Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 octobre 2017, n° 17-84.516

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 4 oct. 2017, n° 17-84.516
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-84.516

Texte intégral

No S 17-84.516 F et R 15-80.367 F-D No 2699

FAR 4 OCTOBRE 2017

REJET

M. SOULARD président,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre deux mille dix-sept, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BÉGHIN, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général VALAT ;

Statuant sur les pourvois formés par :

— M. G H X,

1o) contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AMIENS, en date du 19 décembre 2014, qui, dans l’information suivie contre lui des chefs de meurtre aggravé, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration arbitraire, et délits connexes, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;

2o) contre l’arrêt de ladite chambre de l’instruction, en date du 7 juillet 2017, qui l’a renvoyé devant la cour d’assises de la Somme sous l’accusation de tortures ou actes de barbarie en réunion et de séquestration suivie de mort ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatifs et personnel produits ;

Attendu qu’il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure qu’à l’issue des investigations effectuées par un juge d’instruction dans le cadre d’une information pour recherche des causes de la mort, une information a été ouverte le 17 janvier 2014 du chef de meurtre sur la personne de B D ; que M. G H X, mis en examen le 22 mai 2014, a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité du réquisitoire introductif ; que par arrêt du 19 décembre 2014, la chambre de l’instruction a rejeté cette requête ; que le mis en examen a formé un pourvoi en cassation et sollicité son examen immédiat ; que par ordonnance du 27 février 2015, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré le pourvoi non immédiatement recevable et ordonné le retour du dossier au magistrat instructeur ; qu’au terme de l’information, le juge d’instruction, après requalification, a ordonné le renvoi de M. G H X devant la cour d’assises sous l’accusation de tortures ou actes de barbarie en réunion et séquestration suivie de mort, ainsi que le renvoi devant la même juridiction de quatre autres personnes mises en examen ; que M. G H X a interjeté appel de cette ordonnance ;

En cet état :

I- Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 19 décembre 2014 :

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 56,74-1, 80, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motifs et défaut de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité du réquisitoire introductif du 17 janvier 2014 ;

“aux motifs qu’aux termes de l’article 74-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut requérir l’ouverture d’une information pour recherche des causes de la disparition d’un majeur présentant un caractère inquiétant ou suspect ; que l’ouverture de cette information judiciaire ne déclenche pas l’action publique, le juge d’instruction, après avoir accompli les actes de police judiciaire nécessaires, transmettant le résultat de son enquête au procureur de la République à qui il appartient de donner à cette procédure la suite qu’il estime opportune ; que c’est en application de ces dispositions que le procureur de la République d’Amiens a été destinataire des actes d’enquête que le juge d’instruction lui a adressés par ordonnance de soit-communiqué du 13 janvier 2014 ; que cette ordonnance de soit-communiqué, si elle n’a pas un caractère

juridictionnel, acte et date en procédure la communication des pièces ; que l’on a ainsi la preuve de réception des pièces de l’information ouverte le 6 septembre 2013 cotées D172 à D207, la cotation du dossier établissant sans ambiguïté la communication de ces procès-verbaux au regard desquels le ministère public a requis l’ouverture d’une information judiciaire ; que l’absence de visa de ces pièces est sans effet sur la saisine du juge d’instruction, dès lors, que les pièces de la procédure peuvent suppléer la carence du réquisitoire relativement au contenu des procès-verbaux qui lui servent de support ; que les réquisitions ont été portées sur l’ordonnance de soit-communiqué ; que le procureur a nécessairement pris connaissance des résultats de l’information requise pour recherche des causes de la disparition de B D ; que le réquisitoire introductif du 17 janvier 2014 comporte toutes les mentions substantielles requises et vise précisément les faits d’homicide volontaire dont il saisit le juge d’instruction ; qu’il n’est entaché d’aucune nullité ;

“alors que la saisine du magistrat instructeur étant déterminée par les pièces annexées au réquisitoire, le procureur de la République ne saurait, sans méconnaître les dispositions de l’article 80 du code de procédure pénale, requérir l’ouverture d’une information sans viser précisément les pièces du dossier sur lesquelles il fonde sa décision ; qu’en jugeant que l’absence du visa des pièces du dossier tant dans le réquisitoire introductif que dans le soit-communiqué lui servant de support était sans incidence sur la saisine du juge d’instruction, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés” ;

