Conseil d'État, 1 décembre 2020, 446808, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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www.actu-juridique.fr · 20 septembre 2021

consultation.avocat.fr · 31 mai 2021

Article juridique - Droit international et de l'Union européenne Publié sur Dalloz Actualités le 16 mars 2021 (« Le droit à la vie » d'un animal consacré par le juge administratif ? - Administratif | Dalloz Actualité (dalloz-actualite.fr) Une récente affaire opposant le détenteur d'un chien de compagnie à la Préfecture de police de Paris a été l'occasion, pour la haute juridiction administrative, saisie en référé-liberté, d'affirmer expressément le « droit à la vie » à un animal de compagnie. La portée d'une telle reconnaissance serait tellement spectaculaire, que l'on peut …

 

Par neli Sochirca · Dalloz · 16 mars 2021
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Sur la décision

Référence :
CE, 1er déc. 2020, n° 446808
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 446808
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 4 novembre 2020, N° 2017962
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042606106
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2020:446808.20201201

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. C… E… B… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d’ordonner la suspension immédiate de l’arrêté n° DTPP-2020-995 du 28 octobre 2020 par lequel le préfet de police de Paris a décidé, d’une part, le placement en fourrière de son chien, d’autre part, le cas échéant, l’euthanasie de l’animal après avis d’un vétérinaire et, enfin, sa stérilisation, en deuxième lieu, d’enjoindre au préfet de police de lui permettre de procéder à la régularisation de la situation du chien, en troisième lieu, de lui restituer l’animal ou de le confier à une association de protection animale et, en dernier lieu, de désigner M. A… D…, expert judiciaire et vice-président du conseil régional de l’ordre des vétérinaires d’Ile-de-France, afin de procéder à l’expertise du chien pour déterminer la catégorie dont il relève. Par une ordonnance n° 2017962 du 5 novembre 2020 le juge des référés du tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de l’article 3 de l’arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet de police a décidé la possible euthanasie du chien et a rejeté le surplus de la demande de M. E… B….

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. E… B… demande au juge des référés du Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 5 novembre 2020 ;

2°) d’ordonner la remise sans délai du chien « Blue » au Dr. Thierry Bedossa, dans sa clinique vétérinaire de Neuilly-sur-Seine, afin qu’une nouvelle diagnose ethnique soit réalisée ;

3°) de tirer les conséquences des conclusions à venir du Dr. Bedossa ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat les dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – l’ordonnance contestée est entachée de défaut de réponse à moyen dès lors que le juge des référés de première instance ne s’est pas prononcé sur les moyens tirés de l’illégalité de l’arrêté du préfet de police du fait, d’une part, de son incohérence, puisqu’il ordonne successivement l’euthanasie puis la stérilisation du chien, d’autre part, de l’absence d’indication du danger grave et immédiat qui justifierait le placement de l’animal à la fourrière ;

 – elle méconnaît le principe du caractère contradictoire de la procédure dès lors que, d’une part, elle porte atteinte au droit à une expertise contradictoire, d’autre part, le juge des référés de première instance ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance du IV de l’article L. 211-14 du code rural et de la pêche maritime dont il ressort qu’une mise en demeure préalable aux fins de régularisation aurait dû lui être adressée ;

 – elle méconnaît les dispositions de l’article 515-14 du code civil, l’article 3 de la convention européenne pour la protection des animaux domestiques du 13 novembre 1987 et l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dès lors que le juge des référés de première instance a décidé du maintien en fourrière de son chien sans motiver en quoi ce placement est compatible avec la qualité d’être sensible de l’animal ;

 – elle porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de propriété, d’une part, eu égard à son incohérence dans la motivation du refus de restitution de son chien, et, d’autre part, eu égard à la confusion opérée par le juge des référés de première instance entre les notions de propriété et de détention ;

 – le juge des référés de première instance a dénaturé ses conclusions ;

 – la condition d’urgence est satisfaite ;

 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

 – l’arrêté contesté porte une atteinte grave et manifestement illégale au principe du caractère contradictoire de la procédure ;

 – il porte également une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie de son chien et à sa qualité d’être vivant doué de sensibilité dès lors qu’il méconnaît l’interdiction de le placer dans des conditions de vie angoissantes et la nécessité de tenir pleinement compte de son bien-être ;

 – les dispositions de l’arrêté du 27 avril 1999, qui posent une présomption simple de dangerosité des chiens de catégories 1 et 2, ne reposent sur aucun fondement scientifique ;

