Cour de cassation, Chambre sociale, 16 décembre 2009, 08-44.830, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Dominique Roumaneix Juriste · LegaVox · 21 décembre 2012

Village Justice · 10 mars 2011

Comment l'entreprise peut – elle concilier l'exigence de sécurité et le respect des libertés individuelles et de la vie personnelle des salariés ? 1. L'utilisation de la messagerie électronique. Dans une décision du 12 avril 2005, la Cour d'appel de Dijon considère que « l'utilisation de la messagerie électronique professionnelle pour envoyer ou recevoir des messages à caractère personnel ne présente pas de caractère fautif et ne constitue pas un détournement de l'emploi des outils de communication lorsque les agents y ont recours dans les limites raisonnables ». (CA Dijon 12 avril …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 16 déc. 2009, n° 08-44.830
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 08-44.830
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 10 septembre 2008
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000021518217
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2009:SO02593
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2008), que M. X…, qui avait été engagé le 1er octobre 2001 par la société Ginger en qualité de directeur général, a été licencié le 10 décembre 2004 pour faute grave ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et de l’avoir en conséquence condamné à payer diverses indemnités à ce titre, alors, selon le moyen :

1°/ que l’usage de la liberté d’expression peut justifier un licenciement s’il dégénère en abus ; que caractérise un abus de la liberté d’expression le fait pour M. X…, en sa qualité de directeur général, de reprocher par écrit au président directeur général de la société Ginger d’avoir adopté une « attitude ouvertement méprisante et vexatoire qui n’est pas digne d’un chef d’entreprise », d’employer des « méthodes parfaitement scandaleuses » et de prendre des mesures de « rétorsion insidieuses » pour le faire quitter l’entreprise, et d’avoir une « vision subjective des individus qu’on peut à sa, guise, utiliser puis »jeter"" ; qu’en décidant du contraire, et en jugeant que les propos tenus par M. X… ne présentaient pas un caractère fautif ou abusif, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 2281-3 L. 121-1, L. 122-14-3, L. 122-6, L. 122-8 et L. 461-1, alinéa 2 anciens du code du travail ;

2°/ qu’il en va d’autant plus ainsi que les mesures de « rétorsion insidieuses » et les pratiques « parfaitement scandaleuses » imputées à la direction de l’entreprise concernaient en définitive une question anodine de retard dans le remboursement de notes de frais dont il était établi que la cause était exclusivement imputable à la carence de M. X… ; qu’en considérant dès lors que les propos tenus par ce dernier ne constituaient pas un abus de sa liberté d’expression, la cour d’appel a violé de plus fort les articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 2281-3 L. 121-1, L. 122-14-3, L. 122-6, L. 122-8 et L. 461-1, alinéa 2 anciens du code du travail ;

Mais attendu que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ;

Et attendu que l’arrêt relève que la correspondance adressée par le salarié au président, constatant objectivement son isolement et son remplacement avant qu’il ne soit licencié, répondait aux propos extrêmement sévères de ce dernier à son égard, et que les termes utilisés, s’ils mettaient en cause celui-ci en lui reprochant de vouloir obtenir son départ au moindre coût, ne présentaient pas de caractère injurieux, diffamatoire ou excessif au regard de la situation dans laquelle il se trouvait et des propres termes employés par le président ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a pu décider que le salarié n’avait pas abusé de sa liberté d’expression ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que l’employeur fait encore grief à l’arrêt de l’avoir condamné à payer la somme de 324 761,94 euros à titre d’indemnité contractuelle de licenciement, alors, selon le moyen :

1°/ que le montant de l’indemnité de licenciement, qu’elle soit d’origine légale, conventionnelle ou contractuelle, rémunère la durée des services rendus par le salarié à l’entreprise, à la différence de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle répare le préjudice résultant de la perte involontaire de l’emploi et de ses conséquences ; que dès lors en se référant, pour apprécier le caractère manifestement disproportionné (ou non) de l’indemnité contractuelle de licenciement, non pas à l’ancienneté du cadre dirigeant (moins de 3 ans), mais de façon inopérante, à la perte de revenu qu’il avait subie du fait de son licenciement, la cour d’appel a violé les articles L. 1234-9 et L. 1235-2 du code du travail, ensemble l’article 1152, alinéa 2, du code civil ;

