Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 18 juillet 2018, n° 1507487

  • Écotaxe·
  • Contrat de partenariat·
  • Sociétés·
  • L'etat·
  • Résiliation·
  • Dispositif·
  • Préjudice·
  • Investissement·
  • Manque à gagner·
  • Indemnisation

Chronologie de l’affaire

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Me Sébastien Du Puy-montbrun · consultation.avocat.fr · 16 août 2019

Ecotaxe : Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise (TA Cergy-Pontoise, 18 juillet 2018, n° 1507487) juge que la résiliation du contrat de partenariat liant l'Etat à la société Ecomouv' n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général, l'Etat n'apportant des éléments nécessaires : - ni pour considérer qu'un vice entachait la régularité du contrat; - ni pour soutenir utilement que la survenance de difficultés techniques lors de la conception et de la mise en œuvre du dispositif constitutif un motif légitime d'intérêt général dans la mesure où il ne détaille pas la nature desdites …

 

pamina-avocats.com · 22 mars 2019

Parmi les pouvoirs reconnus à l'autorité publique dans l'exécution des contrats administratifs, le droit de procéder unilatéralement à leur résiliation pour motif d'intérêt général est probablement le plus emblématique et le moins discuté. D'une manière simplifiée, mais proche de la réalité, on a longtemps pu dire que l'administration disposait du droit de mettre librement un terme à ses relations avec tout prestataire, pour tout autre motif que la faute de ce dernier. Bien sûr, ce pouvoir impliquait en contrepartie, pour le prestataire écarté, le droit d'obtenir une pleine indemnisation …

 

Le Journal du Droit Administratif · 6 janvier 2019

par Mathias AMILHAT, Maître de conférences en Droit public – Université de Lille Art. 237. Les critères jurisprudentiels de définition de la notion de contrat administratif continuent de susciter des décisions importantes alors même qu'en pratique ces critères ont un champ d'application de plus en plus limité. D'autres décisions méritent toutefois l'attention, qu'il s'agisse de celles relatives au contentieux contractuel ou de celles concernant le pouvoir de résiliation reconnu aux personnes publiques contractantes. Contrat administratif ou de droit privé : la clause exorbitante n'a …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 18 juill. 2018, n° 1507487
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 1507487
Décision précédente : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 14 mars 2018

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

lv

DE CERGY-PONTOISE

N°1507487 ___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Société A

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme Cécile X

Rapporteur

___________

Le tribunal administratif Mme Gaëlle Mornet de Cergy-Pontoise Rapporteur public

(7ème chambre) ___________

Audience du 2 juillet 2018 Lecture du 18 juillet 2018 ___________ Code PCJA : 39-04-02, 60-01-02 Code de publication : C+

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 août 2015, 23 décembre 2016, 29 mai 2018 et 28 juin 2018, la société A, représentée par CMS Bureau Y Z, demande au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 129 753 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2015, date de réception de son courrier du 7 mai 2015, ces intérêts devant être capitalisés ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 30 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l’Etat est à titre principal engagée pour faute délictuelle ;

- il a incité les opérateurs économiques à réaliser des investissements en vue de la réalisation d’un projet public sans prévoir les modalités de leur indemnisation en cas d’abandon ; le sous-contrat type SHT « option 3 » exclut toute indemnisation ; l’Etat était tenu d’assumer les conséquences financières de la résiliation à l’égard des sous- contractants ;

- il a placé Ecomouv’ en situation d’abuser de sa position dominante ; il a ainsi méconnu les stipulations de l’article 106, paragraphe 1 et de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;


N° 1507487 2

- il a permis à Ecomouv’ de bénéficier de stipulations contractuelles particulièrement déséquilibrées, imposées aux sociétés contractantes (absence

d’indemnisation, pénalités disproportionnées) ; il a ainsi conduit Ecomouv’ à méconnaître le

2° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce ; le déséquilibre significatif tient au fait qu’elle n’a pas été en mesure de négocier le contrat, qui lui imposait une clause excluant toute indemnisation en cas de résiliation ;

- il a méconnu le principe d’égalité ; les autres acteurs du projet, Ecomouv’ et les SHT « option 1 », bénéficiaient de clauses d’indemnisation en cas de résiliation ; aucune différence objective ni aucun motif d’intérêt général ne justifiait un tel traitement différencié ;

- il a tardé à édicter les mesures réglementaires d’application de la loi ; il a finalement renoncé à la mise en œuvre de la taxe ; cette renonciation est fautive dès lors que le pouvoir exécutif est tenu d’appliquer la loi et commet une faute en s’en abstenant ;

