Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 8 avril 2021, n° F18/01344

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Boulogne-Billancourt, 8 avr. 2021, n° F18/01344
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt
Numéro(s) : F18/01344

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE CONSEIL DE PRUD’HOMMES AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS DE BOULOGNE-BILLANCOURT

JUGEMENT

Audience publique du 08 AVRIL 2021

MINUTE COMPOSITION DU BUREAU DE JUGEMENT :

N° RG F 18/01344 – N° Portalis Monsieur MAJOR, Président Conseiller (S) DC2T-X-B7C-BTT5 Madame VALLERON, Assesseur Conseiller (S) Monsieur MANZANERA, Assesseur Conseiller (E) Section Encadrement Madame BOUR, Assesseur Conseiller (E)

assistés lors des débats de Monsieur VIDAL, Greffier Demandeur : et lors du prononcé de Monsieur VIDAL, Greffier, B Y épouse signataire du présent jugement qui a été mis(e) à X disposition au greffe de la juridiction EXPÉDITION COMPORTANT LA CONTRE

FORMULE EXÉCUTOIRE Entre Défendeur(s) : Madame B Y épouse X S.A.S. EDITIONS

LEGISLATIVES […]

[…] Assistée de Me Tristan AUBRY-INFERNOSO (Avocat au barreau de PARIS) substituant Me Manuel DAMBRIN

(Avocat au barreau de PARIS) 21/00209

Extraits des Minutes JUGEMENT du Secrétariat-Greffe DEMANDEUR Qualification: Contradictoire du Conseil de Prud’Hommes en premier ressort de Boulogne-Billancourt Et

Copies adressées par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception le : 12/04/2.21S.A.S. EDITIONS LEGISLATIVES […]

[…] Copie certifiée conforme comportant la Représenté par Me Aymeric DE LA MARZELLE (Avocat formule exécutoire délivrée au barreau de PARIS) substituant Me Loïc le 12/04/2021 à me B Y ipance TOURANCHET (Avocat au barreau de PARIS)

RUDNIANKS! DEFENDEUR

PROCÉDURE

- Vu la date de saisine du conseil: 31 octobre 2018;

Vu la convocation de la partie défenderesse par lettre recommandée avec accusé de réception, à l’audience du Bureau de conciliation et d’orientation du 04 juillet 2019, date à laquelle le conseil a constaté l’absence de conciliation des parties;

- Attendu que la cause a été renvoyée à l’audience du Bureau de jugement du 11 juin 2020;

- Attendu que les débats ont eu lieu à l’audience publique du 03 décembre 2020, date à laquelle les parties ont comparu comme indiqué en première page;

- Attendu qu’à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au : 8 avril 2021;

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LES FAITS
Madame B Y a été embauchée par le groupe INTESCIA en qualité de Directrice de publicite compter du 2 novembre 2004.

En octobre 2015, la société EDITIONS LEGISLATIVES a acquis la branche « information sociale » du groupe INTESCIA, entraînant reprise d’environ trente salariés.

Dans ce contexte, Mme Y a conclu un contrat à durée indéterminée le 7 décembre 2015 avec la société EDITIONS LEGISLATIVES. Affectée au service publicité, elle était principalement en charge du développement du magazine « Direction(s) » dont elle avait la charge au sein d’INTESCIA.

La convention collective nationale des cadres, techniciens, agents de maîtrise de la presse d’information spécialisée est applicable. Mme Y y est classifiée Cadre, groupe 2, niveau 11.

Elle percevait au dernier état de la relation contractuelle une rémunération de 5.941,44 € brut (moyenne 12 derniers mois). La défense, indique pour sa part, une somme de 5.162,98 € brut mensuel.

Par courrier remis en mains propres le 22 mai 2018, Mme Y était convoquée à un entretien préalable fixé le 31 mai 2018. Mme Y était mise à pied à titre conservatoire. L’entretien a bien eu lieu le 31 mai 2018; Mme Y y était assisté.

Mme Y a été licenciée pour faute par lettre recommandée avec accusé de réception le 5 juin 2018; le dernier jour travaillé/payé est le 22 mai 2018.

