Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 janvier 2021, 19-17.512 19-23.215, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. civ., 13 janv. 2021, n° 19-17.512
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-17.512 19-23.215
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Douai, 3 avril 2019, N° 16/05012
Textes appliqués :
Article 455 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043045957
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:C100031
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Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 13 janvier 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 31 FS-D

Pourvois n°

C 19-17.512

B 19-23.215 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2021

I – 1°/ M. O… Q…, domicilié […] ,

2°/ Mme P… Q…, domiciliée […] ,

3°/ M. J… Q…, domicilié […] ,

agissant tous trois tant en leur nom personnel qu’en qualité de légataire universel de E… K…, veuve Q…,

ont formé le pourvoi n° C 19-17.512 contre un arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d’appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige les opposant à M. C… Q…, domicilié […] , défendeur à la cassation.

M. C… Q… a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

II – M. C… Q…, a formé le pourvoi n° B 19-23.215 contre le même arrêt rendu, dans le litige l’opposant :

1°/ à M. O… Q…,

2°/ à Mme P… Q…,

3°/ à M. J… Q…,

pris tous trois tant en leur nom personnel qu’en qualité de légataire universel de E… K…, veuve Q…,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs au pourvoi principal n°C 19-17.512 invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi n° B 19-23.215 et le demandeur au pourvoi incident n° C 19-17.512 invoque, à l’appui de ses recours, un moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de MM. O… et J… Q… et de Mme Q…, tant en leur nom personnel qu’ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. C… Q…, et l’avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l’audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mmes Bozzi, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 19-17.512 et B 19-23.215 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 4 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 25 mai 2016, pourvoi n° 15-14.863, Bull. 2016, I, n° 122), G… Q… est décédé le 20 mars 2007, laissant pour héritiers son épouse, E… K…, légataire de l’universalité, en usufruit, de sa succession, leur fils, O…, légataire de la quotité disponible, et un fils né d’une première union, C….

3. Des difficultés s’étant élevées pour la liquidation et le partage de la succession, M. C… Q… a assigné en partage ses cohéritiers.

4. E… K… est décédée le 25 octobre 2017. Ses petits enfants, P… et J… Q…, légataires universels, sont intervenus volontairement à l’instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal n° C 19-17.512

Enoncé du moyen

5. Mme P… Q… et MM. O… et J… Q… font grief à l’arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en réduction, alors « que les jugements doivent être motivés ; qu’en se déterminant par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

7. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Mme P… Q… et MM. O… et J… Q…, l’arrêt retient que ce n’est pas parce que le recel d’une donation réductible se limite à la perte de tout droit sur la réduction que la demande de reconnaissance et en sanction du recel d’une telle donation suppose la mise en oeuvre d’une action en réduction. Il ajoute qu’il n’est pas contesté que l’action sur le fondement du recel a été engagée dans les cinq ans de la connaissance des faits et que cette action est autonome dans la mesure où, même si son sort dépend de la reconnaissance du caractère réductible de la donation en cause, qui constitue un fait, elle est indépendante de l’action en réduction elle-même, tendant à établir un droit découlant de l’action fondée sur le recel.

8. En statuant ainsi, par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l’arrêt qui rejette la fin de non-recevoir soulevée par Mme P… Q… et MM. O… et J… Q… entraîne celle du chef de dispositif de l’arrêt disant que M. O… Q… est redevable d’une indemnité de réduction et que cette indemnité produira intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, et rend sans objet les moyens du pourvoi incident n° C 19-17.512 et du pourvoi n° B 19-23.215, qui critiquent l’arrêt en ce qu’il rejette la demande de M. C… Q… tendant à ce qu’il soit jugé que M. O… Q… est déchu de tout droit sur les biens objets des donations consenties le 14 décembre 1999 portant sur la moitié de la propriété d’une villa sise à […] et les 22 et 23 mars 1995 portant sur la propriété de biens et droits immobiliers situés […] , et fixe le point de départ des intérêts de l’indemnité de réduction.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

Condamne M. C… Q… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour MM. O… et J… Q… et de Mme Q…, tant en leur nom personnel qu’ès qualités, demandeurs au pourvoi principal n° C 19-17.512

Ce moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en réduction ;

AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article 921 du code civil, la réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayant-cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt, ne pourront demander cette réduction, ni en profiter.

Le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans pouvoir excéder dix ans à compter du décès.

