CJUE, n° C-354/14, Arrêt de la Cour, SC Capoda Import-Export SRL contre Registrul Auto Român et Benone-Nicolae Bejan, 6 octobre 2015

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 oct. 2015, C-354/14
Numéro(s) : C-354/14
Arrêt de la Cour (septième chambre) du 6 octobre 2015.#SC Capoda Import-Export SRL contre Registrul Auto Român et Benone-Nicolae Bejan.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Cluj.#Renvoi préjudiciel – Libre circulation des marchandises – Mesures d’effet équivalent – Produits en libre circulation en Allemagne – Produits soumis à des contrôles d’homologation en Roumanie – Certificat de conformité mis à disposition par un distributeur d’un autre État membre – Certificat considéré comme insuffisant pour permettre la libre commercialisation de ces produits – Principe de reconnaissance mutuelle – Irrecevabilité partielle.#Affaire C-354/14.
Date de dépôt : 22 juillet 2014
Précédents jurisprudentiels : arrêt Commission/Belgique, C-150/11, EU:C:2012:539
arrêt Klarenberg, C-466/07, EU:C:2009:85
ATRAL, C-14/02, EU:C:2003:265, point 65, et Commission/Portugal, C-432/03, EU:C:2005:669
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62014CJ0354
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2015:658
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

6 octobre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Libre circulation des marchandises — Mesures d’effet équivalent — Produits en libre circulation en Allemagne — Produits soumis à des contrôles d’homologation en Roumanie — Certificat de conformité mis à disposition par un distributeur d’un autre État membre — Certificat considéré comme insuffisant pour permettre la libre commercialisation de ces produits — Principe de reconnaissance mutuelle — Irrecevabilité partielle»

Dans l’affaire C-354/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj, Roumanie), par décision du 18 juin 2014, parvenue à la Cour le 22 juillet 2014, dans la procédure

SC Capoda Import-Export SRL

contre

Registrul Auto Român,

Benone-Nicolae Bejan,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça et C. Lycourgos, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour SC Capoda Import-Export SRL, par Me C. Costaş, avocat,

pour M. Bejan, par lui-même,

pour le gouvernement roumain, par M. R.-H. Radu et Mme A. Buzoianu, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes L. Nicolae et K. Talabér-Ritz ainsi que par M. G. Wilms, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 34 TFUE ainsi que des articles 31, paragraphe 1, de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO L 263, p. 1) et 1er, paragraphe 1, sous t) et u), du règlement (CE) no 1400/2002 de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile (JO L 203, p. 30).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Capoda Import-Export SRL (ci-après «Capoda») au Registrul Auto Român (registre roumain des automobiles, ci-après le «RAR») et à M. Bejan au sujet de la commercialisation par Capoda de pièces détachées neuves pour véhicules à moteur.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2007/46

3

Les considérants 14 et 15 de la directive 2007/46 énoncent:

«(14)

Le principal objectif de la législation concernant la réception des véhicules est de garantir que les nouveaux véhicules, composants et entités techniques mis sur le marché présentent un degré élevé de sécurité et de protection environnementale. Le montage de certaines pièces ou de certains équipements après la mise sur le marché ou la mise en service des véhicules ne devrait pas compromettre cet objectif. Par conséquent, des mesures appropriées devraient être prises pour s’assurer que les pièces ou équipements qui peuvent être montés sur des véhicules et qui sont susceptibles de compromettre, de manière significative, le fonctionnement des systèmes qui sont essentiels en termes de sécurité ou de protection environnementale font l’objet d’un contrôle préalable par les autorités compétentes en matière de réception avant d’être offerts à la vente. Ces mesures devraient consister en des dispositions techniques concernant les exigences que ces pièces ou équipements doivent respecter.