 – la diagnose effectuée en fourrière sur son chien ne respecte pas les conditions posées par l’arrêté du 27 avril 1999, de sorte qu’il n’est pas possible d’affirmer que celui-ci relève de la catégorie 1 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – la convention européenne pour la protection des animaux domestiques du 13 novembre 1987 ;

 – le code rural et de la pêche maritime ;

 – l’arrêté du 27 avril 1999 pris pour l’application de l’article 211-1 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d’être dangereux, faisant l’objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même code ;

 – le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

Sur le cadre juridique du litige

2. Aux termes du II de l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime : « En cas de danger grave et immédiate pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à l’euthanasie. / Est réputé présenter un danger grave et immédiate tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l’article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l’article L. 211-13 ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l’article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé ou tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du présent article, ou dont le propriétaire ou le détenteur n’est pas titulaire de l’attestation d’aptitude prévue au I de l’article L. 211-13- (…) ». Aux termes de l’article L. 211-13 du même code : « Ne peuvent détenir les chiens mentionnés à l’article L. 211-12 : / (…) 3° les personnes condamnées pour crime ou à une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis pour délit inscrit au bulletin n° 2 du casier judiciaire (…) ». Aux termes de l’article L. 211-13-1 du même code : « I. – Le propriétaire ou le détenteur d’un chien mentionné à l’article L. 211-12 est tenu d’être titulaire d’une attestation d’aptitude sanctionnant une formation portant sur l’éducation et le comportement canins, ainsi que sur la prévention des accidents. / (…) II. – Le propriétaire ou le détenteur d’un chien mentionné à l’article L. 211-12 est tenu, lorsque le chien est âgé de plus de huit mois et de moins de douze mois, de le soumettre à l’évaluation comportementale prévue à l’article L. 211-14-1. (…) ». Aux termes de l’article L. 211-16 du même code : « (…) / II. – Sur la voie publique, dans les parties communes des immeubles collectifs, les chiens de la première et de la deuxième catégorie doivent être muselés et tenus en laisse par une personne majeure. (…) ».

3. Aux termes, par ailleurs, de l’article L. 211-12 du code rural et de la pêche maritime : " Les types de chiens susceptibles d’être dangereux faisant l’objet des mesures spécifiques prévues par les articles L. 211-13 à L. 211-16, sans préjudice des dispositions de l’article L. 211-11 sont répartis entre deux catégories : / 1° Première catégorie : les chiens d’attaque ; / 2° Deuxième catégorie : les chiens de garde et de défense. / Un arrêté du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de l’agriculture établit la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories. « Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 27 avril 1999 pris pour l’application de ces dispositions : » Relèvent de la 1re catégorie de chiens telle que définie à l’article L. 211-12 du code rural : / – les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race Staffordshire terrier, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l’agriculture et de la pêche ; / – les chiens assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race American Staffordshire terrier, sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre de l’agriculture et de la pêche ; / – Ces deux types de chiens peuvent être communément appelés « pit-bulls » ; (…) « . Aux termes, enfin, de l’article 2 du même arrêté : » Relèvent de la 2e catégorie des chiens telle que définie à l’article L. 211-12 du code rural : / – les chiens de race Staffordshire terrier ; / – les chiens de race American Staffordshire terrier ; (…) ".

4. Il résulte de tout ce qui précède que les chiens de race Staffordshire terrier ou American Staffordshire terrier et ceux qui, par leurs caractéristiques morphologiques, sont assimilables à ces races sans être inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre chargé de l’agriculture, relèvent respectivement des deuxième et première catégories établies par l’article L. 211-12 du code rural et de la pêche maritime, et que la propriété ou la détention de tels chiens nécessitent l’accomplissement d’un certain nombre de démarches administratives ainsi que le suivi d’une formation spéciale et la détention d’une attestation d’aptitude. En outre, la présence de ces chiens sur la voie publique est soumise à l’obligation de leur muselage et de leur tenue en laisse par une personne majeure. Enfin, ces chiens ne peuvent être détenus par une personne condamnée pour crime ou à une peine d’emprisonnement pour délit ayant fait l’objet d’une inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Sur la requête de M. E… B… :

5. M. E… B… relève appel de l’ordonnance du 5 novembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci, après avoir ordonné la suspension de l’article 3 de l’arrêté en litige qui prévoit, le cas échéant, l’euthanasie de son chien, a rejeté le surplus de sa demande. Il conclut, d’une part, à l’annulation, dans cette mesure, de cette ordonnance, d’autre part, à ce qu’il soit ordonné que l’animal soit extrait de la fourrière et remis à un vétérinaire pour que ce dernier procède à une nouvelle expertise.