Les consorts Q… font valoir que M. C… Q… ayant exclusivement fondé son action sur les dispositions relatives au recel successoral, il est prescrit à agir en réduction depuis le 20 mars 2012, conformément aux dispositions précitées ;

Ce n’est pas parce que le recel d’une donation réductible se limite à la perte de tout droit sur la réduction que la demande de reconnaissance et en sanction du recel d’une telle donation suppose la mise en oeuvre d’une action en réduction.

Alors qu’il n’est pas contesté que l’action sur le fondement du recel a été engagée dans les cinq ans de la connaissance des faits, cette action est autonome dans la mesure où même si son sort dépend de la reconnaissance du caractère réductible de la donation en cause, qui constitue un fait, elle est indépendante de l’action en réduction elle-même, tendant à établir un droit découlant de l’action fondée sur le recel.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les consorts Q… de ce chef ;

1/ ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; qu’en se déterminant par des motifs inintelligibles équivalant à un défaut de motifs, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE l’effet interruptif de la prescription attaché à une demande en justice ne s’étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet ; que la cour d’appel, qui a constaté le caractère autonome de l’action en réduction par rapport à l’action en déclaration de recel, n’a pas déduit de ses constatations les conséquences légales s’en évinçant au regard des articles 921 et 2241 du code civil ;

3/ ALORS QU’il résulte de l’article 921 du code civil que le délai de prescription de l’action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès ; que l’effet interruptif de la prescription attaché à une demande en justice ne s’étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet ; que la demande initiale formée par M. C… Q… tendait seulement à ce qu’il soit jugé que M. O… Q… et Mme E… K… veuve Q… avaient commis un recel sur une liste de biens et qu’ils ne pouvaient donc prétendre à aucun droit sur ces biens ; que l’action en réduction formée par conclusions du 20 juin 2018, tend au paiement par le gratifié d’une indemnité correspondant à la portion excessive de la libéralité, si bien qu’en rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de réduction formée plus de dix ans après l’ouverture de la succession, la cour d’appel a violé les textes précités. Moyen identique produit par la la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocats aux Conseils pour M. C… Q…, demandeur au pourvoi n° B 19-23.215 et au pourvoi incident n° C 19-17.512.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR débouté M. C… Q… de sa demande tendant à ce qu’il soit jugé que M. O… Q… soit déchu de tout droit sur les biens objets des donations consenties le 14 décembre 1999 portant sur la moitié de la propriété d’une villa sise à […] et les 22 et 23 mars 1995 portant sur la propriété de biens et droits immobiliers situés […] et D’AVOIR dit que l’indemnité de réduction d’un montant de 209 542,46 euros due par M. O… Q… à l’indivision successorale ne produira intérêts au taux légal qu’à compter de la date de l’arrêt ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « – Sur le recel

Par courrier en date du 29 juillet 2008, Maître N…, notaire mandaté par M. O… Q… pour le règlement de la succession de son père, a communiqué à M. C… Q… deux documents intitulés d’une part, « A… à partager », signé par M. O… Q… et E… K… veuve Q…, et d’autre part, "Projet de droits successifs par M. C… Q… au profit de M. O… Q…

Si les consorts Q… font valoir que le seul acte officiel établi par le notaire consiste dans la déclaration de succession, laquelle ne comprend que le rappel des donations consenties moins de six ans avant le décès du de cujus en application de l’article 784 ancien du code général des impôts, force est de constater que l’envoi simultané des deux documents intitulés « A… à partager » et « Projet de droits successifs » était présenté comme reflétant la consistance exacte du patrimoine de M. G… Q… et permettant à M. C… Q… de se positionner de manière définitive sur le règlement de la succession, le courrier joint par Maître N… à l’envoi des deux documents précisant "Veuillez trouver ci-joint d’une part les états de la succession signés par Madame G… Q… et par Monsieur O… Q….

Je vous envoie par ailleurs le projet de cession de droits successifs qui vous permet dès maintenant d’encaisser vos droits de la succession et de clore pour vous ce dossier sans avoir à supporter quelque passif que ce soit sur le règlement ultérieur des formalités qu 'il y aurait à faire".