Attendu que pour rejeter la requête en annulation du réquisitoire introductif présentée par M. G H X, qui faisait valoir que le procureur de la République n’avait visé ni annexé aucune pièce, l’arrêt attaqué retient que les réquisitions aux fins d’ouverture d’une information pour meurtre ont été portées sur l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction a communiqué au ministère public l’ensemble des pièces de la procédure pour recherche des causes de la mort, et que le procureur de la République a nécessairement établi son réquisitoire introductif au regard de ces pièces ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dont il résulte, d’une part, que le réquisitoire introductif reposait sur l’ensemble des pièces de la procédure pour recherche des causes de la mort de B D, d’autre part, que cette procédure était annexée au réquisitoire introductif, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

II- Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 7 juillet 2017 :

Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation de l’article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble les principes de la présomption d’innocence et non bis in idem, articles préliminaire, 222-1, 222-3, 224-1 et 224-2 du code pénal, et 181, 184, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motifs et contradiction de motifs ;

“en ce que l’arrêt attaqué a mis en accusation M. X avec renvoi devant la cour d’assises de la Somme des chefs d’actes de torture et de barbarie commis en réunion et de séquestration ayant été suivie de la mort de la victime sur la personne de B D ;

“aux motifs que les tortures et actes de barbarie supposent la démonstration d’une part d’un élément matériel consistant dans la commission d’un ou plusieurs actes de violence d’une gravité exceptionnelle qui dépassent de simples violences et occasionnent à la victime une souffrance aigüe et prolongée, et d’autre part d’un élément moral consistant dans la volonté de nier dans la victime la dignité de la personne humaine ; qu’il est notamment reproché à M. X d’avoir obligé B D à avaler ses excréments et des croquettes pour chient, à dormir dans des conditions dégradantes, de lui avoir brûlé le torse, de lui avoir infligé des violences gratuites et répétées en le forçant à boire de l’huile, en lui faisant avaler des cigarettes allumées, en entaillant ses pieds et ses mains et en lui rasant la tête ; qu’il est retenu la circonstance de réunion avec Mme. A X, E X et M. Y F ; que la réalité de ces sévices est contestée par M. X ; que, néanmoins, il résulte des déclarations convergentes des autres co-mis en examen que chacun d’eux, y compris M. X, a participé aux violences répétées et aux humiliations subies par B D ; que Mme A X a avoué, lors de sa garde à vue, avoir commis des violences sur B D avec frère G H et son compagnon, M. Y F, entre décembre 2011 et janvier 2012 ; qu’elle a indiqué que son frère AO B D sur toutes les parties du corps à coups de poing ; qu’il avait fait mangé ses excréments à Chritophe D ; qu’il lui avait également brûlé les poils du torse avec un briquet tout comme M. Y F ; qu’ils s’étaient tous amusés à lui taillader les doigts et les orteils ; qu’elle a ajouté que lorsqu’il était chez son frère G H, B D dormait dans une caisse pour chien ou dans la chambre des enfants selon le bon vouloir du maître de maison ; que B D devait se tenir debout pendant que son frère, Y, voire G AP opérait ; qu’elle admettait qu’elle avait frappé et mis

