Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 avril 2021, 20-81.425, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 8 avr. 2021, n° 20-81.425
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-81.425
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Amiens, 24 septembre 2019
Textes appliqués :
Article 111-3 alinéa 2 du code pénal.

Article 121-1 du code pénal.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043401128
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CR00458
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Texte intégral

N° U 20-81.425 F-D

N° 00458

EB2

8 AVRIL 2021

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 8 AVRIL 2021

MM. P… N…, B… N…, et D… R… ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens, chambre correctionnelle, en date du 25 septembre 2019, qui a condamné le premier, pour fraude fiscale, omission d’écritures en comptabilité et passation d’écritures inexactes ou fictives en comptabilité à trois mois d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’interdiction de gérer, le deuxième, pour fraude fiscale et omission d’écritures en comptabilité à six mois d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction de gérer, et le troisième pour passation d’écritures inexactes ou fictives en comptabilité à trois mois d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’interdiction de gérer et a prononcé sur les demandes de l’administration fiscale, partie civile.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de MM. P… N…, D… R… , B… N…, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Direction générale des finances publiques, et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l’audience publique du 10 mars 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 4 janvier 2013, le directeur départemental des finances publiques a adressé au procureur de la République, après avis conforme de la commission des infractions fiscales, une plainte pour fraude fiscale à l’encontre de M. P… N…, en sa qualité de gérant de droit de la société Sécurité ronde protection et gardiennage (SRPG), de son fils M. B… N…, ainsi, que du beau-frère de ce dernier, M. D… R… , en leur qualité de gérant de fait de cette même société pour des faits commis au cours des années 2009 à 2011.

3. Créée le 23 décembre 2008, la société SRPG, a exercé une activité de gardiennage et de surveillance, jusqu’à sa cessation d’activité et sa radiation le 26 janvier 2011. La société ayant connu des difficultés financières, sa liquidation judiciaire a été prononcée le 20 avril 2011. M. R… a assuré la gérance de cette société de sa création jusqu’au 30 avril 2010, il a alors souhaité quitter cette fonction en raison d’agissements qu’il désapprouvait. Par procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire en date du 31 mars 2010, enregistré au greffe du tribunal de commerce le 30 avril 2010, M. P… N… a été nommé gérant statutaire avec effet rétroactif au 1er mai 2009.

4. La société SRPG a fait l’objet de vérification de comptabilité sur la période allant de sa création jusqu’à la date de sa cessation d’activité. Le rapport du service vérificateur a révélé de graves irrégularités attestant de la volonté des dirigeants successifs de la société SRPG de gêner l’action de contrôle de l’administration en dissimulant l’importance de l’activité de la société afin d’éluder les impôts et taxes légalement dû.

5. MM. B… N…, P… N… et R… ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel. Le premier est prévenu, pour la période du 20 mai 2010 au 20 avril 2011 de soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’impôt ainsi que d’omission d’écriture dans un document comptable, le second est prévenu, pour la période débutant le 1er mai 2009 et s’achevant le 20 avril 2011, des deux mêmes infractions ainsi que de passation d’écriture inexacte ou fictive dans un document comptable, le troisième est, quant à lui, prévenu de soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’impôt et passation d’écriture inexacte ou fictive dans un document comptable, faits commis entre le 1er janvier 2009 et le 19 mai 2010.

6. Les juges du premier degré ont condamné les trois prévenus pour partie des faits reprochés.

7. MM. P… N…, B… N… et R… et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité de la procédure soulevée par MM. B… et P… N… tirée de l’absence de débat oral et contradictoire pendant la procédure de vérification, alors « que le vérificateur doit appliquer les règles de procédure fiscale en vigueur au jour de l’avis de vérification et des opérations de vérification ; que l’observation d’un débat oral et contradictoire lors de l’examen des pièces de comptabilité constitue une garantie essentielle des droits de la défense dont il appartient à la juridiction pénale d’assurer le respect ; que par deux arrêts du 1er mars 2000 publiés au bulletin (Crim. 1er mars 2000, n° 98-85.818 et n° 99-82.532, Bull. crim. n° 99), la Chambre criminelle a affirmé le principe selon lequel « en cas de vérification fiscale d’une société en liquidation judiciaire, les dispositions de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales et le principe d’un débat oral et contradictoire au cours de la vérification doivent bénéficier tant au liquidateur désigné dans la procédure qu’au dirigeant de la société, pénalement responsable du délit de fraude fiscale » ; que par deux arrêts ultérieurs du 1er juin 2005 (Crim. 1er juin 2005, n° 04-85.031 et n° 04-80.970, Bull. crim. n° 170), elle a exclu l’application de ce principe au gérant de fait uniquement ; qu’en relevant que M. P… N…, gérant de droit de la société SGRM, avait reçu l’avis de vérification, qu’il avait mandaté son fils B… N… pour le représenter, que le vérificateur a appris lors de l’intervention du 12 mai 2011 par M. B… N… la désignation, par jugement du 20 avril 2011 publié le 30 avril 2011, d’un liquidateur qu’il a dûment convoqué pour les opérations du 31 mai 2011 et que le vérificateur a, à juste titre, cessé de convoquer M. B… N… devenu un tiers extérieur à la procédure voire un gérant de fait à l’égard duquel l’administration n’a aucune obligation, cependant qu’à la date des opérations de vérification le 31 mai 2011, le principe dégagé par la Cour de cassation dans les arrêts du 1er mars 2000 bénéficiait encore au dirigeant de droit d’une société placée en liquidation judiciaire, de sorte que M. B… N… aurait dû être appelé à participer aux opérations de vérification, en tant que représentant du gérant de droit, M. P… N…, qui l’avait dûment mandaté à cette fin, la cour d’appel a violé l’article L. 47 du livre des procédures fiscales. »