Il résulte des échanges de courriers intervenus avant le mois de juillet 2008 entre le notaire et M. C… Q… que ce dernier l’a interrogé à plusieurs reprises sur l’existence éventuelle de donations antérieures ainsi que sur leur consistance sans que les consorts Q… ne justifient, en dépit de leurs affirmations, lui avoir communiqué les actes de donations postérieurs et notamment ceux mentionnés dans la déclaration fiscale de succession et dans lesquels figurent un rappel des donations litigieuses. Alors que les consorts Q… ne contestent pas que le projet de cession de droits successifs présentait un caractère erroné en l’absence de réunion fictive des donations et de rapport successoral, ils ont confirmé personnellement un état des choses inexact en ayant signé, avec la mention « Bon pour accord', le document intitulé »A… à partager" joint au projet susmentionné, dont ils ne pouvaient ignorer qu’il présentait un caractère incomplet en l’absence de mention des biens provenant du défunt donnés expressément hors part successorale, sans avoir mis en cause le notaire pour une éventuelle défaillance dans l’accomplissement de sa mission.

En outre, l’intention dissimulatrice de M. O… Q… résulte aussi de la mention figurant dans le projet de droits successifs prévoyant qu’il cède l’ensemble de ses droits dans la succession de son père, y compris ceux portant sur des biens « dont l’existence viendrait à être révélée par la suite ». En conséquence, les éléments tant matériel qu’intentionnel du recel successoral défini par l’article 778 du code civil sont caractérisés en l’espèce, M. O… Q… ayant dissimulé l’existence des donations consenties les 14 décembre 1999 et 22 et 25 mars 1995 dans le but de rompre, à son profit, l’égalité du partage.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Alors qu’il n’est pas contesté que la donation consentie les 22 et 23 mars 1995 portant sur la nue-propriété des biens et droits immobiliers situés […] et celle consentie le 14 décembre 1999 portant sur la nue-propriété de la villa d’Antibes ont été faites par préciput et hors part, et ne sont donc pas rapportables, il convient de vérifier, pour la mise en oeuvre de la sanction du recel, qu’elles sont réductibles à la quotité disponible dans l’hypothèse où elles porteraient atteinte à la réserve de M. C… Q….

— Sur la valeur des immeubles

Par arrêt mixte en date du 6 juillet 2017, la cour de céans a ordonné l’expertise des immeubles objets des deux donations litigieuses, s’agissant de l’appartement de Compiègne et de la villa d’Antibes, en donnant pour mission aux experts de déterminer leur valeur au 20 mars 2007, date du décès de G… Q…, d’après leur état à la date de la donation.

* Sur l’appartement sis à Compiègne. […]

M. C… Q… conteste la valeur de 120 000 euros retenue par l’expert et demande à la cour de retenir une valeur de 176 000 euros, faisant valoir que la valorisation proposée par l’expert est insuffisante compte tenu du prix du marché au cours de l’année 2007.

Il s’agit d’un appartement de 79 m2 acquis par M. G… Q… en 1975, situé dans une résidence construite dans les années 1960, disposant de deux chambres dont « une très petite » ainsi que d’un garage, les charges ayant un niveau « très élevé ».

L’expert précise que si l’appartement, situé dans une résidence de bonne facture en pierre de taille, est traversant et assez bien éclairé, les menuiseries, l’appareillage sanitaire et la cuisine sont obsolètes et la distribution électrique doit être remise aux normes. H indique aussi que la conception de l’appartement donne une trop grande place aux circulations par rapport aux surfaces de vie et que les prestations générales de l’appartement sont désuètes.

Alors que l’appartement était loué en 2007 et l’était toujours au jour de la réalisation de l’expertise en 2017, l’expert retient une rentabilité théorique de 4% soit une valeur actuelle du bien de 130 000 euros net vendeur. S’agissant des valeurs par comparaison, l’expert précise qu’il y a eu peu de transactions sur l’immeuble pour obtenir des statistiques fiables et en retient deux ; la première intervenue en janvier 2015, sur un bien identique « dans un état identique en terme de travaux » mais libre au prix de 140 000 euros net vendeur et la seconde, intervenue début 2017, pour un « bien identique en terme de surface mais libre et en bon état avec garage » au prix de 240 000 euros.

Si M. C… Q… conteste le fait que l’expert ait retenu le prix de la première vente, ce dernier a pu préciser que la vente de ce bien ne peut intéresser qu’un investisseur à long terme, peu nombreux sur le marché de Compiègne, l’état du bien et sa non-disponibilité pouvant peser lourdement sur sa valeur actuelle retenant ainsi la valeur de 125 000 euros comme valeur vénale actuelle du bien.

En outre, M. C… Q… ne rapporte pas la preuve de ses allégations s’agissant du montant des travaux de remise en état du bien ni du montant de la déduction à opérer en raison de l’occupation du logement par une personne de plus de 70 ans.