(15)

Ces mesures ne devraient s’appliquer qu’à un nombre limité de pièces ou d’équipements. […] En établissant la liste [de ces pièces ou équipements], la Commission devrait […] s’efforcer de parvenir à un juste équilibre entre les exigences de renforcement de la sécurité routière et de la protection de l’environnement et les intérêts des consommateurs, des fabricants et des distributeurs, en préservant la concurrence sur le marché des pièces et des équipements de rechange.»

4

L’article 1er de cette directive prévoit:

«La présente directive établit un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques à caractère général applicables à la réception de tous les véhicules neufs relevant de son champ d’application ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules, en vue de faciliter leur immatriculation, leur vente et leur mise en service dans la Communauté.

La présente directive établit également les dispositions applicables à la vente et à la mise en service des pièces et des équipements destinés à des véhicules réceptionnés conformément à la présente directive.

[…]»

5

L’article 3, point 26, de ladite directive définit les «pièces ou équipements d’origine» comme «les pièces ou équipements qui sont fabriqués conformément aux spécifications et aux normes de production prévues par le constructeur du véhicule pour la production des pièces ou des équipements en vue de l’assemblage du véhicule en question. Ceci comprend les pièces ou équipements qui sont fabriqués sur la même chaîne de production que ces dernières pièces ou derniers équipements. Il est présumé, jusqu’à preuve du contraire, que les pièces sont d’origine si le fabricant de la pièce certifie que les pièces satisfont à la qualité des composants utilisés pour l’assemblage du véhicule en question et ont été fabriquées conformément aux spécifications et aux normes de production prévues par le constructeur du véhicule».

6

L’article 31 de la directive 2007/46, intitulé «Vente et mise en service de pièces ou d’équipements susceptibles de présenter un risque important pour le bon fonctionnement de systèmes essentiels», dispose:

«1. Les États membres ne permettent la vente, l’offre de vente ou la mise en service de pièces ou d’équipements susceptibles de présenter un risque important pour le bon fonctionnement de systèmes essentiels pour la sécurité du véhicule ou sa performance environnementale que si lesdites pièces ou équipements ont été autorisés par une autorité compétente en matière de réception conformément aux paragraphes 5 à 10.

2. Les pièces ou équipements qui font l’objet de l’autorisation visée au paragraphe 1 figurent sur la liste figurant à l’annexe XIII. […]

[…]

11. Le présent article n’est pas applicable à une pièce ou à une partie d’équipement avant qu’elle ne figure à l’annexe XIII. […]

12. Dans l’attente d’une décision relative à l’inclusion ou non d’une pièce ou d’une partie d’équipement sur la liste visée au paragraphe 1, les États membres peuvent maintenir des dispositions nationales relatives aux pièces ou aux équipements susceptibles de faire peser un risque important sur le bon fonctionnement de systèmes essentiels pour la sécurité du véhicule ou sa performance environnementale.

Les dispositions nationales concernant les pièces ou équipements en question cessent d’être applicables dès qu’une telle décision a été prise.

[…]»

Le règlement no 1400/2002

7

L’article 1er du règlement no 1400/2002 prévoit:

«1. Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

t)

‘pièces de rechange d’origine’: des pièces de rechange qui sont de la même qualité que les composants utilisés lors du montage d’un véhicule automobile et qui sont produites selon les spécifications et les normes de production fournies par le constructeur automobile pour la fabrication de composants ou de pièces de rechange destinés au véhicule automobile en question. […] Il est présumé que, sauf preuve du contraire, des pièces sont des pièces de rechange d’origine si le fabricant des pièces certifie que celles-ci sont de même qualité que les composants utilisés pour le montage du véhicule en question et ont été fabriquées selon les spécifications et les normes de production du constructeur automobile;

u)

‘pièces de rechange de qualité équivalente’: exclusivement des pièces de rechange fabriquées par toute entreprise capable de certifier à tout moment que la qualité en est équivalente à celle des composants qui sont ou ont été utilisés pour le montage des véhicules automobiles en question;

[…]»

8

Aux termes de l’article 12, paragraphe 3, du règlement no 1400/2002:

«Le présent règlement expire le 31 mai 2010.»

