Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 8 juin 2016, 388603, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 23 mai 2018

Nos 413911, 414395 Association des élus écologistes d'Ile de France et autres 1ère et 4ème chambres réunies Séance du 2 mai 2018 Lecture du 23 mai 2018 CONCLUSIONS M. Charles TOUBOUL, rapporteur public « La priorité donnée à l'impact sur les statistiques du chômage a conduit à maintenir un volume élevé de contrats aidés, au prix d'un effort financier mal maîtrisé et en dépit de résultats décevants ». Cette appréciation, sévère, est celle de la Cour des comptes dans son rapport public 2017, rendu il y a quelques semaines sur les contrats …

 

Conclusions du rapporteur public · 8 juin 2016

N° 388603 Mme B… 6ème et 1ère chambres réunies Séance du 18 mai 2016 Lecture du 8 juin 2016 CONCLUSIONS M. Xavier de LESQUEN, Rapporteur public I. La présente affaire pose une question de principe : est-il possible d'affirmer que, dès lors que l'accès à une profession est subordonnée à une autorisation voir à une concession de l'administration, et qu'au surplus son exercice est soumis à de multiples conditions fixées par une autorité publique, cette profession n'entre pas dans le champ de la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 6e - 1re ch. réunies, 8 juin 2016, n° 388603
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 388603
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Bordeaux, 16 février 2015, N° 13BX00287
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032698989
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2016:388603.20160608

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme A… B… a demandé au tribunal administratif de Mayotte d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 11 octobre 2011 du préfet de Mayotte mettant fin à ses fonctions d’huissier à compter du 14 octobre 2011 et supprimant, à la même date, la charge dont elle était titulaire. Par un jugement n° 1100483 du 6 décembre 2012, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande

Par un arrêt n° 13BX00287 du 17 février 2015, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de Mme B…, annulé l’arrêté du 11 octobre 2011 en tant qu’il supprimait la charge dont cette dernière était titulaire, rejeté le surplus des conclusions de Mme B… et réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu’il avait de contraire à son arrêt.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 10 mars, 10 juin et 3 juillet 2015 et les 19 février et 29 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il n’a pas intégralement fait droit à son appel ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit intégralement à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution, notamment son Préambule ;

 – la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – la décision 2012/419/UE du Conseil européen du 11 juillet 2012 ;

 – la décision du Conseil 2001/822/CE du 27 novembre 2001 ;

 – la loi organique n° 2007 223 du 21 février 2007 ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code pénal ;

 – l’ordonnance n° 2012-579 du 26 avril 2012 ;

 – l’acte n° 70-29/CHD du 31 décembre 1970 de la Chambre des députés des Comores ;

 – le décret n° 75-770 du 14 août 1975 ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,

— les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de Mme B…;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 11 octobre 2011, le préfet de Mayotte a mis fin aux fonctions d’huissier de Mme A… B… à compter du 14 octobre 2011 et a supprimé, à la même date, la charge dont elle était titulaire ; que, par un jugement du 6 décembre 2012, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande de l’intéressée tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ; que, par un arrêt du 17 février 2015, contre lequel Mme B… se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé l’arrêté du 11 octobre 2011 en tant qu’il supprimait la charge dont elle était titulaire, rejeté le surplus des conclusions et réformé, en conséquence, le jugement du tribunal administratif ;

2. Considérant que le moyen tiré de ce que la minute de l’arrêt attaqué ne serait pas revêtue des signatures exigées par l’article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait ;

3. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour mettre fin aux fonctions de Mme B…, le préfet de Mayotte a fait application des dispositions de l’article 5 de l’acte n° 29 du 31 décembre 1970 de la chambre des députés des Comores relatif aux huissiers et aux agents d’exécution, qui est de caractère réglementaire, en vertu desquelles la limite d’âge des intéressés est fixée à 60 ans révolus ;

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L.O. 6113-1 du code général des collectivités territoriales, créé par l’article 3 de la loi organique du 21 février 2007 : " Les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit à Mayotte, à l’exception de celles qui interviennent dans les matières relevant de la loi organique en application de l’article 74 de la Constitution ou dans l’une des matières suivantes : / 1° Impôts, droits et taxes ; / 2° Propriété immobilière et droits réels immobiliers ; cadastre ; expropriation ; domanialité publique ; urbanisme ; construction ; habitation et logement ; aménagement rural ; / 3° Protection et action sociales ; / 4° Droit syndical ; droit du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; / 5° Entrée et séjour des étrangers et droit d’asile ; / 6° Finances communales. / Les dispositions législatives et réglementaires intervenant dans les matières mentionnées aux 1° à 6° ne sont applicables à Mayotte que sur mention expresse. / L’applicabilité de plein droit des lois et règlements ne fait pas obstacle à leur adaptation à l’organisation particulière de Mayotte. / Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2008. / Les dispositions législatives et réglementaires intervenues dans les matières soumises, en vertu de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, au régime de l’application de plein droit des lois et règlements sont applicables à Mayotte, à compter de cette date, sous réserve qu’elles n’en disposent pas autrement » ;

