Calanques, ne concerne pas principalement le succès reproducteur mais est également susceptible d’avoir des effets sur la survie adulte des puffins, dès lors qu’il ressort de l’addendum à l’évaluation des incidences Natura 2000 que les chats harets s’attaquent aux adultes et que des cas de prédation des adultes par le rat noir, qui s’attaque surtout aux œufs et aux jeunes oiseaux, ont été répertoriés dans certaines études. Par ailleurs, si l’association NACICCA soutient que la mesure MC 2, qui consiste à soutenir des actions visant à améliorer la sélectivité des engins de pêche professionnelle, est une « mesure aléatoire et lointaine sur laquelle PGL ne peut garantir aucun résultat », il est constant qu’elle porte sur l’une des causes majeures de mortalité adulte en mer des puffins, à savoir les captures accidentelles de puffins par les engins de pêche. Pour contribuer à réduire cette menace critique pour la population de l’espèce, la société PGL a élaboré cette mesure de compensation au regard des actions préconisées par le « plan international d’action pour la conservation du puffin yelkouan » publié en 2018. La société PGL prévoit ainsi, d’une part, afin d’améliorer les connaissances relatives à cette menace à l’échelle locale, de réaliser un inventaire des captures accidentelles et des bonnes pratiques existantes, d’autre part, de sensibiliser les pêcheurs à recourir à de nouvelles pratiques visant à limiter les interactions avec l’avifaune (notamment la pêche de nuit, la réduction de la vitesse des navires pour augmenter la courbure de la ligne de pêche à la palangre, et la décongélation des appâts afin d’en réduire la flottaison), et, enfin, de contribuer financièrement à l’utilisation par les pêcheurs de matériels adaptés (grâce au changement des appâts, au lestage des lignes et à la signalisation des engins de pêche). Le coût de cette mesure sur vingt ans, incluant un suivi annuel, a été évalué par la société PGL à 300 000 euros. L’article 3.2 de l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 octobre 2021 a renforcé cette mesure en définissant une échéance, fixée à cinq ans au plus tard après l’installation des éoliennes, pour que l’ensemble des pêcheurs professionnels concernés respectent les bonnes pratiques et utilisent du matériel adapté. Dès lors, l’association NACICCA n’est pas fondée à soutenir que ces mesures de compensation pour les puffins seraient insuffisantes au regard de l’objectif prioritaire d’amélioration de la survie adulte de ces espèces.

41. En troisième lieu, s’agissant de l’océanite tempête, espèce nicheuse rare classée « en danger critique de disparition en France », dont la population est évaluée à moins de 50 couples dans la partie française de la Méditerranée, il ressort de l’addendum à l’évaluation des incidences Natura 2000 que la prédation sur les œufs, les poussins et les adultes, en particulier par le rat noir, est une des principales causes à l’origine du déclin et de la disparition des colonies sur certaines îles. Dès lors, la mesure de compensation MC 1, qui consiste à contrôler et éradiquer les prédateurs, dont les rats, sur les îles des parcs nationaux de Port Cros et des Calanques, est de nature à compenser les atteintes susceptibles d’être portées par le projet à l’état de conservation des populations d’océanite tempête dans les zones de protection spéciale concernées.

42. En quatrième lieu, si l’association NACICCA soutient que les mesures MC 1 et MC 3 sont des mesures de gestion déjà prévues par les documents d’objectifs des ZPS « Iles d’Hyères » et « Iles Marseillaises-Cassidaigne » et mises en œuvre par les parcs nationaux des Calanques et de Port-Cros, tandis que les mesures MC 4 et MC 5 correspondent à des mesures de gestion déjà prévues par les documents d’objectifs des ZPS « Camargue » et « Marais entre Crau et Grand Rhône » et mises en œuvre par les opérateurs de ces zones, il résulte de l’instruction que ces mesures, qui représentent pour la société PGL un coût total évalué à 432 000 euros, répondent aux besoins de soutien logistique et financier exprimés par les gestionnaires des ZPS considérées. Les conseils scientifiques des parcs nationaux de Port Cros et des Calanques ont d’ailleurs indiqué, s’agissant des mesures MC 1 et MC 3, qu’elles présentaient une réelle plus-value par rapport aux actions déjà conduites par les parcs.

