Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 septembre 2010, 09-88.319, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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droit-urbanisme-et-amenagement.efe.fr · 10 avril 2015
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 21 sept. 2010, n° 09-88.319
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 09-88319
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 novembre 2009
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : JURITEXT000022944824

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 
M. Wilfried X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 17 novembre 2009, qui, pour infraction au code de l’urbanisme, l’a condamné à 5 000 000 euros d’amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, ainsi qu’une mesure de publication ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’un permis de construire un hôtel de luxe à Gassin (Var), a été délivré le 24 juin 1991 à la société Cassia ; que, le 21 octobre 1997, des agents de la direction départementale de l’équipement ont constaté un dépassement de 1 335 m² de surface hors oeuvre nette autorisée ; qu’une information judiciaire a été ouverte au terme de laquelle M. X… a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir méconnu les prescriptions du permis de construire initial ainsi que celles des permis modificatifs du 12 octobre 1994 et du 14 juin 1995 ; qu’il a été déclaré coupable et a relevé appel ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 384, 385 et 512 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité soulevée par M. X… ;

"aux motifs que, par application de l’article 385 du code de procédure pénale, l’exception de nullité doit être déclarée irrecevable comme présentée pour la première fois devant la cour ; que le prévenu n’a pas présenté devant le tribunal de grande instance de Draguignan d’exception de nullité fondée sur l’application des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ; que, dès lors, il doit être déclaré irrecevable en sa demande ;

"alors que sont recevables pour la première fois en cause d’appel les exceptions de nullité fondées sur l’irrégularité de la procédure postérieure à la citation devant la cour d’appel ; qu’ainsi, M. X… était recevable à demander l’audition de témoins, parmi lesquels M. Y…, gérant de la société Cassia, qui n’avaient jamais été entendus" ;

Attendu que M. X… ne saurait se faire un grief de ce que la cour d’appel a déclaré irrecevable comme nouveau le moyen de nullité pris de l’absence d’audition de certains témoins, dès lors qu’il avait la faculté de faire citer à l’audience les témoins de son choix en application de l’article 513, alinéa 2, du code de procédure pénale ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-4, L. 480-5 et L. 480-7 du code de l’urbanisme, de l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, manque de base légale et défaut de motifs ;

"en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable d’avoir exécuté des travaux ou utilisé le sol en méconnaissance des obligations et autorisations octroyées par les permis de construire des 24 juin 1991, 12 octobre 1994 et 14 juin 1995, l’a condamné à une peine d’amende de 5 000 000 euros, a ordonné la remise en état des lieux dans un délai de douze mois sous astreinte de 75 euros par jour de retard et a ordonné la publication d’un communiqué dans les journaux Var Matin et La Provence ;

"aux motifs que le prévenu soutient qu’il n’est pas bénéficiaire des travaux ; qu’il n’a cependant pas contesté que lesdits travaux ont été réalisés par la SARL Cassia, bénéficiaire du permis de construire, dont il était le cogérant majoritaire au moment des faits ; qu’il affirme n’avoir eu aucun pouvoir pour influer sur les décisions prises par le seul représentant légal de l’entreprise, M. Y…, et que, lors de la construction de l’immeuble litigieux, il n’était ni mandataire social ni associé de la SARL Cassia, qu’il n’a commis aucune faute et qu’au contraire, postérieurement à la constatation des infractions, il n’a eu de cesse de tenter, vainement, de les régulariser ; qu’il ressort des pièces versées au débat que, bien avant l’achèvement des travaux, le prévenu avait acquis cent parts sociales de la SARL Cassia suivant acte de cession de parts sociales du 24 mars 1994, pour devenir ensuite associé majoritaire, dès le 6 mai 1994, par l’acquisition d’une nouvelle part sociale, tandis que le cédant, M. Y… devenait associé minoritaire ; qu’il était nommé cogérant de la SARL Cassia à compter du 25 mai 1994 ; que, par ailleurs, dans ses déclarations durant l’enquête, le prévenu a, à plusieurs reprises, expliqué avoir été associé au projet de construction, dès 1994, comme principal investisseur et détenteur majoritaire de parts sociales de la SARL Cassia ; qu’il était venu sur place sur le chantier et avait rencontré les architectes ; qu’après avoir démis M. Y…, associé minoritaire, de ses fonctions de cogérant, en février 1997, il s’était retrouvé seul face aux problèmes de non-conformité de l’ouvrage ; que, dès lors, totalement impliqué dans le projet immobilier, le prévenu ne peut valablement contester sa qualité de bénéficiaire des travaux litigieux ; qu’il ne peut davantage prétendre, qu’alors que le permis initial et les deux permis modificatifs autorisaient la construction à Gassin d’un hôtel d’une surface de plancher hors d’oeuvre nette de 1 374 m², il ignorait que la société, dont il était l’associé majoritaire et le principal investisseur, construisait en toute irrégularité un supplément de surface hors oeuvre nette correspondant quasiment au double de celle autorisée (…) ; que le prévenu soutient avoir multiplié les efforts pour parvenir à une régularisation et se prétend de bonne foi ; que les éléments de fait du dossier contredisent cette argumentation, puisqu’il est établi que la SARL Cassia a obtenu le 28 avril 2000 un troisième permis modificatif qui, s’il avait été respecté, aurait permis une mise en conformité de la construction avec les règles d’urbanisme ; que cette régularisation impliquait la neutralisation de certains locaux, comme prévu au plan du dernier permis modificatif, et la démolition conformément au permis obtenu le 27 avril 2000 des constructions qui étaient édifiées sur les trois parcelles acquises pour augmenter le tènement foncier ; que force est de constater que M. X… a fait, en toute connaissance de cause, le choix de ne pas mettre l’hôtel en conformité et que, plus de dix ans après avoir été constatées, les irrégularités perdurent ; que l’ampleur de ces irrégularités aux règles de l’urbanisme se révèle d’une particulière gravité ; que le permis de construire accordé le 24 juin 1991 et ses modificatifs autorisaient la construction d’un hôtel d’une surface hors oeuvre nette de 1 374 m² et l’infraction porte sur une augmentation de 1 335 m² de surface hors oeuvre nette ; que les constructions illicites ont été louées par le prévenu, lequel a tiré profit de ces locations ; que, par ailleurs, comme l’a relevé le tribunal, si le trouble local à l’ordre public économique invoqué par le prévenu pour combattre le prononcé d’une mesure de restitution, doit être pris en compte, il ne saurait en aucun cas justifier de laisser subsister un tel dépassement de surface hors oeuvre nette et qu’il y aurait là une véritable rupture dans l’égalité du traitement des infractions aux règles de l’urbanisme qui pourrait laisser penser aux investisseurs que l’ordre économique l’emporte sur le respect des règles de l’urbanisme ; que le législateur, montrant par là le caractère de gravité qu’il attache à de telles infractions, a prévu que l’amende pouvant être prononcée, dans le cas d’une construction illicite d’une surface de plancher, ce qui est le cas en l’espèce, est de 6 000 euros par m² de surface de plancher construite ; qu’eu égard à la gravité des faits, au profit qui en est résulté, aux ressources du prévenu, l’amende prononcée par le tribunal est pleinement justifiée ; qu’il convient de la confirmer ; qu’en conséquence, la cour estime équitable l’amende de 5 000 000 d’euros à l’encontre du prévenu ;