Le droit roumain

9

L’article 1er de l’ordonnance gouvernementale no 80/2000 sur l’homologation et la réception des produits et matériels d’exploitation utilisés pour les véhicules routiers et sur les conditions de leur introduction sur le marché et de leur commercialisation, telle que modifiée (ci-après l’«ordonnance gouvernementale no 80/2000»), dispose, à ses paragraphes 1, 2, 4, 5 et 8:

«1. Les produits et les matériels d’exploitation neufs, destinés à être utilisés pour des véhicules routiers, peuvent être introduits sur le marché et/ou commercialisés uniquement s’ils respectent les conditions prévues par la présente ordonnance.

2. Les produits et les matériels d’exploitation neufs, relevant de la catégorie des éléments qui concernent la sécurité de la circulation routière, la protection de l’environnement, l’efficacité énergétique […] peuvent être introduits sur le marché et/ou commercialisés uniquement s’ils ont fait l’objet d’une réception ou d’une homologation, selon le cas.

[…]

4. L’homologation des produits visés au paragraphe 2 est effectuée par la régie autonome [RAR], un organisme technique spécialisé qui se trouve sous l’autorité du ministre des Transports et des Infrastructures […], sur le fondement des résultats des essais effectués par le RAR ou des services techniques évalués par le RAR.

5. La réception des produits et matériels d’exploitation visés au paragraphe 2 est effectuée par le RAR, sur le fondement des résultats des essais effectués par le RAR ou par des services techniques évalués par le RAR.

[…]

8. Les paragraphes 4 et 5 ne s’appliquent pas:

a)

aux produits qui ont fait l’objet d’une homologation par les autorités compétentes des parties contractantes conformément à l’accord de Genève;

b)

aux produits qui ont fait l’objet d’une homologation ou d’une réception par les autorités compétentes des États membres conformément aux directives/règlements de l’Union européenne;

c)

aux produits d’origine ou aux produits de rechange d’origine;

d)

aux produits et matériels d’exploitation neufs fabriqués exclusivement pour être utilisés par des véhicules destinés à des compétitions sportives, qui ne sont pas destinés à l’utilisation pour la circulation routière. Cette exception ne s’applique pas dans le cas où les produits et les matériels d’exploitation en cause ont une double utilisation, tant pour les véhicules destinés aux compétitions sportives que pour les véhicules destinés à la circulation routière.»

10

Aux termes de l’article 1er ter de cette ordonnance gouvernementale:

«Pour l’application de la présente ordonnance, les termes et expressions visés ci-dessous sont définis comme suit:

1. produit – un système, un équipement, une pièce, un composant ou une entité technique utilisés pour la fabrication d’un véhicule, pour le remplacement d’un de ces éléments existant dans le véhicule ou pour le montage/l’utilisation ultérieure dans un véhicule homologué. Il peut s’agir:

1.1.

d’un produit d’origine – un produit fabriqué conformément aux spécifications et aux standards de production prévus par le fabricant du véhicule pour la fabrication de produits utilisés dans le montage du véhicule en cause. Ces produits comprennent les produits fabriqués sur la même ligne de production que les produits en cause. Sauf preuve du contraire, il est considéré que les produits sont des produits d’origine lorsque leur fabricant atteste du fait que les produits correspondent au niveau qualitatif des produits utilisés pour le montage du véhicule en cause et qu’ils ont été fabriqués conformément aux spécifications et aux standards de production du fabricant du véhicule.

[…]»

11

L’article 4, paragraphe 1, de ladite ordonnance gouvernementale prévoit:

«En vue de l’introduction sur le marché et/ou de la commercialisation, les produits et les matériels d’exploitation doivent être accompagnés des documents prévus par la réglementation en vigueur».