Par courrier en date du 18 juin 2018, Mme Y a demandé aux EDITIONS LEGISLATIVES par courrier des précisions quant aux motifs de son licenciement.

Sans réponse, Mme Y a saisi le Conseil de céans avec les chefs de demande suivants :

DIRE que le licenciement de Mme Y est nul, CONDAMNER la société EDITIONS LEGISLATIVES à lui payer la somme de 142.594,56 subsidiairement, DIRE que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNER la société EDITIONS LEGISLATIVES à lui payer la somme de 68.326,56 € nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en tout état de cause,

CONDAMNER la société EDITIONS LEGISLATIVES à lui payer les sommes suivantes, sommes à parfaire le cas échéant : Rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement: 27.780,25 € nets, Dommages et intérêts au regard du préjudice de retraite : 117.504 € nets, Rappel de salaire au titre des heures supplémentaires impayées : 13.348,80 € bruts, Au titre des congés payés afférents: 1.334,88 € bruts, Indemnité pour travail dissimulé: 35.648,64 € nets,

Dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire : 20.000 € nets,

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat d e travail: 20.000 € nets.

CONDAMNER la société EDITIONS LEGISLATIVES à remettre à Mme Y des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, reçu pour solde de tout compte) conformément à la décision à intervenir, ORDONNER l’exécution provisoire sur le tout de la décision à intervenir, FIXER à 5.941,44 € la moyenne des rémunérations mensuelles,

DIRE que les condamnations à intervenir produiront intérêt : à compter de la réception de la requête pour les sommes à caractère salarial; à compter du jugement pour les autres sommes, CONDAMNER la société EDITIONS LEGISLATIVES à payer à Mme Y la somme de 5.000 € au titre de l’Art.700 du Code de procédure civile, CONDAMNER la société EDITIONS LEGISLATIVES aux entiers frais et dépens d’instance.

A titre reconventionnel, la société EDITIONS LEGISLA TIVES demande de :

DEBOUTER Mme Y de l’ensembl e de ses demandes,

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CONDAMNER Mme Y à verser la somme de 2.000 € au titre de l’Art.700 du Code de procédure civile.

MOYENS DES PARTIES

S’agissant des moyens et prétentions et parties, il y a lieu de se reporter aux conclusions des deux parties, visées en audience, le 3 décembre 2020, et reprises – faits et moyens – lors des plaidoiries et débat contradictoire; ainsi qu’aux notes prises par le Greffe en cours d’audience, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement du 5 juin 2018 fixe les limites du litige et il appartient au juge saisi, en application de l’Art. L1235-1 du Code du Travail, d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, la société EDITIONS LEGISLATIVES, et de former ainsi sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

Elle est ainsi libellée :

Nous vous avons remis le 22 mai 2018, en mains propres, une lettre vous notifiant une mise à pied à titre 11 conservatoire et vous convoquant pour un entretien préalable à licenciement le jeudi 31 mai 2018. Lors de cet entretien qui s’est déroulé en présence de Madame C D, directeur commercial et de Monsieur E F, délégué syndical qui vous assistait, nous avons évoqué les différents points qui nous

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation de la conduisent à envisager une telle mesure. situation, nous avons décidé de vous licencier pour violation réitérée de votre obligation de loyauté et insubordination lesquelles se traduisent notamment par les illustrations suivantes : Votre comportement inadapté à l’égard de votre manager : vous prononcez des remarques acerbes, désobligeantes et dénigrantes à son encontre en sa présence ou devant d’autres membres de l’équipe en usant d’un ton parfaitement déplacé. Ce comportement est, par nature, déstabilisant et humiliant pour votre supérieur

Votre comportement inadapté à l’égard d’un membre de votre équipe et des salariés d’autres départements hiérarchique ce qui est inacceptable.

