Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2020, 19-14.215, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Commentaires6

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Me Henri Peschaud · consultation.avocat.fr · 11 février 2022

Une croyance très répandue chez les salariés voudrait que « Votre employeur refuse la rupture conventionnelle ? Utilisez l'abandon de poste (et touchez le chômage) ».« L'abandon de poste (serait) donc la solution ultime lorsqu'un salarié se trouve dans une situation de blocage avec son patron, qui ne veut pas entendre parler de rupture conventionnelle » [1]. Soyons clairs : la rupture conventionnelle est le seul moyen légal qui permet au salarié de bénéficier des indemnités de Pôle Emploi sans démissionner [2], en concluant une convention de rupture avec son employeur. Le salarié n'a …

 

Fany Lalanne · Actualités du Droit · 3 juillet 2020

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 24 juin 2020, n° 19-14.215
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-14.215
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon, 29 janvier 2019, N° 16/08991
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042088644
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:SO00480
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 480 F-D

Pourvoi n° U 19-14.215

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020

La société Kem One, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° U 19-14.215 contre l’arrêt rendu le 30 janvier 2019 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. L… O…, domicilié […] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Kem One, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. O…, après débats en l’audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Gilibert, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 30 janvier 2019), M. O… a été engagé le 1er septembre 1986, par la société Arkema aux droits de laquelle est venue la société Kem One et occupait en dernier lieu les fonctions d’agent de maîtrise prévention hygiène industrielle.

2. Placé en arrêt maladie du 21 août au 2 novembre 2014, il a été licencié pour faute grave le 14 janvier 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Énoncé du moyen

3. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire le licenciement pour faute grave du salarié sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes de ce chef alors « que les juges du fond ne peuvent, sous couvert d’interprétation, dénaturer le sens clair et précis d’un écrit ; qu’en considérant que la société « Kem One ne pouvait invoquer le motif d’abandon de poste au soutien de la mesure de licenciement, quand, dans la lettre de licenciement, l’employeur déplorait n’avoir » reçu aucune prolongation de votre arrêt de travail du 02/10/2014 au 02/11/2014 « et ajoutait » votre absence injustifiée depuis le 3 novembre 2014 met en cause la bonne marche du service hygiène sécurité environnement et qualité (HSEQ) au sein duquel vous êtes affectés au poste d’agent de maîtrise prévention hygiène industrielle (

)« et encore qu' » (

) Etant le seul salarié du site compétent en radioprotection, votre absence injustifiée a nécessité la formation en urgence (d') un autre membre du service à cette qualification afin de satisfaire à notre obligation réglementaire en la matière. Enfin, votre absence a généré des retards réglementaires dans l’avancement de notre démarche de prévention des risques au travail (

) " , en sorte qu’il était reproché à M. O… son absence injustifiée et non un abandon de poste, la cour d’appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui. »

Réponse de la Cour

Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :

4. Pour déclarer le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur à lui payer diverses sommes, l’arrêt retient qu’en l’absence de visite de reprise, le contrat de travail du salarié restait suspendu, de sorte que la société ne pouvait lui reprocher d’avoir délibérément ignoré ses courriers et de l’avoir laissée dans l’incertitude, que la société ne pouvait invoquer le motif d’abandon de poste au soutien de la mesure de licenciement, qu’aucun autre grief que l’abandon de poste n’ayant été reproché au salarié, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

5. En statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement reprochait au salarié non un abandon de poste mais une absence injustifiée depuis le 3 novembre 2014 malgré deux mises en demeure, la cour d’appel a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon autrement composée ;

Condamne M. O… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Kem One

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur O… ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, d’AVOIR en conséquence condamné la société KEM ONE à lui verser 23.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10.497 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 104,97 € au titre des congés payés afférents, 39.188,80 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’AVOIR condamné à la société KEM ONE à rembourser à Pôle Emploi les indemnités versées à Monsieur O… dans la limite de trois mois ;