43. En cinquième lieu, s’il est vrai que le puffin des Baléares, qui niche uniquement sur les îles Baléares, ne bénéficiera pas des mesures MC 1 et MC 3, qui ne seront mises en œuvres qu’au sein des îles des parcs nationaux de Port Cros et des Calanques et des sites de nidification de la zone de protection spéciale « Camargue », cette espèce bénéficiera en revanche de la mesure MC 2 relative au soutien apporté aux actions visant à améliorer la sélectivité des engins de pêche professionnelle, et sera donc de nature à compenser le risque lié à la mortalité adulte en mer de cette espèce.

44. En dernier lieu, les arrêtés contestés prévoient un suivi de l’impact environnemental du projet qui inclut, outre les mesures de suivi déjà prévues par l’arrêté du 18 février 2019, rappelées au point 78 de l’arrêt de la cour du 6 octobre 2020, des mesures complémentaires de suivi prescrites par l’arrêté du 28 octobre 2021, consistant notamment en un suivi annuel des effectifs et du succès reproducteur des puffins yelkouan et de Scopoli ainsi que des laro-limicoles au sein du parc national des Calanques, de ses alentours et des colonies de nidification, afin de mesurer les impacts du projet et l’efficacité des mesures de compensation prévues. Enfin, l’arrêté du 28 octobre 2021 prévoit la création d’un « comité de suivi, de surveillance et d’information sur l’impact du projet sur l’environnement », composé de membres indépendants de la société PGL, qui aura notamment pour vocation, afin de contribuer à l’information du public et d’éclairer la décision du préfet des Bouches-du-Rhône, de se prononcer sur les modalités de mise en œuvre des mesures de compensation et du suivi de leur efficacité, d’analyser les résultats des suivis et d’établir des recommandations pour, le cas échéant, « réguler l’impact » du projet. Il appartiendra au préfet des Bouches-du-Rhône, au vu des résultats des suivis qu’il a prescrits et des recommandations de ce comité de suivi, de surveillance et d’information, d’adapter les mesures de compensation prévues par les arrêtés contestés ou d’en prescrire de nouvelles afin de maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000, en particulier s’il s’avérait que la mortalité par collision avec les éoliennes de puffins de Scopoli ou yelkouan était supérieure à un individu par an.

45. Par conséquent, l’association NACICCA n’est pas fondée à soutenir que les mesures de compensation prescrites par les arrêtés contestés seraient insuffisantes.

46. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l’autorisation délivrée par l’arrêté du 18 février 2019, modifiée par l’arrêté du 28 octobre 2021, méconnaîtrait les dispositions du VII de l’article L. 414-4 du code de l’environnement doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 163-1 du code de l’environnement :

47. Aux termes de l’article L. 161-1 du code de l’environnement : " I. – Constituent des dommages causés à l’environnement au sens du présent titre les détériorations directes ou indirectes mesurables de l’environnement qui : / () / 3° Affectent gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable : / a) Des espèces visées au 2 de l’article 4, à l’annexe I de la directive 79/409/ CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages et aux annexes II et IV de la directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; / b) Des habitats des espèces visées au 2 de l’article 4, à l’annexe I de la directive 79/409/ CEE du Conseil, du 2 avril 1979, précitée et à l’annexe II de la directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992, précitée ainsi que des habitats naturels énumérés à l’annexe I de la même directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992 ; / c) Des sites de reproduction et des aires de repos des espèces énumérées à l’annexe IV de la directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992, précitée ; / () / II. – Le présent titre ne s’applique pas aux dommages ou à la menace imminente des dommages visés au 3° du I causés par : / 1° La réalisation des programmes ou projets d’activités, de travaux, d’aménagements, d’ouvrages ou d’installations ainsi que des manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage dès lors qu’ils ont été autorisés ou approuvés dans les conditions définies à l’article L. 414-4 ; / () ".