12

L’article 6 de l’ordonnance gouvernementale no 80/2000 dispose:

«Constituent des contraventions, sanctionnées comme suit:

a)

le non-respect des dispositions de l’article 1er, paragraphe 2 […]: amende de 1000 à 5000 lei [roumains (RON) (environ 227 à 1135 euros)];

[…]»

13

L’annexe de l’arrêté no 2135, du 8 décembre 2005, du ministre des Transports, de la Construction et du Tourisme, portant approbation des réglementations relatives à la réception et à l’homologation des produits et matériels d’exploitation utilisés pour les véhicules routiers et aux conditions de leur introduction sur le marché, comporte un chapitre II intitulé «Méthodologie et conditions concernant la réception ou l’homologation des produits utilisés pour les véhicules routiers». Sous ce chapitre figure le point 2.1, qui prévoit:

«Les produits fabriqués dans le pays ou importés, qui figurent dans la liste du chapitre V, peuvent être introduits sur le marché uniquement s’ils ont fait l’objet d’une réception ou d’une homologation par le RAR. La réception ou l’homologation sont demandées par les fabricants, leurs représentants, les importateurs ou les distributeurs. […]»

14

Le chapitre V de la même annexe contient une liste des produits et des matériels d’exploitation qui requièrent une telle réception ou une homologation par le RAR aux fins de leur mise sur le marché. Cette liste énumère les éléments utilisés par les véhicules routiers relatifs à la sécurité de la circulation, la protection de l’environnement, l’efficacité énergétique et la protection contre les vols. Ce chapitre V comprend un point 5.1.3 qui vise les filtres de combustible et un point 5.3.2 qui vise les pompes à eau.

Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

15

Capoda, société établie en Roumanie, commercialise dans cet État membre des produits et des pièces de rechange permettant la réparation, l’entretien et le fonctionnement de véhicules automobiles, qu’elle acquiert auprès de sociétés établies dans d’autres États membres.

16

Il ressort de la décision de renvoi que, à la suite d’un contrôle effectué le 21 juin 2011 par le RAR, celui-ci a constaté que cette société commercialisait en Roumanie des pompes à eau et des filtres à combustible pour les véhicules routiers relevant de la catégorie des pièces qui concernent la sécurité de la circulation et la protection de l’environnement, sans que ces produits aient fait l’objet d’une réception ou d’une homologation conformément à la législation nationale. En conséquence, par un procès-verbal de constat et de sanction de cette contravention du 28 juin 2011, le RAR a condamné Capoda au paiement de 2000 lei roumains (RON) (environ 454 euros).

17

Cette société a fait valoir que ces produits avaient été acquis auprès de sociétés établies en Allemagne et qu’ils étaient assortis de certificats qui attesteraient qu’il s’agirait de pièces de rechange d’origine ou de pièces de rechange de qualité équivalente, au sens de l’article 1er du règlement no 1400/2002, mises en libre circulation dans d’autres États membres. Par ailleurs, ces documents attesteraient également que les produits en cause ont été fabriqués dans les mêmes unités de production que les équipements d’origine, et qu’elles auraient été homologuées par les autorités compétentes des États membres dans lesquelles elles ont été produites. Dans ces conditions, Capoda a estimé que, en application du principe de reconnaissance mutuelle, ces produits devaient être exemptés de l’obligation de réception ou d’homologation prévue par le droit roumain.

18

Capoda a saisi la Judecătoria Cluj-Napoca (tribunal de première instance de Cluj-Napoca, Roumanie) d’une demande d’annulation de ce procès-verbal du 28 juin 2011. Par jugement prononcé en 2012, cette juridiction a accueilli cette demande, estimant que, bien que les pièces litigieuses relèvent de la catégorie des pièces pour lesquelles le droit roumain impose une procédure de réception ou d’homologation, elles peuvent, en vertu de la définition des «pièces de rechange d’origine» et des «pièces de rechange de qualité équivalente» prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous t) et u), du règlement no 1400/2002, être assimilées à des produits d’origine, au sens de l’article 1er ter, point 1.1, de l’ordonnance gouvernementale no 80/2000. En conséquence, elle a jugé que ces pièces devaient être exemptées de la procédure d’homologation ou de réception, conformément à l’article 1er, paragraphe 8, de cette ordonnance.

