Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 juin 2016, 16-81.756, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 8 juin 2016, n° 16-81.756
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-81.756
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8 mars 2016
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000032776064
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:CR03475
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— M. AI X…, se disant AE Y…,


contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 9 mars 2016, qui, dans la procédure d’extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement russe, a donné un avis favorable ;


Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Sur la recevabilité du pourvoi formé le 17 mars 2016 :

Attendu que le demandeur ayant épuisé, par l’exercice qu’il en avait fait par l’intermédiaire de son avocat le 10 mars 2016, le droit de se pourvoir contre l’arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 10 mars 2016 ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 459, 485 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, les articles 696-15 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d’extraditio AI X… dit M. AE Y… faite par la Fédération de Russie en vue de l’exercice des poursuites visées à ladite demande ;

« aux motifs que sur la prétendue intervention irrégulière de l’interprète en langue russe, il est fait valoir que » les mentions le concernant figurant dans les procès-verbaux ne sont pas suffisantes pour permettre la vérification de l’identité de celui-ci, sa profession, son domicile, et ses compétences en langue russe d’autant qu’il n’était inscrit sur aucune liste d’interprète » ; que « l’indication de l’état civil complet comportant les date de naissance, domicile et la profession réellement occupés, aurait permis à M. Y… de s’assurer des qualités professionnelles de cet interprète » ; que « ces omissions dans l’établissement des procès-verbaux et des prestations de serment font grief à l’intéressé puisque son conseil n’a eu d’autre solution que de recourir à une recherche internet concernant le dénommé M. EY Z… » ; que sont à ce titre produites les copies de pages de sites Internet établissant l’existence de trois M. Z…, le premier demeurant à Paris et exerçant une activité de conseil en organisation, le deuxième demeurant à Roubaix et vendeur chez Gamm-vert, le troisième habitant à Nice et ayant cessé son activité libérale le 3 juin 2015 ; que la chambre de l’instruction relève que le code de procédure pénale dans son article D. 594-11, autorise le recours en qualité de traducteur-interprète, « en cas de nécessité », à « une personne majeure ne figurant pas sur » la liste dressée soit par la cour de cassation, soit par chaque cour d’appel, soit en application de l’article R. 111-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile « , dès lors que l’interprète ou le traducteur n’est pas choisi parmi les enquêteurs, les magistrats ou les greffiers chargés du dossier, les parties ou les témoins » et qu’il a prêté le serment, consigné par procès-verbal, d’apporter son concours à la justice en son honneur et sa conscience ; qu’en l’espèce, figurent à la procédure, conformément aux exigences découlant du code de procédure pénale, un procès-verbal du 25 septembre 2015 portant réquisition de M. Z…, interprète en langue russe, « à l’effet de se transporter immédiatement à l’aéroport Nice Côte d’Azur, aérogare T1 », " afin d’assister (les fonctionnaires de police) dans tous les actes de la procédure et assurer la traduction en langue russe des déclarations [de la personne interpellée] « , ainsi que la prestation de serment de » M. Z…, interprète en langue russe demeurant à Nice « , dûment signée le 25 septembre 2015, » d’apporter (son) concours à la justice en (son) honneur et conscience concernant tous les actes de procédure où (son) intervention en langue russe s’impose » ; qu’en outre, et contrairement à ce qui est indiqué par l’intéressé dans son mémoire, la simple consultation des pages jaunes ou de tout site internet dédié sur la base des mots clés « EY Z… traducteur » fait immédiatement apparaître l’existence et la présence à Nice d’un EY Z…, demeurant […]…, et exerçant une activité d’interprète depuis le 1er février 2011 ; qu’il n’existe donc aucune irrégularité quant à sa désignation en qualité d’interprète ; que, par ailleurs, si M. Y… conteste désormais devant la chambre de l’instruction la compétence de M. Z… et sa maîtrise de la langue russe, en invoquant, notamment, « des prestations manifestement insuffisantes », force est de constater, d’une part, que contrairement aux dispositions de l’article D. 594-2 du code de procédure pénale, aucune observation aux fins de contester la qualité de l’interprétation n’a été mentionnée dans le procès-verbal d’audition ou versée au dossier de procédure établie par les services de police, et que, d’autre part, au moment de sa comparution devant le parquet général, puis devant le magistrat désigné par le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 26 septembre 2015, l’intéressé, qui était alors assisté d’un avocat et d’un autre interprète en langue russe, cette fois inscrit sur les listes établies par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, n’a pas formulé la moindre remarque ou objection concernant la qualité de l’interprétation effectuée par M. Z…; que le moyen ainsi invoqué ne saurait donc prospérer ;

