CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 21 novembre 2017, 15VE02849, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 4e ch., 21 nov. 2017, n° 15VE02849
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 15VE02849
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 1er juillet 2015, N° 1310347
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036081809

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LFB BIOMEDICAMENTS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l’Etablissement français du sang (EFS) à lui verser une indemnité de 24 954 877 euros assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 3 septembre 2013 ;

Par un jugement n° 1310347 du 2 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre 2015 et 22 mars 2016, la société LFB BIOMEDICAMENTS, représentée par Me D… et Me A…, avocats, demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement et de condamner l’EFS à lui verser, en réparation des préjudices subis du fait de rappels entre 2011 et 2014, par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de plusieurs lots de médicaments dérivés de produits sanguins livrés par l’EFS et des mesures de blocage en 2014 de deux lots relatifs à la spécialité IVheBex, une indemnité de 25 096 377 euros assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 3 septembre 2013 et capitalisation de ces intérêts au 3 septembre 2014 ;

2° de mettre à la charge de l’EFS une somme de 6 000 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – les fins de non- recevoir soulevées en première instance comme en appel par l’EFS devront être écartées comme irrecevables ou non fondées ;

 – le jugement ne s’est pas prononcé sur la méconnaissance par l’EFS de ses obligations contractuelles en matière d’approvisionnement en plasma sanguin résultant de l’article 5.5 de la convention du 3 juillet 2007 ;

 – le risque de contamination du plasma sanguin qu’elle utilise ne saurait être considéré comme normalement inhérent à son activité eu égard à la mission qui lui est confiée par la loi et présente un caractère anormal excédant les prévisions contractuelles ;

 – l’EFS, en raison de sa position de monopole, relève d’un régime spécifique de responsabilité sans faute ou de faute présumée au regard de l’obligation de résultat qui lui incombe quant à la qualité du plasma sanguin fourni à ses utilisateurs au rang desquels elle figure ;

 – il est également soumis à cette même obligation de résultat en vertu de la convention du 3 juillet 2007 modifiée et du cahier des charges annexé, sans qu’elle ait à démontrer que les lots rappelés seraient issus de plasma prélevé sur des donneurs que l’EFS avait l’obligation d’exclure, dès lors que cette preuve lui est impossible ; l’EFS étant le seul décisionnaire dans le processus de sélection ou d’exclusion des donneurs de sang et de plasma sanguin, il doit être le seul à supporter les conséquences d’un rappel de lot du fait d’une contamination possible du plasma qu’il a collecté et fourni ; qu’il a d’ailleurs reconnu, à deux reprises, sa responsabilité en raison du caractère défectueux du plasma fourni ;

 – la responsabilité contractuelle de l’EFS est également engagée au vu du non respect des articles 2.1, 5.1 et 5.3 de la convention du 3 juillet 2007, ainsi que du cahier des charges auquel renvoie cette convention, dès lors qu’il n’a pas exclu des donneurs qui auraient dû l’être ni fait droit à sa demande d’exclusion des donneurs de plus de 60 ans ; les rappels de précautions sont nécessairement motivés par un manquement de l’EFS à ses obligations réglementaires et par extension contractuelles, sans qu’il puisse utilement se prévaloir de l’obligation contractuelle de contrôle du plasma qui pèserait sur elle, dès lors qu’un tel contrôle ne porte pas sur la présence ou non d’une contamination par la sMCJ ;

 – l’EFS est débiteur envers elle d’une garantie contractuelle sur le fondement des règles résultant des articles 1641 et suivants du code civil à raison des vices cachés, même indécelables, affectant le plasma sanguin ; que ce vice qui résulte du manquement de l’EFS à ses obligations en matière de sélection des donneurs est bien antérieur à la vente du plasma ;

 – l’EFS a méconnu ses obligations contractuelles en matière d’approvisionnement en plasma sanguin résultant de l’article 5.5 de la convention du 3 juillet 2007 à l’origine d’un préjudice de 6 464 877 euros ; en effet, du fait de livraisons de plasma de mauvaise qualité, l’EFS a provoqué en 2014 des mesures de rappel de précaution de lots d’Ivhebex ; qu’il l’a également, en raison d’une insuffisance d’approvisionnement en plasma au regard de l’objectif contractuel, contrainte à recourir à l’importation de plasma issu de dons rémunérés au détriment de l’objectif d’autosuffisance de la filière française, et à importer sur le marché français la spécialité Hepatect, sans pouvoir honorer les commandes à l’international ;