19

Saisi sur pourvoi contre ce jugement par le RAR et par l’agent ayant établi le procès-verbal du 28 juin 2011, M. Bejan, le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj) a réformé le jugement rendu et a maintenu la validité de ce procès-verbal, considérant que les documents fournis par Capoda ne prouvaient pas que les pièces litigieuses auraient été homologuées par le RAR ni n’attestaient de leur qualité d’origine, puisqu’il s’agissait de documents établis par des distributeurs et non par les fabricants.

20

Le 26 octobre 2013, le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj) a été saisi par Capoda d’une demande de révision de cet arrêt. Cette société fait valoir en particulier que l’application d’une procédure d’homologation ou de réception aux pièces litigieuses est contraire à la libre circulation des marchandises.

21

Dans ce contexte, le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le droit de l’Union, à savoir l’article 34 TFUE, l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2007/46 et l’article 1er, [paragraphe 1], sous t) et u), du règlement no 1400/2002, peut-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale, telle que celle de l’article 1er, paragraphe 2, de l’ordonnance gouvernementale no 80/2000, au motif qu’elle établit une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation, cette législation prévoyant que, pour la libre circulation (vente, distribution) des produits et des matériels d’exploitation neufs relevant de la catégorie des éléments qui concernent la sécurité de la circulation routière, la protection de l’environnement, l’efficacité énergétique et la protection contre les vols de véhicules routiers, le vendeur/distributeur/commerçant doit obligatoirement présenter un certificat d’homologation ou de réception en vue de l’introduction sur le marché et/ou de la commercialisation établi par le fabricant, ou alors, si le vendeur/distributeur/commerçant n’a pas obtenu ce certificat ou ne le détient pas, effectuer une procédure d’homologation des produits en cause par le [RAR] et obtenir un certificat d’homologation en vue de l’introduction sur le marché et/ou de la commercialisation établi par ledit [RAR], dans la mesure où, bien que le vendeur/distributeur/commerçant détienne un certificat de conformité en vue de l’introduction sur le marché et/ou de la commercialisation mis à sa disposition par le distributeur des pièces dans un autre État membre de l’Union, qui distribue lesdites pièces librement sur le territoire dudit État membre, ce certificat est insuffisant pour permettre la libre circulation/vente/distribution des marchandises en cause?

2)

Le droit de l’Union, à savoir l’article 34 TFUE, c’est-à-dire la notion de ‘mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative’, l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2007/46 et l’article 1er, [paragraphe 1], sous t) et u), du règlement no 1400/2002, peut-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale qui prévoit que le certificat de conformité, en vue de l’introduction sur le marché et/ou de la commercialisation, mis à disposition par un distributeur d’un autre État membre de produits et de matériels d’exploitation neufs relevant de la catégorie des éléments qui concernent la sécurité de la circulation routière, la protection de l’environnement, l’efficacité énergétique et la protection contre les vols de véhicules routiers, n’est pas suffisant pour permettre la libre commercialisation de ces produits et de ces matériels, dans la mesure où ce distributeur d’un autre État membre distribue librement ces pièces sur le territoire dudit [État membre] et ledit certificat établit que les pièces en cause peuvent être commercialisées sur le territoire de l’Union?»

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

22

Le gouvernement roumain a excipé de l’irrecevabilité des questions préjudicielles relatives à l’interprétation des articles 34 TFUE et 1er, paragraphe 1, sous t) et u), du règlement no 1400/2002. D’une part, il fait valoir que la directive 2007/46 procède à une harmonisation complète du domaine qu’elle régit, ne permettant plus le recours au droit primaire. D’autre part, il soutient que le règlement no 1400/2002 n’était plus en vigueur à la date du contrôle réalisé par le RAR et que les nouvelles dispositions de l’Union ne contiennent plus les définitions dont le juge de renvoi demande l’interprétation.

