CEDH, Cour (troisième section), AVOTINS c. LETTONIE, 30 mars 2010, 17502/07

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Chronologie de l’affaire

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www.gdr-elsj.eu · 1er avril 2014

par Maxime Barba, Ediec Le récent arrêt Avotins c/ Lettonie (CEDH, 25 février 2014, req. 17502/07) ajoute un chapitre à l'histoire des interférences entre le droit de l'exequatur et les exigences du procès équitable. En reprochant au juge letton d'avoir prolongé, sur la base du Règlement Bruxelles I, les effets sur son territoire d'un jugement chypriote obtenu au terme d'une procédure à l'équité discutable, le requérant soumet à la Cour Européenne des Droits de l'Homme une problématique à la fois classique, dans sa configuration fondamentale, et nouvelle, dans ses modalités …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 30 mars 2010, n° 17502/07
Numéro(s) : 17502/07
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 20 février 2007
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-98215
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2010:0330DEC001750207
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 17502/07
présentée par Pēteris AVOTIŅŠ
contre Chypre et la Lettonie

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant le 30 mars 2010 en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,

Boštjan M. Zupančič,
Alvina Gyulumyan,
Ineta Ziemele,
George Nicolaou,
Luis López Guerra,
Ann Power, juges,

Stanley Naismith, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 20 février 2007,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, est un ressortissant letton, né en 1954 et résidant à Garkalne (district de Riga). Il est représenté devant la Cour par Me J. Eglītis, avocat à Riga.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

1.  Procédure devant le tribunal de district de Limassol

En 2003, F.H.Ltd., une société commerciale de droit chypriote, assigna le requérant devant le tribunal de district de Limassol (Επαρχιακό Δικαστήριο Λεμεσού, Chypre), demandant sa condamnation au paiement d’une dette de 100 000 dollars américains (USD).

Par une ordonnance du 27 juin 2003, le tribunal de district somma le requérant à comparaître devant elle. Puisque le requérant ne résidait pas à Chypre, le 11 septembre 2003, F.H.Ltd. saisit le même tribunal d’une requête ex parte, lui demandant d’arrêter une nouvelle ordonnance qui permettrait de citer le requérant en dehors de Chypre et de fixer le délai de sa comparution à trente jours à compter de la délivrance de la citation. A cet égard, l’avocat de la société demanderesse fournit un affidavit (déclaration écrite sous serment) déclarant que le lieu de résidence habituelle du défendeur se trouvait rue G., à Riga, et qu’il pouvait effectivement être cité à cette adresse. Pour sa part, le requérant soutient qu’il ne pouvait objectivement pas recevoir la citation à l’adresse en question, car il s’agissait tout simplement de l’adresse où il avait signé le contrat de prêt et l’acte de reconnaissance de sa dette en 1999, et non de son domicile personnel ou professionnel.

Le 7 octobre 2003, le tribunal ordonna la citation du requérant à l’adresse susmentionnée. Il le somma à comparaître ou à se manifester dans les trente jours suivant la réception de la citation, faute de quoi toutes les annonces concernant l’affaire seraient dorénavant affichées sur le panneau d’annonces du tribunal. Il ressort d’un affidavit fourni par une employée du cabinet d’avocats qui représentait F.H.Ltd., que, conformément à l’ordonnance du tribunal, la citation fut envoyée à l’adresse située rue G., à Riga, le 16 novembre 2003, sous pli recommandé. De même, il en ressort que le cabinet a reçu un bordereau postal attestant la réception de ce courrier par le requérant le 18 novembre 2003 (un jour férié en Lettonie). Le requérant affirme qu’il n’a jamais reçu la citation.

Le requérant n’ayant pas comparu, le tribunal de district de Limassol, statuant en son absence le 24 mai 2004, le condamna à payer à la demanderesse 100 000 USD, ou une somme équivalente en livres chypriotes (CYP), plus les intérêts de dix pour cent du montant susmentionné par an, à compter du 30 juin 1999 et jusqu’au règlement de la dette. Le requérant fut également condamné aux frais et dépens, dont le montant brut s’élevait à 699,50 CYP, plus les intérêts de huit pour cent par an de cette somme. Aux termes du jugement, dont le texte fut mis au net le 3 juin 2004, le requérant avait été dûment informé de la tenue de l’audience mais n’avait pas comparu. Le jugement lui-même ne contenait aucune mention quant à son caractère définitif et aux voies de recours disponibles à son encontre.