(Marketing Direct et Digital, la Rédaction, ou le Marketing). Nous avons en effet reçu une plainte d’une de vos collègues de travail qui ne supporte plus votre comportement au quotidien. Sans être exhaustif, cette dernière a notamment pu nous préciser que vous vous étiez livrée régulièrement devant elle à de vives critiques et dénigrement à l’égard de votre manager; vous avez tenu devant vos collègues des propos insultants au sujet d’une salariée qui rencontrait un problème de mise en ligne de bannières publicitaires. Vos multiples refus de respecter les missions confiées par votre manager. Ce fut notamment le cas

La réalisation du reporting demandé par votre manager. Vos refus réitérés, consignés dans l’entretien concernant :

annuel, s’analysent en une insubordination. Votre refus d’accepter et de participer aux réunions prévues par votre manager et votre souhait réitéré de prendre délibérément des rendez-vous sur le temps où l’équipe doit se réunir le mardi matin. Votre comportement est donc globalement inadapté et incompatible avec vos foncions et votre niveau

Ces éléments caractérisent une insubordination manifeste et une violation de votre obligation de loyauté, de responsabilité. rendant votre présence au sein du service incompatible avec le bon fonctionnement de celui-ci. Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Votre préavis, que nous vous dispensons d’effectuer, débutera à la date de prernière présentation de cette

-lettre et se terminera à l’issue d’un préavis de trois mois, conformément aux dispositions de votre contrat de travail. La période non travaillée du 23 mai au 5 juin 2018 vous sera rémunérée".

Sur la nullité du licenciement :

En droit : L’Art. L1132-1 du Code du travail stipule qu’ " Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de

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formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionne mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français ".

Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement et il incombe à l’employeur qui conteste le caractère discriminatoire d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l’espèce:

Mme Y n’apporte au Conseil que le constat de son âge et du fait qu’elle avait atteint l’âge légal de la retraite à l’échéance de son licenciement;

Mme Y attribue à la reprise de ses conditions contractuelles d’INTESCIA aux EDITIONS LEGISLATIVES (en décembre 2015) la volonté de son employeur de la licencier; Elle ne démontre pas qu’elle a, clairement et sans équivoque, indiqué à son employeur qu’elle souhaitait poursuivre son activité professionnelle jusqu’à l’âge de 67 ans; Ces seuls éléments ne permettent d’avoir une suspicion de discrimination dont l’employeur devrait démontrer l’inexistence.

En conséquence, le Conseil juge qu’il n’y a pas nullité du licenciement.

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement :

En droit :

l’Art.L1232-1 du Code du travail dispose que le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse,

Il découle de l’Art. 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés

-

fondamentales, de l’Art. 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen et du Code du Travail que tout salarié jouit de la liberté d’expression à l’extérieur comme au sein de l’entreprise; il peut ainsi s’exprimer sur son lieu de travail et notamment critiquer ses conditions de travail,

La jurisprudence dispose qu’il n’est pas possible d’apporter de restrictions au droit d’expression et qu’un salarié ne peut être sanctionné pour avoir exercé sa liberté d’expression; seul un usage abusif et disproportionné peut limiter l’expression du salarié, L’Art. 1332-4 du Code du travail dispose qu"« Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales », L’article R. 1232-13 du Code du travail fixe les conditions et les délais dans lesquels les motifs de licenciement pourront être précisés,

En l’espèce: Il est produit deux emails par l’employeur en dates des 8 décembre 2017 et 16 avril 2018 (renvoyant à des pièces non fournies); Mme Z fait état « d’événements »; au-delà de Mme A, il n’a pas été possible d’identifier tous les destinataires de ces messages et aucune réponse des destinataires n’est fournie; Les « événements » décrits dans la lettre de licenciement sont identiques à ceux évoqués dans les deux emails cités supra; il en découle qu’un doute certain existe sur le fait que les comportements qui y sont évoqués relèvent du domaine disciplinaire et que, le licenciement ayant été effectif au 5 juin 2018, ils soient prescrits: L’employeur ne produit aucun élément indiquant que Mme Y aurait été convoquée par la DRH pour évoquer les points relatés dans ces messages avant le lancement du processus de licenciement afin de solliciter des explications de la demanderesse sur les faits allégués; Il n’est pas apporté d’éléments selon lesquels Mme Y aurait bénéficié de formation(s) afin de progresser sur son relationnel dès lors que c’est sur celui-ci que l’entreprise fait porter ses critiques et sa décision de licenciement;