«  alors que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer un écrit clair et précis ; qu’il résulte uniquement de la consultation des pages jaunes que M. Z… exerce une activité de traducteur au […]…, …; qu’en retenant qu’il résultait de la consultation des pages jaunes que M. EY Z… exerçait « une activité d’interprète depuis le 1er février 2011 », quand cette information ne figure pas sur la fiche consacrée par les pages jaunes à M. Z…, la cour d’appel a dénaturé ce document (prod.), en violation des articles 459, 485 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme » ;

Attendu qu’en retenant que, d’une part, aucune irrégularité n’avait affecté la désignation de M. Z…, inscrit dans l’annuaire en tant que traducteur, dès lors que celui-ci a été régulièrement requis pour assister en urgence M. X… en qualité d’interprète en langue russe et qu’il a prêté serment, d’autre part, la personne réclamée n’a formulé, tant devant le procureur général que devant le délégué du premier président de la cour d’appel, aucune protestation sur la qualité de la traduction, la chambre de l’instruction a justifié sans insuffisance ni contradiction sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 459, 485 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, les articles 696-15 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d’extradition de M. AI X… dit AE Y… faite par la Fédération de Russie en vue de l’exercice des poursuites visées à ladite demande ;

«  aux motifs que sur la prétendue erreur d’identité, M. Y… fait aussi valoir qu’il n’est pas la personne recherchée par les autorités russes sous l’identité de M. X…; que le mandat d’arrêt établi par les autorités judiciaires russes à l’encontre de M. X…, né le 18 octobre 1969 à Saint-Pétersbourg, précise expressément que celui-ci utilise diverses identités ou alias, notamment, celles de M. AU B…, né le 29 avril 1966 en Pologne, de MM. AE Y…, de UA Y…, ou d’AAEY…, né le 11 décembre 1967 ; que cette dernière identité correspond très précisément à celle de la personne interpellée à l’aéroport de Nice le 25 septembre 2015 ; que l’intéressé présente de plus des caractéristiques physiques comparables à celle de M. AI X…(physionomie générale, taille, couleur des yeux et des cheveux) ; qu’en outre, force est de constater que, devant les fonctionnaires de police à l’occasion de la notification de l’avis de recherche, M. AE Y… a spontanément indiqué : « je me nomme X… AI. Je suis dit Y… AE. » « la fiche de recherche s’applique bien à ma personne », avant de déclarer à l’inverse de son explication initiale : « par contre je ne suis pas connu sous l’identité de X… AI, né le 18 octobre 1969 à Leningrad », puis de soutenir durant toute la procédure devant le procureur général puis la chambre de l’instruction que sa véritable identité était M. AE Y… et non M. AI X…; que lors de l’audience du 23 février 2016, M. AE Y… a certes maintenu ne pas être la personne désignée sous le nom de O dans les pièces de justice jointes à la demande d’extradition, ne pas consentir à son extradition et ne pas renoncer à la règle de la spécialité ; qu’il a toutefois prétendu que, contrairement à ce qu’indiquent les autorités requérantes, la procédure pénale ouverte en Russie contre M. AI X… serait couverte par la prescription car lui n’avait jamais été en fuite mais était connu des administrations publiques sous l’identité de M. AE Y… pour demeurer et travailler à Saint-Pétersbourg ; qu’un tel raisonnement pour justifier la prescription de l’action publique ne peut manquer d’interroger au regard des dénégations de M. AE Y… car soit il n’est pas la même personne que M. AI X… et la circonstance qu’il ait toujours vécu à Saint-Petersbourg au vu et au su de l’administration est à l’évidence dépourvue de tout effet juridique sur l’exercice de poursuites qui concerneraient un tiers, soit il est M. AI X… et a vécu toutes ces années sous une fausse identité, celle de M. AE Y…, éludant ainsi les recherches menées à son encontre sous l’identité de M. AI X…; que M. AE Y… a, par ailleurs, fait valoir qu’il rapportait la preuve qu’il ne pouvait être M. AI X… dans la mesure où, à la différence de celui-ci, il n’était pas porteur « d’une quelconque prothèse (amovible ou non) sur la mâchoire supérieure », en particulier pas d’un dentier en céramique comparable au « dentier » porté par le personnage surnommé « le requin » dans l’un des films de James Bond 007 comme le mentionne de façon tout à fait étonnante la version française de l’avis de recherche concernant M. AI X…; qu’il a produit divers documents établis par le chirurgien-dentiste de la clinique universitaire d’Aix-Ia-Chapelle qu’il consulte depuis l’année 2010, notamment, une radiographie panoramique et un schéma de sa dentition, et une attestation de Mme E…, personne qui se charge de l’organisation de ses séjours en Allemagne depuis 2001 ; que ces éléments ne paraissent toutefois pas probants dès lors que les autorités russes n’ont pas fait état d’un véritable « dentier » comme pourrait le laisser supposer la seule version française de l’avis de recherche qui se distingue notablement sur ce point de la version anglaise (« top metal ceramic white denture instead of several teeth ») et surtout de l’original en langue russe, transmis par les autorités requérantes au soutien de la demande d’extradition, qui fait état uniquement de prothèse dentaire, ce qui peut parfaitement concerner un bridge ou une couronne en céramique sur les dents de la mâchoire supérieure comme en porte justement l’intéressé ; qu’en outre, toutes les pièces produites par l’intéressé portant l’identité de M. AE Y… sont postérieures à l’an 2000, aucun document antérieur ne permettant d’établir l’existence effective et l’activité réelle de M. AE Y… avant 1998 ; qu’en conséquence, il n’est pas établi que la personne interpelée sous l’identité de M. AE Y… ne serait pas M. AI X…;