2.  Procédure en reconnaissance et en exécution devant les juridictions lettonnes

Le 22 février 2005, F.H.Ltd. saisit le tribunal de première instance de l’arrondissement de Latgale de la ville de Riga (Rīgas pilsētas Latgales priekšpilsētas tiesa, Lettonie) d’une demande de reconnaissance et d’exécution du jugement du 24 mai 2004. Dans sa demande, la société demanderesse requit également l’application d’une mesure conservatoire. Elle indiqua que le requérant était propriétaire de biens immobiliers sis à Garkalne, qui, d’après le registre foncier, étaient déjà grevés d’une hypothèque au profit d’une banque ; par conséquent, par peur que l’intéressé ne cherchât à se soustraire à l’exécution du jugement, elle demanda au tribunal d’appliquer à ces biens une hypothèque conservatoire et de l’inscrire au livre foncier. Enfin, elle demanda de condamner le requérant aux dépens. Dans sa demande, F.H.Ltd. mentionna, en tant que lieu de résidence du requérant, une adresse située à Riga, rue Č., mais différente de celle qui avait été précédemment communiquée au tribunal chypriote.

Le 28 avril 2005, le tribunal de l’arrondissement de Latgale suspendit l’examen de la demande de F.H.Ltd., tout en indiquant une série de défauts de contenu que la société demanderesse devait réparer dans le délai d’un mois. En particulier, il constata que la demanderesse avait omis d’expliquer d’où provenait l’adresse située rue Č., alors que le domicile présumé du requérant qui avait jusqu’alors figuré dans l’affaire était situé rue G.

Le 26 mai 2005, F.H.Ltd. déposa un acte rectificatif dans lequel elle expliqua, entre autres, que, d’après les données fournies par le registre des résidents (Iedzīvotāju reģistrs), l’adresse située rue Č. était le domicile officiellement déclaré du requérant. Quant à l’autre adresse, située rue G., les représentants de la société demanderesse avaient présumé qu’il s’agissait de la résidence de fait du requérant.

Par une ordonnance du 31 mai 2005, le tribunal de l’arrondissement de Latgale jugea l’acte rectificatif déposé par F.H.Ltd. insuffisant pour réparer tous les défauts de sa demande, refusa de l’examiner et la renvoya à la demanderesse. Celle-ci forma un recours devant la cour régionale de Riga (Rīgas apgabaltiesa) qui, le 23 janvier 2006, annula l’ordonnance entreprise, renvoya l’affaire devant le tribunal de l’arrondissement et lui enjoignit d’examiner la demande de reconnaissance et d’exécution telle que rectifiée par l’acte du 26 mai 2005.

Par une ordonnance du 27 février 2006, arrêtée en l’absence des parties, le tribunal de l’arrondissement de Latgale fit droit à la demande de F.H.Ltd. dans son intégralité. Elle ordonna la reconnaissance et l’exécution du jugement du tribunal de district de Limassol du 24 mai 2004, ainsi que l’inscription, au livre foncier de la commune de Garkalne, d’une hypothèque conservatoire grevant ses biens situés dans cette commune. En outre, le requérant fut condamné aux dépens.

Selon le requérant, ce ne fut que le 16 juin 2006 qu’il apprit par hasard l’existence tant du jugement du tribunal chypriote du 24 mai 2004 que de l’ordonnance du tribunal letton du 27 février 2006. Il ne tenta pas de contester le jugement chypriote devant les instances chypriotes. En revanche, il saisit la cour régionale de Riga d’un recours dit complémentaire (blakus sūdzība) contre l’ordonnance susmentionnée, tout en demandant au tribunal de l’arrondissement de Latgale de proroger le délai de ce recours. A cet égard, le requérant fit remarquer qu’aucune pièce du dossier n’attestait le fait qu’il aurait été cité à l’audience du 27 février 2006 ou que l’ordonnance arrêtée ce jour-là lui aurait été communiquée ; dès lors, le délai de trente jours fixé par la loi sur la procédure civile devait commencer à courir à partir du 16 juin 2006, date à laquelle il avait pris connaissance de l’ordonnance litigieuse.

Par une ordonnance contradictoire du 13 juillet 2006, le tribunal de l’arrondissement de Latgale accueillit la demande du requérant et prorogea le délai de recours. Il releva notamment :

« (...) Il ressort de l’ordonnance du tribunal du 27 février 2006 que la question de reconnaissance et d’exécution du jugement étranger a été tranchée en l’absence des parties, sur la base des documents fournis par la demanderesse, [F.H.Ltd.]. En même temps, l’ordonnance indique que le requérant peut l’attaquer par voie d’un recours dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la copie [de ladite ordonnance], comme le veut l’article 641 § 2 de la loi sur la procédure civile.

