Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2019, 17-31.004, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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www.bouhana-avocats.com · 2 mars 2020

600.000 salariés protégés dénombrés en 2011 et 20.000 demandes d'autorisation de rupture de vos contrats acceptées pour les 3/4 des licenciements [Source Dares Résultats mars 2017 n°018]. Mieux connaître vos droits c'est mieux assurer vos mandants et la défense de vos droits de salariés. Vous êtes titulaire d'un mandat de représentant du personnel vous êtes membres du Comité social et économique, Délégué syndical, Conseiller prud'homal etc. mais également salariés élus locaux, conseillers municipaux etc. En théorie, votre protection démarre à compter de l'information donnée à …

 

Maître Bouhana- Avocat Spécialiste · LegaVox · 26 février 2020
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 17-31.004
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-31.004
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Rennes, 10 octobre 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038567350
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:SO00661
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 17 avril 2019

Rejet

M. Huglo, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 661 F-D

Pourvoi n° B 17-31.004

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Betom ingénierie Loire-Bretagne, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 11 octobre 2017 par la cour d’appel de Rennes (7e chambre prud’homale), dans le litige l’opposant :

1°/ à la sociétéJean-Louis O…, société civile professionnelle, dont le siège est […], prise en qualité de commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde accélérée, anciennement administrateur judiciaire de la SAS Betom ingénierie Loire-Bretagne,

2°/ à la société SMJ, société à responsabilité limitée, dont le siège est […], prise en la personne de M. P… , en qualité de mandataire judiciaire de la société Betom ingénierie Loire-Bretagne,

3°/ à M. L… B…, domicilié […] ,

4°/ à Pôle emploi Bretagne, dont le siège est Service Contentieux, 36 rue de Léon, CS 75301, 35053 Rennes cedex 9,

5°/ à l’AGS-CGEA de Rennes, dont le siège est […],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 20 mars 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Betom ingénierie Loire-Bretagne, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. B…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 11 octobre 2017), que M. B… a été engagé le 17 janvier 1997 par la société Carat Environnement, placée en redressement judiciaire le 3 mai 2001 ; que son contrat de travail a été transféré le 19 août 2001, dans le cadre du plan de cession de l’entreprise, à la société aujourd’hui dénommée Cap Terre ; que le salarié a été promu le 1er novembre 2002 responsable de l’agence de Besançon, statut cadre, position 2, échelon 2, coefficient 130, puis position 3, échelon 1 ; qu’il a été élu en 2004 délégué du personnel et que son mandat a été renouvelé le 3 novembre 2008 ; que le 14 décembre 2010, la société Cap Terre, représentée par son président, M. M…, lui a proposé une mutation au sein de la société Betom ingénierie Loire-Bretagne à Rennes, filiale comme elle du groupe Betom, qu’il a acceptée le 27 janvier 2011 ; qu’il a signé, le 28 mars 2011, avec cette dernière, représentée par son président, M. M…, un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er mars 2011, avec reprise de son ancienneté à compter du 19 août 2001 ; qu’il a été licencié, le 12 juin 2012, pour insuffisance professionnelle et, estimant que sa mutation au sein de la société s’analysait en une mutation disciplinaire et contestant son licenciement, a saisi le 21 décembre 2012 la juridiction prud’homale ;

Attendu que la société Betom ingénierie Loire-Bretagne fait grief à l’arrêt de mettre le CGEA d’Ile-de-France Ouest hors de cause, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée par elle au salarié, de dire que la mutation du salarié était nulle, de juger le licenciement nul et de fixer par conséquent la créance du salarié à son passif à certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et d’indemnité pour violation du statut protecteur alors, selon le moyen :

1°/ que la bonne foi étant présumée, lorsqu’un salarié invoque une collusion frauduleuse de ses deux employeurs successifs, consistant à lui proposer une mutation par changement d’employeur afin d’organiser la rupture de son contrat de travail en éludant la protection liée à son mandat, il lui appartient d’en rapporter la preuve et aux juges de la caractériser ; qu’en l’espèce, pour annuler la mutation par changement d’employeur du salarié et dire que son licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle un an et demi plus tard était nul, la cour d’appel s’est bornée à affirmer péremptoirement que la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne « a agi de concert » avec la société Cap Terre pour éluder les règles protectrices liées au mandat du salarié, en organisant avec elle la mutation du salarié en son sein sans autorisation de l’inspecteur du travail ; qu’en statuant ainsi sans à aucun moment faire ressortir l’existence de manoeuvres frauduleuses concertées des deux employeurs successifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1235-1 , L. 1232-1, L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