«  alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que dans son mémoire produit devant la chambre de l’instruction, M. Y… faisait valoir qu’il ne pouvait être M. AI X… visé par le mandat d’arrêt décerné par le tribunal de Saint-Pétersbourg en 1998, dès lors qu’il était en mesure de justifier de son identité en présentant son passeport biométrique délivré par les autorités russes, après vérification de son identité et de ses caractéristiques physiques, notamment de ses empruntes palmaires ; qu’il ajoutait que l’authenticité de son passeport n’avait jamais été discutée par les autorités russes ; qu’en se bornant à relever que « toutes les pièces produites par l’intéressé portant l’identité de M. AE Y… sont postérieures à l’an 2000, aucun document antérieur ne permettant d’établir l’existence effective et l’activité réelle de M. AE Y… avant 1998 », sans s’expliquer sur la délivrance par les autorités russes d’un passeport biométrique à M. Y…, la chambre de l’instruction n’a pas répondu à ce moyen péremptoire de M. Y…, en violation des articles 459, 485 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme » ;

Attendu que, pour écarter l’argumentation du demandeur qui soutenait ne pas être la personne réclamée par les autorités judiciaires russes, l’arrêt attaqué relève, notamment, que la personne interpellée à l’aéroport de Nice s’est présentée sous l’une des identités figurant dans le mandat d’arrêt émis par les autorités russes et qu’elle a d’abord reconnu que ce document s’appliquait à sa personne, « X… AI dit Y… AE », avant de se rétracter ; que les juges ajoutent que, d’une part, la personne comparaissant devant eux présente des caractéristiques physiques comparables à celles de M. X…, d’autre part, les documents présentés par l’intéressé sous l’identité d’AE Y…, tous postérieurs au mandat d’arrêt délivré en 1998 par le tribunal de Saint-Pétersbourg, n’établissent ni l’existence ni l’activité de ce dernier avant cette date ;