Le tribunal estime fondées les circonstances indiquées par le requérant, P. Avotiņš, à savoir le fait qu’il n’a reçu l’ordonnance (...) du 27 février 2006 que le 16 juin 2006, ce fait étant attesté par la mention dans la liste de consultations [attachée au dossier], ainsi que par le fait que l’ordonnance, notifiée [au requérant] par le tribunal, a été retournée le 10 avril 2006 (...). Il ressort des pièces annexées au recours que le requérant n’habite plus à l’adresse déclarée rue [Č.] depuis le 1er mai 2004 ; cela confirme (...) les explications de son représentant à l’audience, selon lesquelles le requérant n’habite plus à l’adresse susmentionnée.

Dès lors, il y a lieu de conclure que le délai de trente jours (...) court à partir de la date où le requérant a reçu l’ordonnance en question (...).

En même temps, le tribunal estime mal fondé l’avis de la représentante de [F.H.Ltd.], selon lequel le requérant serait lui-même responsable pour ne pas avoir reçu la correspondance, car il n’aurait pas promptement déclaré son domicile, et qu’il n’y aurait donc pas lieu de proroger le délai [de recours]. En effet, le fait de ne pas avoir rempli les exigences de la loi relatives à l’enregistrement du domicile n’est pas suffisant pour justifier les conséquences qui pourraient se produire si le tribunal venait à refuser au requérant l’exercice des droits fondamentaux garantis par l’État en matière d’accès aux tribunaux et de protection judiciaire, y compris le droit de faire appel d’une décision. (...) »

Dans son mémoire de recours adressé à la cour régionale de Riga, le requérant fit valoir que la reconnaissance et l’exécution du jugement chypriote en Lettonie enfreignaient le règlement no 44/2001 du Conseil de l’Union européenne du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après le « Règlement »), ainsi que les dispositions pertinentes de la loi lettonne sur la procédure civile. A cet égard, il souleva deux moyens.

En premier lieu, le requérant rappela qu’aux termes de l’article 34 du Règlement (correspondant en substance à l’article 637 § 2, point 3, de la loi lettonne sur la procédure civile), une décision provenant d’un autre État membre ne peut pas être reconnue si l’acte introductif d’instance n’a pas été notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre. Or, selon lui, ces dispositions avaient été violées dans son affaire. Le requérant soutint que tant les avocats chypriotes ayant représenté la société demanderesse devant le tribunal de district de Limassol que les avocats lettons qui la représentaient devant les juridictions lettonnes connaissaient très bien son adresse professionnelle à Riga. A cet égard, il fit valoir qu’il avait eu des contacts professionnels avec les avocats chypriotes et que ceux-ci l’avaient appelé au téléphone et lui avaient envoyé des télécopies à son bureau ; quant aux avocats lettons, il les avait personnellement rencontrés. Dès lors, ni les uns ni les autres ne pouvaient ignorer son adresse professionnelle. En outre, le requérant aurait pu être cité à son adresse privée à Garkalne, car il y avait un domicile officiellement déclaré conformément à la loi, et les biens immobiliers qu’il y possédait étaient inscrits à son nom au registre foncier que les avocats auraient pu consulter. Toutefois, au lieu de le citer à l’une de ces adresses, connues ou accessibles, les avocats avaient communiqué aux tribunaux une adresse où il ne pouvait objectivement pas être cité.

En deuxième lieu, le requérant rappela qu’aux termes des articles 38 § 1 du Règlement et 637 § 2, point 2, de la loi sur la procédure civile, une décision doit être exécutoire dans l’État d’origine pour l’être dans l’État requis. Or, en l’espèce, ces exigences avaient été méconnues à triple titre. Premièrement, la partie demanderesse n’avait soumis au tribunal letton que le texte du jugement du tribunal chypriote, mais non un certificat requis par l’annexe V du Règlement. A cet égard, le requérant reconnut que l’article 55 § 1 du Règlement autorisait, dans certains cas, la juridiction requise à dispenser la partie demanderesse de son obligation de produire le certificat ; cependant, en l’occurrence, le tribunal de l’arrondissement de Latgale avait omis d’expliquer si et pour quelle raison elle estimait que la demanderesse pouvait être dispensée de cette obligation. Deuxièmement, le jugement chypriote lui-même ne comportait aucune mention de son entrée en vigueur et des voies éventuelles de recours. Troisièmement, pour être exécuté conformément au Règlement, un jugement doit être exécutoire dans le pays émetteur ; toutefois, aucune pièce produite par la société demanderesse n’attestait que le jugement du 24 mai 2004 serait exécutoire en Chypre. Dans ces circonstances, le requérant conclut que ce jugement ne pouvait en aucun cas être reconnu et exécuté en Lettonie.