Il n’est pas apporté d’éléments indiquant que l’employeur a exercé ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail alors que des salariés « craquaient » du fait de comportements allégués de Mme Y; rien n’indique par ailleurs que les Instances de Représentation du Personnel ont été saisies alors que le comportement de Mme Y est décrit comme particulièrement régulier et affectant plusieurs services et salariés;

Il n’est pas apporté d’éléments prouvant que des signalements pour faits de harcèlement auraient été

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effectués au regard des reproches formés contre Mme Y; Des mails de mars 2018 sont fournis au Conseil : soit ils ne sont pas adressés qu’à Mme Y, soit ne figure qu’une demande adressée par Mme Z à Mme Y (sans réponse de cette dernière qui aurait permis de juger de la nature de son comportement et notamment si elle n’exécutait pas les instructions données par sa responsable), soit fait apparaître une réponse de Mme Y qui ne présente aucun caractère d’insubordination; Des actions comme l’annulation de réunions ne semblent pas être systématiquement du fait de Mme Y comme l’atteste l’agenda électronique et ne saurait raisonnablement qualifier de surcroît une

Les échanges relatés et apportés au Conseil sont extrêmement limités sur un plan temporel; sortis de leur insubordination; contexte, rien ne permet d’en caractériser la réelle nature et en tout état de cause d’en qualifier la gravité, le caractère abusif, la récurrence et l’existence d’une insubordination de nature à rompre le contrat de travail; L’entretien annuel faisant le bilan de l’exercice 2017 entre Mme Y et Mme Z font état de « problèmes de comportement » mais ne sont pas qualifiés ou de manière floue (« tu t’es adressée à moi sans filtre, me parlant très mal »); est évoquée une situation « dommageable »; Mme Z relève que les comportements auxquels elle a dû faire face peuvent, peut-être, être expliqués par les points que relève Mme Y dans sa partie du bilan (réorganisation, sentiment de déclassement). Mme Z évoque des rapports « devenus tendus » mais rien ne permet de confronter les perceptions et visions des quelques faits évoqués; Mme Y exprime là un droit à porter un jugement sur l’évolution de l’organisation et

Les fonctions et niveau de responsabilité avancées ne peuvent en aucun cas constituer une limitation spécialement en ce que cela a comme impact pour elle-même,
Mme Y a, dans la convocation à entretien préalable du 22 mai 2018, été informée de sa mise d’expression de Mme Y, à pied conservatoire; les éléments apportés au Conseil ne permettent pas d’expliquer celle-ci; aucun élément factuel, précis daté n’indiquant que la gravité des faits reprochés empêchait le maintien dans l’entreprise de

Les termes « acerbes », « désobligeantes et dénigrantes », « déstabilisant et humiliant » contenus dans la la demanderesse; lettre de licenciement sont des qualificatifs mais rien ne permet de les étayer par des faits précis et démontrés; Le Conseil note que l’employeur n’a pas répondu au courrier de demande de justification de son licenciement de Mme Y qu’elle a adressé à l’entreprise dans le délai légal de 15 jours.

Le Conseil note qu’il existait vraisemblablement une mésentente entre Mme Y et Mme Z mais qu’aucun fait suffisamment précis et qualifié ne permet de justifier le licenciement de Mme

Y. Celle-ci a, par ailleurs, exercé son droit d’expression sans abus.

Le licenciement est donc qualifié de sans cause réelle et sérieuse.

Sur le salaire de Mme Y: La demanderesse établit son salaire à 5.941,44 € bruts mensuels (calcul sur 12 mois). Les EDITIONS

LEGISLATIVES le fixe à 5162,98 €.

Sur la base des éléments communiqués, le Conseil fixe le salaire de référence à 5.660,06 € bruts.

Sur le rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement :

En droit : L’Art.33 de la Convention Collective applicable stipule que l’indemnité conventionnelle de licenciement est de: 1/2 mois après six mois de fonctions et 1 mois après un an de fonctions en tant que cadre ou assimilé;

1 mois par année pleine en tant que cadre (groupes I, II et III) de la 2° à la 4° année ;

2/3 mois par année pleine en tant que cadre (groupes I, II et III) de la 5° à la 25° année ;

1/2 mois par année pleine en tant qu’assimilé de la 2° à la 25° année

Les dispositions applicables en cas de faute du salarié ne sont pas opérantes dès lors que le licenciement a été En l’espèce:

qualifié de sans cause réelle et sérieuse.