23

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêt Klarenberg, C-466/07, EU:C:2009:85, point 25).

24

Dans le cadre de cette coopération, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêt Klarenberg, C-466/07, EU:C:2009:85, point 26).

25

Il s’ensuit que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Klarenberg, C-466/07, EU:C:2009:85, point 27).

26

En l’occurrence, il ne saurait être valablement soutenu que l’article 34 TFUE n’a manifestement aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal. Par ailleurs, la question de savoir s’il n’y a pas lieu d’interpréter cet article au motif que la directive 2007/46 aurait procédé à une harmonisation complète ne constitue pas un motif d’irrecevabilité et doit être appréciée dans le cadre de la réponse à apporter aux questions préjudicielles. Par conséquent, l’exception d’irrecevabilité invoquée par le gouvernement roumain à l’égard de l’article 34 TFUE ne saurait être accueillie.

27

En revanche, le règlement no 1400/2002 a fixé, à son article 12, sa date d’expiration au 31 mai 2010. Le procès-verbal en cause au principal ayant été adopté le 28 juin 2011, ce règlement n’est donc pas applicable au litige au principal. Il peut également être relevé que les définitions qu’il prévoit à son article 1er, paragraphe 1, sous t) et u) des pièces d’origine ou des pièces de rechange de qualité équivalente ne s’appliquaient en tout état de cause qu’aux fins de ce règlement, lequel ne concerne que l’application de l’ancien article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.

28

Par conséquent, les questions posées, en tant qu’elles portent sur ce règlement, ne sont pas recevables.

29

Le gouvernement roumain estime également que les dispositions de l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2007/46 seraient claires et ne laisseraient place à aucun doute raisonnable qui justifierait une demande d’interprétation. Un tel argument ne constituant pas un motif d’irrecevabilité d’une question préjudicielle, il convient de le rejeter.

30

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les questions préjudicielles sont irrecevables en ce qu’elles portent sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous t) et u), du règlement no 1400/2002.

Sur les questions préjudicielles

31

Par ses deux questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 34 TFUE et 31, paragraphe 1, de la directive 2007/46 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne la commercialisation dans un État membre de pièces détachées neuves pour véhicules routiers – en l’occurrence, des pompes à eau et des filtres à combustible – à l’application d’une procédure de réception ou d’homologation dans cet État membre, à moins qu’il ne soit démontré, par un certificat d’homologation ou de réception, que ces produits ont déjà été soumis à une telle procédure dans un autre État membre ou qu’il s’agit de pièces d’origine ou de pièces de rechange de qualité équivalente, au sens de cette réglementation, un document établi à cet égard par le distributeur n’étant cependant pas considéré comme suffisant.

32

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 1er de la directive 2007/46 que celle-ci établit non seulement un cadre harmonisé contenant les dispositions administratives et les exigences techniques à caractère général applicables à la réception de tous les véhicules neufs relevant de son champ d’application ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules en vue de faciliter leur immatriculation, leur vente et leur mise en service dans l’Union, mais aussi les dispositions applicables à la vente et à la mise en service des pièces et des équipements destinés à des véhicules réceptionnés conformément à cette directive.

33

Il semble ressortir du dossier transmis à la Cour que l’affaire au principal relève de cette seconde catégorie de dispositions, ce qu’il revient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

34

Dans ce cadre, l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2007/46 prévoit que les États membres ne permettent la vente, l’offre de vente ou la mise en service de pièces ou d’équipements susceptibles de présenter un risque important pour le bon fonctionnement de systèmes essentiels pour la sécurité du véhicule ou sa performance environnementale que si ces pièces ou équipements ont été autorisés par une autorité compétente en matière de réception, conformément aux paragraphes 5 à 10 de cet article.

