Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 janvier 2020, 19-12.035, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Commentaires5

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Jean-baptiste Millard · Gazette du Palais · 27 octobre 2020

Me Eric Grandchamp De Cueille · consultation.avocat.fr · 12 juin 2020

A l'occasion de l'apport à une société foncière (Groupement Foncier Agricole, Société Civile Immobilière, ..) d'un bien rural peut se poser la question de l'exercice - ou non - par la SAFER de son droit de préemption. Même si aucun texte ne l'interdit (sauf cas particuliers, cf ci-après), la SAFER, si elle souhaitait à cette occasion exercer son droit de préemption, se heurterait alors à une difficulté. En effet, elle ne pourrait pas offrir à l'apporteur les droits sociaux que celui-ci désire acquérir Effectivement, si (en cas de vente) la SAFER peut être débitrice du du prix stipulé par …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. 3e civ., 23 janv. 2020, n° 19-12.035
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-12.035
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bourges, 14 mars 2018
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041490654
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C300110
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 23 janvier 2020

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 110 F-D

Pourvoi n° Z 19-12.035

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020

W… G…, ayant été domicilié […] , décédé, aux droits duquel viennent :

1°/ Mme U… F…, veuve G…, domicilié […] , prise tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritière de W… G…,

2°/ M. Y…, N…, D… G…,

3°/ Mme X…, S…, C… G…,

domiciliés tous deux à […], tous deux pris en leur qualité d’héritiers de W… G…,

ont formé le pourvoi n° Z 19-12.035 contre l’arrêt rendu le 15 mars 2018 par la cour d’appel de Bourges (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) […], dont le siège est […] , venant aux droits de la Safer d’Auvergne,

2°/ à M. A… E…, domicilié […] ,

3°/ à Mme M… I…, épouse E…, domiciliée […] ,

4°/ à Mme N… Q…, épouse I…, domiciliée […] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat des consorts G…, de la SCP […], avocat de la Safer d’Auvergne-Rhône-Alpes, de M. E… et de Mme I…, après débats en l’audience publique du 7 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Donne acte à Mme G…, son épouse, M. Y… G… et Mme X… G…, leurs enfants, de leur reprise d’instance en qualité d’ayants droit de W… G…, décédé le 24 février 2019 ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1134 et 1176 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 143-3 et L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime et 31 du code de procédure civile ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que, si elle est accueillie, la contestation d’une décision de préemption l’annule rétroactivement, le titulaire de ce droit étant réputé y avoir renoncé ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bourges, 15 mars 2018), statuant sur renvoi après cassation (3ème Civ.,16 mars 2017, pourvoi n° 15-22.397), que, par déclaration du 25 mai 2010, le notaire chargé d’instrumenter la vente à W… G… et à son épouse de parcelles agricoles appartenant à Mme I… a informé la Safer d’Auvergne, devenue Safer Auvergne Rhône-Alpes (la Safer), de cette aliénation soumise à son droit de préemption ; que, par acte du 9 septembre 2010, le notaire a fait parvenir à la Safer une nouvelle notification de la vente, comportant les conditions exactes de l’aliénation projetée ; que, par acte du 8 novembre 2010, la Safer a exercé son droit de préemption ; que, par assignation du 5 avril 2011, W… G… et son épouse ont saisi le tribunal en annulation de la décision de préemption et de la vente subséquente à la Safer ; que M. et Mme E…, bénéficiaires de la rétrocession du fonds, ont été attraits à l’instance ;

Attendu que, pour déclarer l’action irrecevable, l’arrêt constate que la Safer a exercé son droit de préemption en temps utile et retient que, la condition suspensive de non-préemption prévue dans le « compromis » de vente n’ayant pas été réalisée, la promesse est caduque, de sorte que W… G… et son épouse n’ont pas la qualité d’acquéreurs évincés ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le bénéficiaire d’une promesse de vente, abstraction faite de la clause érigeant en condition suspensive la non-préemption de la Safer, a intérêt et qualité pour contester la légalité de la décision de préemption qui l’évince de la relation contractuelle conclue avec le vendeur et notifiée par le notaire à cette Safer, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Limoges ;

Condamne la Safer d’Auvergne Rhône-Alpes aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la Safer Auvergne Rhône-Alpes à payer aux consorts G… la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour les consorts G….