des claques à la victime lorsque son frère était présent et qu’elle était entrée dans le « jeu initié par G H » ; qu’elle a réitéré ses déclarations devant le juge d’instruction, expliquant que lorsque B D logeait chez son frère à compter de décembre 2011, ce dernier exerçait des violences et actes de torture à son encontre ; qu’elle l’avait vu notamment l’étranger et le frapper sur le corps ; qu’elle-même, son compagnon et M. E X avaient exercé des violences ; qu’elle avait ensuite récupéré la victime à son domicile en janvier où les violences s’étaient poursuivies avant qu’elle ne soit à nouveau déposée chez son frère ; qu’elle se souvenait notamment d’une première dispute en novembre 2011 au cours de laquelle G H avait étranglé la victime avec un foulard et elle était intervenue pour le calmer ; qu’elle relatait un nouvel épisode de violences le 31 décembre 2011 où après la perte des chiens par la victime, celle-ci avait été battue par son frère M. X et son mari M. Y F ; que si M. A X n’a pas été le témoin direct de tous les actes commis par M. X comme elle l’admet dans ses différentes auditions, il résulte de la procédure qu’elle a été informée a minima de ceux-ci par M. Y F qui y participait activement, comme il l’a lui-même reconnu ; que M. Y F a expliqué en garde à vue que M. X se servait de B D comme d’un esclave ; qu’il a vu certains sévices infligés par M. X qui faisait manger de l’huile et ses excréments à la victime et qui la AO tous les jours, avec ses mains et avec des objets ; qu’il avait également attaché celle-ci les mains dans le dos et l’avait enfermée dans la salle de bain ; qu’il ajoutait que les violences commises par M. X étaient sadiques et que lui-même et Mme A X avaient infligé des sévices et des violences à la victime (claques, coups de poing) ; qu’il indiquait que M. X avait également fait ingérer à B D une cigarette allumée ; qu’il a maintenu ultérieurement ses propos, expliquant que M. X avait fait subir à B D des violences et des humiliations ; que le 26 novembre 2014 Y F a indiqué que vers la mi-novembre 2011, B D avait rapporté à Mme I Z les infidélités de son compagnon ; que c’est à ce moment-là que M. X avait commencé à le séquestrer et à le torturer ; qu’il a expliqué que lorsque sa femme A et lui allaient à M N chez M. X le week end, ils le frappaient tous ; qu’il a réitéré ses propos selon lesquels il avait vu M. X AS B D à manger à quatre pattes des croquettes pour chien ainsi que ses excréments ; qu’il a confirmé l’épisode relaté par X A au cours duquel M X et lui-même avaient brûlé les poils du torse de la victime ; que Mme Z a indiqué, pendant sa garde à vue, que M. X, E X et M. Y F frappaient la victime ; qu’elle a précisé que M. X avait les mains enflées à force de frapper sur B D et

qu’il faisait preuve de violences lorsque ce dernier faisait mal quelque chose ; que si elle a expliqué que les violences étaient la plupart du temps commises hors de sa présence, celle-ci devant monter à l’étage, il résulte du dossier qu’elle était parfaitement informée de leur existence dans la mesure où ces violences étaient commises à son domicile ; qu’elle a en outre confirmé avoir vu une scène dans laquelle MM. X et Y F avaient fait manger des excréments à B D ; que dans une audition ultérieure du 11 juin 2014, elle a précisé que les relations entre M. X et B D avaient dégénéré une semaine après son arrivée au domicile car ce dernier avait mis en cause A ; que M. X avait convoqué chez lui A et Y F et ils avaient tous violemment battu B D ; qu’elle a ajouté que les violences étaient exercées chez elle les fins de semaine et que leurs auteurs étaient fiers de leurs agissements ; qu’elle a vu B D s’affaiblir progressivement ; que G AP X a également expliqué lors des différentes auditions qu’il avait vu sa soeur A et M. Y F ainsi que son frère G H commettre des violences sur la victimes (coups de poing, claques), sa soeur ayant même utilisé un manche à balai ; que lui-même en avait commis et que l’état de B D était de plus en plus piteux ; que Mme A X avait blessé au bras la victime, attachée sur une chaise, avec un couteau sans qu’il puisse dire si cela était volontaire ; que selon lui B D était l’esclave de G H et de A ; que G AP X a confirmé le 2 juillet 2014 qu’il avait vu, alors que B D se trouvait à Longueau, MM. X et Y F brûler les poils de son torse alors qu’il était nu sur un tabouret ; qu’il avait vu M. X commettre des violences sur B D mais c’était sa soeur qui avait été la plus cruelle ; que Mme A X, M. Y F, G AP X et Mme Z ont unanimement indiqué, notamment lors de la confrontation générale du 20 mai 2015, malgré quelques divergences ou imprécisions sur les lieux et les dates des faits, que M. X avait bien été l’auteur de violences et sévices sur la personne de B D et ont confirmé leurs déclarations initiales ; que Mme A X a confirmé la scène M. X avait fait manger des excréments à B D, précisant que M. Y F s’était levé de la salle pour aller voir dans les toilettes, que E X n’était pas présent et que Mme Z et elle-même étaient dans la salle mais ne pouvaient voir la scène ; que M. Y F a expliqué que M. X était à la porte des toilettes et qu’il forçait B D à manger ses excréments pendant que lui et les deux femmes étaient dans la salle à trois mètres ; qu’il ne se souvient plus si G AP était là et il situait la scène entre Noël et nouvel An ; que Mme Z maintenait que Mme A X et elle étaient dans la salle pendant que Y et G H