48. Dès lors que le projet en litige a été autorisé dans les conditions définies à l’article L. 414-4 du code de l’environnement, les dommages causés à l’état de conservation favorable des espèces d’oiseaux dont la désignation a justifié la désignation des zones de protection spéciales citées au point 10 par la réalisation de ce projet en litige sont exclus du champ d’application du titre VI du livre Ier de la partie législative du code de l’environnement, relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages causés à l’environnement, dont fait partie l’article L. 163-1 du même code, relatif à la compensation des atteintes à la biodiversité. Il en résulte que l’association NACICCA ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dernières dispositions, qui ne sont pas applicables au projet en litige. En tout état de cause, pour les raisons exposées au point 40, il ne résulte pas de l’instruction que la mesure MC 2 serait « aléatoire et lointaine » ou insusceptible d’efficacité.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement :

49. L’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’interdiction de " 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / (). « Le I de l’article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : » 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : () / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; (). "

50. Il résulte de ces dispositions qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

51. Il résulte du point précédent que l’intérêt de nature à justifier, au sens du c) du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la réalisation d’un projet doit être d’une importance telle qu’il puisse être mis en perspective avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu’il y soit dérogé. Ce n’est qu’en présence d’un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

52. À la suite de l’arrêt de la cour du 6 octobre 2020, la société PGL a présenté une demande de dérogation aux interdictions édictées pour la conservation des espèces animales non domestiques et de leurs habitats, portant sur neuf espèces protégées d’oiseaux marins et dix-neuf espèces protégées d’oiseaux migrateurs terrestres. Cette dérogation a été accordée par l’arrêté contesté du 28 octobre 2021, qui autorise notamment la destruction annuelle d’un spécimen de puffin yelkouan, de puffin de Scopoli, de puffin des Baléares, d’océanite tempête et de chacune des dix-neuf espèces d’oiseaux migrateurs terrestres, ainsi que de trois spécimens de sterne caugek et de sterne pierregarin, de deux spécimens de mouette mélanocéphale, de quatre spécimens de mouette pygmée et de quarante-trois spécimens de goéland leucophée.

53. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 29 à 33 que la réalisation du projet de la société PGL participe à la mise en œuvre des politiques publiques menées aux niveaux européen, national et régional en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la lutte contre le réchauffement climatique et, plus globalement, de la préservation de l’environnement et répond, eu égard à sa nature et aux intérêts économiques et sociaux qu’il présente, à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens des dispositions précitées.

54. En deuxième lieu, pour les raisons exposées aux points 18 à 28, et compte tenu des mesures de compensation rappelées aux points 34 à 44, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante que celle prévue par le projet en litige.