AUX MOTIFS QUE. « I- Sur le licenciement : L’article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail. L’article L 1235-1 du même code dispose: « En cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée à M. O… est ainsi rédigée : "Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute grave. Le lundi 3 novembre 2014, date prévue de votre retour d’arrêt maladie, nous avons constaté votre absence à votre poste de travail. A compter de cette date et jusqu’à ce jour, aucun contact n’a été pris de votre part avec votre responsable hiérarchique ou le service des ressources humaines de votre établissement et vous n’avez fourni aucun justificatif d’absence à votre employeur. Nous n’avons reçu aucune prolongation de votre arrêt de travail du 02/10/2014 au 02/11/2014. Par courrier recommandé avec accusé de réception adressé le 13 novembre 2014, nous vous rappelons que toute absence doit être justifiée dans un délai de 48 heures, tel que spécifié dans l’article 15 du règlement intérieur de l’établissement et vous mettions en demeure de justifier votre situation. Nous vous informions, en outre, qu’à défaut de réponse de votre part, vous seriez considéré en absence non-autorisée et non rémunérée à compter du 3 novembre 2014. Ce courrier est resté sans réponse de votre part. Par lettre recommandée du 10 décembre 2014, nous vous mettions à nouveau en demeure de justifier de votre absence. Ce courrier est également resté sans réponse. A l’issue de ces deux courriers de mise en demeure, vous n’avez ni fourni de document justifiant cette absence, ni pris contact avec l’entreprise pour apporter d’avantage d’explication. Enfin nous vous avons convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception le 23 décembre 2014 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement le 6 janvier 2015 à 11 heures, afin d’entendre vos explications sur ces faits, vous ne vous êtes pas présentés à cet entretien. Ces faits vont à l’encontre des dispositions légales applicables ainsi qu’à celle de notre règlement intérieur qui stipule en son article 15 que « toute absence non prévue, quel qu’en soit le motif devra être signalée immédiatement à sa hiérarchie par téléphone afin de parer à la carence du salarié sur son poste de travail. En cas d’arrêt de prolongation pour maladie une justification d’absence devra être adressée sous délai de 48 heures par certificat médical indiquant la durée d’arrêt maladie. » En outre, votre absence injustifiée depuis le 3 novembre 2014 met en cause la bonne marche du service hygiène sécurité environnement et qualité (HSEQ) au sein duquel vous êtes affectés au poste d’agent de maîtrise prévention hygiène industrielle. En effet, vos activités n’étant plus assurées, les membres du service ont dû reprendre immédiatement les missions incontournables de votre poste, c’est-à-dire notamment l’encadrement des deux salariés qui vous sont hiérarchiquement rattachés mais aussi la gestion de la base de données des fiches de données de sécurité, la mise à jour du document unique, la gestion des EPI ou les mises à jour les procédures HSEQ. Afin de gérer cette carence, nous avons ensuite dû recruter et former un salarié en externe qui ne dispose pas de votre niveau de connaissance des activités HSEQ de notre entreprise. Étant le seul salarié du site compétent en radioprotection, votre absence injustifiée a nécessité la formation en urgence un autre membre du service à cette qualification afin de satisfaire à notre obligation réglementaire en la matière. Enfin, votre absence à générer des retards réglementaires dans l’avancement de notre démarche de prévention des risques au travail et de gestion de l’hygiène industrielle, et impacté la qualité de la prestation du service HSEQ tant auprès des administrations référent, que des services internes de notre établissement, et que de l’établissement Arkema France de Balan. Vous n’avez apporté aucun élément de réponse à nos courriers et convocation et avez choisi de ne pas vous présenter à l’entretien préalable à la prise de cette décision. Compte tenu de votre silence de ses conséquences, votre maintien dans nos effectifs s’avère impossible. En conséquence et compte tenu de la gravité des faits reprochés nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. (….)« Aux termes de l’article R. 4624-22, dans sa rédaction issue du décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 en vigueur du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017 : »Le salarié bénéficie d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail : 1 Après un congé de maternité ; 2 Après une absence pour cause de maladie professionnelle ; 3 Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel ; En vertu de l’article R. 4624-23, l’examen de reprise a pour objet: "1° De délivrer l’avis d’aptitude médicale du salarié à reprendre son poste ; 2° De préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié ; 3° D’examiner les propositions d’aménagement, d’adaptation du poste ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de préreprise. Et dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié. Ainsi, la période de suspension du contrat de travail perdure tant que la visite de reprise n’est pas intervenue, le salarié n’étant pas tenu de reprendre le travail. En l’espèce, M. O… a été placé en arrêt maladie à compter du 22 août 2014 puis du 1er septembre 2014 jusqu’au 12 septembre 2014, du 16 septembre 2014 au 30 septembre 2014 et du 2 octobre 2014 au 2 novembre 2014. Par courrier du 6 octobre 2014, la société KEM ONE a rappelé à Monsieur O…, alors en arrêt maladie jusqu’au 30 septembre 2014, qu’il ne s’était pas présenté sur son poste de travail le 1er octobre 2014 et n’avait pas informé sa hiérarchie de son absence avant le lundi 6 octobre 2014. Elle a précisé que toute absence injustifiée était qualifiée de fait fautif de la part du salarié et que ces faits pouvaient l’amener à engager une procédure disciplinaire à son encontre. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 novembre 2014, l’employeur a écrit à Monsieur O… pour lui signaler qu’il avait été absent de son poste de travail jusqu’au 2 novembre 2014 inclus du fait d’un arrêt maladie, qu’il ne s’était pas présenté sur son poste de travail le 3 novembre 2014, qu’il n’avait pas informé sa hiérarchie et que ses services étaient toujours en attente d’un élément justifiant cette absence. Il a rappelé à Monsieur O… les dispositions du règlement intérieur selon lesquelles toute absence non prévue quel qu’en soit le motif devra être signalée immédiatement à sa hiérarchie par téléphone, et en cas d’arrêt ou de prolongation pour maladie, une justification devra être adressée sous délai de 48 heures par certificat médical indiquant la durée de l’arrêt maladie, précisant qu’ en cas de nouveau manquement à ses obligations, une procédure de sanction disciplinaire serait engagée à son encontre. Or, l’employeur étant informé de ce que l’arrêt de travail de M. O… se terminait le 2 novembre 2014 et n’ayant pas reçu d’avis de prolongation de cet arrêt, il lui incombait d’organiser la visite de reprise de son salarié dans les huit jours suivant le 3 novembre 2014.