Par un arrêt du 2 octobre 2006, la cour régionale estima fondés les moyens soulevés par le requérant, infirma l’ordonnance entreprise et rejeta la demande de reconnaissance et d’exécution du jugement chypriote.

F.H.Ltd. attaqua cet arrêt par voie d’un recours devant le sénat de la Cour suprême, qui l’examina à l’audience du 31 janvier 2007. Au début de l’audience, le sénat invita l’avocate de la société demanderesse à fournir des pièces documentaires et des explications supplémentaires, si elle le souhaitait ; le requérant soutient que son avocat ne s’est pas vu accorder une telle possibilité. L’avocate de la partie demanderesse soumit alors au sénat copies de plusieurs documents qui, selon elle, attestaient le caractère exécutoire du jugement du 24 mai 2004. Invité à s’exprimer sur ces pièces, l’avocat du requérant soutint qu’elles étaient manifestement insuffisantes pour rendre le jugement exécutoire.

Par un arrêt définitif rendu à l’issue de l’audience, le sénat cassa et annula l’arrêt de la cour régionale du 2 octobre 2006, et fit droit à la demande de F.H.Ltd. Elle ordonna la reconnaissance et l’exécution du jugement chypriote, ainsi que l’inscription au livre foncier d’une hypothèque conservatoire au regard de ses biens immobiliers se trouvant à Garkalne. Les passages pertinents de cet arrêt se lisent ainsi :

« Conformément aux exigences de l’article 53 du règlement, une copie du jugement du tribunal de Limassol (Chypre) du 24 mai 2004 a été versée au dossier ; en outre, à l’audience de cassation, on a produit le certificat prévu par les articles 54 et 55 du Règlement.

Il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal de Limassol est devenu définitif. Cela est confirmé par les explications des deux parties à l’audience de la cour régionale du 2 octobre 2006, d’après lesquelles ce jugement n’a pas fait l’objet d’un appel, ainsi que par le certificat délivré le 18 janvier 2007 et prévu par les articles 54 et 55 du règlement. [Le requérant] n’ayant pas fait appel du jugement, les arguments de son avocat selon lesquels [il] ne se serait pas vu dûment notifier l’examen de l’affaire par un tribunal étranger, n’ont aucune importance.

Eu égard à ce qui précède, le sénat reconnaît que le jugement du tribunal de Limassol (Chypre) du 24 mai 2004 doit être reconnu et exécuté dans l’Etat letton.

L’article 36 du règlement prévoit que la décision étrangère ne peut en aucun cas faire l’objet d’une révision au fond ; et, conformément à l’article 644 § 1 de la loi sur la procédure civile, une fois reconnue, elle est exécutée selon les modalités prévues par la même loi. (...) »

Selon le requérant, à la suite de l’arrêt du sénat, il se conforma à ses termes et versa à l’huissier de justice engagé par la société demanderesse une somme totale de 90 244,62 LVL. Il demanda alors la levée de l’hypothèque conservatoire grevant ses biens situés à Garkalne. Par deux ordonnances du 24 janvier 2008, le juge des livres fonciers (Zemesgrāmatu nodaļas tiesnesis) refusa de faire droit à cette demande, au motif qu’elle n’avait pas été approuvée par le créancier (en l’espèce, F.H.Ltd.), comme l’exigeait la loi. Aux termes des deux décisions, elles pouvaient faire l’objet d’un recours devant la chambre des affaires civiles de la Cour suprême. Il ne ressort pas du dossier que le requérant ait formé un tel recours.

B. Les éléments pertinents du droit de l’Union européenne

Les dispositions pertinentes du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (le « Règlement ») se lisent ainsi :

Article 33

« 1. Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

2. En cas de contestation, toute partie intéressée qui invoque la reconnaissance à titre principal peut faire constater, selon les procédures prévues aux sections 2 et 3 du présent chapitre, que la décision doit être reconnue.

(...) »

Article 34

« Une décision n’est pas reconnue si:

(...)

2) l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire;

(...) »

Article 35

« 1. De même, les décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du chapitre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l’article 72.