Madame Y est cadre, groupe 2, niveau 11. Son ancienneté est de 13 ans et 7 mois à la fin de la

relation de travail. L’indemnité due est donc de: (1/2 x 5.660,06 €) + (5.660,06) + (3 x 5.660,06) + (2/3 x 5.660,06 x 9) + (2/3 x

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5.660,06 x 7/12) soit un total de : 61.631,76 €

Le solde de tout compte indique une indemnité perçue de 37.905,67 €. Il conviendra donc de verser à M Y la différence soit la somme de : 23.726,09 €.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice de retraite :

Il n’est apporté au Conseil des éléments prouvant que les EDITIONS LEGISLATIVES ont sciemment licencié Mme Y dans le but de porter atteinte à ses droits à la retraite; La demanderesse produit une attestation certifiant du montant de sa pension de retraite en avril 2019; Il n’est pas possible de déterminer ce qu’aurait été hypothétiquement la poursuite de sa carrière professionnelle aux EDITIONS LEGISLATIVES;

Même si les revenus reçus dans le cadre d’un cumul emploi-retraite (auquel Mme Y est éligible) ne sont pas générateurs de droits supplémentaires, ils viendraient compléter les ressources de Mme Y; celle-ci ne fournissant cependant aucun élément sur sa situation professionnelle à date; Mme Y a indiqué sur le support de l’entretien professionnel 2015 (daté de mars 2016) à la rubrique « Départ à la retraite: âge de départ souhaité » est indiqué « 7 ans »; la rubrique « Prolongement de vie professionnelle souhaité » n’est pas complétée; Mme Y exprimait donc un souhait de partir en retraite en 2022 soit à l’âge de 66 ans;

Mme Y forme une demande chiffrée dans ses conclusions étayées par une pièce d’Info Retraite annotée et présentant des chiffres différents; Le Conseil ne peut déterminer ce que seront les évolutions sociales et fiscales susceptibles d’affecter le calcul et le niveau des pensions de retraite de base et complémentaires; que la société EDITIONS LEGISLATIVES ne l’est pas plus; Enfin, la demanderesse a formé une demande de dommages et intérêts et non une indemnité pour perte de chance.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts au regard du préjudice de retraite est rejetée.

Sur le paiement au titre des heures supplémentaires :

Il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments; Mme Y ne rapporte pas qu’elle aurait sollicité son employeur à propos d’ heures réalisées au-delà des 35 heures de son régime de travail ni d’une charge de travail excessive; Le mode d’emploi fourni de E TEMPTATION, outil de gestion des temps, n’est pas daté et on ne sait si Mme Y a effectivement utilisé cet outil;

Une seule impression d’écran fournie (d’une autre application HORSYS) ne permet pas de comptabiliser un temps de travail et de comprendre chiffres et modes de calculs; En l’absence d’outil de gestion du temps de travail, la jurisprudence reconnaît de nombreux éléments susceptibles d’apporter un faisceau d’éléments probatoires ce que ne fait pas Mme Y; Aucun élément n’est apporté sur l’existence ou non d’un régime de travail collectif ans l’établissement; Des éléments aussi vagues que « déplacement professionnel en grande partie la semaine prochaine » ou « énormément d’animations commerciales à saisir » ne peuvent être considérées comme indices de réalisation d’heures supplémentaires,

Le Conseil juge qu’il n’y a pas lieu de donner suite à la demande de paiement d’heures su pplémentaires formée par Mme Y.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé :

En l’absence d’heures supplémentaires prouvées, le Conseil dit qu’il n’y a pas, en conséquence, à examiner cette demande.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail :

La jurisprudence reconnaît que le caractère brutal et/ou vexatoire du licenciement peut être un préjudice distinct du licenciement dont le salarié est fondé à demander réparation de manière distincte du licenciement; Mme Y a une ancienneté de plus de 13 ans; Les évaluations fournies montrent une salariée investie dont les performances sont reconnues; Aucun entretien formel n’a été menée avec Mme Y pour évoquer avec elle les difficultés que l’entreprise disait rencontrer avec son comportement; aucune médiation interne n’a été menée pour favoriser un dialogue apaisée entre Mme Y et sa responsable;