se tenaient devant la porte des toilettes ; que ces témoignages sont concordants sur l’existence de cette scène et sur la participation active de M. X malgré les dénégations de celui-ci ; que, sur l’épisode où B D aurait été forcé à boire de l’huile, Mme A X et M. Y F ont maintenu qu’ils n’avaient pas vu cette scène mais qu’ils en avaient entendu parler tandis que Mme Z a expliqué qu’elle pensait qu’il s’agissait d’huile s’agissant d’une substance foncée ; que G Vun X a donné des précisions quant au déroulement de celle-ci, expliquant que selon ses souvenirs, il s’agissait d’une bouteille d’huile, M. X ayant demandé à B D de la boire sous prétexte qu’il devait prendre de la matière grasse car il était maigre ; que Mme Z, M. Y F et Mme A X se sont également accordés lors de la confrontation pour dire que M. X avait fait manger des croquettes pour chien à la victime et que G AP X n’était pas présent ; que leur seule divergence réside dans le fait que Mme Z a indiqué que la scène ne s’était pas passée chez elle mais à Longueau, contrairement aux déclarations de M. Y F et de Mme A X ; qu’elle a cependant précisé qu’elle avait peur de M. X ; que M. Y F a confirmé que M. X avait tenté d’étrangler B D avec un châle ou un foulard une ou deux fois ; que Mme A X a maintenant également que son frère avait attrapé la victime avec un foulard lors d’une dispute et avait tenté de l’étrangler ; que tous deux ont précisé que M. X avait fait cela dans le but de faire mal à B D ; que X G AP n’a pas été en mesure de dire si on lui avait raconté cette scène ou s’il l’avait vue, indiquant néanmoins qu’il pensait qu’elle avait eu lieu ; que Mme Z n’a pas vu la scène, étant dans la cuisine, mais a relaté qu’il y avait eu une dispute et des coups ; que Mme A X, M. Y F, Mme Z et G AP X ont confirmé que MM. X et Y F avaient brûlé les poils du torse de B D avec un briquet, se montrant uniquement en désaccord sur le lieu où avaient été commis ces actes, à M N pour M. Y F et Mme A X et à Longueau pour Mme Z et M. X ; que ce dernier a précisé que M. X, assis sur le canapé avant son acte, avait d’abord testé le briquet ; que, s’agissant du fait que M. Y F et M. X avaient entaillé les mains et les pieds de la victime, Mme A X expliquait en avoir entendu parler ; que G AP X a décrit la scène au cours de laquelle M. Y F avait coupé un bout de peau sur le côté de l’orteil de B D alors que celui-ci était debout sur un tabouret ; que M. Y F a reconnu ce fait mais a affirmé que M. X avait arraché des bouts de peau avec un coupe ongles et qu’ils lui avait demandé de faire pareil ; que M. Y F a maintenu que M. X avait écrasé une cigarette dans la bouche de la victime et lui avait fait avaler, ce qui a été confirmé par G AP X ; que