Réponse de la Cour

9. La Cour de cassation juge que l’article L. 47 du livre des procédures fiscales n’implique pas l’envoi ou la remise de l’avis de vérification à une personne autre que le redevable de l’impôt ou son représentant légal. Contrairement à ce que soutient le moyen, l’arrêt rendu le 19 décembre 2012 (pourvoi n° 12-80005) ne modifie pas cette position et précise seulement qu’après le placement en liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur est devenu le représentant légal de la société et le seul interlocuteur de l’administration fiscale.

10. Il s’ensuit que le moyen, qui soutient qu’un changement de jurisprudence postérieurement aux faits n’est pas applicable à ceux-ci, est inopérant.

11.Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. B… N…, en sa qualité de gérant de fait de la société SRPG, coupable de soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’impôt, en s’abstenant de souscrire, d’une part, les déclarations de résultats au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2010, d’autre part, les déclarations de taxe sur le chiffre d’affaires requises au titre des mois d’avril 2010 à janvier 2011 et d’omission, au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2010, de passation des écritures au livre-journal ou au livre inventaire ou dans les documents qui en tiennent lieu alors :

« 1°/ que le délit de fraude fiscale pour omission de faire sa déclaration dans les délais prescrits suppose que le prévenu ait dirigé la personne morale débitrice de l’obligation de déclarer à la date de l’omission fautive ; qu’en déclarant M. B… N… coupable d’omission de souscrire la déclaration de TVA pour le mois d’avril 2010 cependant que la date limite de dépôt de cette déclaration était le 15 mai 2010 et que M. B… N… a été poursuivi et condamné en tant que gérant de fait à compter du 20 mai 2010, de sorte qu’il n’était pas gérant de fait à la date de l’omission fautive, la cour d’appel a violé les articles 1741 du code général des impôts, 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et 591 du code de procédure pénale ;

2°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, sauf à ce que le prévenu ait accepté expressément d’être jugé sur des faits distincts de ceux visés par la prévention ; qu’en déclarant M. B… N… coupable d’omission de souscrire la déclaration de TVA pour le mois d’avril 2010, dont la date limite de dépôt était le 15 mai 2010, cependant qu’il a été poursuivi en qualité de gérant de fait entre le 20 mai 2010 et le 20 avril 2011 et qu’il n’a pas accepté expressément d’être jugé sur des faits nouveaux extérieurs à cette période de prévention, la cour d’appel a violé les articles 388 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

3°/ que l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu’en se bornant à adopter les motifs des premiers juges pour confirmer la déclaration de culpabilité du prévenu, lorsque les premiers juges eux-mêmes s’étaient limités à retenir qu'« il ressort des éléments du dossier ainsi que des débats à l’audience que les faits sont caractérisés en leur intégralité », la cour d’appel n’a caractérisé aucun des délits poursuivis dans leurs éléments constitutifs et n’a pas justifié légalement sa décision. »

Réponse de la Cour

13. Pour déclarer M. B… N… coupable de soustraction frauduleuse à l’établissement de l’impôt et omission d’écriture dans un document comptable, commises entre le 20 mai 2010 et le 20 avril 2011, l’arrêt attaqué énonce qu’il était gérant de fait de la société SRPG à cette période et retient, par motifs adoptés, que les éléments du dossier ainsi que les débats à l’audience établissent que les faits reprochés d’omissions déclaratives en matière de TVA pour les mois d’avril 2010 à janvier 2011 et en matière d’impôt sur les sociétés pour l’exercice clos au 31 décembre 2010 et d’omissions d’écritures comptables sur l’exercice clos au 31 décembre 2010 sont caractérisés dans leur intégralité à l’encontre du prévenu en sa qualité de gérant de fait de la société SRPG.