 – subsidiairement, la responsabilité sans faute de l’EFS est engagée du fait des produits défectueux laquelle s’applique, alors même qu’elle peut se prévaloir d’un régime de responsabilité contractuelle, en vertu des principes dont s’inspirent l’article 1386-18 du code civil transposant l’article 13 de la directive européenne 85/374 du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ; qu’en effet et contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, ce régime n’est pas exclusivement invocable par le consommateur final d’un produit mais peut l’être par un professionnel, l’EFS est producteur d’un produit fini dont la défectuosité, au sens de la directive européenne du 25 juillet 1985, résulte de son rappel à titre préventif et l’article 1386-2 du code civil doit être interprété comme autorisant l’indemnisation des dommages causés par un produit défectueux à des biens destinés à un usage professionnel ; qu’enfin, l’EFS ne saurait, pour se dégager de cette responsabilité, se prévaloir de la clause exonératoire de responsabilité prévue à l’article 1386-11 du code civil, dès lors qu’aux termes de l’article 1386-10 du code civil, le producteur peut être responsable du défaut d’un produit alors même qu’il aurait été fabriqué dans les règles de l’art ou les normes existantes et que l’article 1386-12 du même code exclut la cause exonératoire lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou les produits issus de celui-ci ;

 – après actualisation des préjudices subis, intégrant le coût des mesures de retrait de lots postérieurement à sa réclamation préalable, ceux-ci s’élèvent à une somme globale de 25 096 377 euros, soit 9 589 500 euros au titre du coût des rappels de lots MDS dument justifiés hors TVA et qui n’ont fait l’objet d’aucune prise en charge assurantielle, 1 042 000 euros au titre de son préjudice commercial, 8 000 000 au titre de son préjudice d’image et de 6 464 877 au titre de son préjudice résultant du blocage de la spécialité Ivhebex.

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 modifiée ;

 – le code de la santé publique ;

 – le code civil ;

 – l’arrêté du ministre de la santé et des sports du 12 janvier 2009 fixant les critères de sélection des donneurs de sang ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Besson-Ledey,

 – les conclusions de Mme Orio, rapporteur public,

 – et les observations de Me C… et de Me A… pour la société LFB BIOMEDICAMENTS, et de Me B… pour l’EFS.

1. Considérant que la société anonyme LFB BIOMEDICAMENTS relève appel du jugement du 2 juillet 2015, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de condamnation de l’EFS à lui verser, en réparation des préjudices subis du fait de rappels entre 2011 et 2014, par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de plusieurs lots de médicaments dérivés de produits sanguins (MDS) livrés par l’EFS et des mesures de blocage en 2014 de deux lots relatifs à la spécialité IVheBex, une indemnité de 24 954 877 euros qu’elle a portée en appel à 25 096 377 euros, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter du 3 septembre 2013 et capitalisation de ces intérêts au 3 septembre 2014 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la société LFB BIOMEDICAMENTS soutient que les premiers juges auraient omis de statuer sur le moyen qu’elle a soulevé dans son mémoire complémentaire enregistré le 20 mars 2015 et tiré de ce que l’EFS aurait méconnu son obligation contractuelle en terme d’approvisionnements en plasma sanguin découlant de l’article 5.5 de la convention du

3 juillet 2007 ; que si la société LFB BIOMEDICAMENTS a effectivement cité les termes de l’article 5.5 de la convention dans son mémoire complémentaire du 20 mars 2015, elle n’en a toutefois tiré qu’une obligation pour l’EFS de lui livrer un plasma exempt de contamination ; que les premiers juges ont sur ce point écarté la responsabilité contractuelle de l’EFS au motif que les stipulations de la convention du 3 juillet 2007 ne prévoient, en cas de livraison de lots de plasma de donneurs, dont il est postérieurement apparu qu’ils avaient développé un cas probable de maladie de Creutzfeld-Jakob (sMCJ) sous la forme sporadique, qu’une obligation de signalement par l’EFS, dont il n’est en tout état de cause pas allégué qu’il n’aurait pas été effectué, et que le cahier des charges techniques se bornait, en l’absence de tout dispositif scientifique en permettant la détection lors du don, à minorer les risques d’une contamination du plasma par sMCJ en excluant du don certains groupes de donneurs présentant une exposition particulière au développement de cette pathologie sans que la société LFB BIOMEDICAMENTS ne rapporte la preuve que les lots rappelés par l’ANSM seraient issus de plasma prélevé sur des donneurs que l’EFS avait l’obligation, en application des stipulations du cahier des charges, d’exclure ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d’irrégularité en raison d’une omission à statuer sur un moyen doit être écarté ;