ces éléments sont à mettre en relation avec les déclarations de X J, fils de Mme A X, qui a expliqué que lorsque B D était chez son oncle, G H X, il n’avait pas vu de violences mais avait entendu les cris des mis en examen et les cris de douleur de B D ; qu’il a ajouté que lorsque M. X venait au domicile de ses parents, il donnait des ordres à B D comme sa mère et son beau-père ; que lorsque B D était arrivé au domicile de sa mère, il avait trouvé qu’il avait maigri ; qu’il avait également constaté des bleus sur le corps de B et une coupure sur sa tête vers l’arrière ; que l’existence d’une concertation entre les co-mis en examen n’apparaît pas crédible, chacun ayant reconnu sa responsabilité dans les faits commis et encourant une peine lourde, si bien que l’intérêt d’incriminer M. X dans ces violences répétées apparaît inexistant, d’autant que les nombreux témoignages recueillis lors de l’enquête permettent d’attester que M. X inspire de la crainte à son entourage, et notamment à ses frères et soeurs et à son ex-compagne, Mme Z ; qu’il existe à la lumière de ces éléments des charges suffisantes contre M. X d’avoir commis des violences répétées et d’une exceptionnelle gravité sur B D en réunion avec sa soeur A, son beau-frère M. Y F et son frère X G AP dans le but de l’humilier et de nier sa dignité, occasionnant à la victime une souffrance aigue ; que l’ordonnance attaquée sera donc confirmée en ce qu’elle a mis en accusation M. X devant la cour d’assises de la Somme du chef d’actes de torture et de barbarie en réunion ; que la séquestration est constituée, dès lors que sans l’ordre des autorités et hors les cas prévus par la loi, une personne est retenue dans un lieu quelconque sous la contrainte et contre son gré ; que cette contrainte peut être physique mais peut également être morale ; que l’intention délictuelle est caractérisée par la volonté d’empêcher la victime d’aller et venir librement pendant un temps plus ou moins long ou de l’isoler du monde extérieur ; que le décès de la victime à la suite de la séquestration est une circonstance aggravante, qui a pour effet de criminaliser les faits ; qu’il résulte des éléments du dossier (audition d’K L, maire de M N, de AC Lourme et de différents voisins du couple X G H/Z que la victime, avant d’être hébergée de façon continuelle au domicile du couple, était hébergée de façon discontinue, notamment le week-end, chez M. X et ce à compter de septembre 2011 ; qu’il est établi par l’audition du père de B D que celui-ci a quitté son domicile le 21 novembre 2011, dans un contexte de contentieux avec celui-ci ; que c’est à partir de ce moment que B D a commencé à être hébergé par M. X de façon continue, ce qui résulte des différents interrogatoires de Mme Z, de Mme A X et de son compagnon

M. Y F, propos qui ont été confirmés lors de la confrontation générale du 20 mai 2015 ; que M. X n’a pas non plus nié qu’à compter de fin novembre 2011, date à laquelle B D s’est ait expulsé de chez son père, il l’a hébergé à son domicile ; qu’en outre, J X, fils de Mme A X et M. Y F a indiqué dans une audition du 18 août 2014 qu’il s’avait, sans toutefois se souvenir des dates, que B D avait habité chez son oncle, X G H, à M N, avant de venir chez sa mère puis de retourner chez son oncle ; qu’il indiquait qu’il faisait des allers-retours entre le domicile de sa mère et celui de son oncle ; qu’il résulte également des éléments du dossier que le couple X G H/Z et X A/Y F se fréquentaient très régulièrement, notamment le week-end et que pour un certain nombre d’actes de violences, ils étaient réunis ; qu’il est constant dans le dossier que le décès de B D s’est situé aux environs du 23 janvier 2012 ; qu’il apparaît donc qu’entre le 1er septembre 2011 et la date probable de sa mort vers le 23 janvier 2012, B D a vécu chez M. X de façon occasionnelle, notamment les week-ends, puis de façon continue à compter du 21 novembre 2011, qu’il a ensuite été hébergé au domicile du couple X A/Y F avant de retourner quelques jours avant son décès chez M. X ; que les éléments de l’enquête laissent apparaître que durant cette période, B D était sous la dépendance physique et psychologique de l’ensemble des mis en examen et notamment sous celle de M. X ; que B D a été décrit par plusieurs témoins comme un jeune homme timide, réservé, très influençable, comme une « victime » (audition de O P), sous l’influence de M. X ; que X G a indiqué que B D considérait son frère G H comme son mentor, qu’il acquiesçait à tout ce qu’il disait ; que sa mère, Mme Q R et son oncle M. S R, l’ont également décrit comme gentil et influençable ; que Mme T X, soeur de M. X, a notamment déclaré que B D était sous l’influence de M. X, que ce dernier « pouvait l’utiliser pour n’importe quoi », que « B ne disait jamais non » et était « très influençable » ; qu’il résulte en outre des déclarations de M. Y F que, dès le mois d’octobre 2011, B D ne répondait jamais à M. X par peur de se faire frapper, celui-ci commençant à lui administrer des claques alors qu’il était salarié de sa discothèque ; qu’il était utilisé par M. X comme chauffeur (audition de O P) et est devenu progressivement l’esclave du couple X/Z, contraint de réaliser l’ensemble des tâches ménagères et frappés si ces tâches étaient mal faites, comme l’a indiqué Mme Z ; que M. X a parlé d’une impression de « soumission », B D faisait tout ce que les autres ordonnaient ; qu’il résulte des éléments de l’enquête que lors