2. Lors de l’appréciation des compétences mentionnées au paragraphe précédent, l’autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l’État membre d’origine a fondé sa compétence.

3. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, il ne peut être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l’État membre d’origine. Le critère de l’ordre public visé à l’article 34, point 1, ne peut être appliqué aux règles de compétence. »

Article 36

« En aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond. »

Article 38 § 1

« Les décisions rendues dans un État membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée. »

Article 41

« La décision est déclarée exécutoire dès l’achèvement des formalités prévues à l’article 53, sans examen au titre des articles 34 et 35. La partie contre laquelle l’exécution est demandée ne peut, en cet état de la procédure [c’est-à-dire en première instance], présenter d’observations. »

Article 42

« 1. La décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire est aussitôt portée à la connaissance du requérant suivant les modalités déterminées par la loi de l’État membre requis.

2. La déclaration constatant la force exécutoire est signifiée ou notifiée à la partie contre laquelle l’exécution est demandée, accompagnée de la décision si celle-ci n’a pas encore été signifiée ou notifiée à cette partie. »

Article 43

« 1. L’une ou l’autre partie peut former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire.

(...)

3. Le recours est examiné selon les règles de la procédure contradictoire.

(...) »

Article 45

« 1. La juridiction saisie d’un recours prévu à l’article 43 ou 44 ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l’un des motifs prévus aux articles 34 et 35. Elle statue à bref délai.

2. En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond. »

Article 46 § 1

« La juridiction saisie d’un recours prévu à l’article 43 ou 44 peut, à la requête de la partie contre laquelle l’exécution est demandée, surseoir à statuer, si la décision étrangère fait, dans l’État membre d’origine, l’objet d’un recours ordinaire ou si le délai pour le former n’est pas expiré; dans ce dernier cas, la juridiction peut impartir un délai pour former ce recours. »

Article 47 § 2

« La déclaration constatant la force exécutoire emporte l’autorisation de procéder à des mesures conservatoires. »

Article 53

« 1. La partie qui invoque la reconnaissance d’une décision ou sollicite la délivrance d’une déclaration constatant sa force exécutoire doit produire une expédition de celle-ci réunissant les conditions nécessaires à son authenticité.

2. La partie qui sollicite la délivrance d’une déclaration constatant la force exécutoire d’une décision doit aussi produire le certificat visé à l’article 54, sans préjudice de l’article 55. »

Article 54

« La juridiction ou l’autorité compétente d’un État membre dans lequel une décision a été rendue délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat en utilisant le formulaire dont le modèle figure à l’annexe V du présent règlement. »

Article 55

« 1. À défaut de production du certificat visé à l’article 54, la juridiction ou l’autorité compétente peut impartir un délai pour le produire ou accepter un document équivalent ou, si elle s’estime suffisamment éclairée, en dispenser.

2. Il est produit une traduction des documents si la juridiction ou l’autorité compétente l’exige. La traduction est certifiée par une personne habilitée à cet effet dans l’un des États membres. »

C. Le droit interne pertinent

A l’époque des faits, les articles pertinents de la loi lettonne sur la procédure civile (Civilprocesa likums) étaient ainsi libellés :

Article 56 § 3

« La citation de la personne citée ou invitée à comparaître est envoyée à l’adresse indiquée par une partie. Elle peut également se faire au lieu de travail de cette personne. »

Article 637 § 2

« Une décision étrangère n’est pas reconnue seulement s’il existe l’une des raisons suivantes de non-reconnaissance :

(...)

2) la décision étrangère n’est pas devenue exécutoire conformément à la loi ;

3) le défendeur n’a pas pu défendre ses droits, notamment lorsque le défendeur défaillant n’a pas été dûment et promptement cité à comparaître devant le tribunal,  à moins que ce défendeur n’ait pas exercé de recours à l’encontre de cette décision alors qu’il était en mesure de le faire;

(...) »

Article 640

« Dans les dix jours suivant le dépôt de la demande [de reconnaissance et/ou d’exécution], le juge unique, statuant sur la base de la demande et des documents annexés, sans convoquer les parties, arrête une ordonnance de reconnaissance et d’exécution de la décision étrangère, ou une ordonnance rejetant la demande. »

Article 641

« 1o L’ordonnance du tribunal de première instance portant sur la reconnaissance d’une décision étrangère peut faire l’objet d’un recours complémentaire [blakus sūdzība] devant la cour régionale. L’arrêt de la cour régionale arrêtée suite à ce recours peut faire l’objet d’un recours complémentaire devant le sénat [de la Cour suprême].

