Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 3 octobre 2006, 04-13.214, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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www.selene-avocats.fr · 17 juin 2022

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 3 oct. 2006, n° 04-13.214
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 04-13.214
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Angers, 26 janvier 2004
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007508427
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt déféré (Angers, 27 janvier 2004), que la Société française de fournitures pour installation et maintenances techniques (société Soffimat), est convenue le 9 décembre 1997 avec la société Besnier Mayenne, devenue Laitière de Mayenne, d’installer une centrale électrique de cogénération à Mayenne en s’engageant à la fournir en énergie thermique pour les besoins de son site industriel ;

qu’elle a créé à cette fin la société Mayennecogen, qui a passé avec la société Laitière de Mayenne le 15 mars 1999, un contrat de vente de chaleur, modifié par un avenant du 14 avril 2000 ; que le démarrage de la centrale n’ayant jamais eu lieu, la société Laitière de Mayenne a dénoncé l’inexécution par les sociétés Soffimat et Mayennecogen de leurs obligations contractuelles et les a assignées en résolution des contrats à leurs torts et en indemnisation de son préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Mayennecogen et Soffimat reprochent à l’arrêt d’avoir prononcé la résolution du contrat à leurs torts et de les avoir condamnées in solidum à payer à la société Laiterie de Mayenne une somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1 000 euros et 2 500 euros pour frais irrépétibles, alors selon le moyen :

1 / que les articles 3 et 15 du contrat du 15 mars 1999 obligeaient les parties à se rencontrer « sur l’initiative de l’une des parties, en cas d’événement majeur affectant leurs obligations respectives au terme du présent accord d’une façon telle que l’équilibre économique et financier qui prévalait lors de sa signature s’en trouve gravement modifié à son détriment » et à « examiner ensemble les moyens d’adapter le contrat aux évolutions constatées dans les facteurs économiques, techniques ou de réglementation et ce dans le but de préserver leurs intérêts réciproques » ; que si ces clauses n’obligent certes pas chaque partie à accepter n’importe quelle modification proposée par l’autre partie, elles mettent cependant à leur charge, en cas de bouleversement de l’équilibre économique du contrat en raison d’un événement extérieur aux parties, une obligation de renégocier loyalement ; qu’en l’espèce, la société Mayennecogen soulignait que la hausse vertigineuse et constante du prix du gaz naturel intervenue depuis la signature du contrat du 15 mars 1999 (+ 87 % entre avril 1999 et janvier 2001) avait bouleversé l’équilibre dudit contrat et que son exécution, tant dans les conditions tarifaires initiales que dans celles prévues par l’avenant n° 1 du 14 avril 2000, constituait pour elle une opération ruineuse et pourrait la conduire à engager sa responsabilité pour revente à perte ; qu’il résulte de l’arrêt que la société Mayennecogen avait formulé plusieurs propositions de révision du contrat auprès de la société Laitière de Mayenne, laquelle les avait toutes refusées sans pour autant faire de contre-proposition ; qu’en se bornant, pour juger que la responsabilité de l’échec de la procédure de rencontre et d’adaptation ne pouvait être imputée à la société Laitière de Mayenne, à affirmer que les clauses de rencontre et d’adaptation ne l’obligeaient pas à accepter les modifications du contrat proposées par l’autre partie et que le fait, pour cette société « d’avoir refusé d’accepter la révision substantielle du prix du contrat avant même sa mise à exécution, alors qu’un avenant sur le prix venait d’être signé par les parties, ne saurait caractériser une faute de sa part », sans rechercher si elle n’avait pas manqué à son obligation de tout mettre en oeuvre pour parvenir à un accord

préservant aussi les intérêts de la société Mayennecogen et notamment si ses multiples refus étaient légitimes, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

2 / que la société Mayennecogen expliquait que l’avenant du 14 avril 2000 n’avait pas permis de rétablir l’équilibre économique en vigueur lors de la conclusion du contrat du 15 mars 1999 car la société Laitière de Mayenne avait exigé, en contrepartie de la réduction de la durée du fonctionnement, une baisse corrélative du prix de la vapeur ;

qu’en se fondant sur l’existence dudit avenant pour dire non fautifs les refus de postérieurs de la société Laitière de Mayenne de modifier le prix de la vapeur, sans relever que cet avenant avait permis de rétablir l’équilibre économique des prestations, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

3 / que les articles 3 et 15 du contrat du 15 mars 1999, qui mettent à la charge des parties, en cas de bouleversement de l’équilibre économique du contrat en raison d’un événement extérieur aux parties, une obligation particulière de renégocier loyalement, n’exigent pas que cet événement ait été imprévisible mais seulement qu’il n’ait pas été effectivement prévu ; que les parties au contrat du 15 mars 1999 avaient choisi d’indexer le prix de vente de la vapeur sur l’indice du fuel et non sur le prix du gaz, et n’avaient donc pas prévu l’augmentation du prix du gaz ;