de ses déplacements, B D était le plus souvent accompagné par M. X ; qu’il en a été ainsi lors de l’échange de son véhicule Clio ou lorsqu’il est revenu chez son père le 21 décembre 2011 pour y prendre des affaires ; que lors de l’échange de son véhicule contre une Audi A6 break le 12 ou le 13 décembre 2011, les témoins ont attesté de l’état physique et moral de B D ; qu’ainsi M. U V a expliqué qu’il semblait ne pas s’être lavé depuis plusieurs jours, qu’il avait une allure négligée, qu’il n’était pas rasé et semblait fatigué ; que Mme AQ AR, compagne de M. W V, a relaté que B D semblait sous l’influence de G H, qu’il n’était pas réellement présent ; qu’elle avait eu l’impression qu’il était « vulnérable, voire soumis » ; qu’il lui avait fait de la peine ; qu’il dégageait une odeur nauséabonde, sentait notamment l’urine comme s’il ne s’était pas lavé depuis plusieurs semaines ou des mois ; que M. W V a quant à lui évoqué le fait que B D avait une mise négligée, qu’il sentait l’urine, la transpiration et la friture, qu’il était effacé par rapport à M. X qui était le seul à parler ; qu’il avait été étonné de voir que la carte grise était au nom de B D, M. X semblant plus intéressé par la transaction que ce dernier ; qu’il avait eu l’impression tout comme sa compagne, que B D pouvait être sous l’influence de M. X ; qu’il convient en outre de constater que la dernière publication de B D sur sa page Facebook est datées du 23 novembre 2011 alors même que selon son père, M. AA D, il utilisait régulièrement son compte notamment pour dialoguer avec sa cousine Davina Aquaire ; qu’il est constant qu’il a souscrit trois crédits à la consommation dont deux à compter du 21 novembre 2011, soit le 27 décembre 2011 pour un montant de 600 euros, et un autre de 695 euros le 3 janvier 2012 auprès de la banque Accord ; qu’il a en outre été effectué, avec la carte Accord souscrite au nom de B D, de nombreux achats au magasin Auchan entre le 22 décembre 2011 et le 31 décembre 2011 concernant de l’alimentation, des produits pour enfants, des jeux et de la quincaillerie ; que Mme Z a expliqué que la situation avait dégénéré à compter de fin novembre, début décembre 2011, après une dispute avec M. Y F, A et G H au cours de laquelle B D avait reçu des coups très violents ; que celui-ci avait, dès lors, été régulièrement violenté tant par son mari que par l’autre couple ; que Mme Q AB qui s’occupait des enfants du mis en examen, a indiqué lors de son audition qu’il traitait la victime « comme un chien » ; qu’à partir du moment où il a été hébergé de façon continue chez M. X, soit après le 21 novembre 2011 et plus probablement à compter de début décembre 2011, B D a fait progressivement l’objet de sévices tels qu’ils ont été décrits