35

Cependant, ainsi que cela ressort des paragraphes 2 et 11 de l’article 31 de la directive 2007/46, les pièces ou les équipements qui font l’objet de l’autorisation visée au paragraphe 1 de cet article doivent figurer sur la liste de l’annexe XIII de cette directive. Or, ainsi que l’indique la Commission, cette dernière n’a arrêté aucune liste dans le cadre de cette annexe.

36

Dans ce cas, et ainsi que le soutiennent le gouvernement roumain et la Commission, il y a lieu de se référer au paragraphe 12 de cet article 31 qui prévoit que, dans l’attente d’une décision de la Commission relative à l’inclusion d’une pièce ou d’une partie d’équipement dans la liste figurant à l’annexe XIII de cette directive, les États membres peuvent maintenir des dispositions nationales relatives aux pièces ou aux équipements susceptibles de faire peser un risque important sur le bon fonctionnement de systèmes essentiels pour la sécurité du véhicule ou sa performance environnementale, ces dispositions nationales cessant toutefois d’être applicables dès qu’une telle décision a été prise.

37

Cette disposition concerne ainsi la vente et la mise en service de pièces ou de parties d’équipement qui, outre le fait qu’elles ne figurent pas sur la liste figurant à l’annexe XIII de la directive 2007/46, sont susceptibles de faire peser un risque important sur le bon fonctionnement de systèmes essentiels pour la sécurité du véhicule sur lequel elles sont installées ou pour la performance environnementale de celui-ci, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier pour ce qui concerne les pièces en cause au principal.

38

Il y a lieu, ensuite, d’examiner si le droit de l’État membre relatif à la vente et à la mise en service de ces pièces, auquel renvoie l’article 31, paragraphe 12, de cette directive, est conforme au droit de l’Union et en particulier à l’article 34 TFUE.

39

À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que toute mesure d’un État membre susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce au sein de l’Union doit être considérée comme une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 34 TFUE (voir, notamment, arrêts Dassonville, 8/74, EU:C:1974:82, point 5, et Juvelta, C-481/12, EU:C:2014:11, point 16).

40

Il en résulte en particulier que, même en l’absence de mesures d’harmonisation de droit de l’Union, les produits légalement fabriqués et commercialisés dans un État membre doivent pouvoir être commercialisés dans un autre État membre sans être soumis à des contrôles supplémentaires. Pour être justifiée, une réglementation nationale imposant de tels contrôles doit relever de l’une des exceptions prévues à l’article 36 TFUE ou de l’une des exigences impératives reconnues par la jurisprudence de la Cour et, dans l’un et l’autre cas, être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint (voir arrêts ATRAL, C-14/02, EU:C:2003:265, point 65, et Commission/Portugal, C-432/03, EU:C:2005:669, point 42).

41

Il ressort du dossier transmis à la Cour que la réglementation en cause au principal impose l’application d’une procédure d’homologation ou de réception aux produits en cause au principal, laquelle est susceptible de constituer une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 34 TFUE, à moins que cette réglementation ne prévoie également des exceptions à ces procédures de nature à assurer que les produits légalement fabriqués et commercialisés dans les autres États membres en soient exemptés.

42

Toutefois, il semble ressortir également de ce dossier que l’article 1er, paragraphe 8, de l’ordonnance gouvernementale no 80/2000 prévoirait de telles exceptions, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier.

43

S’il devait s’avérer qu’il n’en est pas ainsi, il incomberait alors aux autorités nationales compétentes de démontrer que cette entrave peut être justifiée, compte tenu des produits susceptibles d’être concernés, par les objectifs de protection de la sécurité routière et de protection de l’environnement, qui constituent, selon la jurisprudence, des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative et qu’elle est non seulement nécessaire, mais proportionnée à de tels objectifs (voir, notamment, arrêt Commission/Belgique, C-150/11, EU:C:2012:539, points 54 et 55).