14. En l’état de ces énonciations, dont il résulte que la cour d’appel a retenu que la date limite de dépôt de la déclaration mensuelle de TVA du mois d’avril 2010 n’était pas atteinte le 20 mai 2010, la cour d’appel, qui a suffisamment caractérisé les infractions reprochées, a justifié sa décision.

15. Le moyen doit, dés lors, être écarté.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. R… , en sa qualité de gérant de droit de la société SRPG, coupable de passation d’écritures inexactes ou fictives au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2009, entre le 1er janvier 2009 et le 30 avril 2009, alors que « l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu’en se bornant, pour confirmer la déclaration de culpabilité du prévenu, à adopter les motifs des premiers juges ayant relevé que le caractère fictif des prestations de sous-traitance se justifiait par l’absence de factures attestant de la réalité des prestations décrites sans préciser la date de ces opérations et sans détailler la teneur de ces opérations, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1743 du général des impôts et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

17. Pour confirmer le jugement ayant déclaré M. R… coupable des chefs de passation d’écritures inexactes ou fictives dans un document comptable de janvier à avril 2009, la cour d’appel, par motifs adoptés des premiers juges, énonce qu’il ressort du dossier ainsi que des débats à l’audience, que le caractère fictif des prestations de sous-traitance résulte de l’absence de factures attestant de la réalité des prestations décrites.

18. En prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu, en sa qualité de gérant de droit, avait nécessairement connaissance des obligations financières et comptables pesant sur lui, la cour d’appel a suffisamment justifié sa décision.

19. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

20. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. P… N…, en sa qualité de gérant de droit de la société SRPG, coupable entre le 1er mai 2009 et le 20 avril 2011, de passation d’écriture inexacte ou fictive, de soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’impôt, en s’abstenant de souscrire, d’une part, les déclarations de résultats au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2009 et le 31 décembre 2010, d’autre part, les déclarations de taxe sur le chiffre d’affaires requises au titre des mois d’avril 2010 à janvier 2011, et d’omission de passation des écritures au livre-journal ou au livre inventaire ou dans les documents qui en tiennent lieu alors :

« 1°/ que le délit de fraude fiscale pour omission de faire sa déclaration dans les délais prescrits suppose que le prévenu ait dirigé la personne morale débitrice de l’obligation de déclarer à la date de l’omission fautive ; que la responsabilité pénale du dirigeant d’une société du chef de fraude fiscale découlant de son obligation de respecter les obligations fiscales, la désignation d’un dirigeant avec effet rétroactif à une date antérieure à l’exercice effectif du pouvoir de direction de la société ne saurait emporter pénalement aucun effet ; qu’en retenant que la date de prise de fonction était celle figurant sur le procès-verbal d’assemblée extraordinaire du 31 mars 2010, soit le 1er mai 2009, date à laquelle M. P… N… est devenu gérant « avec effet rétroactif », et en déclarant celui-ci coupable d’omission de souscrire les déclarations de résultats au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2009 et de la TVA pour le mois d’avril 2010, cependant que celui-ci, désigné comme gérant de droit par procès-verbal du 31 mars 2010 publié le 18 mai 2010, n’a dirigé de façon effective la société qu’à compter du 18 mai 2010, date à laquelle il a eu accès aux comptes bancaires, et ne la gérait donc pas à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2009, fixée au 3 mai 2010, et de la TVA pour le mois d’avril 2010, fixée au 15 mai 2010, la cour d’appel a violé les articles 1741 du code général des impôts, 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et 591 du code de procédure pénale ;

2°/ que le délit de fraude fiscale pour passation d’écritures inexactes ou fictives suppose que le prévenu ait dirigé la personne morale à la date de la passation des écritures ; que la responsabilité pénale du dirigeant d’une société du chef de fraude fiscale découlant de son obligation de respecter les obligations fiscales, la désignation d’un dirigeant avec effet rétroactif à une date antérieure à l’exercice effectif du pouvoir de direction de la société ne saurait emporter pénalement aucun effet ; qu’en retenant que la date de prise de fonction à retenir est celle figurant sur le procès-verbal d’assemblée extraordinaire du 31 mars 2010, soit le 1er mai 2009, date à laquelle M. P… N… est devenu gérant « avec effet rétroactif » et en déclarant M. P… N… coupable de passation d’écritures inexactes ou fictives au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2009, cependant que celui-ci, désigné comme gérant de droit par procès-verbal du 31 mars 2010 publié le 18 mai 2010, n’a dirigé de façon effective la société qu’à compter du 18 mai 2010, date à laquelle il a eu accès aux comptes bancaires, soit postérieurement à la passation des écritures comptables litigieuses, la cour d’appel a violé les articles 1743 du code général des impôts, 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et 591 du code de procédure pénale ;