2°/ que seule constitue une sanction, une mesure ayant pour objet de sanctionner le salarié ; qu’en l’espèce, il ressortait de la proposition de modification du contrat de travail du 14 décembre 2010 acceptée par le salarié que si l’employeur y avait fait état des carences de ce dernier dans l’exercice de ses fonctions, la mutation envisagée avait pour seul objet de capitaliser le réseau commercial du salarié auprès des industriels afin de développer le marché des industriels ; qu’en se bornant à relever que la mutation était intervenue à l’initiative de l’employeur pour des faits considérés comme fautifs pour dire que cette mutation constituait une mesure de sanction, sans à aucun moment caractériser que la finalité poursuivie par l’employeur en proposant cette mutation à son salarié était de le sanctionner, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1331-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu’en l’espèce, dans leurs conclusions d’appel, oralement soutenues lors de l’audience, aucune des parties n’avait affirmé que la mutation par changement d’employeur d’un salarié protégé était soumise à l’autorisation de l’inspection du travail ; que le salarié se contentait d’affirmer que la mutation qu’il avait acceptée constituait une sanction sans que la procédure disciplinaire n’ait été respectée et qu’elle avait pour objectif de lui faire perdre sa qualité de délégué du personnel afin de pouvoir le licencier sans avoir à recueillir l’autorisation de l’inspecteur du travail ; que de son côté, l’employeur contestait la nature disciplinaire de la sanction et soutenait que le salarié ayant accepté la mutation, il était devenu le salarié de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne qui avait pu le licencier un an et demi plus tard en raison de son insuffisance professionnelle, sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail ; que dès lors, en affirmant qu’une mutation par changement d’employeur d’un salarié protégé était nécessairement soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que seul le salarié investi d’un mandat représentatif peut se prévaloir de l’absence d’autorisation de transfert de son contrat de travail ; qu’en l’espèce, le salarié ne se prévalait pas de l’absence d’autorisation de l’inspecteur du travail concernant la mutation par changement d’employeur qu’il avait acceptée ; qu’en retenant que la mutation par changement d’employeur du salarié protégé nécessitait l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1235-1, L. 1232-1, L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;

5°/ que la mutation à l’initiative de l’employeur d’un salarié protégé, d’une entreprise dans une autre entreprise du même groupe, faisant perdre à ce dernier le mandat dont il est investi et ayant pour effet d’organiser la rupture du contrat de travail en dehors du cadre légal, n’est pas soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1235-1, L. 1232-1, L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a constaté, d’une part que la mutation était intervenue à l’initiative du président de la société Cap Terre au sein de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne dont il était également le président, que le salarié, qui avait été élu délégué du personnel de la société Cap Terre pour une durée de quatre ans jusqu’au 2 mai 2012, avait été muté à compter du 1er mars 2011 au sein de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne et licencié le 12 juin 2012 par cette dernière, représentée par ce même président, d’autre part qu’il résultait de manière claire et non équivoque de la lettre du 14 décembre 2010 que la mutation était intervenue à l’initiative de l’employeur pour des faits considérés par celui-ci comme fautifs et dès lors pour un motif disciplinaire, sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et que cette mutation avait fait obstacle à l’exercice du mandat du salarié, et en a déduit, sans modification des termes du litige, que la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne avait agi de concert avec la société Cap Terre pour éluder les règles protectrices des salariés titulaires d’un mandat, en organisant avec elle la mutation disciplinaire du salarié en son sein sans autorisation de l’inspecteur du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Betom ingénierie Loire-Bretagne aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Betom ingénierie Loire-Bretagne à payer à M. B… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Betom ingénierie Loire-Bretagne.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR mis le CGEA d’Ile de France ouest hors de cause, d’AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée par la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne à M. B…, d’AVOIR infirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Rennes du 13 avril 2015 et statuant à nouveau d’AVOIR dit que la mutation du salarié était nulle, d’AVOIR jugé le licenciement nul, d’AVOIR par conséquent fixé la créance du salarié au passif de la société Betom Ingénierie Loire Bretagne comme suit, 72 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et 19 339 euros à titre d’indemnité pour violation du statut protecteur, d’AVOIR dit que les sommes allouées au salarié ne produisaient pas intérêt, d’AVOIR condamné la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne à payer au salarié la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et d’AVOIR condamné la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne aux dépens de première instance et d’appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la nullité du licenciement

Que M. Jean-Marie M…, ès qualités de président de la société Cap Terre, a adressé à M. B…, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 décembre 2010, une proposition de mutation au sein de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne, dont il était également le président, motivée comme suit :