2°/ que, subsidiairement l’indemnité contractuelle stipulée dans le contrat de travail de M. X… correspondait à une année de salaire brut ; que dès lors, même si l’on devait retenir que cette indemnité contractuelle avait vocation à indemniser le préjudice subi par le salarié à la suite de la rupture de la relation de travail, la cour d’appel devait apprécier le caractère le préjudice financier de M. X… sur une période d’une année pour déterminer si l’indemnité contractuelle présentait un caractère manifestement excessif ; qu’en prenant comme assiette de calcul du préjudice financier de M. X… une durée de 20 mois, ce dont elle a déduit que l’indemnité contractuelle était inférieure au montant du préjudice financier subi et qu’il lui était dès lors interdit de faire usage de son pouvoir modérateur, la cour d’appel s’est mépris sur l’étendue de ses pouvoirs et a violé l’article 1152, alinéa 2, du code civil ;

3°/ enfin et subsidiairement que pour apprécier le préjudice financier de M. X…, la cour d’appel devait aussi tenir compte des sommes perçues au titre de l’indemnité de licenciement dont le montant s’élevait à 161 376,49 euros ; qu’en s’abstenant de prendre en compte ce montant et en considérant qu’il n’était pas dans ses pouvoirs de modifier l’indemnité contractuelle dès lors que celle-ci était inférieure au montant du préjudice financier subi par M. X… à la suite de la rupture de la relation de travail, la cour d’appel s’est là encore mépris sur l’étendue de ses pouvoirs et a violé l’article 1152, alinéa 2, du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel a, par une décision motivée, souverainement estimé que le montant de l’indemnité contractuelle de licenciement n’était pas excessif compte tenu des éléments du préjudice relevés ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ginger, groupe ingenierie Europe aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Ginger, goupe ingenierie Europe à payer à M. X… la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille neuf.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Ginger, groupe ingenierie Europe.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X… ne reposait pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, et d’AVOIR en conséquence condamné la Société GINGER à lui payer les sommes de 7.831,97 € à titre de salaire pendant la mise à pied, 4.155 € à titre de prime de vacances, 8.456,98 € à titre de congés payés sur l’ensemble, 74.316,87 € de préavis, 6.098 € à titre de 13e mois sur préavis, 8.539,56 € d’indemnité de licenciement, 161.376,49 € à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et 324.761,94 € à titre d’indemnité contractuelle de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « les premiers juges ont exactement retenu que M. X… n’avait pas excédé le cadre de sa liberté d’expression en répondant aux propose extrêmement sévères du président à son égard et en constatant objectivement son isolement et son remplacement avant qu’il ne soit licencié ; que les termes utilisés par M. X…, s’ils mettent en cause le président en ce qu’il lui reproche de vouloir obtenir son départ au moindre coût, ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs au regard de la situation dans laquelle il se trouvait et des propres termes employés par le président ; que M. X… n’a donc pas abusé de sa liberté d’expression » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « le courrier incriminé n’est pas daté, qu’il s’agisse de celui du 19 octobre 2004, comme développé dans les conclusions, ou de celui du 26 novembre 2004 ; que pour le Conseil, M. X… répond aux propos extrêmement sévères du président à son égard, et constate objectivement son isolement et son remplacement avant qu’il ne soit licencié ; que rapprochés des notes qu’il a reçues à partir d’août 2004, passant du tutoiement au vouvoiement, le suspectant de maladie diplomatique et le traitent d’incapable, M. X… est resté dans le cadre de sa liberté d’expression en critiquant le sort réel qui lui était réservé » ;

ALORS QUE l’usage de la liberté d’expression peut justifier un licenciement s’il dégénère en abus ; que caractérise un abus de la liberté d’expression le fait pour Monsieur X…, en sa qualité de directeur général, de reprocher par écrit au Président Directeur Général de la Société GINGER d’avoir adopté une « attitude ouvertement méprisante et vexatoire qui n’est pas digne d’un chef d’entreprise », d’employer des « méthodes parfaitement scandaleuses » et de prendre des mesures de « rétorsion insidieuses » pour le faire quitter l’entreprise, et d’avoir une « vision subjective des individus qu’on peut à sa, guise, utiliser puis « jeter » » ; qu’en décidant du contraire, et en jugeant que les propos tenus par Monsieur X… ne présentaient pas un caractère fautif ou abusif, la cour d’appel a violé les articles L.1221-1, L.1232-1, L.1234-1, L.1234-5 et L.2281-3 L.121-1, L.122-14-3, L.122-6, L.122-8 et L.461-1, al.2 anciens du Code du travail ;