précédemment qui l’ont affaibli et qui ont entraîné chez lui une telle crainte qu’il lui était impossible de s’opposer à ses agresseurs ; qu’il est probable que la peur et l’humiliation qu’il subissait régulièrement l’ont dissuadé de dénoncer les faits aux personnes qu’il a encore pu rencontrer avant qu’il soit contraint de rester au domicile de ses bourreaux ; que Mme Z a indiqué que B D avait bien été séquestré à son domicile, admettant qu’il ne pouvait pas désobéir au risque que cela se passe mal ; que M. Y F et Mme A X ont expliqué que le jeune homme était venu à leur domicile à Longueau parce que M. X avait des papiers à régler et qu’il ne voulait pas le laisser seul au regard des sévices qu’il avait subi et du fait qu’il pouvait s’enfuir ; qu’ils ont eux-mêmes reconnu avoir séquestré la victime à leur domicile, notamment en l’attachant quand ils devaient partir ; que E X, Mme A X et M. Y F ont attesté, notamment lors de la confrontation générale, que B D n’était pas libre de partir du domicile de M. X , chacun exerçant une pression sur lui ; que chacun a également reconnu que peu avant son décès, la victime est retournée à M N chez M. X et Mme Z ; que divers témoins ont décrit un jeune homme de plus en plus négligé, fatigué et amaigri ; que M. Y F et X A ont indiqué que lorsque B D était arrivé à Longueau, il avait la tête gonflée ainsi que les mains et les pieds, qu’il n’était pas en bon état, qu’il manquait de nourriture et nécessitait des soins ; que M. Z a indiqué que la victime avait des bleus sur les bras à cause des coups et qu’il était rouge d’un côté ; que X G AP a expliqué qu’au moment où B D était arrivé à Longueau, il avait l’air faible ; que les coups et les sévices ont ensuite été poursuivis au domicile de M. Y F et Mme A X comme ceux-ci le reconnaissant ; qu’il résulte des éléments de l’enquête que c’est à la suite de cette séquestration, opérée d’abord à M N puis à Longueau puis de nouveau à M N, au cours de laquelle B D a subi tant des actes de tortures et de barbarie, que des mauvais traitements et une absence de soins, que B D est décédé, aucun élément n’ayant permis d’établir qu’un coup mortel ait été à l’origine directe de ce décès ; que l’avocat de M. X se prévaut du fait que B D était libre d’aller et venir entre le 1er septembre 2011 et le 31 janvier 2012 puisqu’il cite de nombreux témoignages mentionnant l’avoir vu seul durant cette période ; que les témoignages rappelés dans le mémoire de la défense ne sont cependant pas de nature à renverser les éléments figurant au dossier permettant d’établir que B D n’a progressivement plus été libre de ses faits et gestes compte tenu de la contrainte tant physique que psychologique exercée sur lui par M. X ; qu’il convient d’observer à cet égard que de nombreux

témoignages visent la période où B D, certes déjà sous l’emprise morale de M. X, ne vivait pas encore de façon continuelle à son domicile et n’était pas encore victime de sévices ; qu’il en est notamment ainsi des témoignages, par ailleurs imprécis quant aux dates, de Mme AC AD, de M. S R qui indique B AE est venu à son domicile boire l’apéritif en novembre 2011 sans qu’il soit en mesure de préciser si c’était avant ou après le 21 novembre 2011, de Mme AF AG, MM. AH AI, O P, AT-AU AV, Mme AJ AK ; que Mme AL D relate quant à elle avoir vu B D peu de temps avant les fêtes en décembre 2011 au Pizza Paï, attablé avec une personne identifiée comme Sowady X ; que celle-ci a cependant déclaré dans son audition que si elle avait bien mangé B D dans ce restaurant, ce n’était pas en décembre 2011 mais le 11 novembre 2011, soit avant qu’il soit hébergé en continu chez M. X et Mme Z ; que, par ailleurs, la Clio de B D ayant été échangée le 12 ou 13 décembre 2011, AM AN se trompe nécessairement en affirmant qu’il a vu « en fin d’année 2011, dans le courant du mois de décembre, dans la période des fêtes de fin d’année », B D au volant de sa Clio ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il existe des charges suffisantes contre M. X d’avoir entre le 1er septembre 2011 et le 31 janvier 2012, à Longueau et M N, en tous cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, séquestré B D, avec cette circonstance que les faits ont été suivis de la mort de la victime ; qu’il convient par conséquent de confirmer l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a procédé à la mise en accusation de M. X devant la cour d’assises de la Somme du chef de séquestration suivie de la mort de la victime ;

