Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 15 janvier 2002, 99-21.172, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Merryl Hervieu · Dalloz Etudiants · 2 mai 2019
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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 15 janv. 2002, n° 99-21.172
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 99-21.172
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 22 septembre 1999
Textes appliqués :
Code civil 1134 et 1351
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007071735
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société France Motors, dont le siège social est …,

en cassation d’un arrêt rendu le 23 septembre 1999 par la cour d’appel de Paris (5e ch section B), au profit de M. Y…, demeurant …, pris en sa qualité de seul liquidateur judiciaire – aux termes de ses conclusions récapitulatives – de la société d’Exploitation du Garage Schouwer,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 20 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de la société France Motors, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y…, ès qualités, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 1999) que la société d’Exploitation du garage Schouwer (le Garage Schouwer) était concessionnaire exclusif de véhicules de la marque Mazda sur le territoire de Sarrebourg et Sarreguemines depuis 1991 ; que, reprochant à la société France Motors, importateur exclusif de la marque, d’avoir, à partir de 1993, abusé de son droit de fixation unilatérale des conditions de vente et d’avoir abusivement refusé de déroger à la clause d’exclusivité en lui interdisant de représenter la marque Daewoo, et d’être ainsi responsable des difficultés financières qu’il connaissait, le Garage Schouwer l’a assignée en paiement de dommages-et-intérêts ; qu’il a été mis en liquidation judiciaire le 11 octobre 1995 et que son liquidateur, M. Z…, a repris l’instance ;

Sur le premier moyen, pris en ses six branches :

Attendu que la société France Motors fait grief à l’arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen :

1 / que ne justifie pas légalement sa solution, au regard de l’article 1382 du Code civil, l’arrêt attaqué qui retient que France Motors aurait imposé à ses concessionnaires et en particulier au Garage Schouwer des conditions financières abusives en l’état de la crise générale du marché et de l’appréciation du yen, sans s’expliquer sur le moyen déterminant des conclusions de France Motors faisant pertinemment valoir que, dépendant entièrement de son réseau de concessionnaire pour la distribution des véhicules Mazda, l’intérêt du concédant était manifestement de disposer d’un réseau de concessionnaires performants, objectif qui a été atteint puisque les immatriculations de véhicules Mazda ont connu une évolution favorable à la suite des diverses mesures commerciales et publicitaires critiquées par l’adversaire et appliquées à l’ensemble du réseau (par exemple, les opérations initiées par France Motors ont permis d’augmenter les ventes des modèles 323 de 82 % de février à mars 1994) ;

2 / que méconnaît les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l’arrêt attaqué qui considère que le liquidateur judiciaire du Garage Schouwer dénonce « sans être contredit la réduction d’un point et demi de la marge brute ainsi qu’une dizaine de campagnes promotionnelles comportant des obligations abusives », bien que France Motors ait fait valoir dans ses conclusions notamment 1 ) que cela n’avait été que pendant six mois, du 1er juillet au 31 décembre 1993, que les remises consenties aux concessionnaires avaient été baissées, en parfait respect des dispositions contractuelles, que pendant cette même période avait été lancée une opération promotionnelle su le modèle 323 Kyoto qui avait permis aux concessionnaires sans sacrifice sur leurs marges d’enregistrer de nouvelles commandes, France Motors ayant supporté seule l’effet de promotion, 2 ) que les campagnes nationales de publicité télévisuelles avaient coûté à France Motors les sommes de 6 118 790 francs en 1993 et 14 834 952 francs en 1994, sur lesquelles France Motors n’avait répercuté que les montants de 2 939 400 francs en 1993 et 3 839 000 francs en 1994 sur les concessionnaires, lesquels étaient pourtant les premiers bénéficiaires de ces campagnes ;

3 / que ne justifie pas légalement sa solution, au regard de l’article 1382 du Code civil, l’arrêt attaqué qui retient que France Motors aurait imposé en 1993 et 1994 à ses concessionnaires et en particulier au Garage Schouwer des conditions financières abusives en l’état de la crise générale du marché et de l’appréciation du yen, sans s’expliquer sur les moyens des conclusions de la société France Motors faisant valoir qu’en 1992, pendant près d’un ans, elle avait seule subi l’évolution du taux de change du yen, sans en faire partager les effets néfastes aux concessionnaires, que l’examen des diverses circulaires adressées aux concessionnaires faisait apparaître que France Motors avait ensuite pris à sa charge l’essentiel des coûts générés par les mesures promotionnelles, qu’ainsi par deux circulaires du 5 mars 1993, France Motors avait informé ses concessionnaires de ce que les modèles MX3 et MX5 se verraient crédités par elle d’aides à la vente allant de 5 000 à 10 000 francs hors taxes par véhicule pendant le premier quadrimestre et de ce qu’elle proposait un crédit à un taux préférentiel à sa seule charge pour les modèles 626 Berline, que, par circulaire du 7 octobre 1993, France Motors avait procédé à un abattement de 7 000 francs toutes taxes comprises sur les prix du modèle 121 pour dynamiser la vente, que par circulaire du 5 novembre 1993, France Motors avait annoncé l’attribution de primes spéciales pour un certain nombre de modèles, que par circulaire du 14 mars 1994, France Motors avait indiqué à propos du lancement de l’opération "Mazda 626 climatiseur + CD" qu’elle prenait en charge le coût de l’offre, soit 2 665 francs hors taxes par véhicule et qu’en définitive, les résultats de France Motors étaient passés de + 46 millions de francs en 1991 à – 116 millions de francs en 1994 ;