2o Une partie dont le domicile ou la résidence se trouve en Lettonie peut former le recours mentionné au premier paragraphe du présent article dans un délai de trente jours à compter de la date de réception d’une copie de l’ordonnance (...). »

Article 642

« 1o Lorsqu’ils examinent un recours complémentaire, la cour régionale et le sénat ont le droit :

1) de laisser l’ordonnance [entreprise] sans modifications et de rejeter le recours ;

2) d’annuler l’ordonnance [entreprise] en tout ou en partie et prendre une décision au sujet de la reconnaissance de la décision d’un tribunal étranger ;

3) de modifier l’ordonnance [entreprise].

2o Le tribunal peut demander des explications aux parties, ou bien des renseignements supplémentaires au tribunal étranger ayant pris la décision en cause.

3o A la demande du défendeur, le tribunal peut suspendre la procédure lorsque la décision du tribunal étranger a fait l’objet d’un recours ordinaire dans l’Etat en question, ou lorsque le délai d’un tel recours n’a pas encore écoulé. Dans ce deuxième cas, le tribunal peut fixer un délai pour former un recours contre la décision du tribunal étranger dans l’Etat en question. »

Article 644

« 1o Après avoir été reconnue, une décision étrangère qui est exécutoire dans l’Etat où elle a été prise, est exécutée conformément à la présente loi.

2o S’agissant des modalités d’exécution d’un jugement prévues par le règlement du Conseil no 44/2001 (...), les dispositions du [présent] chapitre (...) relatives à la reconnaissance des décisions des juridictions étrangères, s’appliquent dans la mesure où [le règlement] le permet. »

D. Les éléments pertinents du droit international

Après l’adhésion de Chypre et de la Lettonie à l’Union européenne, le 1er mai 2004, la signification et la notification des actes judiciaires était régie par le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, abrogé et remplacé depuis le 30 décembre 2007 par le règlement (CE) nº 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 portant le même titre. Avant le 1er mai 2004, ce domaine était régi par la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, ratifiée tant par Chypre (en vigueur depuis le 1er juin 1983) que par la Lettonie (en vigueur depuis le 1er novembre 1995). Elle s’applique dans tous les cas où un acte judiciaire ou extrajudiciaire doit être transmis à l’étranger pour y être signifié ou notifié, sauf si l’adresse du destinataire de l’acte n’est pas connue (article premier). Chaque État contractant doit désigner une Autorité centrale qui assume la charge de recevoir les demandes de signification ou de notification en provenance d’un autre État contractant et d’y donner suite (article 2). En Chypre, l’Autorité centrale susvisée est le ministère de la Justice et de l’Ordre public ; en Lettonie, c’est le ministère de la Justice.

Les autres articles pertinents de la Convention de La Haye se lisent comme suit :

Article 5

« L’Autorité centrale de l’État requis procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l’acte :

a) soit selon les formes prescrites par la législation de l’État requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire,

b) soit selon la forme particulière demandée par le requérant, pourvu que celle-ci ne soit pas incompatible avec la loi de l’État requis.

Sauf le cas prévu à l’alinéa premier, lettre b), l’acte peut toujours être remis au destinataire qui l’accepte volontairement.

Si l’acte doit être signifié ou notifié conformément à l’alinéa premier, l’Autorité centrale peut demander que l’acte soit rédigé ou traduit dans la langue ou une des langues officielles de son pays.

La partie de la demande conforme à la formule modèle annexée à la présente Convention, qui contient les éléments essentiels de l’acte, est remise au destinataire. »

Article 6

« L’Autorité centrale de l’État requis ou toute autorité qu’il aura désignée à cette fin établit une attestation conforme à la formule modèle annexée à la présente Convention.

L’attestation relate l’exécution de la demande ; elle indique la forme, le lieu et la date de l’exécution ainsi que la personne à laquelle l’acte a été remis. Le cas échéant, elle précise le fait qui aurait empêché l’exécution.

Le requérant peut demander que l’attestation qui n’est pas établie par l’Autorité centrale ou par une autorité judiciaire soit visée par l’une de ces autorités.

L’attestation est directement adressée au requérant. »

Article 8

« Chaque État contractant a la faculté de faire procéder directement, sans contrainte, par les soins de ses agents diplomatiques ou consulaires, aux significations ou notifications d’actes judiciaires aux personnes se trouvant à l’étranger.