55. En troisième lieu, l’étude figurant dans le « dossier de dérogation espèces protégées » réalisé par un bureau d’études spécialisées pour la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large, notamment à ses pages 437 à 455, conclut que les atteintes susceptibles d’être portées par le projet en litige aux espèces protégées, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, ne sont pas susceptibles de nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. En particulier cette étude a calculé, sur la base d’une analyse statistique du « prélèvement biologique potentiel », que les « prises admissibles annuelles » par le projet en litige, c’est-à-dire le nombre de spécimens pouvant être détruits sans porter atteinte à l’état de conservation des populations des espèces protégées, était, pour le puffin yelkouan et le puffin de Scopoli, de respectivement 490 et 2 746 individus à l’échelle du bassin méditerranéen et de 12 à 16 et 6 à 7 individus pour la population nicheuse des ZPS « Îles d’Hyères » et « Îles Marseillaises-Cassidaigne », ainsi que, pour la sterne caugek, de 43 individus à l’échelle du littoral méditerranéen français. Si l’association NACICCA soutient que cette évaluation de la surmortalité annuelle admissible est erronée et que cette surmortalité doit être évaluée annuellement à un spécimen de puffin et à trois spécimens de sterne caugek, ainsi que l’avait admis la cour dans son arrêt du 6 octobre 2020 en l’état de l’instruction et en l’absence de contestation sérieuse par la société PGL et le ministre de la transition écologique et solidaire des chiffres avancés par l’association, il ressort de ce qui a été dit au point 39 que la société PGL s’est fixée pour objectif annuel, repris par l’arrêté du 28 octobre 2021, de compenser le risque de mortalité par collision avec les éoliennes en prenant des mesures pour assurer la survie d’un adulte en mer et l’atteinte à l’âge de la première reproduction par un individu de puffins yelkouan ou de Scopoli, ainsi que la survie en mer de trois individus de sternes caugek. Si l’association NACICCA soutient encore que ces seuils de surmortalité annuelle admissible doivent s’appliquer pour l’ensemble des projets pilotes de parcs éoliens flottants autorisés en Méditerranée, incluant non seulement le projet en litige de trois éoliennes mais aussi les projets de parcs de quatre éoliennes chacun prévus au large de Gruissan et de Leucate, il ressort du « dossier de dérogation espèces protégées », notamment de ses pages 258 et 259, que les bénéficiaires d’autorisation pour ces deux autres parcs ont également prévu de compenser la perte potentielle de puffins yelkouan, puffins de Scopoli et sternes caugek, notamment. Enfin et en tout état de cause, s’il est vrai que des incertitudes subsistent, en l’état des connaissances scientifiques, quant à l’ampleur du risque de collision d’individus de ces espèces avec les éoliennes, il ressort des premiers résultats d’une étude récente du projet ORNIT-EOF, ainsi qu’il a été dit au point 39, que le nombre de collisions attendues par saison de reproduction pour les trois éoliennes du projet peut être évalué à 0,008 individu, soit une occurrence de retour de cet évènement tous les 125 ans par saison de reproduction. Dans ces conditions, la fixation à un par an du nombre de destruction admissible de puffins yelkouan ou de Scopoli paraît relever d’une démarche de précaution, même en tenant compte des effets cumulés des trois parcs pilotes d’éoliennes flottantes en Méditerranée. Dès lors, l’association NACICCA n’est pas fondée à soutenir que la dérogation accordée par l’arrêté du 28 octobre 2021 serait de nature à nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

56. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de que l’autorisation contestée méconnaît les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement doit être écarté.

En ce qui concerne l’information et la participation du public sur la mesure de régularisation :

57. Dans son arrêt du 6 octobre 2020, la cour a jugé que la délivrance d’une autorisation modificative impliquerait l’organisation d’une nouvelle enquête publique afin de soumettre ces nouveaux éléments à la connaissance du public. Il résulte de l’instruction qu’une telle enquête publique s’est déroulée du 1er au 30 juin 2021 et que le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable au projet le 5 août 2021. Il n’est pas soutenu par l’association NACICCA que cette enquête publique aurait eu lieu dans des conditions irrégulières.

58. Dès lors, les vices retenus par la cour dans son arrêt du 6 octobre 2020, qui entachaient l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 février 2019, ont été régularisés par l’arrêté du même préfet du 28 octobre 2021.

59. Il résulte de tout ce qui précède que l’association NACICCA n’est pas fondée à demander l’annulation des arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône du 18 février 2019 et du 28 octobre 2021.

Sur les frais liés au litige :

60. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens () ». Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l’essentiel. La circonstance qu’au vu de la régularisation intervenue en cours d’instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu’elle était illégale et dont il est, par son recours, à l’origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l’application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu’il présente à ce titre.

61. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de la société Parc éolien offshore de Provence Grand Large ainsi que la somme de 1 000 euros à la charge de l’Etat, à verser à l’association NACICCA au titre des frais liés à l’instance. En revanche, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’association requérante une somme au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles est rejetée.

Article 2 : La société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large versera à l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : L’État versera à l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Nature et citoyenneté Crau Camargue Alpilles, à la société Parc Éolien Offshore de Provence Grand Large et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 18 mars 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Francfort, président de chambre,

— Mme Buffet, présidente-assesseure,

— M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2022.

Le rapporteur,

F.-X. BRECHOTLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

No 19NT02389

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CAA de NANTES, 5ème chambre, 5 avril 2022, 19NT02389, Inédit au recueil Lebon