Sur la responsabilité de l’EFS :

3. Considérant que la société anonyme LFB BIOMEDICAMENTS, dont l’objet et les statuts sont définis aux articles L. 5124-14 et L. 5124-16 du code de la santé publique, détient le monopole de la production, par fractionnement du plasma sanguin, des MDS et doit en priorité fractionner le plasma issu du sang ou de ses composants collectés par l’EFS lui-même détenteur en application de 1'article L. 1222-1 du code de la santé publique d’un monopole légal pour organiser les activités de collecte du sang, de qualification biologique du don, de préparation, de distribution et de délivrance des produits sanguins labiles ; qu’aux fins de satisfaire aux obligations mises à leur charge par le législateur, la société LFB BIOMEDICAMENTS et l’EFS ont conclu, le 3 juillet 2007, une convention d’approvisionnement en plasma pour fractionnement, modifiée par avenant le 29 novembre 2012, définissant notamment les normes techniques du plasma livré par l’EFS à la société LFB BIOMEDICAMENTS ; qu’au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014, l’ANSM, établissement public compétent en matière d’hémovigilance et de pharmacovigilance, a, sur le fondement des articles L. 5322-1 à L. 5123-3 du code de la santé publique et dans l’exercice de ses pouvoirs de police sanitaire déléguée exercés au nom de l’Etat, demandé à la société LFB BIOMEDICAMENTS de procéder au retrait de certains lots de MDS fabriqués à partir du plasma fourni par l’EFS et de détruire la totalité des encours de production et produits finis concernés, après avoir eu connaissance qu’un diagnostic de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sous sa forme sporadique avait été porté sur des donneurs postérieurement à leurs dons ; qu’il résulte de l’instruction que l’ANSM a procédé à ces rappels suivant les prescriptions de la circulaire DGS/SQ 4 n° 98-231 du 9 avril 1998 relative à l’information des malades, en matière de risques liés aux produits sanguins labiles et aux médicaments dérivés du sang, et sur les différentes mesures de rappel effectuées sur ces produits sanguins, non en raison d’un risque avéré pour la santé des malades, mais à titre de « précaution » en raison d’un risque théorique de contamination par la maladie de Creutzfeldt-Jakob ;

4. Considérant que la société LFB BIOMEDICAMENTS soutient, en premier lieu, qu’en application tant des stipulations de la convention du 3 juillet 2007 qui la lie à l’EFS, que de la situation de monopole de ce dernier, celui-ci serait tenu de lui fournir un plasma exempt de tout vice ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 2.1 de la convention du 3 juillet 2007 : " Le plasma livré par l’EFS est conforme à la réglementation en vigueur et notamment : […] aux conditions d’acceptation figurant dans le cahier des charges » ; qu’en vertu du point 5.1 de cette convention : « L’EFS s’engage à respecter toutes les dispositions définies dans le cahier des charges, et notamment les dispositions relatives à la qualité du plasma. » ; que le point 5.3 de cette même convention prévoit que : « L’EFS informe le LFB BIOMEDICAMENTS de tout problème pouvant avoir a posteriori une quelconque conséquence sur la qualité du plasma fourni et en particulier toute anomalie post-don, remettant en cause la qualité initiale du produit cédé, détectée chez un donneur ou portée par celui-ci à la connaissance de l’EFS. » ; que le cahier des charges auquel renvoie la convention susmentionnée dispose que : « Tout donneur présentant un antécédent d’allogreffe ou de xénogreffe, un antécédent transfusionnel ou un risque de transmission d’une encéphalopathie spongiforme subaiguë transmissible (ESST, exemple MCJ, vMCJ) devra être exclu du don selon les critères de la sélection des donneurs de l’arrêté du 12 janvier 2009. » ; que l’arrêté du ministre de la santé et des sports du 12 janvier 2009 fixant les critères de sélection des donneurs de sang prévoit, en son annexe II, qu’au titre du risque ciblé de transmission d’une encéphalopathie spongiforme subaiguë transmissible, existe une contre indication permanente de don pour les personnes présentant un antécédent familial de MCJ, ayant reçu une greffe de dure-mère ou de cornée, subi un traitement par extraits hypophysaires avant 1989, un traitement par glucocérébrosidase placentaire de la maladie de Gaucher, une intervention neurochirurgicale et ophtalmologique antérieure au 1er avril 2001 et celles ayant effectué un voyage au Royaume-Uni de plus d’un an cumulé dans la période du

1er janvier 1980 au 31 décembre 1996 ;

