Cour de cassation, Chambre criminelle, 1 février 2017, 15-83.984, Publié au bulletin

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  • Blanchiment·
  • Extorsion·
  • Recel·
  • Peine d'amende

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges.

Encourt la censure la cour d’appel qui, pour porter le montant des amendes prononcées à l’encontre de deux personnes condamnées pour des délits de blanchiment et de recel, de 5 000 euros à 50 000 et 30 000 euros, fonde sa décision, pour la première, sur le bénéfice financier, pour la seconde, sur la gravité des faits et des éléments de personnalité, sans s’expliquer sur les ressources et les charges des prévenues qu’elle devait prendre en considération

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 1er févr. 2017, n° 15-83.984, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-83984
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 27 mai 2015
Précédents jurisprudentiels : Sur la motivation du prononcé d'une peine d'amende correctionnelle, évolution par rapport à :Crim., 22 octobre 1998, pourvoi n° 97-84.186, Bull. crim. 1996, n° 276 (rejet), et l'arrêt citéSur la motivation des peines en matière correctionnelle, à rapprocher :Crim., 1er février 2017, pourvoi n° 15-85.199, Bull. crim. 2017, n° ??? (rejet)
Crim., 1er février 2017, pourvoi n° 15-84.511, Bull. crim. 2017, n° ??? (rejet
Textes appliqués :
articles 132-20, alinéa 2, et 132-1 du code pénal ; articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000033996262
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CR00105
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Sur les parties

Texte intégral

N° X 15-83.984 FP-P+B+I

N° 105

JS3

1ER FÉVRIER 2017

CASSATION PARTIELLE

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par Mme [F] [X], Mme [T] [I], contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, 9e chambre, en date du 28 mai 2015, qui a condamné la première, pour recel et blanchiment, à un an d’emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d’amende et la seconde, pour recel aggravé, à un an d’emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d’amende, et a ordonné une mesure de confiscation ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 6 janvier 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Pichon, conseiller rapporteur, M. Pers, M. Straehli, M. Castel, M. Soulard, Mme Dreifuss-Netter, MM. Fossier, Raybaud, Moreau, Mme Chaubon, MM. Ricard, Parlos, Mme Zerbib, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Beghin, Mme Guého, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cordier ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire PICHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER, l’avocat des demanderesses ayant eu la parole en dernier ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demanderesses ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que des investigations ont révélé que deux frères, MM. [R] et [E] [X], procédaient de façon habituelle à des transactions bancaires illicites, prêtant des fonds à des particuliers et à des entreprises, souvent en difficulté, à des taux d’intérêt élevés, et assuraient le recouvrement de leurs créances en effectuant des pressions morales ou physiques sur leurs débiteurs ou des membres de l’entourage de ceux-ci, et que leur soeur, Mme [F] [X], et la compagne de M. [R] [X], Mme [T] [I], en auraient bénéficié ; qu’ainsi, d’une part, Mme [X], son frère [R] et la compagne de son autre frère [E], Mme [Z], ont constitué la SCI Sopavex pour acquérir, le 6 juillet 2011, un terrain moyennant un apport de plus de 76 000 euros, un prêt de 120 000 euros ayant été consenti le 15 août 2001 pour la construction d’une habitation, qui aurait été remboursé en partie avec des fonds en espèces provenant de M. [E] [X], d’autre part, Mme [I] aurait régulièrement reçu des chèques déposés sur son compte bancaire pour un montant global de 20 000 euros ainsi que des enveloppes contenant 3000 euros en espèces ; qu’à l’issue de l’information, le juge d’instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment, MM. [X] des chefs d’opérations de banque effectuées à titre habituel par personne autre qu’un établissement de crédit, blanchiment, extorsion de fonds, valeurs ou biens par violence, menace ou contrainte pour la période de 2004 à mai 2007, Mme [X], des chefs de recel et blanchiment, et Mme [I], des chefs de recel à titre habituel et blanchiment ; que les premiers juges ont relaxé Mme [I] du chef de blanchiment et, retenant les autres chefs de poursuites, condamné Mmes [X] et [I] notamment à un an d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende ; que les prévenues et le ministère public ont interjeté appel ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 324-1 du code pénal, 388, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Mme [X] coupable de blanchiment et en répression l’a condamnée à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d’amende ;