Attendu qu’en cet état, la chambre de l’instruction, qui a analysé sans insuffisance ni contradiction les éléments établissant l’identité du demandeur, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 459, 485 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne de l’homme, des articles 696-4, 5°, du code de procédure pénale, 10 de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 et 78 du code pénal de la Fédération de Russie, des articles 696-15 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d’extradition de AI X… dit AE Y… faite par la Fédération de Russie en vue de l’exercice des poursuites visées à ladite demande ;

«  aux motifs que, sur l’éventuelle prescription de l’action publique en Russie, en matière d’extradition, il revient effectivement à la chambre de l’instruction de s’assurer que l’infraction ou la peine n’est pas prescrite, y compris au regard du droit applicable dans le pays requérant (Cass. Crim. 4. 1. 2006) ; qu’il est constant que le droit russe connaît des règles de prescription très différentes de celles applicables en France ; que l’article 78 du code pénal de la Fédération de Russie, relatif à « l’exonération de la responsabilité pénale vu l’expiration du délai de prescription », dispose que :
-1. la personne est exonérée de toute responsabilité pénale si, à partir du moment du crime commis, sont expirés les délais suivants (…)
d) quinze ans après avoir commis un crime particulièrement grave ;
-2. que les délais sont calculés à partir de la date de perpétration du crime, et jusqu’à l’entrée en vigueur du verdict du tribunal (…) ; le délai de prescription est suspendu dans le cas où le contrevenant a éludé l’enquête ou le procès ;
-3. dans ce cas, le délai de prescription se renouvelle à partir du moment de l’arrestation de cette personne ou de sa reddition. (…) » ; qu’en conséquence, les poursuites à l’encontre de M. AI X… sont couvertes par la prescription au terme d’un délai de quinze ans à compter du jour de commission des faits délictueux, sauf s’il « a éludé l’enquête » ; que l’avocat de M. Y… soutient que la prescription serait acquise en l’espèce depuis le 29 janvier 2013 car il « apporte la preuve contraire démontrant sans aucune ambiguïté le fait qu’il ne s’est jamais soustrait aux poursuites et qu’il n’a jamais été en fuite » ; qu’il produit une consultation juridique, établie par un avocat russe, selon laquelle « les tribunaux russes et la doctrine définissent des conditions pour considérer qu’une personne s’est soustraite aux poursuites engagées contre elle ». « II résulte en conséquence de l’ensemble des documents produits par M. Y… que ce dernier n’a jamais cherché à se soustraire aux poursuites (dans la mesure où d’ailleurs il n’en a jamais été informé et n’en a jamais fait l’objet), dès lors la prescription de l’action publique prévue par les dispositions de l’article 78 partie 1 du code pénal de la fédération de Russie est intervenue faisant obstacle à la mise en oeuvre d’une procédure d’extradition de M. Y… » ; que toutefois, un tel raisonnement n’est aucunement pertinent car, si M. Y… est M. AI X…, celui-ci a éludé les poursuites, d’abord en se réfugiant en Italie où il a été arrêté courant 2000, ensuite en vivant pendant des années sous un alias, celui de M. Y…, et s’il n’est pas M. AI X…, sa présence constante à Saint-Pétersbourg ne peut à l’évidence faire courir la prescription de l’action publique dans le cadre d’une procédure pénale concernant une tierce personne, tout à fait inconnue de lui ; qu’en outre, il importe de rappeler que les autorités russes précisent, dans leur demande initiale d’extradition du 16 octobre 2015, sous la signature du vice-procureur général de la Fédération de Russie que la procédure à l’encontre de M. AI X… n’est pas prescrite ; que de plus, en réponse au supplément d’information ordonné par la chambre de l’instruction dans son arrêt du 25 novembre 2015 portant expressément sur la question de la prescription, les autorités russes, par une transmission officielle selon la voie diplomatique, réitèrent leur affirmation que la procédure n’est pas prescrite (fiche de renseignement établie par le bureau du Service Fédéral de Sécurité de la Russie) ; qu’il est, par ailleurs, joint au dossier la copie de deux décisions de justice, rendues les 6 et 7 octobre 2015, constatant pour l’une que la procédure n’est pas prescrite et ordonnant la réouverture de l’enquête et pour l’autre ordonnant le placement de M. Y… sous le régime de la garde à vue, dans la mesure où la procédure n’est pas prescrite et que la mesure de garde à vue apparaît la plus pertinente au regard des circonstances de l’espèce ; que dans ces conditions, la chambre de l’instruction ne saurait tenir la procédure menée à l’encontre de M. X… pour prescrite en droit russe ;