Par ailleurs, s’agissant de la valeur de rendement du bien en 2007, l’expert a retenu un taux de 4,5 % et une valeur du bien de 118 000 euros net vendeur, et s’agissant de la valeur de comparaison, il a repris une valeur de 124 000 euros sur la base de la comparaison avec la valeur donnée par l’évolution des indices.

Alors que les deux méthodes d’évaluation retenues par l’expert conduisent à des résultats convergents et en l’absence de tout élément de preuve contraire produit aux débats par M. C… Q…, la valeur moyenne retenue par l’expert et fixée à 120 000 euros sera retenue en l’espèce.

* Sur la valeur de la maison d’Antibes

M. C… Q… conteste la valeur retenue par l’expert de I 130 000 euros, faisant valoir que le rapport d’expertise comporte des contradictions et que la valeur retenue doit être de 1 400 000 euros. L’immeuble litigieux constitue une maison ancienne de 120m2 habitables, bâtie sur un terrain de 1.100mz située […] , acquise par M et Mme G… Q… en 1970 qui ont fait donation de la nue-propriété à leur fils O… en 1999. Si la qualité du domaine qui abrite des maisons et propriétés de standing ainsi que sa situation géographique à l’orée du Cap d’Antibes et le caractère « piscinable » du terrain sont des éléments positifs retenus par 1 ' expert, celui-ci a aussi relevé que la maison offre des prestations d’origine à rénover : tomettes au sol, salles de bains obsolètes, cuisine à moderniser, huisseries en bois simple vitrage, volets roulants en bois au moment de la donation, mise aux normes électriques à prévoir, absence de piscine ainsi que la configuration du terrain, s’agissant d’un emplacement étroit et en longueur.

En outre, l’expert arepris sept références de vente réalisées entre 2005 et 2007, retenant un prix au m2 compris entre 5 870 euros et 11400 euros selon l’importance de la surface habitable et la qualité des prestations intérieures, précisant qu’en l’espèce, il convient de tenir compte de la situation géographique favorable, de la surface habitable restreinte, qui justifie de retenir un prix au m2 situé dans la fourchette haute, ainsi que de l’obsolescence des matériaux en état d’usage.

Si M. C… Q… conteste l’absence d’évaluation de l’immeuble sur la base de la rentabilité, l’expert a indiqué, en réponse à un dire qui lui a été adressé sur ce point, que la méthode d’évaluation par le revenu ne peut être utilisée que pour l’évaluation des immeubles loués ou destinés à la location, ce qui n’est pas le cas de cet immeuble.

De plus, l’indication de l’expert selon laquelle la maison possède un aperçu sur la mer et non une vue sur mer est corroborée par les photographies figurant au rapport d’expertise, ce dernier précisant en outre que le lotissement résidentiel dans lequel se situe la villa, créée en 1924, compte une cinquantaine de villas de bon et très bon standing, dont certaines ont été rénovées, ce qui n’est pas le cas de la villa « La Strena », restée avec des prestations d’origine ( obsolescence des seconds oeuvres, huisseries simple vitrage…).

Par ailleurs, M. O… Q… justifiant de l’existence d’un litige l’opposant aux voisins quant à l’empiétement de leur fonds ainsi que d’une menace de démolition du garage existant jusqu’en 2040, l’expert a retenu une valeur décotée de 1 130 000 euros.

En conséquence, en l’absence d’éléments contraires probants produits aux débats par M. C… Q…, il y a lieu de retenir la valeur de 1 130 000 euros fixée par l’expert.

— Sur le caractère réductible des donations litigieuses

Aux termes de l’article 922 du code civil, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur ou testateur.

Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l’époque de l’aliénation. S’il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.

On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu’il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer.

L’article 923 du même code dispose qu’il n’y aura jamais lieu à réduire les donations entre vifs, qu’après avoir épuisé la valeur de tous les biens compris dans les dispositions testamentaires ; et lorsqu’il y aura lieu à cette réduction, elle se fera en commençant par la dernière donation et ainsi de suite, en remontant des dernières aux plus anciennes.

Il résulte de ces dispositions que l’assiette de calcul de la réserve et de la quotité disponible comprend l’ensemble des donations consenties par le de cujus et pas seulement les donations litigieuses consenties en 1995 et 1999.