4 / que viole l’article 455 du nouveau Code de procédure civile l’arrêt attaqué qui, fondant sa solution par référence au rapport de M. X… désigné par jugement du 12 janvier 1995 pour faire un rapport sur les possibilités de parvenir à un accord transactionnel entre France Motors et un nombre important de ses concessionnaires, omet de tenir compte de la circonstance, invoquée par France Motors dans ses conclusions, que M. X… avait constaté dans ledit rapport : « Il est non moins incontestable que France Motors apporte la preuve que la dégradation de ses marges dans des proportions considérables pour des raisons extrinsèques l’a valablement conduit à en faire supporter une part par ses concessionnaires » ;

5 / que viole l’article 1134 du Code civil l’arrêt attaqué qui considère que France Motors aurait dû consacrer en « aides » aux concessionnaires les sommes distribuées aux actionnaires sous formes de dividendes ;

6 / qu’en fondant sa décision de condamnation au paiement de dommages-intérêts sur une telle considération, l’arrêt attaqué n’a de plus pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant, par une décision motivée, relevé que la société France Motors, qui s’était trouvée confrontée à un effondrement général du marché de l’automobile, aggravé par une hausse du yen, avait pris des mesures imposant des sacrifices à ses concessionnaires, eux-mêmes fragilisés, au point de mettre en péril la poursuite de leur activité, l’arrêt retient que le concédant ne s’est pas imposé la même rigueur bien qu’il disposât des moyens lui permettant d’assumer lui-même une part plus importante des aménagements requis par la détérioration du marché, puisque, dans le même temps, il a distribué à ses actionnaires des dividendes prélevés sur les bénéfices pour un montant qui, à lui seul, s’il avait été conservé, lui aurait permis de contribuer aux mesures salvatrices nécessaires en soulageant substantiellement chacun de ses concessionnaires et que notamment, en ce qui concerne le Garage Schouwer, il aurait pu disposer à son endroit d’un montant équivalant à l’insuffisance d’actif que celui-ci a accusé ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations déduites de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d’appel, qui a légalement justifié sa décision sans méconnaître l’objet du litige et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu estimer que la société France Motors avait abusé de son droit de fixer unilatéralement les conditions de vente et qu’elle devait réparation au Garage Schouwer du préjudice qui en était résulté pour lui ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses diverses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société France Motors fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que viole l’article 455 du nouveau Code de procédure civile, l’arrêt attaqué qui omet de s’expliquer sur le moyen des conclusions de France Motors faisant valoir que, par lettre du 30 mars 1995 faisant référence à un entretien du même jour, France Motors avait fait connaître au Garage Schouwer sa volonté de renoncer à la clause d’exclusivité figurant à leur convention ;

Mais attendu qu’il ne résulte pas des conclusions déposées par la société France Motors en cause d’appel que celle-ci ait invoqué l’argument visé au moyen ; que celui-ci manque en fait ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société France Motors fait le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :

1 / que viole l’article 1351 du Code civil l’arrêt attaqué qui refuse d’admettre que la cessation des paiements du Garage Schouwer remontait à 18 mois avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du 11 octobre 1995, ainsi que jugé par cette décision judiciaire, au motif inopérant que la fixation à cette date de la cessation des paiements de cette société aurait été de « pure commodité » ;

2 / que viole l’article 455 du nouveau Code de procédure civile l’arrêt attaqué qui détermine le préjudice indemnisable du Garage Schouwer, sans s’expliquer sur le moyen des conclusions de France Motors faisant valoir qu’il résultait de l’examen des bilans communiqués de cette société que, dès 1992, soit avant les mesures critiquées par le liquidateur judiciaire, le Garage Schouwer avait enregistré une perte de 221 812 francs, que ces bilans faisaient apparaître des charges de personnel très importantes constituant par rapport au chiffre d’affaires un ratio supérieur à ce qui est généralement admis, et que ladite société était structurellement déficitaire ;

Mais attendu, d’une part, que l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité, et que s’il y a entre les deux litiges identité de cause et d’objet ; que c’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a retenu que, saisie d’une action en responsabilité engagée par un concessionnaire à l’encontre du concédant, elle n’était pas tenue par la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce qui a mis le concessionnaire en liquidation judiciaire ;

Attendu, d’autre part, qu’après avoir relevé que jusqu’en 1993, le Garage Schouwer dégageait un bénéfice, même modeste, que ce n’est que lorsque la société France Motors lui a imposé les mesures reprochées qu’il a connu des pertes importantes, la cour d’appel a estimé, répondant par là-même aux conclusions invoquées, qu’il n’était pas établi que le Garage Schouwer se soit trouvé dans une situation le mettant en péril avant que la société France Motors lui impose des modifications substantielles compromettant sa survie ;

Que le moyen n’est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France Motors aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société France Motors à payer à M. Z…, ès qualités, la somme de 2 200 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille deux.

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 15 janvier 2002, 99-21.172, Inédit