CEDH, Cour (cinquième section), RENARD ET AUTRES c. FRANCE, 25 août 2015, 3569/12 et autres

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section), 25 août 2015, n° 3569/12 et autres
Numéro(s) : 3569/12, 9145/12, 9161/12, 37791/13
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 3 janvier 2012
Jurisprudence de Strasbourg : Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, §§ 114-116, CEDH 2000 VII
Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 146, CEDH 2000-XI
Previti c. Italie (déc.), 12 avril 2007, no 35201/06
Tisset c. France (déc.), no 60681/10, 12 avril 2011
Ullens de Schooten et Rezabek c. Belgique, nos 3989/07 et 38353/07, §§ 57-59, 20 septembre 2011
Référence au règlement de la Cour : Article 17
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable (Art. 35) Conditions de recevabilité
Identifiant HUDOC : 001-157418
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2015:0825DEC000356912
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 3569/12
Jacky RENARD contre la France
et 3 autres requêtes
(voir liste en annexe)

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 25 août 2015 en une Chambre composée de :

Mark Villiger, président,
Ganna Yudkivska,
Vincent A. De Gaetano,
André Potocki,
Helena Jäderblom,
Aleš Pejchal,
Síofra O’Leary, juges,

et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Vu les requêtes susmentionnées introduites respectivement le 3 janvier 2012, le 14 novembre 2011, le 13 novembre 2011 et le 6 juin 2013.

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La liste des parties requérantes figure en annexe.

A.  Les circonstances de l’espèce

1.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

2.  Les requérants posèrent, à l’occasion de litiges auxquels ils étaient partie, des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui donnèrent lieu à un refus par la Cour de cassation de renvoi au Conseil constitutionnel.

1.  Requête no 3569/12

3.  Le 16 septembre 2009, le requérant, M. J. Renard, fut cité devant le tribunal correctionnel d’Auxerre par la Direction générale des douanes et droits indirects de Bourgogne (Administration des Douanes), notamment, des chefs de fausses déclarations de récoltes et de stocks de vins.

Par un jugement du 9 juin 2011, rectifié pour erreur matérielle le 25 août 2011, le tribunal correctionnel, saisi d’un mémoire en ce sens, ordonna la transmission à la Cour de cassation d’une QPC portant sur la conformité des articles 1791, 1794 al 3 et 1818 du code général des impôts aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Le 7 septembre 2011, la Cour de cassation dit n’y avoir lieu à renvoyer la question devant le Conseil constitutionnel, considérant qu’elle n’était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux. La Cour de cassation estima que les pénalités fiscales infligées en application des dispositions précitées par un juge qui peut les moduler, ont un caractère mixte, répressif et indemnitaire, et répondent, proportionnellement, aux manquements constatés et aux préjudices qui en résultent sans qu’il soit porté atteinte aux droits que la Constitution garantit.

Par un jugement du 31 mai 2012, le tribunal correctionnel d’Auxerre releva que le requérant avait déjà fait l’objet d’un jugement définitif de condamnation du 4 juin 2009 pour des faits identiques à ceux ayant justifié la citation du 16 septembre 2009. Le tribunal annula la procédure diligentée à l’encontre du requérant comme contrevenant aux dispositions de l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention.

L’Administration des Douanes interjeta appel de ce jugement. La procédure est actuellement pendante devant la cour d’appel.

2.  Requête no 9145/12

4.  Par une ordonnance du juge d’instruction du 4 novembre 2009, le requérant, M. P. Smadja, fut renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nanterre, notamment, des chefs d’abus de biens sociaux, abus de confiance, prise illégale d’intérêts, faux et usage de faux, exercice illégal de la profession de banquier, escroquerie et recel. Il présenta une QPC contestant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 7 et 8 du code de procédure pénale sur la prescription de l’action publique, tels qu’interprétés de façon constante par la Cour de cassation.

Par un jugement du 15 mars 2011, le tribunal correctionnel ordonna la transmission de cette question à la Cour de cassation. Devant la Cour de cassation, le requérant déposa un mémoire tendant à ce qu’elle se dessaisisse avant tout examen de la question et la renvoie au Conseil constitutionnel, aux motifs qu’elle ne pouvait statuer en toute impartialité sur sa propre jurisprudence.