6. Il résulte de l’instruction à laquelle a procédé le juge des référés du tribunal administratif de Paris que, le 17 octobre 2020 à 22h55, en période de couvre-feu, M. E… B… a été contrôlé par les forces de l’ordre alors qu’il promenait son chien sur la voie publique en laisse mais sans muselière et n’a pas été en mesure de fournir l’attestation d’aptitude prévue par les dispositions citées au point 1. Il résulte également de cette instruction que M. E… B… fait l’objet de six inscriptions au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Le préfet de police de Paris a, par l’arrêté en litige, décidé le placement en fourrière du chien de M. E… B….

En ce qui concerne la régularité de l’ordonnance attaquée :

7. En premier lieu, M. B… soutient que l’ordonnance du 5 novembre 2020 est entachée d’irrégularité dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Paris n’a pas répondu à son moyen tiré de la méconnaissance, par l’arrêté du préfet de police de Paris, des dispositions du IV de l’article L. 211-14 du code rural et de la pêche maritime aux termes duquel : « En cas de constatations du défaut de permis de détention, le maire ou, à défaut, le préfet met en demeure le propriétaire ou le détenteur du chien de procéder à la régularisation dans le délai d’un mois au plus. En l’absence de régularisation dans le délai prescrit, le maire ou, à défaut, le préfet peut ordonner que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à l’accueil ou à la garde de celui-ci et peut faire procéder sans délai et sans nouvelle mise en demeure à son euthanasie (…) ». Toutefois, ce moyen était inopérant, dès lors qu’aux termes du I du même article L. 211-14, les dispositions de celui-ci ne s’appliquent pas aux personnes visées à l’article L. 211-13 du même code dont, comme il a été dit au point 5 ci-dessus, M. E… B… relève. Dès lors, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n’était pas tenu d’y répondre.

8. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l’arrêté du préfet de police en litige ne mentionnerait pas quel danger grave et immédiat justifie le placement du chien de M. E… B… en fourrière et serait, ainsi, irrégulier, était également inopérant, dès lors que les chiens de catégorie 1 ou 2 circulant sans être muselés ou qui sont détenus par une personne ayant fait l’objet d’une inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire sont réputés présenter un tel danger et le juge des référés du tribunal administratif n’était donc pas tenu d’y répondre.

9. Enfin, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n’a, contrairement à ce que soutient M. E… B… ni dénaturé ses conclusions, auxquelles il a d’ailleurs partiellement fait droit, ni méconnu le caractère contradictoire de la procédure en rejetant sa demande d’expertise complémentaire ni, enfin, omis de répondre au moyen tiré de ce qu’il aurait des droits découlant de la propriété de son chien, ainsi qu’il ressort du point 11 de l’ordonnance attaquée.

En ce qui concerne le bien-fondé de l’ordonnance attaquée :

10. En premier lieu, si M. E… B… soutient que son chien ne relève pas des types de chiens susceptibles d’être dangereux en application de l’article L. 211-2 du code rural et de la pêche maritime, d’une part, il ressort du document intitulé « passeport » du chien, qu’il produit lui-même, que ce document mentionne, sous la rubrique « race » du chien : « american staff », soit un type de chien relevant de la catégorie 1 de l’arrêté du 27 avril 1999 susvisé dès lors qu’aucun document généalogique n’est fourni, d’autre part, que le rapport de catégorisation en date du 23 octobre 2020, établi à l’occasion du placement en fourrière, conclut à un tel classement. M. E… B… ne conteste pas sérieusement ce rapport en se bornant à fournir un mail d’un vétérinaire consulté par ses soins indiquant que les éléments qu’il contient lui « paraissent incomplets ».

11. En deuxième lieu, en tout état de cause, le droit à la vie du chien n’est pas menacé, dès lors que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu l’arrêté du préfet de police en litige en tant qu’il prescrivait, le cas échéant, son euthanasie et il ne résulte pas de l’instruction que ce juge a conduit que son bien-être serait altéré du fait de son placement en fourrière lequel est, de surcroît, susceptible de déboucher sur le placement de l’animal auprès d’une association, comme le souhaite le requérant lui-même.

12. Enfin, il ne ressort pas des pièces que produit M. E… B… que le ministre chargé de l’agriculture aurait entaché l’arrêté du 27 avril 1999 susvisé d’erreur manifeste d’appréciation en retenant une classification des chiens susceptibles d’être dangereux fondée sur le type de ces chiens et non sur leur comportement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la condition d’urgence, il y a lieu de rejeter la requête de M. E… B…, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. E… B… est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C… E… B… ainsi qu’au ministre de l’intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

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