« aux motifs que, d’une première part, il est acquis à la procédure la preuve de la commune renommée de l’activité habituelle de prêteurs d’argent des frères de Mme [X] – [R] et [E] - ; qu’ainsi que Mme [X] l’a reconnu, son frère [E] n’avait aucune qualification ni formation et n’affichait pas la poursuite d’une activité professionnelle légale ; qu’elle ne pouvait, par ailleurs, méconnaître le grand train sur lequel les frères [X] vivaient ainsi que cela se déduit de l’enquête ; que Mme [X] n’a pu se méprendre sur l’origine des nombreux objets d’art trouvés à son domicile, dont elle dit qu’ils étaient entreposés par M. [R] [X], et dont les qualités ne sont rattachées en rien aux standards de vie et de goût de son frère ; que ces faits n’ont pu non plus échapper à Mme [X], pour avoir été en relation familiale continue avec son frère [E], le rencontrant au moins deux fois par semaine, ainsi qu’elle l’a déclaré devant la cour, et pour être âgée de plus de 37 ans au moment des faits et occuper une profession de gestion de fonds pour le compte de la mutuelle des affaires étrangères ; qu’il se déduit sans équivoque que Mme [X] ne pouvait méconnaître la fraude et les contraintes au moyen desquelles M. [R] [X] a nécessairement contribué à l’apport initial pour l’acquisition de la propriété, puis pour rembourser le prêt souscrit par la société civile immobilière Sopavex ; que, d’autre part, il est constant que Mme [X] n’a apporté personnellement aucun fonds pour l’acquisition de cette propriété, ni concouru au remboursement du prêt affecté à son acquisition ; qu’alors enfin, la détention par Mme [X] de la moitié des parts de la société civile immobilière caractérise sans équivoque les faits de dissimulation depuis l’origine de l’acquisition de l’immeuble y compris pour la période visée à la prévention, il convient de confirmer le jugement de ce chef ;

« 1°) alors que le délit de blanchiment par le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit, nécessite la caractérisation de l’infraction d’origine ; qu’en entrant en voie de condamnation à l’encontre de Mme [X] du chef de blanchiment, en se bornant à relever qu’elle ne pouvait méconnaître la fraude et les contraintes au moyen desquelles M. [R] [X] a nécessairement contribué à l’apport initial pour l’acquisition d’une propriété, puis pour rembourser le prêt souscrit par la société civile immobilière Sopavex, sans caractériser l’infraction d’origine, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

« 2°) alors qu’en supposant, pour entrer en voie de condamnation à l’encontre de Mme [X] du chef de blanchiment, que son frère aurait commis, dans une période non visée par la prévention des infractions pour lesquelles il n’a pourtant jamais été condamné, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé leurs éléments constitutifs, a violé le principe de la présomption d’innocence et privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que pour confirmer le jugement sur la culpabilité de Mme [X] pour les faits de blanchiment, la cour d’appel, par motifs propres et adoptés, retient notamment qu’elle a concouru à une opération de placement et de dissimulation du produit des infractions d’extorsion et d’exercice illégal de la profession de banquier, commises de 2004 à mai 2007, dont M. [E] [X] a été reconnu coupable par décision définitive, en ayant la qualité d’associée d’une SCI, propriétaire d’un bien immobilier, dont le compte bancaire a été alimenté par des versements en espèces provenant de ce dernier à compter d’octobre 2005 afin de rembourser le prêt souscrit par la société pour la construction d’une maison d’habitation ;

Attendu qu’en l’état de ces seuls motifs, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et 321-1 du code pénal, 388, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Mme [X] coupable de recel et en répression l’a condamnée à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d’amende ;

« aux motifs que, pour prétendre être relaxée du chef de recel du chèque de 1 000 euros provenant d’un délit commis au préjudice de M. [L] [E], Mme [X] se prévaut de l’ordonnance du juge d’instruction de [Localité 1] du 28 juillet 2011 décidant du non-lieu à poursuivre M. [R] [X] dans une procédure incidente qui l’opposait à M. [E], et ouverte des chefs d’extorsion et de blanchiment en bande organisée ainsi que d’exercice habituel illégal d’opérations de banque sans être titulaire d’un agrément délivré par le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement ; qu’au demeurant, saisies par une seule victime, les autorités poursuivantes n’étaient pas en mesure d’établir l’infraction d’exercice habituel illégal d’opération de banque, telle qu’elle est en revanche définitivement acquise à l’encontre de M. [R] [X] dans la présente procédure, y compris dans ses relations avec M. [E] ; que sous les motifs adoptés ci-dessus sur la connaissance que Mme [X] avait de l’activité de son frère [R], il est manifeste qu’elle ne pouvait sans plus d’explication recevoir sur son compte bancaire le chèque d’un parfait inconnu, en sorte que par ces motifs, il convient de confirmer le jugement aussi de ce chef ;