En ce que l’arrêt infirmatif attaqué a constaté que la promesse synallagmatique de vente consentie le 25 avril 2008 par Mme N… I… aux époux G… F… était, par suite de l’exercice dans le délai légal de son droit de préemption par la Safer d’Auvergne, devenue Safer Auvergne Rhône Alpes, devenue caduque, en ce qu’il a, en conséquence, déclaré irrecevable la contestation par les époux G… F… de l’exercice de ce droit de préemption pour des moyens de fond et en ce qu’il a enfin déclaré irrecevables toutes autres prétentions formées par les époux G… F…, notamment aux fins d’indemnisation d’un préjudice ;

Aux motifs que, sur la contestation du droit de préemption : Le compromis de vente signé le 25 avril 2008 par Mme Q… et les époux G… F… comporte des conditions suspensives ainsi libellées : «Les présentes sont expressément soumises aux conditions suspensives ci-après, étant observé que la non-réalisation d’une seule de ces conditions entraînera la caducité des présentes sauf dans les hypothèses ci-après où l’acquéreur pourra renoncer à se prévaloir de celle-ci (…) Les présentes sont conclues sous les conditions suspensives de droit commun suivantes : (…) Qu’aucun droit de préemption pouvant exister ne soit exercé. Tous pouvoirs sont donnés à Me B. à l’effet de purger tous droits de préemption et notamment le droit de préemption de la commune, le droit de préemption du fermier et le droit de préemption de la Safer d’Auvergne » ; le paragraphe relatif à la réitération authentique stipule : «En cas de réalisation des conditions suspensives, la signature de l’acte authentique de vente aura lieu au plus tard le 17 février 2009 (…) Il est précisé que les conditions suspensives devront être réalisées dans le délai de validité des présentes sauf à tenir compte de délais et procédures spécifiques convenus» ; le seul délai spécifique convenu est relatif au cas où le fermier viendrait à contester la notification qui lui sera faite aux fins de purge de son droit de préemption pour faire fixer la valeur vénale des biens et les conditions de la vente ou pour tout autre motif, le délai de réitération étant alors suspendu de plein droit, le temps nécessaire à ce qu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée ait définitivement tranché le litige et que par suite le droit ait été définitivement purgé ; en revanche, le compromis ne comporte aucune procédure spécifique similaire qui viserait à suspendre le délai de réitération pour permettre à l’acquéreur de contester le droit de préemption de la Safer. Par ailleurs, aucune disposition de ce compromis ne prévoit que la condition suspensive relative à la purge des droits de préemption est édictée dans le seul intérêt de l’acquéreur qui pourrait y renoncer ; il se déduit de l’ensemble de ces dispositions contractuelles que l’absence de purge du droit de préemption de la Safer avant le 17 février 2009 devait normalement entraîner la caducité de cette promesse synallagmatique de vente ; cependant, il convient d’admettre que les parties ont convenu tacitement de proroger le délai de validité de cette promesse puisque le notaire chargé par les parties de procéder à la purge du droit de préemption de la Safer, n’a informé celle-ci que par courrier du 25 mai 2010, et qu’il a renouvelé cette notification par lettre du 9 septembre 2010 reçue le 13 septembre suivant ;

/

la caducité du compromis de vente, résultant de l’exercice par la Safer de son droit de préemption par courrier du 8 novembre 2010, quelques jours seulement avant l’expiration du délai de deux mois ayant couru à compter de la seconde notification, est donc subordonnée au défaut de validité de la première notification ; en revanche, s’il est démontré que seule la seconde notification a fait courir le délai de deux mois imparti à la Safer pour exercer son droit de préemption, alors cet exercice par courrier du 8 novembre 2010 entraîne nécessairement la caducité de la promesse de vente et rend irrecevable toute contestation ultérieure de la part de son bénéficiaire qui ne peut plus, dès lors, se considérer comme évincé (arrêt attaqué, p. 11 et 12)