6. Considérant qu’en vertu de ces stipulations contractuelles, l’EFS est tenu de livrer à la société LFB BIOMEDICAMENTS un plasma conforme à la réglementation en vigueur, dont la nature et les spécifications sont précisées au cahier des charges annexé à la convention, qui renvoie à l’arrêté du 12 janvier 2009 fixant les critères de sélection des donneurs de sang ; qu’à cette fin l’EFS doit, d’une part, en l’absence de tout dispositif scientifique permettant la détection du virus MCJ dans le sang, procéder à la sélection des donneurs dans le respect des critères d’exclusion définis au cahier des charges qui renvoie à l’arrêté du 12 janvier 2009 et informer la société LFB BIOMEDICAMENTS de tout problème pouvant avoir une quelconque conséquence sur la qualité du plasma fourni et en particulier toute anomalie post-don ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’EFS aurait méconnu l’une de ses obligations, la seule circonstance que l’ANSM a, par précaution pour écarter un risque théorique de contamination, procédé à des rappels de lots issus du plasma fourni par l’EFS n’étant pas de nature, contrairement à ce que soutient la société requérante, à faire présumer d’un tel manquement ; que, par ailleurs, ni la situation de monopole de l’EFS ni les engagements, non contractualisés, pris ponctuellement par ce dernier en 2008 et 2011 de prendre à sa charge des rappels de lots, dont certains d’ailleurs l’ont été en raison d’une contamination par le virus de l’hépatite B et non de la maladie de sMCJ, ne sauraient, en l’absence de toute faute dans l’exercice de ses obligations contractuelles, soumettre l’EFS à une obligation de résultat ou à un régime de responsabilité propre, induisant qu’il prenne à sa charge les conséquences financières d’un rappel de lots par l’ANSM à seul titre de précaution ;

7. Considérant que la société LFB BIOMEDICAMENTS soutient, en deuxième lieu, que l’EFS aurait méconnu les stipulations de l’article 5.5 de la convention du 3 juillet 2007 en ce qu’il n’aurait pas satisfait au titre de l’année n+1 à son engagement d’approvisionnement ;

8. Considérant qu’aux termes de l’article 5.5 de la convention en cause : « L’EFS s’engage à respecter ses engagements d’approvisionnements en terme de volume et de calendrier de manière à ce que le LFB BIOMEDICAMENTS contribue au maximum de son potentiel industriel à l’autosuffisance nationale à partir du plasma collecté sur le territoire national et à développer ses meilleurs efforts pour participer à l’objectif européen d’autosuffisance (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même convention relatif aux volumes : " Au plus tard fin septembre de chaque année civile (n), les parties se réuniront afin que le LFB BIOMEDICAMENTS présente ses besoins à l’EFS en ce qui concerne les volumes de plasma par catégorie et spécificités attendues pour l’année à venir (n+1) ainsi que les tendances prévisionnelles pour les deux années suivantes (n+2) et (n+ 3) ( …) l’EFS, en tenant compte des besoins présentés par LFB BIOMEDICAMENTS pour l’année n+1, ainsi que des tendances prévisionnelles pour les années (n+2) et (n+3) s’engage sur les volumes de plasma par catégorie et spécificité qu’il pourra effectivement fournir à LFB BIOMEDICAMENTS pour l’année n+1 (…) » ;

9. Considérant que la société LFB BIOMEDICAMENTS soutient que l’EFS aurait causé les mesures de rappels de précaution de lots d’Ivhebex en 2014 en réponse à un nouveau cas probable de sMCJ chez un donneur de 64 ans en raison de livraisons de plasma de mauvaise qualité et l’aurait contrainte, du fait d’une insuffisance d’approvisionnements en plasma au regard de son objectif contractuel, à recourir à l’importation de plasma sanguin issu de dons rémunérés au détriment de l’objectif d’autosuffisance de la filière française et de ses perspectives d’exportation de son produit Ivhebex ; qu’il ne ressort toutefois pas de l’instruction que le plasma fourni par l’EFS aurait été de mauvaise qualité, ce constat ne s’inférant pas de la seule politique de précaution mise en oeuvre par l’ANSM ; que par ailleurs si la société LFB BIOMEDICAMENTS se prévaut d’une insuffisance d’approvisionnements en plasma par l’EFS, elle n’apporte aucun élément à l’appui de son allégation notamment quant aux volumes que l’EFS s’était engagé à lui fournir au titre de l’année n+1 et ceux effectivement livrés, la circonstance que les mesures de police sanitaires mises en oeuvre par l’ANSM aient entraîné un risque de rupture de stock en Ivhebex et le recours à l’importation de l’Hepatect n’étant pas de nature à justifier d’un tel manquement ; que le refus opposé par l’EFS, le 22 octobre 2013, aux demandes de la société LFB BIOMEDICAMENTS tendant à l’exclusion du don des personnes âgées de plus de soixante ans ne saurait davantage s’analyser comme un manquement contractuel de l’EFS alors que cette exclusion n’est prévue ni par le cahier des charges auquel renvoie la convention ni par aucun texte ;