« suite à nos différents échanges, nous confirmons notre proposition de mutation à Rennes, en tant que salarié Betom Ingénierie Loire Bretagne. Cette proposition de mutation intervient suite aux nombreuses difficultés rencontrées sur Besançon :

— un manque de management auprès des équipes malgré mes interpellations pour un recadrage efficace : l’équipe de Besançon est démobilisée et souffre de cette carence ;

— un défaut de dialogue avec moi : vos colères régulières freinent tout échange et l’éloignement géographique ne permet pas de ma part un suivi attentif de votre activité ;

— des échanges difficiles avec les responsables d’agences lorsque notamment vous élaborez des offres comptant sur les ressources d’autres agences sans validation préalable de leur part ;

— un désengagement assumé vis-à-vis de Cap Terre : vous n’hésitez pas à dire ne plus vous reconnaître dans ce qu’est devenu Cap Terre ; dans ce contexte différents exemples attestent de votre discutable valeur ajoutée : votre résistance au déploiement et à la diversification de Cap Terre Besançon, votre posture de spectateur lors des Codir.

Ces éléments confortent l’idée que votre collaboration au sein de Cap Terre ne peut continuer.

Toutefois, le groupe à travers l’implication du directeur Q… à Rennes cherche à pénétrer le marché des industriels pour envisager des missions de maitrise d’oeuvre. Dans cette perspective, nous misons sur la capitalisation de votre réseau commercial auprès des industriels pour ouvrir le groupe à ce nouveau marché. C’est le sens de cette mutation assujettie à une feuille de route élaborée par Q…, jointe au présent courrier.

Dans l’attente d’une mutation réussie, pour vous et pour le groupe Betom » ;

Que M. B…, qui avait été élu le 3 novembre 2008 délégué du personnel de la société Cap Terre pour une durée de quatre ans, soit jusqu’au 2 mai 2012, ayant accepté cette proposition de mutation, a été muté à compter du 1er mars 2011 au sein de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne ;

Que la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne, représentée par son président, M. Jean-Marie M…, a engagé à son encontre le 29 mai 2012, une procédure de licenciement, puis l’a licencié le 12 juin 2012, aux termes d’une lettre rédigée comme suit :

« ¿ nous avons, après réflexion, pris la décision de mettre fin à votre contrat de travail. Nous souhaitons rappeler les conditions dans lesquelles votre placement au sein de notre société s’est effectué.

Vous étiez collaborateur de la société Carat Environnement depuis le 17 janvier 1997, société rachetée et devenue Cap Terre en 2001. Le 1er novembre 2002, vous passez responsable d’agence de l’établissement de Cap Terre à Besançon, sous la responsabilité hiérarchique de Mme R… V…, avec pour objectif de développer l’activité industrie dans la région de Besançon. Vos rapports conflictuels avec Mme V… ainsi que l’absence de résultat dans cette région ont conduit à vous proposer une mutation au sein de la société Betom Ingénierie Loire Bretagne, mutation que vous avez acceptée, et qui est effective depuis le 1er mars 2011. M. E… N… vous a défini, à cette occasion, des objectifs à atteindre.

Or, force est de constater que ces objectifs ne sont pas atteints, malgré l’aide qui a pu vous être apportée.

La motivation première de votre mutation était de développer l’activité industrielle de Betom Ingénierie Loire Bretagne, et plus largement du Groupe Betom, dans la région Loire Bretagne. Pour cela, une plaquette Industrie a été créée et mise en circulation, afin de vous aider à promouvoir cette activité dans la région et de créer des contacts commerciaux. Les différentes contacts que vous avez pu avoir depuis un an n’ont malheureusement pas abouti à la signature d’aucun contrat, d’aucune commande, et ce, malgré les retours positifs que vous nous faisiez de chacun de vos rendez-vous. Les charges liées à votre salaire, votre voiture de fonction¿ ne sont donc pas couvertes par votre activité.

Nous sommes au regret de constater que vous n’avez apporté que peu ou pas de clients directs et que les seules affaires rentrées ne sont dues qu’aux clients historiques de Betom Ingénierie Loire Bretagne.