«  et aux motifs que le mandat d’arrêt établi par les autorités judiciaires russes à l’encontre de M. X…, né le 18 octobre 1969 à Saint-Pétersbourg, précise expressément que celui-ci utilise diverses identités ou alias, notamment, celles de MM. AU B…, né le 29 avril 1966 en Pologne, de AE Y…, de UA Y…, ou d’AE Y…, né le 11 décembre 1967 ;

«  1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que dans son mémoire produit devant la chambre de l’instruction, M. Y… soutenait que la prescription de l’action publique n’avait pu être interrompue au regard du droit russe, dès lors qu’il n’avait jamais entendu se soustraire à de quelconques poursuites dirigées contre lui, puisqu’il avait mené une existence officielle à Saint-Pétersbourg au cours de laquelle les autorités russes avaient eu, à de multiples reprises, l’occasion de vérifier son identité ; qu’en se bornant à énoncer, pour dire que l’action publique n’était pas prescrite, que « si M. AE Y… est M. AI X…, celui-ci a éludé les poursuites, d’abord en se réfugiant en Italie où il a été arrêté courant 2000, ensuite en vivant pendant des années sous un alias, celui de M. AE Y…, et s’il n’est pas M. AI X…, sa présence constante à Saint-Pétersbourg ne peut à l’évidence faire courir la prescription de l’action publique dans le cadre d’une procédure pénale concernant une tierce personne, tout à fait inconnue de lui », sans s’expliquer sur la circonstance que M. Y… avait pu, au su des autorités russes, mener une existence officielle à Saint-Pétersbourg pendant plusieurs années, la chambre de l’instruction n’a pas répondu à ce moyen péremptoire de M. Y…, en violation des articles 459, 485 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

«  2°) alors que l’extradition n’est pas accordée lorsque, d’après la loi de l’Etat requérant ou la loi française, la prescription de l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’extradition ; qu’aux termes de l’article 78 du code pénal de la Fédération de Russie, la personne est exonérée de toute responsabilité pénale si, à partir du moment du crime commis, s’est écoulé un délai de quinze ans après la commission d’un crime particulièrement grave ; que ce délai est suspendu dans le cas où le contrevenant a éludé l’enquête ou le procès ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que le mandat d’arrêt établi par les autorités judiciaires russes à l’encontre de M. AI X… précisait expressément que celui-ci pouvait utiliser divers alias, notamment, celui de M. AE Y…; qu’en retenant, pour dire que la prescription avait été interrompue au regard du droit russe, que M. X… avait éludé les poursuites en utilisant pendant des années un alias, celui de M. AE Y…, quand M. Y… avait mené une existence officielle à Saint-Pétersbourg pendant de nombreuses années au su des autorités russes, de sorte que l’identité de M. AE Y…, connue dès l’origine par les autorités russes comme pouvant être utilisée par M. X…, ne pouvait, en raison de cette existence officielle, constituer un alias faisant obstacle aux poursuites, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 696-4, 5°, du code de procédure pénale, ensemble l’article 10 de la Convention d’extradition du 13 décembre 1957 et l’article 78 du code pénal de la Fédération de Russie » ;