qu’en refusant à la société Mayennecogen le droit de se prévaloir de cette augmentation, prétexte pris de ce que « l’évolution des cours du gaz naturel est un événement tout à fait prévisible, qui aurait normalement dû être pris en compte », la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir relevé que pour justifier l’inexécution des obligations mises à sa charge par la convention qu’elle a signée le 15 mars 1999, la société Mayennecogen invoque l’augmentation importante des tarifs de gaz naturel, ayant entraîné une modification substantielle de l’économie globale du projet envisagé, l’arrêt retient, par une appréciation souveraine de la portée des stipulations liant les parties, que l’article 3 intitulé « clause de rencontre », obligeant les parties à se rencontrer dans tous les cas une fois l’an « en cas d’événement majeur affectant leurs obligations respectives au terme du présent accord d’une façon telle que l’équilibre économique et financier qui prévalait lors de la signature s’en trouve gravement modifié à son détriment », n’oblige en aucune façon le cocontractant à accepter les modifications de contrat proposées par l’autre partie en cas de survenance d’un tel événement et que de même l’article 15 du contrat intitulé « adaptation et transfert du contrat » selon lequel les parties ont convenu d’examiner ensemble les moyens d’adapter le contrat aux évolutions dans les facteurs économiques, techniques ou de réglementation afin de préserver leurs intérêts réciproques" n’oblige nullement les parties à réviser le contrat mais en autorise seulement la possibilité ; qu’il en déduit que la responsabilité de

l’échec de la procédure de rencontre et d’adaptation ne peut être imputée à la société Laitière de Mayenne en l’absence de comportement abusif de sa part et que le seul fait, pour la société Laitière de Mayenne, d’avoir refusé d’accepter la révision substantielle du prix du contrat avant même sa mise à exécution, tandis qu’un avenant sur le prix venait d’être signé par les parties, ne saurait caractériser une faute de sa part, quel que soit le déséquilibre économique allégué par la société Mayennecogen qui doit supporter les conséquences de son imprévision dans le choix d’un indice fondant la clause d’indexation ; qu’ainsi la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Mayennecogen et Soffimat font encore le même reproche à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1 / qu’une société immatriculée au registre du commerce est dotée d’une personnalité morale propre, même lorsqu’elle est filiale d’une autre société ; qu’en l’espèce il résulte de l’arrêt que le contrat du 15 mars 1999 et l’avenant du 14 mai 2000 avaient été conclus par la société Laitière de Mayenne avec la seule société Mayennecogen ; que la cour d’appel, pour prononcer la résolution du contrat et de son avenant aux torts des sociétés Soffimat et Mayennecogen et les condamner in solidum à payer à la société Laitière de Mayenne des dommages-intérêts pour inexécution du contrat, s’est bornée à relever que les deux sociétés avaient le même dirigeant, le même siège et la même ligne téléphonique, que la société mère avait servi d’intermédiaire pour envoyer les propositions d’avenant au contrat, et avait échangé des courriers avec l’Apave, GDF et la société Laitière de Mayenne ; qu’en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que sous l’apparence de sociétés distinctes il n’existait qu’une personne morale, ou que les patrimoines de ces sociétés étaient confondus, ou encore que la société Soffimat avait eu un comportement fautif en laissant croire qu’elle prenait part à l’engagement de sa filiale ou en donnant à celle-ci une fausse apparence de solvabilité, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 210-6 du code de commerce et des articles 1147, 1165 et 1842 du code civil ;

2 / qu’en l’absence de confusion des patrimoines, une société mère ne peut être condamnée à supporter les conséquences de l’inexécution d’un contrat conclu par sa filiale que si elle s’est immiscée dans l’exécution dudit contrat, ce qui suppose la prise de décisions relatives à ce contrat aux lieu et place de sa filiale ; qu’en se bornant, pour condamner la société Soffimat à supporter les conséquences de l’inexécution de contrat conclu exclusivement par la société Mayennecogen, devenue sa filiale, à relever que les sociétés avaient le même dirigeant, le même siège et la même ligne téléphonique, que la société-mère avait servi d’intermédiaire pour envoyer les propositions d’avenant au contrat, et avait échangé des courriers avec l’Apave, GDF et la société Laitière de Mayenne, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’immixtion de la société Soffimat dans l’exécution du contrat conclu par la société Mayennecogen et a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 210-6 du code de commerce et des articles 1147, 1165 et 1842 du code civil ;

3 / que la société Soffimat expliquait que si elle avait eu des relations avec certaines des sociétés impliquées dans le projet de réalisation de la centrale de cogénération, c’était parce qu’elle devait fournir à la société Mayennecogen les éléments lui permettant de réaliser la centrale (moteur, chaudière de récupération…) ; qu’en se fondant sur les courriers échangés par la société Soffimat avec l’Apave, GDF et la société Laitière de Mayenne pour en déduire l’existence d’une immixtion de la première dans l’exécution du contrat du 15 mars 1999 signé par la seule société Mayennecogen, sans rechercher si ces courriers ne révélaient pas seulement l’intervention d’un fournisseur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 210-6 du code de commerce et des articles 1147, 1165 et 1842 du code civil ;

4 / que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent statuer par voie de pure affirmation ; qu’en retenant à l’appui de sa décision une prétendue absence d’autonomie de la société Mayennecogen dans sa gestion, sans préciser de quel élément elle la déduisait, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la société Soffimat était l’initiatrice du projet, qu’elle s’était substitué à sa filiale pour traiter en ses lieu et place la révision de la convention et qu’elle avait pris à son compte l’opération commerciale, la cour d’appel, qui a caractérisé l’immixtion de la société mère dans l’exécution du contrat conclu par sa filiale, a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant comme critiquant des motifs surabondant dans sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Mayennecogen et Soffimat aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Mayennecogen et Soffimat et les condamne à payer à la société Laitière de Mayenne la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille six.

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