Dans ces circonstances nous nous voyons contraints de procéder à votre licenciement pour insuffisance professionnelle. » ;

Que M. B… fait valoir, d’une part, que sa mutation au sein de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne avait en réalité pour unique objectif de lui faire perdre sa qualité de délégué du personnel afin de pouvoir le licencier sans avoir à recueillir préalablement l’accord de l’inspecteur du travail et donc d’éluder les dispositions protectrices applicables aux représentants du personnel et, d’autre part, que sa mutation au sein de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne, qui avait un caractère disciplinaire, ayant été décidée sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire, notamment sans convocation à un entretien préalable, est irrégulière et injustifiée et doit en conséquence être annulée, de sorte qu’il n’a jamais perdu la qualité de salarié protégé ; qu’il souligne que, contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, son acceptation de cette mutation n’est pas de nature à en exclure le caractère disciplinaire, alors que toute modification du contrat de travail, même disciplinaire, requiert l’accord exprès du salarié ;

Que la société Betom Ingénierie Loire Bretagne soutient que M. B… n’a pas fait l’objet d’une mutation disciplinaire, mais d’un transfert conventionnel de son contrat de travail qui n’avait pas à être soumis à l’autorisation de l’inspecteur du travail, dès lors que le salarié l’avait expressément accepté ; Que selon l’article L. 2411-5 du code du travail, le licenciement d’un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail ; que cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l’expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l’institution ;

Que sauf dispositions légales contraires, la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun instituée par le législateur au profit des salariés investis de fonctions représentatives, interdit à l’employeur de poursuivre la rupture du contrat de travail par d’autres moyens que ceux prévus par les dispositions d’ordre public pour protéger leur mandat ; que cette protection ayant été instituée non dans leur seul intérêt mais dans celui de l’ensemble des salariés, les salariés protégés ne peuvent renoncer par avance à ces dispositions d’ordre public ;

Tout d’abord que le contrat de travail de M. B… n’a pas fait l’objet d’un transfert de la société Cap Terre à la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne en application de dispositions spécifiques de la convention collective ;

Ensuite qu’il résulte de manière claire et non équivoque de la lettre du 14 décembre 2010 susmentionnée que la mutation de M. B… au sein de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne n’est pas intervenue à la demande de l’intéressé, mais à l’initiative de l’employeur pour des faits considérés par celui-ci comme fautifs, et donc pour un motif disciplinaire, sans mise en oeuvre de la procédure disciplinaire, peu important que cette mutation se soit accompagnée du maintien de la classification conventionnelle de l’intéressé et de la prise en charge de ses frais de déménagement ou qu’une chargée d’études environnement en poste à l’agence de Besançon, salariée d’une autre société du groupe, la société Cap Terre Région, ait fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique engagée le 2 décembre 2011 ;

Enfin que l’éviction de M. B… de la société Cap Terre, résultant de sa mutation disciplinaire dans une autre entreprise du même groupe, a fait obstacle à l’exercice de son mandat ;

Que la mutation, à l’initiative de l’employeur, d’un salarié protégé d’une entreprise dans une autre entreprise du même groupe, qui ait perdre à l’intéressé le mandat dont il est investi, ayant pour effet d’organiser la rupture du contrat de travail en dehors du cadre légal, est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, peu important que le salarié ait expressément accepté cette mutation et signé le contrat de travail proposé par le nouvel employeur » ;

Que la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne ayant agi de concert avec la société Cap Terre pour éluder ces règles protectrices, en organisant avec elle la mutation disciplinaire de M. B… en son sein sans autorisation de l’inspecteur du travail, le salarié est bien fondé à lui opposer la nullité de plein droit de sa mutation et à soutenir qu’elle doit supporter tant les conséquences de la violation du statut protecteur qu’elle constitue que de la nullité du licenciement ultérieurement prononcé qui s’ensuit ; que le jugement entreprise sera donc infirmé ;

Que le délégué du personnel, qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu et forme sa demande d’indemnisation avant l’expiration de la période de protection, a droit à une indemnité forfaitaire égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois ;

Que le contrat de travail de M. B… a pris fin le 12 septembre 2012 ; que le salarié a introduit sa demande d’indemnisation le 21 décembre 2012 ; que le statut protecteur de l’intéressé, réélu délégué du personnel le 3 novembre 2008 pour une durée de quatre ans, prenait fin le 2 mai 2013 ; qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne à payer à M. B… la somme de 19 339 euros que celui-ci réclame de ce chef ;

Que le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur peut prétendre, en plus de l’indemnité forfaitaire à des indemnités de rupture ainsi qu’à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant de la rupture illicite du contrat de travail et au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail et cela, sans qu’il y a lieu de rechercher si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Qu’en raison de l’âge de M. B… au moment de son licenciement, 50 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée, qui s’élevait en moyenne à 4 297,55 euros par mois, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits sur son activité professionnelle depuis son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi, la somme de 72 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et par suite d’infirmer le jugement entreprise en ce qu’il lui a alloué la somme de 70 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande d’indemnité formée de ce chef à titre subsidiaire étant désormais sans objet ;