Attendu qu’après exécution d’un complément d’information ordonné pour obtenir des précisions sur les règles de prescription applicables selon le droit de l’Etat requérant, la chambre de l’instruction retient que la prescription des faits de trafic de stupéfiants en cause, qualifiés en droit français d’importation de produits stupéfiants en bande organisée, est acquise en droit russe quinze années après la commission des faits, son cours étant toutefois suspendu jusqu’à l’arrestation ou la reddition de la personne poursuivie, dans le cas où celle-ci a « éludé » l’enquête ; qu’après avoir constaté que M. X… s’était soustrait aux poursuites concernant les faits commis en janvier 1998, en fuyant en Italie où il a été arrêté en 2000 puis en s’étant dissimulé sous diverses identités et que deux décisions de justice russes ont été rendues, les 6 et 7 octobre 2015, ordonnant la réouverture de l’enquête sur ces faits non-prescrits et le placement en garde à vue de l’intéressé sous l’identité d’AE Y…, les juges retiennent que la personne réclamée a bien « éludé » l’enquête au sens du droit russe et que la prescription n’est pas acquise ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction qui a vérifié, sans insuffisance ni contradiction, comme elle y était tenue, que la prescription de l’action publique n’était pas acquise au regard des lois russe et française, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 696-4 du code de procédure pénale, des articles 3 et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 696-15 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d’extradition de M. AI X… dit AE Y… faite par la Fédération de Russie en vue de l’exercice des poursuites visées à ladite demande ;

«  aux motifs que, sur l’absence de garanties fondamentales de procédure en Russie, l’avocat de M. AE Y… fait enfin valoir que les droits de la défense de son client ne seront pas assurés en cas de retour en Russie ; qu’ainsi, une ordonnance de placement en garde à vue a été adoptée dès le 7 octobre 2015, qui est insusceptible de recours et viole les droits de la défense et le principe de procédure équitable au sens des articles 5 et suivants de la Convention européenne des droits de l’homme ; que de plus, la Cour européenne a statué à de nombreuses reprises sur les manquements de la Russie dans le domaine judiciaire ; que le procès ne sera pas équitable au regard de l’ancienneté des faits et de la disparition des preuves ; qu’enfin, le régime carcéral des colonies pénitentiaires est contraire aux principes de dignité des droits de l’homme, car les conditions de vie y sont intolérables comme le relèvent une note du ministère français de la justice et des informations obtenues par la presse ; que considérer, comme le fait l’avocat de M. Y…, que le système judiciaire russe n’assurerait pas, en soi, les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, ne peut être inféré des cas particuliers, même nombreux, de condamnations de la Fédération de Russie par la Cour européenne des droits de l’homme, dont sont également l’objet d’autres Etats membres du Conseil de l’europe, et notamment, la France ; qu’en l’occurrence, la chambre de l’instruction constate que, contrairement à ce qui est soutenu, l’ordonnance de placement en garde à vue du 7 octobre 2015 a été prononcée après audition de l’avocat de M. AE Y…, M. F…, lequel a pu faire valoir ses moyens de défense, et cette décision mentionne expressément la faculté d’exercer un recours devant le collège judiciaire des affaires criminelles du tribunal de Saint-Pétersbourg, dans les trois jours de sa présentation ; que de plus, dans sa demande officielle aux fins d’extradition en date du 16 octobre 2015 adressée au ministre français de la Justice, le parquet général de la Fédération de Russie indique « garantir » que M. X…, « en vertu des normes internationales, aura toutes les possibilités de se défendre, y compris l’assistance des avocats » ; que les faits sont certes anciens, mais non couverts par la prescription ; qu’une enquête a été effectuée en flagrance qui a permis de rassembler des preuves et de recueillir des déclarations de témoins ainsi que les explications du commis en cause ; que si l’affaire n’a pu être examinée plus tôt, c’est à raison de la fuite de M. X…; qu’en tout état de cause, s’agissant de l’exercice de poursuites pénales, l’intéressé pourra faire valoir ses observations, directement et par l’intermédiaire de ses conseils ; qu’aucun élément ne permet, à ce jour, de considérer qu’il sera nécessairement déclaré coupable à l’issue de l’enquête ; que par ailleurs, concernant le système pénitentiaire russe, la chambre de l’instruction ne peut pas plus statuer par généralisation à partir de cas particuliers avérés, dont la Cour européenne aurait pu avoir à connaître ; qu’en l’espèce, ni l’âge, ni l’état de santé, ni aucune autre conséquence d’une gravité exceptionnelle concernant M. Y… ne sont invoqués comme étant susceptibles de résulter d’une éventuelle remise aux autorités requérantes ; qu’il a été spontanément précisé, par le courrier précité du 16 octobre 2015, sollicitant l’extradition, que le parquet général de la Fédération de Russie garantissait, en cas d’extradition et de condamnation à une peine d’emprisonnement, que M. Y…« ne sera pas soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », qu’il « sera détenu dans un établissement pénitentiaire répondant aux exigences exposées dans la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et dans les règles pénitentiaires européennes en date du 11 janvier 2006 », ne « sera pas soumis un travail physique non consenti », « pourra bénéficier de soins médicaux nécessaires » et qu’un représentant de l’Ambassade de France en Russie aura la possibilité de le visiter ; que ces engagements écrits des autorités russes compétentes sont de nature à garantir le respect en l’espèce des standards européens auquel fait référence l’avocat de M. Y… dans son mémoire » ;