« alors que le recel suppose la caractérisation d’une infraction d’origine ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui a refusé de tenir compte du non-lieu prononcé le 28 juillet 2011 au profit de M. [R] [X], s’agissant du chèque de 1 000 euros émis au nom de M. [E] et qui avait été encaissé sur le compte de Mme [X], au motif inopérant que M. [R] [X] aurait été définitivement condamné pour d’autres faits au préjudice de M. [E], a violé l’autorité de chose jugée et privé sa décision de base légale" ;

Attendu que, pour dire établi le délit de recel imputé à Mme [X], la cour d’appel énonce notamment que le chèque de 1 000 euros, émis par M. [E] et trouvé en la possession de celle-ci, provient de l’infraction d’exercice habituel illégal d’opération de banque, définitivement retenue à l’encontre de M. [R] [X] dans la présente procédure, y compris dans ses relations avec M. [E] ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-20 et 132-24 du code de procédure pénale, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

« en ce que l’arrêt attaqué a condamné Mme [I] à la peine de 50 000 euros d’amende et Mme [X] à la peine d’amende de 30 000 euros ;

« aux motifs que les faits dont Mme [X] est reconnue coupable revêtent une particulière gravité, non seulement en raison de la criminalité qu’elle a empruntée à ses frères pour les commettre, mais encore de la complaisance qu’elle avait sur les agissements de ses frères, ainsi que la cour a pu le vérifier d’après les expressions de mépris qu’elle a manifestées à l’endroit de M. [U] après qu’il ait exposé les violences physiques dont il a été l’objet de la part de M. [R] [X] et de ses complices, la détresse qui l’a conduit à perdre ses entreprises, ses biens et les circonstances dans lesquelles il a tenté de se suicider ; que, par ces motifs, il convient de confirmer le jugement sur la peine d’emprisonnement mais de le réformer sur le montant de la peine d’amende pour la fixer à 30 000 euros ; "et aux motifs que Mme [I] en sa qualité de conjointe de M. [R] [X] avait reçu un bénéfice quotidien et sur de nombreuses années des pratiques des faits d’extorsion, en sorte qu’il convient de confirmer la peine d’emprisonnement mais de réformer la peine d’amende pour la fixer à 50 000 euros ;

« 1°) alors que, selon l’article 132-20 du code pénal que le montant de l’amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction ; que, dès lors, la cour d’appel qui a décidé de condamner Mme [X] à la peine d’amende de 30 000 euros, en se bornant à relever la particularité gravité des faits, mais sans la justifier au regard de ses ressources et de ses charges, a privé sa décision de base légale ;

« 2°) alors que, selon l’article 132-20 du code pénal que le montant de l’amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction ; que, dès lors, la cour d’appel qui a décidé de condamner Mme [I] à la peine d’amende de 50 000 euros, en se bornant à relever le fait qu’elle avait reçu un bénéfice quotidien et sur de nombreuses années des pratiques de son ancien mari, mais sans la justifier au regard de ses ressources et de ses charges, la cour d’appel a privé sa décision de base légale" ;

Vu l’article 132-20, alinéa 2, du code pénal, ensemble l’article 132-1 du même code et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu’en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et porter le montant des amendes prononcées à l’encontre de Mmes [I] et [X] de 5 000 euros aux sommes respectives de 50 000 et 30 000 euros, la cour d’appel, qui a également confirmé la peine d’un an d’emprisonnement avec sursis, énonce que Mme [I], en sa qualité de conjointe de M. [R] [X], a reçu un bénéfice quotidien, sur de nombreuses années, des pratiques des faits d’extorsion ; que les juges retiennent que les faits commis par Mme [X] revêtent une particulière gravité, non seulement en raison de la criminalité qu’elle a empruntée à ses frères mais encore de la complaisance qu’elle a manifestée à l’égard de leurs agissements ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans s’expliquer sur les ressources et les charges des prévenues qu’elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d’appel ne l’a pas justifiée ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Versailles, en date du 28 mai 2015, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier février deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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