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Mme Y a donc reçu en mains propres le 22 mai 2018 la convocation à entretien préalable; Elle a, dans le même temps, appris sa mise à pied conservatoire; Comme noté supra, aucun élément n’est apporté pour justifier cette décision de mise à pied conservatoire;

Elle a donc dû quitter l’entreprise immédiatement sans avoir pu échanger avec ses collègues ni récupérer des effets personnels (ce que ne conteste pas la défense); La demanderesse invoque une situation familiale difficile ayant aggravé les conditions de son départ de l’entreprise mais aucune pièce ne vient l’étayer.

Le Conseil juge qu’il convient d’entrer en voie de condamnation au titre du caractère brutal et vexatoire du licenciement opéré.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Le conseil a reconnu le licenciement de Mme Y comme sans cause réelle et sérieuse; Les éléments apportés par la demanderesse au soutien de ce point sont jugés extrêmement mineurs; Mme Y n’apporte pas d’éléments complémentaires à ceux portant sur son licenciement attestant de difficultés professionnelles, de charge de travail, de manquements que son employeur n’aurait pas pris en compte et qui lui aurait créé un préjudice.

Le Conseil conclut qu’il n’y a pas lieu à donner suite à cette demande.

Sur la remise des documents de fin de contrat : La société EDITIONS LEGISLATIVES devra délivrer les documents de fin de contrat tenant compte de la

présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Bureau de Jugement du Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

DIT que licenciement de Mme Y n’est pas nul,

DIT que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

DIT qu’il convient de fixer le salaire mensuel brut à 5.660,06 €, ob 219

Dupiktu DIT qu’il y a lieu d’appliquer le barème d’indemnités de licenciement conventionnel,

3

DIT que Mme Y ne démontre pas de préjudice précis quant à sa retraite,

DIT que Mme Y ne fait pas la démonstration de l’existence d’heures supplémentaires réalisées et

non payées,

DIT que la société EDITIONS LEGISLATIVES ne s’est pas rendu coupable de travail dissimulé,

DIT que le licenciement de Mme Y a revêtu un caractère brutal et vexatoire,

DIT qu’il n’y a pas eu exécution déloyale du contrat de travail.

En conséquence,

JUGE qu’il convient de condamner la société EDITIONS LEGISLATIVES à payer à Madame Y la somme de 60.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

JUGE qu’il convient de verser à Mme Y la somme de 23.726,09 € au titre de complément de

l’indemnité de licenciement,

JUGE qu’il convient de condamner la société EDITIONS LEGISLATIVES à payer à Madame Y

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la somme de 6.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

FIXE à 1.000 € la somme à verser à Madame Y au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civil,

DEBOUTE Madame Y en ses autres demandes.

RAPPELLE que les sommes allouées en justice, quelles qu’elles soient, sont soumises au traitement social et fiscal résultant de la loi en vigueur; que les dispositions résultant de la loi de Sécurité Sociale, qui assujettissent les sommes allouées, y compris indemnitaires, à cotisations salariales et patronales, sont d’ordre public; et qu’il appartient, en conséquence, à chacune des parties de s’acquitter des cotisations pouvant lui incomber.

RAPPELLE que l’Art. R 1454-28 du Code du Travail réserve l’exécution provisoire au paiement des sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’Art. R 1454-14 du même Code.

MET les éventuels dépens à la charge de la société EDITIONS LEGISLATIVES.

REÇOIT la société EDITIONS LEGISLATIVES en sa demande reconventionnelle au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civil et l’en déboute.

Ainsi prononcé le 8 avril 2020 par mise à disposition du jugement au Greffe du Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’Art.450 du Code de Procédure Civile.

LE PRÉSIDENT

LE GREFFIER En foi de quoi, la présente expédition, certifiée conforme à la minuta, est délivrée par le Creffier en Chef soussigné

En Conséquence La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre les présentes à exécution,

Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de proximité d’y tenir la main,

A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

$12/09/2021 C

Boulogne, le

Le Greffier

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