CEDH, IDER c. FRANCE, 1er septembre 2015, 20933/13

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Communiquée le 1er septembre 2015

CINQUIÈME SECTION

Requête no 20933/13
Samir IDER
contre la France
introduite le 19 March 2013

EXPOSÉ DES FAITS

1.  Le requérant, M. Samir Ider, est un ressortissant français né en 1978 et résidant à Saint Ouen. Il est représenté devant la Cour par Me P. Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

2.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

3.  Le 3 mars 2005, R.A. et L.H. furent contrôlées par des fonctionnaires des douanes à l’aéroport du Lamentin, en Martinique, alors qu’elles étaient en partance pour le continent. Douze kilogrammes de cocaïne furent retrouvés dans leurs bagages.

4.  L’enquête menée par l’administration des douanes permit de découvrir l’existence d’une structure internationale d’importation de cocaïne vers la France, impliquant plus de quarante-cinq personnes et basée sur le recrutement de «passeuses ».

5.  L’information judiciaire, conduite par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Fort-de-France, aboutit à l’identification de plusieurs membres de la famille du requérant comme étant à la tête de cette organisation.

6.  Par une ordonnance du 25 mars 2009, le juge d’instruction mit le requérant en accusation des chefs d’importation illicite de stupéfiants en bande organisée, de tentative d’importation illicite de stupéfiants en bande organisée, d’acquisition, détention, transport, offre ou cession non autorisés de stupéfiants et d’importation en contrebande de marchandises prohibées. Quarante-quatre autres personnes furent mises en accusation et renvoyées avec le requérant devant la cour d’assises de la Martinique.

7.  Le 30 mars 2010, la cour d’assises spécialement composée de la Martinique déclara le requérant coupable d’importation illicite de stupéfiants en bande organisée, d’acquisition, détention, transport, offre ou cession illicite de stupéfiants, de tentative d’importation illicite de stupéfiants en bande organisée et d’importation en contrebande de marchandises prohibées. Elle le condamna à vingt-cinq ans de réclusion criminelle et, sur l’action douanière, solidairement avec ses coaccusés, au paiement d’une amende de 2 700 000 euros (EUR), ainsi qu’à la confiscation et la destruction des produits stupéfiants saisis. Le requérant, neuf coaccusés et le ministère public interjetèrent appel.

8.  Par un arrêt du 30 septembre 2011, la cour d’assises d’appel de Paris spécialement composée déclara le requérant coupable, après avoir répondu « oui à la majorité » aux neuf questions suivantes :

« [Question 72] L’accusé Samir IDER est-il coupable d’avoir, sur le territoire français, courant 2004, 2005, 2006 et jusqu’au 4 mai 2006, de manière illicite, importé des stupéfiants, en l’espèce de la cocaïne ?

[Question 73] Les faits spécifiés à la question no 72 ont-ils été commis en bande organisée, constituée, notamment, par un groupement hiérarchisé et structuré, formé en vue de la préparation d’importations massives de cocaïne depuis le Brésil ou la Martinique et caractérisé par la répartition et la spécialisation des tâches dévolues à chacun de ses membres, les précautions prises par ceux-ci pour entrer en relation les uns avec les autres, le recrutement d’une vingtaine de passeurs auxquels étaient remis leurs billets d’avion, des devises pour payer leurs frais sur place voire facilitée la délivrance, à bref délai, de passeports pour ceux qui n’en disposaient pas, le transfert de sommes d’argent en numéraire et la remise desdites sommes aux fournisseurs, l’échange des sacs de voyages avant le trajet du retour pour déjouer les contrôles douaniers et faciliter l’acheminement de la cocaïne, le retour avec une escale intra-communautaire, la réception, aux aéroports d’arrivée, des passeurs et de la marchandise et le blanchiment des produits du trafic au moyen de placements, en particulier, immobiliers ?

[Question 74] L’accusé Samir IDER est-il coupable d’avoir, sur les territoires français et brésilien, courant 2005 et jusqu’au 17 juin 2005, tenté d’importer, de manière illicite, des stupéfiants, en l’espèce 37 kilogrammes de cocaïne, ladite tentative, manifestée par un commencement d’exécution, en l’espèce le recrutement de [R.H.] et [A.M.], leur acheminement sur place au Brésil, l’acquisition du voilier « Charlie Bravo » et l’achat de 37 kilogrammes de cocaïne, n’ayant été suspendue qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, en l’espèce l’interpellation, le 17 Juin 2005, par la police brésilienne, des susnommés et la confiscation de la drogue ?