"1°) alors que l’associé ou le gérant d’une société qui a fait procéder à des travaux ne peut être considéré comme bénéficiaire desdits travaux au sens de l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme s’il n’en a retiré aucun avantage ; qu’ainsi, c’est à tort que la cour d’appel a considéré M. X… bénéficiaire des travaux entrepris par la SARL Cassia sans répondre au moyen faisant valoir qu’en tant que gérant ou associé de cette société, il n’avait jamais perçu ni salaire ni dividende et qu’il avait perdu les sommes apportées en compte courant à la SARL Cassia à hauteur de 3 000 000 d’euros ;

"2°) alors que M. X… faisait valoir que les trois parcelles acquises en 1997 et 1999 pour augmenter le tènement foncier avaient été revendues, dans la mesure où le maire de la commune de Gassin, M. Z…, lui avait précisé que le coefficient d’occupation des sols allait être augmenté ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait affirmer que M. X… ne pouvait exciper de sa bonne foi au motif que les irrégularités perduraient depuis plus de dix ans, sans rechercher si cette persistance trouvait sa cause dans les déclarations du maire, qui avait incité la SARL Cassia à attendre une réforme du coefficient d’occupation des sols plutôt qu’à entreprendre des travaux de modification de l’hôtel ;

"3°) alors qu’il doit exister un rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété ou affectant ses biens, notamment au travers d’une sanction financière ; qu’en l’espèce, le but poursuivi par la sanction des violations des règles d’urbanisme était atteint par la condamnation à la destruction des constructions litigieuses ; que l’amende d’un montant de 5 000 000 d’euros à laquelle a été condamné en sus M. X… constitue en conséquence, compte tenu de son montant, une atteinte disproportionnée et une ingérence au droit de propriété et aux biens non justifiée par le but poursuivi, en violation de l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme" ;

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité de M. X…, les juges du second degré retiennent que, devenu associé majoritaire puis cogérant de la société, il s’est totalement impliqué dans le projet de construction, dès 1994, en qualité de principal investisseur, en se déplaçant sur le chantier et en rencontrant les architectes ; qu’ils ajoutent que le prévenu ne pouvait ignorer que la surface hors oeuvre nette de la construction litigieuse était le double de celle qui avait été autorisée et qu’il a omis, en connaissance de cause, de régulariser la situation ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, d’où il résulte que M. X… était le responsable des travaux irréguliers, la cour d’appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

Attendu que, par ailleurs, en condamnant l’auteur de l’infraction, au regard de ses ressources, à une amende de 5 000 000 d’euros, dans la limite du maximum prévu par l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme, la cour d’appel n’a fait qu’user d’une faculté qu’elle tient de la loi, sans méconnaître la disposition conventionnelle invoquée ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Nunez conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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