3°/ que l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu’en se bornant à adopter les motifs des premiers juges pour confirmer la déclaration de culpabilité du prévenu, lorsque les premiers juges eux-mêmes s’étaient limités à retenir qu’ « il ressort des éléments du dossier ainsi que des débats à l’audience que les faits sont caractérisés en leur intégralité », la cour d’appel n’a caractérisé aucun des délits poursuivis dans leurs éléments constitutifs et n’a pas justifié légalement sa décision ;

4°/ que l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu’à supposer que les motifs des premiers juges, adoptés par la cour d’appel, ayant retenu que le caractère fictif des prestations de sous-traitance se justifiait par l’absence de factures attestant de la réalité des prestations décrites aient été communs à M. R… et à M. P… N… pour l’infraction de passation d’écritures inexactes ou fictives au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2009, en se prononçant ainsi, sans préciser la date des opérations en cause, ainsi que le détail de ces opérations, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 121-1 du code pénal :

21. Il résulte de ce texte que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.

22. Pour déclarer M. P… N… coupable des faits qui lui sont reprochés à compter du 1er mai 2009, date figurant sur le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2010 qui fixe rétroactivement sa prise de fonction, la cour d’appel énonce, d’une part, que la date de publication au BODACC concerne seulement son opposabilité aux tiers et, d’autre part, que le prévenu a endossé la responsabilité de gérant de manière rétroactive en connaissance de cause.

23. Les juges ajoutent que les omissions de déclarations mensuelles de TVA relevées pour les mois d’avril 2010 à janvier 2011, l’absence de dépôt des déclarations de résultat pour les exercices 2009 et 2010, les constats d’écritures comptables inexactes, fictives ou non justifiées pour l’exercice 2009 et l’absence de présentation d’un livre comptable pour l’année 2010 caractérisent suffisamment les délits reprochés.

24. En se déterminant ainsi, sans relever la participation personnelle de M. P… N… aux faits commis avant le 31 mars 2010, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci dessus rappelés.

25. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

Et sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a prononcé à l’encontre M. B… N… l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale ou individuelle pendant un délai de cinq années, alors « que peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date de la commission des faits ; que l’article 1750 du code général des impôts, dans sa version en vigueur au jour des faits, prévoyait que l’interdiction ne pouvait être prononcée que pour une durée maximale de trois ans ; qu’en condamnant M. B… N…, déclaré coupable de faits commis entre le 20 mai 2010 et le 20 avril 2011, à une peine d’interdiction de diriger une entreprise commerciale ou individuelle de cinq années, la cour d’appel a méconnu les articles 111-3 du code pénal et 1750 du code général des impôts et le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 111-3 alinéa 2 du code pénal :

27. Il résulte de ce texte que nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi.

28. En condamnant M. B… N… à une peine d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler toute entreprise commerciale ou individuelle pendant une durée de cinq ans, la cour d’appel a prononcé une peine excédant le maximum de trois ans prévue par l’article 1750 du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à la date des faits, avant sa modification par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011.

29.La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

30. La cassation portera, d’une part, sur la déclaration de culpabilité de M. P… N… pour l’ensemble des infractions qui lui sont reprochées commises entre le 1er mai 2009 et le 31 mars 2010, date du procès verbal de l’assemblée générale extraordinaire procédant à sa nomination comme gérant, et par voie de conséquence sur le prononcé de la solidarité et sur les peines concernant ce prévenu, d’autre part, sur la peine d’interdiction de gérer prononcée à l’encontre de M. B… N…. S’agissant de ce dernier point elle se fera sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire.

31. Toutes les autres dispositions sont expressément maintenues.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le sixième moyen, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Amiens, en date du 25 septembre 2019, en ses seules dispositions relatives, d’une part à la déclaration de culpabilité de M. P… N… pour l’ensemble des infractions qui lui sont reprochées entre le 1er mai 2009 et le 31 mars 2010 ainsi que sur le prononcé de la solidarité et les peines le concernant, et, d’autre part, à la peine d’interdiction de gérer prononcée à l’encontre de M. B… N…, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que la durée de la peine d’interdiction de gérer ainsi prononcée à l’égard de M. B… N… sera de trois ans ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites du surplus de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Amiens, autrement composée, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit avril deux mille vingt et un.

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