44

Quant à la question de savoir si le droit de l’Union s’oppose à ce que des documents, tels que ceux fournis par Capoda, ne soient pas considérés comme suffisants pour démontrer que des pièces, telles que celles en cause au principal, sont déjà homologuées ou réceptionnées ou qu’il s’agit des pièces d’origine ou de rechange de qualité équivalente, au sens du droit national, exemptées, à ce titre, de la procédure d’homologation ou de réception par le RAR, il y a lieu de préciser qu’il appartient aux États membres, en l’absence de réglementation du droit de l’Union, de déterminer les moyens de preuve susceptibles d’être rapportées à cet égard, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité.

45

Sous cette réserve, le droit de l’Union ne s’oppose pas, dès lors, à ce que seuls des certificats émanant du fabricant et non du distributeur permettent en principe d’attester du fait qu’il s’agit de pièces déjà homologuées ou réceptionnées ou de pièces d’origine ou de rechange de qualité équivalente, au sens du droit national. Il convient, d’ailleurs, de relever que l’article 3, point 26, de la directive 2007/46, qui définit la notion de «pièces ou équipements d’origine » aux fins de cette directive, prévoit qu’il est présumé, jusqu’à preuve du contraire, que les pièces sont d’origine si le fabricant le certifie.

46

Il s’ensuit qu’il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 34 TFUE et 31, paragraphes 1 et 12, de la directive 2007/46 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne la commercialisation dans un État membre de pièces détachées neuves pour véhicules routiers – en l’occurrence, des pompes à eau et des filtres à combustible – à l’application d’une procédure de réception ou d’homologation dans cet État membre, pour autant que cette réglementation prévoie par ailleurs des exceptions de nature à assurer que les pièces légalement produites et commercialisées dans les autres États membres en soient exemptées ou, à défaut, que les pièces en cause soient de nature à faire peser un risque important sur le bon fonctionnement de systèmes essentiels pour la sécurité du véhicule ou sa performance environnementale et que cette procédure d’homologation ou de réception soit strictement nécessaire et proportionnée au respect des objectifs de protection de la sécurité routière ou de protection de l’environnement. Les conditions dans lesquelles doit être rapportée la preuve du fait que de telles pièces ont déjà été homologuées ou réceptionnées ou constituent des pièces d’origine ou de qualité équivalente relèvent, en l’absence de réglementation du droit de l’Union, du droit des États membres, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

Les articles 34 TFUE et 31, paragraphes 1 et 12, de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre), doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui subordonne la commercialisation dans un État membre de pièces détachées neuves pour véhicules routiers – en l’occurrence, des pompes à eau et des filtres à combustible – à l’application d’une procédure de réception ou d’homologation dans cet État membre, pour autant que cette réglementation prévoie par ailleurs des exceptions de nature à assurer que les pièces légalement produites et commercialisées dans les autres États membres en soient exemptées ou, à défaut, que les pièces en cause soient de nature à faire peser un risque important sur le bon fonctionnement de systèmes essentiels pour la sécurité du véhicule ou sa performance environnementale et que cette procédure d’homologation ou de réception soit strictement nécessaire et proportionnée au respect des objectifs de protection de la sécurité routière ou de protection de l’environnement.

Les conditions dans lesquelles doit être rapportée la preuve du fait que de telles pièces ont déjà été homologuées ou réceptionnées ou constituent des pièces d’origine ou de qualité équivalente relèvent, en l’absence de réglementation du droit de l’Union, du droit des États membres, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité.

Signatures


( * ) Langue de procédure: le roumain.

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CJUE, n° C-354/14, Arrêt de la Cour, SC Capoda Import-Export SRL contre Registrul Auto Român et Benone-Nicolae Bejan, 6 octobre 2015