Les consorts Q… ont justement indiqué que les droits de E… Q…, âgée de 87 ans au moment du décès de son époux, doivent être valorisés à hauteur de 20% en application de l’article 669 du code général des impôts soit :

96 000 euros au titre de la […] : 120 000 euros x 80 %

452 000 euros au titre de la maison d’Antibes : (1 130 000 euros/2) x 80 % II résulte des éléments du dossier que l’actif successoral s’élève à 639 969,46 euros, ce qui permet de réaliser le calcul suivant :

— Actif de succession : 639 969,46 euros

— Biens donnés aux petits-enfants : 288 621,95 euros

— Biens donnés à M. O… Q… en avancement d’hoirie : 22 867,35 euros

— Biens donnés à M. O… Q… par préciput : 703 587,57 euros

— Total : 1 655 046,33 euros

— Soit une réserve individuelle de 1/3 en pleine propriété : 551 682,11 euros – Soit une quotité disponible de : 551 682,11 euros

Aux termes des dispositions de l’article 923 du code civil précité, lorsqu’il y a lieu à réduction, l’imputation sur la quotité disponible se fait en commençant par la donation la plus récente en remontant aux plus anciennes, la prescription d’une éventuelle action en réduction n’étant pas opposable à M. C… Q… ainsi qu’il résulte des développements précédents, s’agissant d’une action autonome.

Il y a donc lieu de réaliser le calcul suivant sur la base d’une quotité disponible de 551 682,11 euros :

— donation du 02/07/2005 – 153 637,00 euros – Après imputation : 398 045,11 euros

— donation du 01/07/2005 – 69 835,00 euros – Après imputation : 328 210,11 euros

— donation du 29/11/2000 – 85 752,57 euros – Après imputation : 242 457,54 euros

— donation du 14/12/1999 – 452 000 euros – Après imputation : – 209 542,46 euros

Ainsi, seule la donation consentie le 14 décembre 1999 est partiellement réductible à hauteur de 209 542,46 euros, la donation de 1995 étant trop ancienne pour donner lieu à une indemnité de réduction.

Les conditions du recel successoral prévues par Tarticle 778 étant réunies en l’espèce, M. O… Q… est redevable à l’indivision successorale d’une indemnité de réduction d’un montant de 209542,46 euros.

J’ai supprimé le en l’espèce M. C… Q… demande que cette indemnité soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2007, date du décès du de cujus, faisant valoir que l’héritier receleur est tenu des intérêts au taux légal sur chacune des valeurs recelées à compter de leur appropriation injustifiée.

Les consorts Q… font valoir quant à eux que les intérêts légaux ne sont applicables qu’au recel d’une somme d’argent alors qu’il convient de faire application en l’espèce, s’agissant d’un cas de recel sur un actif immobilier, du principe de la dette de valeur prévu par l’article 924-2 du code civil, ce mécanisme légal étant exclusif de l’application d’un intérêt qui n’est pas légalement prévu.

L’article 778 alinéa 3 du code civil dispose que l’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.

Alors qu’en l’occurrence, le recel porte sur une donation de bien immobilier et qu’il n’est pas contesté que la villa d’Antibes n’a jamais été mise en location, M. C… Q… ne peut valablement solliciter le versement de fruits ou de revenus de ce chef. En outre, les intérêts ne pouvant être assimilés aux fruits que dans l’hypothèse du recel d’une somme d’argent, les dispositions de l’article 778 alinéa 3 du code civil ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce.

S’agissant d’une indemnité de réduction mise à la charge de M. O… Q… par la présente cour, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 1153-1 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, et de dire que la condamnation de M. O… Q… sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt » ;

1°) ALORS QU’en jugeant que M. O… Q… s’était rendu coupable de recel successoral sur la villa d’Antibes ainsi que sur les biens et droits immobiliers de Compiègne pour en déduire qu’une indemnité de réduction était due seulement pour la villa d’Antibes à hauteur de 209 542,46 euros, quand la règle est que le recéleur ne peut prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés et qu’il doit l’indemnité de réduction de cette donation à ses cohéritiers, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 778 du code civil ;

2°) ALORS QU’en jugeant que « la donation de 1995 est trop ancienne pour donner lieu à une indemnité d’éviction » (p. 10 de l’arrêt), la cour d’appel s’est prononcée par voie d’affirmation, sans aucun motif au soutien de sa décision sur ce point, et a dès lors violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QU’en jugeant M. O… Q… coupable de recel successoral tout en disant que les intérêts ne devaient courir qu’à compter de la date de l’arrêt quand il est acquis que les intérêts courent au taux légal à compter de l’appropriation frauduleuse des biens recelés lorsqu’ils n’ont pas produit de fruits ou de revenus, la cour d’appel a violé l’article 778 du code civil et l’article 1153-1 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause.

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Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 janvier 2021, 19-17.512 19-23.215, Inédit