[Question 75] Les faits spécifiés à la question no 74 ont-ils été commis en bande organisée, constituée, notamment, par un groupement hiérarchisé et structuré, formé en vue de la préparation d’importations massives de cocaïne depuis le Brésil ou la Martinique et caractérisé par la répartition et la spécialisation des tâches dévolues à chacun de ses membres, les précautions prises par ceux-ci pour entrer en relation les uns avec les autres, le recrutement d’une vingtaine de passeurs auxquels étaient remis leurs billets d’avion, des devises pour payer leurs frais sur place voire facilitée la délivrance, à bref délai, des passeports pour ceux qui n’en disposaient pas, le transfert de sommes d’argent en numéraire et la remise desdites sommes aux fournisseurs, l’échange des sacs de voyages avec le trajet du retour destiné pour les contrôles douaniers et faciliter l’acheminement de la cocaïne, le retour avec une escale intra-communautaire, la réception, aux aéroports d’arrivée, des passeurs et de la marchandise et le blanchiment des produits du trafic au moyen de placements, en particulier, immobiliers ?

[Question 76] L’accusé Samir IDER est-il coupable d’avoir, sur les territoires brésilien et français, courant 2004, 2005, 2006 et jusqu’au 4 mai 2006, de manière illicite, acquis des stupéfiants, en l’espèce de la cocaïne ?

[Question 77] L’accusé Samir IDER est-il coupable d’avoir, sur les territoires brésilien et français, courant 2004, 2005, 2006 et jusqu’au 4 mai 2006, de manière illicite, détenu des stupéfiants, en l’espèce de la cocaïne ?

[Question 78] L’accusé Samir IDER est-il coupable d’avoir, sur les territoires brésilien et français, courant 2004, 2005, 2006 et jusqu’au 4 mai 2006, de manière illicite, transporté des stupéfiants, en l’espèce de la cocaïne ?

[Question 79] L’accusé Samir IDER est-il coupable d’avoir, sur les territoires brésilien et français, courant 2004, 2005, 2006 et jusqu’au 4 mai 2006, de manière illicite, offert ou cédé des stupéfiants, en l’espèce de la cocaïne ?

[Question 80] L’accusé Samir IDER est-il coupable d’avoir, sur les territoires brésilien et français, courant 2004, 2005, 2006 et jusqu’au 4 mai 2006, en violation des dispositions légales ou réglementaires, importé sans déclaration préalable, des marchandises prohibées, en l’espèce de la cocaïne ? »

9.  Elle condamna le requérant à une peine de vingt ans de réclusion criminelle, la plus lourde prononcée dans cette affaire, pour importation illicite de stupéfiants en bande organisée, tentative d’importation illicite de stupéfiants en bande organisée, acquisition, détention, transport, offre ou cession non autorisés de stupéfiants et importation en contrebande de marchandises prohibées. De plus, elle le condamna solidairement au paiement d’une amende douanière de 2 700 000 EUR et ordonna la confiscation des scellés.

10.  Le requérant se pourvut en cassation, invoquant notamment une violation de l’article 6 §§ 1 et 3, ainsi que de l’article 14 de la Convention. Dans son cinquième moyen de cassation, il critiqua l’absence de motivation de l’arrêt de condamnation, faute de considérations lui permettant de comprendre les raisons concrètes pour lesquelles il avait été répondu oui ou non à chacune des questions posées. Il allégua en outre que la cour d’assises étant spécialement composée de seuls magistrats professionnels, il n’existait plus, en l’absence de jurés populaires, aucune raison objective à la différence de traitement qui existe entre les juridictions correctionnelles et les cours d’assises spéciales s’agissant de l’obligation de motivation,.

11.  Par un arrêt du 19 septembre 2012, la Cour de cassation rejeta son pourvoi.

GRIEF

12.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’absence de motivation par la cour d’assises d’appel, et ce alors qu’en outre cette dernière était exclusivement composée de magistrats professionnels. Tout en soulignant que l’affaire était complexe et qu’il a constamment nié les faits qui lui ont été reprochés, il estime qu’il ne lui a pas été possible de comprendre pourquoi lui était imputée la responsabilité quasi-exclusive de l’organisation et du fonctionnement de ce trafic.


QUESTION AUX PARTIES

« Le bien-fondé de l’accusation en matière pénale dirigée contre le requérant a-t-il été examiné équitablement, comme l’exige l’article 6 § 1 de la Convention ? En particulier, et à la lumière notamment des arrêts Hadjianastassiou c. Grèce (no 12945/87, 16 décembre 1992, série A no 252) et Taxquet c. Belgique ([GC], no 926/05, § 91, CEDH 2010), le requérant a-t-il été en mesure de comprendre les raisons de sa condamnation, celle-ci ayant été prononcée par une cour d’assises spéciale composée uniquement de magistrats professionnels ? »

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