Par un arrêt du 20 mai 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rejeta tout d’abord la demande de dessaisissement en se fondant sur l’article L. 411-1 du code de l’organisation judiciaire, lequel dispose qu’« [i]l y a, pour toute la République, une Cour de cassation ». Puis, elle procéda à l’examen de la QPC et décida de ne pas la renvoyer au Conseil constitutionnel, considérant qu’elle n’était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux. La Cour de cassation estima que « la prescription de l’action publique ne revêt pas le caractère d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, ni d’aucune disposition, règle ou principe de valeur constitutionnelle ; [...] que les règles relatives au point de départ de la prescription de l’action publique sont anciennes, connues, constantes et reposent sur des critères précis et objectifs ; [...] que si, selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi "légalement appliquée", cette exigence est satisfaite par le droit à un recours effectif devant une juridiction, qui découle de l’article 16 de la même Déclaration ».

Par un jugement du 3 mai 2012, le requérant fut reconnu coupable de certains faits d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance et relaxé pour le surplus. Il fut condamné à une peine de quinze mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’à une amende de 20 000 euros. Il ne fit pas appel de ce jugement.

3.  Requête no 9161/12

5.  Par une ordonnance du juge d’instruction du 30 octobre 2009, le requérant, M. R. Chardon, fut renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris des chefs de complicité de détournement de bien public et de complicité d’abus de confiance. Il souleva devant le tribunal correctionnel une QPC tendant à contester la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 7 et 8 du code de procédure pénale sur la prescription de l’action publique, tels qu’interprétés de façon constante par la Cour de cassation.

Par un jugement du 8 mars 2011, le tribunal ordonna la transmission de cette question à la Cour de cassation. Devant la Cour de cassation, le requérant déposa une requête tendant à ce qu’elle se dessaisisse avant tout examen de la question et la renvoie au Conseil constitutionnel, aux motifs qu’elle ne pouvait statuer en toute impartialité sur sa propre jurisprudence.

Par un arrêt du 20 mai 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rejeta la requête aux fins de renvoi sans examen de la QPC et décida de ne pas renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel pour les mêmes motifs que ceux relevés à propos de la précédente requête (paragraphe 4 ci-dessus). Par un jugement du 15 décembre 2011, le tribunal correctionnel de Paris relaxa le requérant des poursuites de certains chefs de complicité d’abus de confiance et de détournement de bien public. Le requérant fut en revanche déclaré coupable de certains autres faits de détournement de bien public et condamné à une peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis. Il ne fit pas appel de ce jugement.

4.  Requête no 37791/13

6.  À l’issue d’une procédure civile de plus de dix ans, ayant donné lieu à un premier arrêt de la Cour de cassation, la requérante, la société Banque Martin Maurel, fut condamnée par un arrêt de la cour d’appel de renvoi du 7 septembre 2011 à payer la somme de 30 000 euros pour procédure abusive et à verser à la partie adverse la somme de 30 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, par application de l’article 700 du code de procédure civile (CPC). Elle forma un pourvoi en cassation et posa à cette occasion une QPC contestant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 700 du CPC, tel qu’interprété par la Cour de cassation, en ce qu’il permet aux juges du fond de ne pas motiver leur condamnation au paiement des frais irrépétibles de la partie adverse.

Par un arrêt du 31 mai 2012, la Cour de cassation dit qu’il n’y avait pas lieu à renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel, aux motifs que la question ne présentait pas de caractère sérieux, dès lors que « les dispositions critiquées, reprises par l’article 700 du code de procédure civile, qui permettent au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en lui imposant de tenir compte tant des considérations d’équité que de la situation économique de la partie condamnée, ne peuvent être regardées comme un obstacle aux droits de la défense et au droit à un procès équitable découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Le 6 décembre 2012, la Cour de cassation prononça au fond une cassation partielle, sans renvoi, de l’arrêt de la cour d’appel, en ce qu’il avait condamné la requérante à payer la somme de 30 000 euros pour procédure abusive. Elle rejeta en revanche le moyen visant la condamnation aux frais irrépétibles, aux motifs que « l’application de l’article 700 du code de procédure civile relève du pouvoir discrétionnaire du juge ».

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

7.  Issue de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 (articles 61-1 et 62, alinéa 2, de la Constitution), la QPC permet à un requérant de contester, à l’occasion d’un litige, la conformité d’une disposition législative en vigueur aux droits et libertés garantis par la Constitution, en demandant à la juridiction ordinaire saisie de soumettre par voie préjudicielle cette disposition au contrôle du Conseil constitutionnel.