10. Considérant que la société LFB BIOMEDICAMENTS soutient, en troisième lieu, que la responsabilité de l’EFS serait engagée à raison des vices cachés ;

11. Considérant qu’aux termes de l’article 1641 du code civil : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il/es avait connus. » ; qu’aux termes de l’article 1643 du même code civil : « Le vendeur est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune autre garantie » ;

12. Considérant que les rappels de lots décidés par l’ANSM par précaution ne sauraient à eux seuls révéler un vice affectant le plasma fourni par l’EFS le rendant impropre à l’usage auquel il était destiné ; que, par suite, la demande de la société LFB BIOMEDICAMENTS ne remplit pas les conditions d’engagement de la garantie par l’acheteur des vices cachés de la chose vendue ;

13. Considérant que la société LFB BIOMEDICAMENTS soutient, en quatrième lieu, que la responsabilité de l’EFS serait engagée du fait de la fourniture d’un plasma sanguin qui s’est révélé défectueux pour son utilisation au sens de la directive communautaire n°85/374 du

25 juillet 1985 transposée par les articles 1386-1 et suivants du code civil, repris désormais aux articles 1245-1 à 1245-17 du même code.

14. Considérant qu’aux termes de l’article 1386-1 du code civil repris par l’article 1245 : « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime. » ; qu’aux termes de l’article 1386-2 du même code repris à l’article 1245-1 : « Les dispositions du présent titre s’appliquent à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même » ; qu’aux termes de l’article 1386-4 du même code repris à l’article 1245-3 : « Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » ; qu’aux termes de l’article 1386-6 repris à l’article 1245-6 : « Est producteur, lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante. » ; qu’aux termes de l’article 1386-8 repris à l’article 1245-7 : « En cas de dommage causé par le défaut d’un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l’incorporation sont solidairement responsables. » ; qu’aux termes enfin de l’article 1386-9 du même code repris à l’article 1245-8 : « Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage » ; que, par un arrêt du 21 décembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’un prestataire de services, tel qu’un prestataire de soins, dont la responsabilité est engagée à l’égard du bénéficiaire de la prestation en raison de l’utilisation, dans le cadre de celle-ci, d’un produit défectueux, doit avoir la possibilité de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement des règles issues de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;

15. Considérant que si la société LFB BIOMEDICAMENTS recherche la responsabilité de l’EFS sur le terrain de la responsabilité du fabriquant du fait des produits défectueux, il résulte des textes précités ainsi que de l’arrêt du 21 décembre 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne que ne peuvent se prévaloir de ce régime de responsabilité que le fournisseur ou le consommateur final d’un tel produit ; qu’alors que la société requérante a participé à la fabrication des MDS par incorporation du plasma fourni par l’EFS, elle n’a pas la qualité de consommateur final du produit en cause au sens des dispositions précitées ; qu’en outre, alors qu’elle n’établit pas que le plasma qui lui a été livré par l’EFS n’aurait pas été conforme à la réglementation en vigueur, les dommages dont elle se prévaut proviennent de la seule mise en oeuvre des mesures de police sanitaire décidées par l’ANSM à titre de précaution ; que, par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l’EFS devrait être engagée à raison du caractère défectueux du plasma fourni ;

16. Considérant, en dernier lieu, que les prétentions indemnitaires formées sur le terrain des régimes de responsabilité sans faute institués par le législateur en matière de contamination transfusionnelle par le VHC ou le VIH ne peuvent en tout état de cause qu’être rejetées, dès lors qu’il résulte des dispositions du code de la santé publique que ne peuvent en bénéficier que les victimes d’un dommage corporel imputable à une transfusion et, le cas échéant, leurs proches ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir invoquées en défense, que la société LFB BIOMEDICAMENTS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que sa requête doit, par suite, être rejetée y compris les conclusions qu’elle a présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par l’EFS ;

DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la société LFB BIOMEDICAMENTS est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l’Etablissement français du sang au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

4

N° 15VE02849

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