Tout État peut déclarer s’opposer à l’usage de cette faculté sur son territoire, sauf si l’acte doit être signifié ou notifié à un ressortissant de l’État d’origine. »

Article 9

« Chaque État contractant a, de plus, la faculté d’utiliser la voie consulaire pour transmettre, aux fins de signification ou de notification, des actes judiciaires aux autorités d’un autre État contractant que celui-ci a désignées.

Si des circonstances exceptionnelles l’exigent, chaque État contractant a la faculté d’utiliser, aux mêmes fins, la voie diplomatique. »

Article 10

« La présente Convention ne fait pas obstacle, sauf si l’État de destination déclare s’y opposer :

a) à la faculté d’adresser directement, par la voie de la poste, des actes judiciaires aux personnes se trouvant à l’étranger,

b) à la faculté, pour les officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’État d’origine, de faire procéder à des significations ou notifications d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’État de destination,

c) à la faculté, pour toute personne intéressée à une instance judiciaire, de faire procéder à des significations ou notifications d’actes judiciaires directement par les soins des officiers ministériels, fonctionnaires ou autres personnes compétents de l’État de destination. »

Article 15

« Lorsqu’un acte introductif d’instance ou un acte équivalent a dû être transmis à l’étranger aux fins de signification ou de notification, selon les dispositions de la présente Convention, et que le défendeur ne comparaît pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu’il n’est pas établi :

a) ou bien que l’acte a été signifié ou notifié selon les formes prescrites par la législation de l’État requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire,

b) ou bien que l’acte a été effectivement remis au défendeur ou à sa demeure selon un autre procédé prévu par la présente Convention,

et que, dans chacune de ces éventualités, soit la signification ou la notification, soit la remise a eu lieu en temps utile pour que le défendeur ait pu se défendre.

Chaque État contractant a la faculté de déclarer que ses juges, nonobstant les dispositions de l’alinéa premier, peuvent statuer si les conditions suivantes sont réunies, bien qu’aucune attestation constatant soit la signification ou la notification, soit la remise, n’ait été reçue :

a) l’acte a été transmis selon un des modes prévus par la présente Convention,

b) un délai que le juge appréciera dans chaque cas particulier et qui sera d’au moins six mois, s’est écoulé depuis la date d’envoi de l’acte,

c) nonobstant toutes diligences utiles auprès des autorités compétentes de l’Etat requis, aucune attestation n’a pu être obtenue.

Le présent article ne fait pas obstacle à ce qu’en cas d’urgence, le juge ordonne toutes mesures provisoires ou conservatoires. »

Article 16

« Lorsqu’un acte introductif d’instance ou un acte équivalent a dû être transmis à l’étranger aux fins de signification ou de notification, selon les dispositions de la présente Convention, et qu’une décision a été rendue contre un défendeur qui n’a pas comparu, le juge a la faculté de relever ce défendeur de la forclusion résultant de l’expiration des délais de recours, si les conditions suivantes sont réunies :

a) le défendeur, sans qu’il y ait eu faute de sa part, n’a pas eu connaissance en temps utile dudit acte pour se défendre et de la décision pour exercer un recours,

b) les moyens du défendeur n’apparaissent pas dénués de tout fondement.

La demande tendant au relevé de la forclusion est irrecevable si elle n’est pas formée dans un délai raisonnable à partir du moment où le défendeur a eu connaissance de la décision.

Chaque État contractant a la faculté de déclarer que cette demande est irrecevable si elle est formée après l’expiration d’un délai qu’il précisera dans sa déclaration, pourvu que ce délai ne soit pas inférieur à un an à compter du prononcé de la décision.

(...) »

GRIEFS

1. Le requérant se plaint d’avoir été victime d’une violation de l’article 6 § 1 de la Convention par Chypre. A cet égard, il critique le comportement du tribunal de district de Limassol qui, ne l’ayant pas cité correctement et à la bonne adresse, a rendu un jugement à son encontre en son absence.

2. En outre, le requérant estime qu’en ordonnant l’exécution du jugement du tribunal de district de Limassol, entaché d’un vice évident car rendu au mépris de son droit à la défense, les juridictions lettonnes ont enfreint non seulement les dispositions pertinentes du Règlement et de la loi lettonne sur la procédure civile, mais également l’article 6 § 1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable.