En l’absence de visite de reprise, le contrat de travail de M. O… restait suspendu, de sorte que la société KEM ONE ne peut reprocher à ce dernier d’avoir délibérément ignoré ses courriers et de l’avoir laissée dans l’incertitude quant à une éventuelle prolongation de son arrêt maladie. Par conséquent, la société KEM ONE ne pouvait invoquer le motif d’abandon de poste au soutien de la mesure de licenciement. Aucun autre grief que l’abandon de poste n’ayant été reproché à M. O… et les conditions de la mise en oeuvre d’un licenciement au motif de la désorganisation de l’entreprise n’étant pas réunies, le licenciement est, par voie de conséquence, dépourvu de cause réelle et sérieuse. Les moyens de M. O… relatifs à l’inobservation par l’employeur de l’obligation de sécurité sont inopérants. Il- Sur les demandes indemnitaires : – Sur la demande de dommages et intérêts : Aux termes de l’article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. Monsieur O… sollicite une indemnité égale à 18 mois de salaire en prenant comme salaire de référence la somme de 5.248,50€. Au moment du licenciement, il avait au moins deux ans d’ancienneté et la société KEM ONE employait habituellement au moins onze salariés. Le préjudice résultant pour Monsieur O… de la perte de son emploi sera évalué à la somme de 23.000 euros, compte-tenu des circonstances du licenciement et du fait qu’il a rapidement trouvé un autre emploi et la société KEM ONE sera condamnée à lui payer ladite somme, à titre de dommages et intérêts. Sur la demande d’indemnité de préavis : Suivant les dispositions de l’article 20 de la convention collective modifié par Accord du 22 mai 1979 étendu par arrêté du 3 janvier 1992 JORF 11 janvier 1992, créé par avenant n° 2 1955-03-14 étendu par arrêté du 13 novembre 1956 JONC 12 décembre 1956 : « 1. En cas de rupture du contrat de travail, sauf en cas de faute grave ou de force majeure, la durée du préavis réciproque sera de 2 mois pour les agents de maîtrise et techniciens, à l’exception de ceux dont l’emploi est affecté d’un coefficient égal ou supérieur à 275, pour lesquels le préavis est de 3 mois.(») » En l’espèce, M. O… bénéficiait d’un coefficient 300 et donc d’un préavis de trois mois. La société KEM ONE sera condamnée à lui verser une somme de 3499€x 3 = 10.497 euros outre la somme de 104,97 euros au titre des congés payés afférents. Sur l’indemnité de licenciement : Monsieur O… sollicite une somme de 49.714,95 euros «calculée conformément aux dispositions de la convention collective.» Par application de l’article 21 en vigueur non étendu modifié par accord du 15 janvier 1991, applicable aux agents de maîtrise, il est alloué aux agents disposant de plus de 20 ans d’ancienneté, comme M. O…, 3/10 de mois par année d’ancienneté à compter de la date d’entrée dans l’entreprise outre 1/10 de mois en plus par année passée dans l’entreprise, soit en l’espèce sur la base d’un salaire de référence de 3.499 euros la somme de 39.188,80 euros.