- il a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime en interrompant brutalement le projet et en prononçant sa suspension ; son comportement ne pouvait en effet laisser supposer que le projet serait abandonné ; le pouvoir exécutif a pris les actes réglementaires à cet effet et signé le contrat de partenariat ; les rapports parlementaires renforcent le caractère improbable d’un abandon du projet qui mettait en œuvre une directive européenne ; l’Etat doit l’indemniser des dépenses engagées pour préparer l’exécution du projet, en tenant compte de ses reports successifs ;

- l’Etat a rompu le contrat de partenariat sans que cette décision ne soit fondée sur un motif d’intérêt général ; il n’a apporté aucune précision permettant d’établir l’existence et la nature des difficultés insurmontables qui ont justifié la résiliation ; la validité juridique du contrat de partenariat n’était pas mise en doute ;

- l’Etat l’a incitée à exposer des frais sans attendre l’entrée en vigueur du dispositif ni l’édiction des textes réglementaires alors même qu’il avait suspendu le projet ;

Ecoumouv’ lui a adressé plusieurs courriers pour répercuter les demandes de l’Etat ;

- subsidiairement, la responsabilité de l’Etat peut être engagée sur le fondement de sa responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques ; le projet

d’écotaxe était bien arrêté puisqu’il était prévu dans la loi depuis 2008 ; quand bien même la décision de résiliation du contrat de partenariat serait légale, cette décision lui a causé un préjudice anormal et spécial ;

- à titre encore plus subsidiaire, elle devrait être indemnisée sur le fondement de

l’enrichissement sans cause ; l’Etat s’est enrichi puisqu’il n’a pas exposé de dépenses pour la réalisation des investissements qu’elle a elle-même effectués ; aucune cause juridique ne peut expliquer l’enrichissement de l’Etat et son appauvrissement concomitant ;

- enfin, l’Etat pourrait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de sa responsabilité contractuelle dès lors que la société Ecomouv’ doit être regardée comme le mandataire de l’Etat ;

- elle a subi un préjudice tenant aux investissements réalisés pour la construction du dispositif SHT ; elle a notamment dû développer sa propre plate-forme technique et a dû conclure des contrats avec divers prestataires ; elle a ainsi exposé des dépenses à hauteur de

49 496 000 euros ;

- elle doit également être indemnisée des charges d’exploitation liées à la mise en œuvre du dispositif (coûts de télécommunications, d’homologation de la chaîne de collecte, honoraires de conseils juridiques, acquisition de matériel informatique, coûts de

« débouclage » du dossier) ; elle a également dû exposer des dépenses pour la présentation de sa requête ; le total des charges d’exploitation s’élève à 14 501 000 euros ;

- elle a également dû faire face à des charges financières, notamment des intérêts financiers ceux-ci s’élèvent à 13 889 000 euros ;


N° 1507487 3

- le démantèlement du projet est également à l’origine de coûts, estimés à 7 775 000 euros ;

- l’Etat a renoncé à appliquer exactement le protocole conclu avec Ecomouv’ ; il l’a ainsi privée de la compensation additionnelle B attendue pour le mois de décembre 2014 en décidant d’arrêter unilatéralement le dispositif de collecte au 30 novembre 2014 et en modifiant les modalités de calcul du coût de portage ; il l’a ainsi privée de 65 000 euros ;

- elle a subi un manque à gagner tenant à la perte des bénéfices escomptés de l’exécution du contrat pendant onze ans ;

- ses partenaires commerciaux entendent lui faire supporter leur propre préjudice ; il s’élève déjà à 6 333 000 euros ;

- elle a enfin subi un préjudice résultant directement de la mauvaise gestion du projet ; il sera réparé par l’octroi d’une somme de 10 000 000 euros ;

- ses préjudices sont en lien direct avec les décisions et le comportement de l’Etat ;

- il n’y a pas lieu de retenir l’approche alternative d’évaluation du préjudice proposée par l’expert ;

- il convient de prendre en considération le volume de 240 000 équipements embarqués ;

- elle est fondée à demander une indemnisation de son manque à gagner calculée sur une période de onze ans.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 octobre 2016, 29 mai 2018 et 12 juin 2018, le ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société A ne sont pas fondés.