3. Enfin, sous l’angle des articles 3 et 8 de la Convention, le requérant dénonce le refus du juge des livres fonciers de lever l’hypothèque conservatoire appliquée à ses biens immobiliers dans le cadre de la procédure de reconnaissance et d’exécution du jugement chypriote. Selon lui, cette hypothèque l’a empêché de disposer librement de ses biens et a gravement affecté sa situation financière, ce qui s’analyse en un traitement inhumain et dégradant et en une ingérence injustifiée dans sa vie privée.

EN DROIT

A.  Grief dirigé contre Chypre

Le requérant se plaint qu’en omettant de le citer correctement, le tribunal de district de Limassol a enfreint son droit à un procès équitable, et que ce fait a emporté violation, par Chypre, de l’article 6 § 1. Les parties pertinentes de cet article se lisent ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

La Cour rappelle que, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie d’une affaire que « dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive », c’est-à-dire de l’acte clôturant le processus d’« épuisement des voies de recours internes », au sens de la même disposition (Kadiķis c. Lettonie (no 2) (déc.), no 62393/00, 25 septembre 2003). A cet égard, la Cour a toujours jugé que, lorsque le requérant est en droit de se voir signifier d’office une copie de la décision définitive, il est plus conforme à l’objet et au but de l’article 35 § 1 de considérer que le délai de six mois commence à courir à compter de la date de cette signification. En revanche, lorsque la signification n’est pas prévue en droit interne, il convient de prendre en considération la date de la mise au net de la décision, c’est-à-dire la date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance de son contenu (ibidem, et la jurisprudence y citée). Toutefois, des considérations particulières peuvent s’appliquer dans des cas exceptionnels, lorsqu’un requérant utilise ou invoque un recours apparemment disponible et ne se rend compte que par la suite de l’existence de circonstances qui le rendent ineffectif. En ce cas, il convient de prendre comme point de départ du délai de six mois la date à laquelle le requérant a pour la première fois eu connaissance de cette situation ou aurait dû en avoir connaissance (Bayram et Yıldırım c. Turquie (déc.), no 38587/97, CEDH 2002‑III).

En l’espèce, dans la mesure où le requérant dénonce le caractère prétendument inéquitable de la procédure devant les instances chypriotes, la Cour constate que le seul et le dernier jugement rendu à son encontre à Chypre est le jugement du tribunal de district de Limassol, rendu le 24 mai 2004 et mis au net le 3 juin 2004. Le texte de ce jugement ne contient lui-même aucune mention quant à la possibilité de faire appel. Toutefois, à supposer même qu’il n’y ait eu aucune voie de recours contre ce jugement en droit chypriote et qu’il ait été définitif, la Cour relève que le requérant a eu connaissance de ce jugement le 16 juin 2006 ; en effet, c’est cette date qui a été retenue comme telle par l’ordonnance du tribunal de l’arrondissement de Latgale (Lettonie) du 13 juillet 2006. Le délai des six mois visé à l’article 35 § 1 de la Convention a donc commencé à courir à partir du 16 juin 2006, et il est venu à expiration le 16 décembre 2006. Par conséquent, la requête, introduite le 20 février 2007, est tardive sur ce point.

Il s’ensuit que, dans la mesure où cette requête est dirigée contre Chypre, elle doit être rejetée pour non-respect de la règle de six mois, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

B.  Griefs dirigés contre la Lettonie

1. Le requérant se plaint qu’en ordonnant l’exécution du jugement du tribunal de district de Limassol, rendu au mépris de son droit à la défense, les juridictions lettonnes ont enfreint non seulement les dispositions pertinentes du Règlement et de la loi lettonne sur la procédure civile, mais également l’article 6 § 1 de la Convention relatif au droit à un procès équitable (cf. supra).

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. En outre, le requérant critique le refus du juge des livres fonciers de lever l’hypothèque conservatoire appliquée à ses biens immobiliers dans le cadre de la procédure de reconnaissance et d’exécution du jugement chypriote. Il invoque les articles 3 et 8 de la Convention, ainsi libellés :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 8

« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La Cour constate d’emblée que rien dans le dossier ne montre que le requérant ait formé un recours contre les deux ordonnances du juge des livres fonciers du 24 janvier 2008, comme c’était indiqué dans le texte même de ces ordonnances. En toute hypothèse, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, à la lumière de sa jurisprudence constante, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par ces deux dispositions invoquées par le requérant. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant dirigé contre la Lettonie et tiré de l’article 6 § 1 de la Convention ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Stanley NaismithJosep Casadevall
Greffier adjointPrésident

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CEDH, Cour (troisième section), AVOTINS c. LETTONIE, 30 mars 2010, 17502/07