8.  La procédure de la QPC est prévue aux articles 23-1 à 23-7 de la loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009 (ci-après loi organique), ayant modifié l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958. Cette loi est applicable aux instances en cours à compter du 1er mars 2010. Elle a été complétée par un décret no 2010-148 du 16 février 2010 fixant les règles de procédure applicables devant les juridictions du fond et de cassation (art. R. 771-3 à R. 771-21 du code de justice administrative, art. R. 461-1 du code de l’organisation judiciaire, art. 126-1 à 126-13 du code de procédure civile et art. R. 49-21 à R. 49-34 du code de procédure pénale).

9.  Une QPC peut être posée devant une juridiction de première instance, mais également pour la première fois en appel et en cassation. Dans tous les cas, la plus haute juridiction de chaque ordre juridictionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État, s’assurent, en dernier lieu, du respect des conditions suivantes (article 23-5 de la loi organique) :

- que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

- qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

- que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

10.  Si ces conditions sont remplies, la QPC est renvoyée devant le Conseil constitutionnel, seul organe compétent pour abroger une disposition législative contraire à la Constitution.

GRIEFS

11.  Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, les requérants soulèvent des griefs concernant l’examen de leurs QPC par la Cour de cassation. Ils se plaignent de ce qu’en refusant de transmettre leur QPC, la Cour de cassation aurait substitué son appréciation à celle du Conseil constitutionnel (requête no 3569/12). Ils considèrent ensuite que l’examen par la Cour de cassation d’une QPC portant sur sa propre jurisprudence est contraire à l’exigence d’impartialité (requêtes nos 3569/12, 9145/12 et 9161/12). Ils allèguent enfin un manque de motivation par la Cour de cassation de son refus de renvoi d’une QPC au Conseil constitutionnel (requête no 37791/13).

12.  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, les requérants soulèvent également un grief tiré du non-respect des principes de nécessité et de proportionnalité des peines (requête no 3569/12). Ils se plaignent enfin, au regard de l’article 6 de la Convention, d’un défaut de motivation par les juridictions internes des condamnations au paiement des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile (requête no 37791/13).

EN DROIT

A.  Jonction des requêtes

13.  Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux questions de fond qu’elles posent, la Cour juge approprié de les joindre, en application de l’article 42 § 1 de son règlement.

B.  Sur les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention

14.  Les requérants allèguent plusieurs violations de leur droit à un procès équitable et à un recours effectif. Ils invoquent les articles 6 § 1 et 13 de la Convention. Toutefois, s’agissant des griefs tirés du droit d’accès à un tribunal, la Cour rappelle que l’article 6 de la Convention est une lex specialis par rapport à l’article 13, dont les garanties se trouvent absorbées par celles de l’article 6 (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 146, CEDH 2000-XI). Par conséquent, elle examinera les griefs soulevés par les requérants au titre de l’article 13 sous l’angle du seul article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) »

15.  S’agissant de l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour estime que la question qui lui est posée en l’espèce est celle de savoir si les garanties du procès équitable doivent être respectées lors de l’examen de la QPC par les juridictions ordinaires, c’est-à-dire, par opposition au Conseil constitutionnel, les juridictions du fond et de cassation.

16.  Or, la Cour constate que l’issue des procédures au fond était déterminante au regard des droits garantis par l’article 6 de la Convention, les QPC ayant été posées à l’occasion de litiges portant, soit sur des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale, devant les juridictions ordinaires saisies des affaires au principal (mutatis mutandis, Coëme et autres c. Belgique, nos 32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, §§ 114-116, CEDH 2000 VII).

17.  Partant, à ce stade, cela suffit à la Cour pour conclure que l’article 6 § 1 de la Convention trouve bien à s’appliquer.

18.  La Cour relève d’emblée que les requérants n’ont pas interjeté appel des jugements rendus à leur encontre en première instance (requêtes nos 9145/12 et 9161/12) ou que leur instance est encore pendante devant les juridictions internes (requête no 3569/12). Or, elle n’entend pas séparer l’examen des conditions du refus de renvoi d’une QPC par la Cour de cassation ou le Conseil d’État de celui de l’équité du litige principal que la Cour apprécie au regard de l’ensemble de la procédure et de son issue (mutatis mutandis, Tisset c. France (déc.), no 60681/10, 12 avril 2011).

19.  La Cour estime dès lors qu’il y a de forts doutes quant au fait que les requérants aient épuisé les voies de recours internes dans ces trois affaires, mais elle ne juge pas nécessaire de trancher cette question dans la mesure où les griefs sont de toute manière irrecevables pour les raisons qui suivent.