«  alors que l’extradition n’est pas accordée lorsque le fait à raison duquel elle a été demandée est puni par la législation de l’Etat requérant d’une peine ou d’une mesure de sûreté contraire à l’ordre public français ; que constitue une peine ou une mesure de sûreté contraire à l’ordre public français le risque pour la personne réclamée de subir des traitements inhumains ou dégradants au cours de sa détention provisoire ou, en cas de condamnation, pendant l’exécution de sa peine d’emprisonnement ; que dans son mémoire devant la chambre de l’instruction, M. Y… faisait état d’un problème structurel en Russie tenant au traitement inhumain ou dégradant des personnes incarcérées ; qu’il soutenait qu’à son arrivée en Russie, il risquait de subir des traitements inhumains ou dégradants, tant pendant la période précédant son procès, dans la mesure où une ordonnance de placement en garde à vue en maison d’arrêt d’une durée initiale de deux mois avait déjà été prise contre lui, que, dans l’hypothèse d’une condamnation prononcée à son encontre, pendant la période d’exécution de sa peine qu’il purgerait dans une colonie pénitentiaire ; qu’en retenant que « concernant le système pénitentiaire russe, la chambre de l’instruction ne peut pas plus statuer par généralisation à partir de cas particuliers avérés dont la Cour européenne aurait pu avoir à connaître, « sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au-delà de ces cas particuliers de condamnation, il ne ressortait pas de la jurisprudence européenne un problème structurel tenant aux traitements inhumains ou dégradants infligés aux prisonniers en Russie, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale au regard de l’article 696-4 du code de procédure pénale, et des articles 5 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme » ;

Attendu que, prononçant sur le risque invoqué par M. X… auquel l’exposerait son extradition de subir des traitements inhumains et dégradants au cours de son incarcération en Russie, la chambre de l’instruction relève, notamment, que les autorités de la Fédération de Russie se sont expressément engagées, en formulant leur demande, à ne pas soumettre la personne extradée à la torture, à une peine ou un quelconque traitement inhumain ou dégradant ; qu’elles ont donné l’assurance qu’en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement, M. X… serait détenu dans un établissement pénitentiaire dans des conditions conformes aux exigences posées par la Convention européenne des droits de l’homme, qu’il ne serait pas astreint à un travail physique non consenti et pourrait bénéficier des soins médicaux nécessaires, les représentants de l’ambassade de France en Russie ayant la possibilité de le visiter ; que les juges en déduisent que cet engagement écrit des autorités russes compétentes est de nature à garantir que seront respectés les standards européens évoqués par l’avocat de la personne réclamée ;

Attendu que la chambre de l’instruction ayant recherché, comme elle le devait, si la personne réclamée bénéficierait, en cas d’extradition, de la garantie de ne pas être soumise à un traitement inhumain et dégradant, notamment, en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement, et ayant examiné les engagements pris à cet égard par l’Etat requérant, son arrêt satisfait en la forme aux conditions essentielles de son existence légale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt a été rendu par une chambre de l’instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;

Par ces motifs :

I-Sur le pourvoi formé le 17 mars 2016 :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

II-Sur le pourvoi formé le 10 mars 2016 :

Le REJETTE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 juin 2016, 16-81.756, Inédit