Que M. B…, licencié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 juin 2012, qui bénéficiait selon la convention collective Syntec d’un délai-congé de trois moins qu’il a été dispensé d’exécuter, a été rémunéré par la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne jusqu’au 12 septembre 2012 et a bénéficié d’une indemnité compensatrice des congés payés afférents, ainsi qu’il résulte des bulletins de paie de juin, juillet, août et septembre 2012 et de la photocopie du chèque correspondant au salaire du mois de septembre 2012 produits, dont il n’est pas contesté qu’ils ont donné lieu au paiement des sommes qu’ils mentionnent ; qu’il est dès lors mal fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, que le jugement entreprise sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande ;

Que la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne n’étant pas condamnée sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail mais pour licenciement nul, les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail ne lui sont pas applicables ; qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné en tant que de besoin le remboursement par la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. B… dans la limite de trois mois » ;

1°) ALORS QUE la bonne foi étant présumée, lorsqu’un salarié invoque une collusion frauduleuse de ses deux employeurs successifs, consistant à lui proposer une mutation par changement d’employeur afin d’organiser la rupture de son contrat de travail en éludant la protection liée à son mandat, il lui appartient d’en rapporter la preuve et aux juges de la caractériser ; qu’en l’espèce, pour annuler la mutation par changement d’employeur du salarié et dire que son licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle un an et demi plus tard était nul, la cour d’appel s’est bornée à affirmer péremptoirement que la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne « a agi de concert » avec la société Cap Terre pour éluder les règles protectrices liées au mandat du salarié, en organisant avec elle la mutation du salarié en son sein sans autorisation de l’inspecteur du travail ; qu’en statuant ainsi sans à aucun moment faire ressortir l’existence de manoeuvres frauduleuses concertées des deux employeurs successifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1235-1 , L. 1232-1, L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail et le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

2°) ALORS QUE seule constitue une sanction, une mesure ayant pour objet de sanctionner le salarié ; qu’en l’espèce, il ressortait de la proposition de modification du contrat de travail du 14 décembre 2010 acceptée par le salarié que si l’employeur y avait fait état des carences de ce dernier dans l’exercice de ses fonctions, la mutation envisagée avait pour seul objet de capitaliser le réseau commercial du salarié auprès des industriels afin de développer le marché des industriels ; qu’en se bornant à relever que la mutation était intervenue à l’initiative de l’employeur pour des faits considérés comme fautifs pour dire que cette mutation constituait une mesure de sanction, sans à aucun moment caractériser que la finalité poursuivie par l’employeur en proposant cette mutation à son salarié était de le sanctionner, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1331-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige ; qu’en l’espèce, dans leurs conclusions d’appel, oralement soutenues lors de l’audience (arrêt p.4), aucune des parties n’avait affirmé que la mutation par changement d’employeur d’un salarié protégé était soumise à l’autorisation de l’inspection du travail ; que le salarié se contentait d’affirmer que la mutation qu’il avait acceptée constituait une sanction sans que la procédure disciplinaire n’ait été respectée et qu’elle avait pour objectif de lui faire perdre sa qualité de délégué du personnel afin de pouvoir le licencier sans avoir à recueillir l’autorisation de l’inspecteur du travail (conclusions d’appel adverses p.9 à 12) ; que de son côté, l’employeur contestait la nature disciplinaire de la sanction et soutenait que le salarié ayant accepté la mutation, il était devenu le salarié de la société Betom Ingénierie Loire-Bretagne qui avait pu le licencier un an et demi plus tard en raison de son insuffisance professionnelle, sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail ; que dès lors, en affirmant qu’une mutation par changement d’employeur d’un salarié protégé était nécessairement soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé l’article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE seul le salarié investi d’un mandat représentatif peut se prévaloir de l’absence d’autorisation de transfert de son contrat de travail ; qu’en l’espèce, le salarié ne se prévalait pas de l’absence d’autorisation de l’inspecteur du travail concernant la mutation par changement d’employeur qu’il avait acceptée ; qu’en retenant que la mutation par changement d’employeur du salarié protégé nécessitait l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1235-1 , L. 1232-1, L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail.

5°) ALORS QUE la mutation à l’initiative de l’employeur d’un salarié protégé, d’une entreprise dans une autre entreprise du même groupe, faisant perdre à ce dernier le mandat dont il est investi et ayant pour effet d’organiser la rupture du contrat de travail en dehors du cadre légal, n’est pas soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1235-1 , L. 1232-1, L. 2411-1, L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2019, 17-31.004, Inédit