20.  S’agissant des griefs dirigés contre la Cour de cassation, tirés de la substitution par celle-ci de son appréciation à celle du Conseil constitutionnel, de son défaut d’impartialité et du manque de motivation de ses arrêts, la Cour considère que les requérants se plaignent pour l’essentiel d’une atteinte disproportionnée au droit d’accès au Conseil constitutionnel, compte-tenu du refus par la Cour de cassation de lui renvoyer les QPC.

21.  Elle rappelle que l’article 6 de la Convention ne garantit pas en tant que tel le droit d’accès à un tribunal pour contester la constitutionnalité d’une disposition légale, notamment lorsque le droit national prévoit que le contrôle de constitutionnalité n’est pas déclenché directement par un requérant, mais par un renvoi effectué par la juridiction devant laquelle l’inconstitutionnalité alléguée est soulevée (Previti c. Italie (déc.), 12 avril 2007, no 35201/06).

22.  La Cour n’exclut toutefois pas que, lorsqu’un tel mécanisme de renvoi existe, le refus d’un juge interne de poser une question préjudicielle puisse, dans certaines circonstances, affecter l’équité de la procédure. Il en va ainsi lorsque le refus s’avère arbitraire, c’est-à-dire lorsqu’il y a refus alors que les normes applicables ne prévoient pas d’exception au principe de renvoi préjudiciel ou d’aménagement de celui-ci, lorsque le refus se fonde sur d’autres raisons que celles qui sont prévues par ces normes, et lorsqu’il n’est pas dûment motivé au regard de celles-ci (voir, notamment, Coëme et autres, précité, § 114, et Ullens de Schooten et Rezabek c. Belgique, nos 3989/07 et 38353/07, §§ 57-59, 20 septembre 2011, avec la jurisprudence citée).

23.  À ce titre, si la procédure de QPC permet à un justiciable de contester, à l’occasion d’un litige devant une juridiction ordinaire, la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d’une disposition législative, la Cour note que la Cour de cassation et le Conseil d’État ne sont pas tenus, en dernier lieu, de renvoyer la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, notamment si ces juridictions estiment que celle-ci n’est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux (paragraphe 9 ci-dessus). Ce faisant, le droit interne leur confère un certain pouvoir d’appréciation, visant à réguler l’accès au Conseil constitutionnel. La Cour relève que ce pouvoir n’est pas en contradiction avec la Convention et qu’elle se doit par ailleurs d’en tenir compte dans l’exercice de son contrôle.

24.  En l’espèce, la Cour constate que la Cour de cassation a motivé ses décisions au regard des critères de non-renvoi d’une QPC tels qu’énoncés par l’article 23-5 de la loi organique. Elle ne relève dès lors aucune apparence d’arbitraire de nature à affecter l’équité des procédures en cause et considère en conséquence qu’il n’y a pas eu d’atteinte injustifiée au droit d’accès au Conseil constitutionnel.

25.  Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être déclarés irrecevables et rejetés, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

C.  Sur les autres griefs

26.  Les requérants invoquent également une violation de l’article 1 du Protocole no 1 (requête no 3569/12), ainsi qu’un grief tiré de l’absence de motivation par les juridictions internes des condamnations au paiement des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile (requête no 37791/13).

27.  S’agissant du premier grief, la Cour relève que le requérant a, en l’état de la procédure interne, bénéficié d’un jugement rendu par le tribunal correctionnel ayant annulé les poursuites diligentées à son encontre, et que l’affaire est actuellement pendante devant la cour d’appel sur recours de l’Administration des Douanes. Elle estime dès lors que cette partie de la requête est irrecevable comme étant prématurée.

28.  S’agissant du grief tiré du défaut de motivation des condamnations aux frais irrépétibles prononcées par les juridictions internes en application de l’article 700 du code de procédure civile, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

29.  Il s’ensuit que ces grief doivent être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes, et défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de joindre les requêtes ;

Déclare les requêtes irrecevables.

Fait en français puis communiqué par écrit le 17 septembre 2015.

Claudia WesterdiekMark Villiger
GreffièrePrésident


ANNEXE

No

Requête No

Introduite le

Requérant

Date de naissance

Lieu de résidence

Représenté par

  1.  

3569/12

03/01/2012

Jacky RENARD

02/09/1947

Saint-Bris-Le-Vineux

Corinne IMBACH

  1.  

9145/12

14/11/2011

Philippe SMADJA

03/10/1952

Paris

Jean-Yves LE BORGNE

  1.  

9161/12

13/11/2011

Rémy CHARDON

13/06/1947

Paris

Jean-Yves LE BORGNE

  1.  

37791/13

06/06/2013

Société BANQUE MARTIN MAUREL

Marseille

Patrice SPINOSI

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