5. Considérant que le régime des huissiers de justice, qui n’entre pas dans le cadre des exceptions mentionnées par ces dispositions, relève d’une matière soumise au régime de l’identité législative, en vertu duquel sont applicables, à Mayotte, les lois et règlements ; que toutefois, l’applicabilité de plein droit des lois et règlements ne fait pas obstacle à ce que soient maintenues en vigueur des dispositions spécifiques antérieures ; qu’à compter de l’application du régime de l’identité législative, le législateur ou l’autorité détentrice du pouvoir réglementaire conservent la faculté de prévoir l’adaptation des lois et règlements à l’organisation particulière de Mayotte, dans les limites qui s’imposent à eux en application de l’article 73 de la Constitution ; qu’ainsi, l’article L.O. 6113-1 du code général des collectivités territoriales n’a pas implicitement abrogé, à compter de son entrée en vigueur le 1er janvier 2008, les dispositions spécifiques antérieures ; que, par suite, en jugeant qu’à la date de l’arrêté litigieux, et avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 avril 2012 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans le Département de Mayotte, aucune disposition législative ou réglementaire n’avait abrogé l’acte du 31 décembre 1970, qui était donc encore en vigueur à Mayotte, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le principe posé par les dispositions du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958 et aux termes desquelles : « Chacun à le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi (…) », ne s’impose au pouvoir réglementaire, en l’absence de précisions suffisantes, que dans les conditions et les limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales applicables ; que, par suite, en se fondant, pour écarter le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaissait le droit de Mme B… à pouvoir travailler, sur le motif tiré de ce que la requérante, qui se bornait à exciper des dispositions du décret du 14 août 1975 relatif aux conditions d’accès à la profession d’huissier de justice, d’ailleurs inapplicable à Mayotte, et de l’article 5 de l’acte du 31 décembre 1970 précité, qui présente un caractère réglementaire ainsi qu’il a été dit précédemment, n’invoquait pas de dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales applicables et ne pouvait, par suite, invoquer ce principe indépendamment de telles dispositions, la cour n’a ni commis d’erreur de droit ni dénaturé ses écritures ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que la cour a relevé qu’il résultait de l’acte du 31 décembre 1970 que les huissiers de justice sont des officiers ministériels qui signifient les actes et exploits, qui exécutent les décisions de justice et sont chargés du service des audiences, qu’ils sont nommés par le Président du Conseil de Gouvernement sur le fondement, notamment, de la réussite à un examen professionnel, que les charges d’huissiers sont attribuées aux candidats par décision de l’autorité publique, sans qu’ils aient à acquérir un office et sans qu’ils aient le droit de présenter un successeur, et que les tarifs de leurs honoraires sont fixés par un arrêté du Président du Conseil de Gouvernement ; qu’en déduisant de ces énonciations que le moyen tiré de l’atteinte disproportionnée portée à la liberté d’entreprendre découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen par les dispositions de l’article 5 de l’acte du 31 décembre 1970 fixant la limite d’âge des intéressés ne pouvait être accueilli, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;

9. Considérant, d’une part, qu’en fixant une limite d’âge de soixante ans à l’exercice de la profession d’huissier, la chambre des députés des Comores a entendu favoriser l’objectif d’intérêt général d’une meilleure distribution des emplois entre les générations ; qu’ainsi, eu égard à l’objectif ainsi poursuivi, la cour a pu, sans entacher son arrêt d’erreur de droit, juger que cette différence de traitement entre les huissiers mahorais, en fonction de leur âge, ne portait pas une atteinte disproportionnée au principe d’égalité ;

10. Considérant, d’autre part, qu’après avoir rappelé les particularités du régime des huissiers de justice de Mayotte mentionnées au point 7, la cour en a déduit, au terme d’une appréciation souveraine des pièces du dossier qui n’est pas contestée en cassation, que les intéressés se trouvaient placés dans une situation différente de celle des huissiers relevant du régime de droit commun ; qu’en jugeant que le traitement différencié qui leur était réservé à l’égard de ces derniers en matière de limite d’âge ne portait pas atteinte au principe d’égalité, dès lors qu’il était en rapport direct avec cette situation et n’était pas manifestement disproportionné au regard de l’objectif qui le fondait, la cour n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit ;

11. Considérant, en sixième lieu, d’une part, que Mme B… a fait valoir, devant la cour administrative d’appel, que l’article 5 de l’acte du 31 décembre 1970 était contraire au principe général du droit de l’Union européenne de non-discrimination en fonction de l’âge, rappelé notamment par l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; que, toutefois, il résulte de l’article 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de l’annexe II à ce traité et de l’article 1er de la décision du Conseil européen du 11 juillet 2012 modifiant le statut à l’égard de l’Union européenne de Mayotte, que Mayotte était, à la date de l’arrêté litigieux et jusqu’au 1er janvier 2014, au nombre des pays et territoires d’outre-mer auxquels, en vertu du paragraphe 2 de l’article 355, s’applique le seul régime spécial d’association prévu par la quatrième partie du traité ; qu’une activité telle que celle de la requérante n’était pas couverte par ce régime spécial ; que, par suite, Mme B… ne pouvait pas, en tout état de cause, utilement se prévaloir du principe général du droit de l’Union européenne qu’elle invoque ; que ce motif, qui n’implique aucune appréciation de fait, doit être substitué à celui qui a été retenu dans l’arrêt de la cour administrative d’appel, dont il justifie légalement, sur ce point, le dispositif ; que, d’autre part, en jugeant qu’une telle réglementation n’était pas constitutive d’une discrimination au sens des articles 225-1 et suivants du code pénal, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

13. Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que l’arrêté du 11 octobre 2011 du préfet de Mayotte serait entaché de détournement de pouvoir est nouveau en cassation et, par suite, inopérant ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B… est rejeté.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A… B… et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer.

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