(

) ; que la Safer ayant exercé son droit de préemption par courrier du 8 novembre 2010, la condition suspensive prévue dans le compromis de vente n’a pas été réalisée et la promesse est devenue caduque, empêchant les époux G… F…, qui n’ont pas la qualité d’acquéreur évincé, de s’en prévaloir pour contester plus avant la préemption des parcelles aux motifs, notamment, que M. B…, directeur général, n’aurait pas disposé d’une délégation de pouvoirs lui permettant d’exercer le droit de préemption pour le compte de la Safer, que cette délégation de pouvoirs n’émanait pas d’un conseil d’administration régulièrement composé au regard des prescriptions résultant de la loi du 23 février 2005, que la décision de préemption aurait été prise sans recueillir préalablement l’avis du comité technique ou enfin que les commissaires du gouvernement n’auraient pas bénéficié d’une information complète pour rendre leur avis ; surabondamment, ces moyens sont mal fondés puisque la Safer justifie à la fois de la délégation spéciale de pouvoirs consentie à cet effet par le conseil d’administration au directeur général les 26 juin 2000 puis 20 juin 2002 (pièces numéro 28 et 17) et du procès-verbal de la réunion du comité technique départemental du Cantal du 26 octobre 2010 donnant un avis favorable à l’exercice du droit de préemption sur les parcelles en litige (pièce numéro 30) ; en outre, le changement de composition d’un conseil d’administration, imposé par de nouvelles prescriptions législatives ayant entraîné une modification des statuts, n’est pas de nature à affecter la validité d’une délégation de pouvoirs précédemment accordée, étant observé, au surplus, que les tiers ne sont pas recevables à contester la validité d’une délégation de pouvoirs en se fondant sur une application incorrecte des statuts d’une personne morale ; enfin, le moyen tiré de l’information incomplète des commissaires du gouvernement relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative et ne peut plus être soulevé aujourd’hui en raison de l’expiration du délai de 2 mois imparti aux intéressés pour y procéder, étant précisé, de surcroît, que la préemption n’est pas prise au regard de la situation de l’acquéreur évincé, mais des seuls objectifs définis par la loi (arrêt attaqué, p. 15) (

) que selon l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; dès lors, les moyens développés par les époux G… F…, susceptibles de venir étayer une demande de nullité de l’acte de rétrocession qu’ils ne formulent pas dans le dispositif de leurs écritures et qu’ils sont aujourd’hui irrecevables à formuler faute d’avoir agi en temps utile, sont sans intérêt ; les époux G… F… n’ayant pas la qualité d’acquéreur évincé, sont irrecevables à solliciter la réparation d’un prétendu préjudice que leur aurait causé l’exercice fautif par la Safer de son droit de préemption (arrêt attaqué, p. 16) ;

1°/ Alors que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; que l’annulation de la préemption de la Safer produit un effet rétroactif et rétablit dans ses droits le bénéficiaire d’une promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive de non-préemption par la Safer ; qu’en retenant que l’exercice par la Safer de son droit de préemption dans le délai légal entraînerait nécessairement la caducité de la promesse de vente et rendrait irrecevable toute contestation ultérieure de la part de son bénéficiaire qui ne pourrait plus se considérer comme évincé quand la caducité de la promesse ne pouvait résulter du seul fait que la préemption était intervenue dans le délai légal, et qu’une annulation de la décision de préemption pour des motifs de fond aurait permis à ses bénéficiaires -qui étaient donc recevables à la contester- d’être rétablis dans leurs droits, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1176 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles L. 143-3 et L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime et 31 du code de procédure civile ;

2°/ Alors que l’intérêt ou la qualité pour agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action et que l’existence du droit invoqué n’est pas une condition de recevabilité de l’action, mais de son succès ; qu’en retenant surabondamment que certains des moyens soulevés par les époux G… pour remettre en cause la décision de préemption de la Safer étaient mal fondés, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier de l’irrecevabilité de leur action, a violé l’article 31 du code de procédure civile ;

3°/ Et alors, enfin, qu’à peine de nullité, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l’un ou à plusieurs des objectifs définis par l’article L. 142-2 du code rural et de la pêche maritime ; qu’est nulle la préemption exercée par la Safer dans le seul intérêt particulier d’un agriculteur déterminé à l’avance et auquel les parcelles préemptées ont été finalement attribuées au mépris de sa mission d’intérêt général ; qu’en retenant que les moyens soutenus par les époux G… susceptibles d’étayer une demande de nullité de l’acte de rétrocession étaient sans intérêt dès lors qu’ils ne sollicitaient pas l’annulation de la rétrocession dans le dispositif de leurs conclusions quand, peu important que les époux G… n’aient plus été recevables à contester la rétrocession ou n’en sollicitent pas la nullité dans le dispositif de leurs conclusions, ces moyens étaient propres à entraîner l’annulation de la préemption en raison de l’illégalité de celle-ci et à justifier leurs prétentions indemnitaires, la cour d’appel a derechef violé l’article L. 143-3 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l’article 31 du code de procédure civile.

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