“1o) alors en tout état de cause que la cassation entraîne par voie de conséquence la censure de tout ce qui été la suite nécessaire ou l’exécution des dispositions annulées ; que la cassation à intervenir du chef de l’arrêt de la chambre de l’instruction du 19 décembre 2014 ayant rejeté la requête formée par Me C en nullité du réquisitoire introductif du 19 janvier 2014, entraînera par voie de conséquence l’annulation de l’arrêt de renvoi du 7 juillet 2017 qui en est la suite nécessaire ;

“2o) alors que le respect de la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable interdisent à la chambre de l’instruction, dont l’arrêt de mise en accusation est destiné à être lu dès l’ouverture des débats devant la cour d’assises, de se prononcer sur la culpabilité

de l’accusé ; que la chambre de l’instruction a retenu qu’il « résulte des déclarations convergentes des autres co-mis en examen que chacun d’eux, y compris X G H, a participé aux violences répétées et aux humiliations subies par B D puis, dans les motifs relatifs aux faits de séquestration, que B D avait « fait progressivement l’objet de sévices tels qu’ils ont été décrits précédemment », que « la peur et l’humiliation qu’il subissait régulièrement », que « B D a subi tant des actes de tortures et de barbarie » ; qu’en affirmant ainsi la culpabilité de M. X des faits d’actes de torture et de barbarie pour lesquels elle l’a renvoyé devant la cour d’assises, la chambre de l’instruction a méconnu la présomption d’innocence en violation des textes susvisés ;

“3o) alors que tout arrêt de la chambre de l’instruction prononçant la mise en accusation devant la cour d’assises doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence ; que la séquestration suppose une privation imposée de la liberté d’aller et venir ; qu’en retenant qu’il existait des charges suffisantes contre M. X d’avoir séquestré B D entre le 1er septembre 2011 et le 31 janvier 2012 tout en admettant néanmoins que ce dernier avait circulé librement au cours de cette période, la chambre de l’instruction n’a pas légalement justifié sa décision ;

“4o) alors que tout arrêt de la chambre de l’instruction prononçant la mise en accusation devant la cour d’assises doit comporter les motifs propres à justifier la décision, l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivalant à leur absence ; qu’en retenant qu’il existait des charges suffisantes contre M. X d’avoir séquestré B D et commis à son encontre des actes de torture et de barbarie entre le 1er septembre 2011 et le 31 janvier 2012 tout en admettant néanmoins que ce dernier était décédé le 23 janvier 2012, la cour, qui s’est prononcée par des motifs contradictoires, n’a pas légalement justifié sa décision” ;

Sur le premier moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme et 211 du code de procédure pénale ;

Sur le second moyen de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 224-1 et 224-2 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Sur le moyen unique du mémoire ampliatif, pris en sa première branche :

Attendu que le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la chambre de l’instruction du 19 décembre 2014 étant rejeté, le grief est sans objet ;

Sur le moyen unique du mémoire ampliatif, pris en ses autres branches, et les moyens du mémoire personnel :

Attendu que les motifs de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la chambre de l’instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a, sans méconnaître la présomption d’innocence, relevé l’existence de charges qu’elle a estimé suffisantes contre M. X pour ordonner son renvoi devant la cour d’assises sous l’accusation d’actes de torture et de barbarie en réunion et de séquestration suivie de mort ;

Qu’en effet, les juridictions d’instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d’une infraction, la Cour de cassation n’ayant d’autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet de l’accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Textes cités dans la décision

  1. Code pénal
  2. Code de procédure pénale
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Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 octobre 2017, n° 17-84.516