III- Sur les autres demandes :

— Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive: Monsieur O… étant pour l’essentiel accueilli dans son recours, le caractère abusif de la présente procédure ne pourra être retenu. Le jugement sera confirmé sur ce point. La société KEM ONE sera condamnée à remettre à M. O…, dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision : les bulletins de paie rectifiés, l’attestation POLE EMPLOI, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte rectifiés en fonction des condamnations prononcées, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte. La société KEM ONE sera condamnée à rembourser, le cas échéant, aux organismes concernés des indemnités de chômage versée au salarié à compter du jour du licenciement jusqu’à la présente décision, dans la limite de 3 mois d’indemnités. La société KEM ONE partie perdante sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. »

ALORS, D’UNE PART, QUE commet une faute grave rendant impossible le maintien du contrat de travail le salarié qui, postérieurement à l’expiration de son arrêt de travail pour maladie non professionnelle, s’abstient de reprendre le travail et qui, malgré deux courriers de mise en demeure de son employeur, ne produit aucun justificatif d’absence, ni ne prévient du motif de son absence ; qu’en constatant que l’arrêt de travail de Monsieur O… avait pris fin le 2 novembre 2014, que la société KEM ONE n’avait pas reçu d’avis de prolongation de cet arrêt, et qu’elle lui avait adressé deux courriers recommandés le mettant en demeure de justifier de ses absences, et en décidant néanmoins que ces faits ne caractérisaient pas une faute grave, aux seuls motifs que le salarié n’avait pas passé la visite médicale de reprise pour mettre fin à la suspension du contrat de travail, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail, ainsi que les articles R.4624-22 et R.4624-23 du code du travail dans leur rédaction alors applicable en la cause ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE lorsque l’employeur est tenu d’organiser la visite médicale de reprise de son salarié, encore faut-il que ce dernier se tienne à sa disposition pour la tenue d’une telle visite ; que tel n’est pas le cas lorsque le salarié, en dépit de deux mises en demeure de reprendre son poste ou de justifier de son absence après l’expiration de son arrêt pour maladie d’origine non professionnelle, n’établit ni avoir adressé les justificatifs de son absence, ni s’être présenté à son poste, ni avoir informé son employeur de la date de retour dans l’entreprise ; qu’il ne peut dès lors être reproché à l’employeur, laissé sans nouvelles, de ne pas avoir organisé de visite de reprise ; qu’en décidant le contraire pour écarter la faute grave, la cour d’appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail, ainsi que les articles R.4624-22 et R.4624-23 du code du travail dans leur rédaction alors applicable en la cause ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les juges du fond ne peuvent, sous couvert d’interprétation, dénaturer le sens clair et précis d’un écrit ; qu’en considérant que « la société KEM ONE ne pouvait invoquer le motif d’abandon de poste au soutien de la mesure de licenciement », quand, dans la lettre de licenciement, l’employeur déplorait n’avoir « reçu aucune prolongation de votre arrêt de travail du 02/10/2014 au 02/11/2014 » et ajoutait « votre absence injustifiée depuis le 3 novembre 2014 met en cause la bonne marche du service hygiène sécurité environnement et qualité (HSEQ) au sein duquel vous êtes affectés au poste d’agent de maîtrise prévention hygiène industrielle (

) » et encore qu’ « (

) Etant le seul salarié du site compétent en radioprotection, votre absence injustifiée a nécessité la formation en urgence (d') un autre membre du service à cette qualification afin de satisfaire à notre obligation réglementaire en la matière. Enfin, votre absence a généré des retards réglementaires dans l’avancement de notre démarche de prévention des risques au travail (

) », en sorte qu’il était reproché à Monsieur O… son absence injustifiée et non un abandon de poste, la cour d’appel a dénaturé la lettre de licenciement en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits produits devant lui.

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