QU’il en va d’autant plus ainsi que les mesures de « rétorsion insidieuses »et les pratiques « parfaitement scandaleuses » imputées à la direction de l’entreprise concernaient en définitive une question anodine de retard dans le remboursement de notes de frais dont il était établi que la cause était exclusivement imputable à la carence de Monsieur X… ; qu’en considérant dès lors que les propos tenus par ce dernier ne constituaient pas un abus de sa liberté d’expression, la cour d’appel a violé de plus fort les articles L.1221-1, L.1232-1, L.1234-1, L.1234-5 et L.2281-3 L.121-1, L.122-14-3, L.122-6, L.122-8 et L.461-1, al.2 anciens du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d’AVOIR condamné la Société GINGER à payer à Monsieur X… la somme de 324.761,94 € à titre d’indemnité contractuelle de licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « l’indemnité de licenciement prévue par le contrat de travail constitue une clause pénale qu’il appartient au jugement selon l’article 1152 du Code Civil de modérer si elle lui apparaît manifestement excessive, sans toutefois pouvoir allouer une somme inférieure au montant du dommage ; que M. X… a perçu des indemnités de chômage d’un montant net de 159,15 euros par jour (180,17 euros brut) jusqu’au 1er octobre 2006 au lieu du salaire journalier net de 850 euros qu’il recevait de la société Ginger ; qu’il en est donc résulté un préjudice financier supérieur à 400.000 euros ; qu’en conséquence la clause pénale, d’un montant inférieur au seul préjudice financier réel, ne peut être réduite, et la société Ginger devra verser à M. X… un an de salaire brut soit 324.761,94 euros d’indemnité contractuelle de licenciement » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE le montant de l’indemnité de licenciement, qu’elle soit d’origine légale, conventionnelle ou contractuelle, rémunère la durée des services rendus par le salarié à l’entreprise, à la différence de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle répare le préjudice résultant de la perte involontaire de l’emploi et de ses conséquences ; que dès lors en se référant, pour apprécier le caractère manifestement disproportionné (ou non) de l’indemnité contractuelle de licenciement, non pas à l’ancienneté du cadre dirigeant (moins de 3 ans), mais de façon inopérante, à la perte de revenu qu’il avait subie du fait de son licenciement, la cour d’appel a violé les articles L.1234-9 et L.1235-2 du code du travail, ensemble l’article 1152 al.2 du Code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE l’indemnité contractuelle stipulée dans le contrat de travail de Monsieur X… correspondait à une année de salaire brut ; que dès lors, même si l’on devait retenir que cette indemnité contractuelle avait vocation à indemniser le préjudice subi par le salarié à la suite de la rupture de la relation de travail, la cour d’appel devait apprécier le caractère le préjudice financier de Monsieur X… sur une période d’une année pour déterminer si l’indemnité contractuelle présentait un caractère manifestement excessif ; qu’en prenant comme assiette de calcul du préjudice financier de Monsieur X… une durée de 20 mois, ce dont elle a déduit que l’indemnité contractuelle était inférieure au montant du préjudice financier subi et qu’il lui était dès lors interdit de faire usage de son pouvoir modérateur, la cour d’appel s’est mépris sur l’étendue de ses pouvoirs et a violé l’article 1152 al.2 du Code civil ;

ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QUE pour apprécier le préjudice financier de Monsieur X…, la cour d’appel devait aussi tenir compte des sommes perçues au titre de l’indemnité de licenciement dont le montant s’élevait à 161.376,49 € ; qu’en s’abstenant de prendre en compte ce montant et en considérant qu’il n’était pas dans ses pouvoirs de modifier l’indemnité contractuelle dès lors que celle-ci était inférieure au montant du préjudice financier subi par Monsieur X… à la suite de la rupture de la relation de travail, la cour d’appel s’est là encore mépris sur l’étendue de ses pouvoirs et a violé l’article 1152 al.2 du Code du travail.

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