Le ministre de l’économie et des finances auquel la procédure a été communiquée, n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu :

- l’ordonnance du 15 mars 2018 par laquelle le président du présent tribunal a taxé les frais de l’expertise réalisée par M. L ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 1999/62/CE du 17 juin 1999 ;

- la directive 2004/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004' ;

- le code des douanes ;

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- la loi n°2008-1425 du 27 décembre 2008 ;

- la loi n°2009-967 du 3 août 2009 ;

- la loi n° 2012-15010 du 29 décembre 2012 ;

- la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 notamment son article 16 ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;

- les arrêtés du 2 octobre 2013 relatifs à la date de mise en œuvre du dispositif technique nécessaire à la collecte de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises et à la date d’entrée en vigueur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises ;


N° 1507487 4

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme X,

- les conclusions de Mme Mornet, rapporteur public,

- les observations de Mes Tenailleau et A B, avocats de la société A.

Deux notes en délibéré ont été enregistrées le 3 juillet 2018, pour l’Etat et pour la société A.

Considérant ce qui suit :

1. L’Etat a conclu le 20 octobre 2011, en application des dispositions du A du III de l’article 153 de la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, un contrat de partenariat avec la société Ecomouv’ qui avait pour objet de lui confier le financement, la conception, la réalisation, l’exploitation, l’entretien et la maintenance du dispositif technique nécessaire à la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds nationale et de la taxe expérimentale alsacienne, y compris le dispositif de traitement automatisé et la mise à disposition des équipements électroniques embarqués (les EEE) ainsi que le recouvrement des sommes facturées aux redevables ou aux sociétés habilitées de télépéage (les SHT). Dès le 21 octobre 2011, la société Ecomouv’ a lancé une consultation auprès des SHT en vue de conclure avec chacune d’elle un contrat lui confiant la mise en œuvre d’un service de télépéage pour l’acquittement des taxes. Six entreprises, dont la société A, ont conclu avec la société Ecomouv’ un contrat conforme au contrat-type annexé au contrat de partenariat, dont les termes n’étaient pas susceptibles d’aménagement par les parties. La société A ayant choisi de fournir un service de télépéage au moyen d’un dispositif élaboré entièrement par elle, le contrat a été conclu le 20 avril 2012 selon l’option n°3. Le 4 avril 2014, un protocole d’accord a été conclu entre les sociétés Ecomouv’ et A pour régler les conséquences économiques de la suspension par l’Etat, fin octobre 2013, de la mise en œuvre de la taxe et modifier les stipulations du contrat relatives à sa durée. Le 20 juin 2014, l’Etat, la société Ecomouv’ et ses partenaires financiers ont conclu un protocole d’accord, destiné à régler définitivement tout litige relatif au retard constaté dans la mise à disposition du dispositif relatif à la perception de l’écotaxe. Par la suite, l’article 16 de la loi de finances rectificative du 8 août 2014 a restreint le champ de l’écotaxe et a fixé, au 31 décembre 2015 au plus tard, la date d’entrée en vigueur des dispositions du code des douanes fixant le régime de cette taxe. Par courrier du 30 octobre 2014, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche ont notifié à la société Ecomouv’ leur décision de résilier le contrat de partenariat. Cette décision a été portée à la connaissance de la société A par une lettre du 5 novembre 2014 de la société Ecomouv'. Par un courrier du 15 décembre 2014, l’Etat a ensuite informé la société A de sa décision de ne pas reprendre son contrat. Celui-ci a en conséquence été résilié, en application de son article 37.1, concomitamment à la résiliation du contrat de partenariat. Ce même article excluant toute indemnisation à la charge de la société Ecomouv’ dans l’hypothèse d’une résiliation du contrat de partenariat, la société A a présenté le 7 mai 2015 une demande indemnitaire à l’Etat, d’un montant de 129 549 000 euros à laquelle aucune réponse expresse n’a été apportée. Par ailleurs, la société A a saisi le juge des référés du présent tribunal afin qu’il ordonne une expertise en vue d’évaluer le préjudice subi du fait de l’abandon par l’Etat du


N° 1507487 5

projet relatif à l’écotaxe, d’en déterminer l’ampleur, l’origine et les causes, et de chiffrer le montant des sommes dues par l’Etat. Par ordonnance du 15 février 2016, un expert a été désigné, qui a établi son rapport le 15 novembre 2017. La société A demande dans sa requête la condamnation de l’Etat à l’indemniser des préjudices résultant des difficultés auxquelles elle a été confrontée dans la mise en œuvre du projet de l’écotaxe et de la fin anticipée de son contrat avec Ecomouv'.

I. Sur la faute de l’Etat :

2. Aux termes de l’article 48 « Sociétés habilitées de télépéage » du contrat de partenariat conclu entre l’Etat et la société Ecomouv’ : « 48.1 – Le titulaire engage avec toute SHT qui en fait la demande les négociations visant à conclure un contrat qui définit les conditions dans lesquelles la SHT propose un service de télépéage pour l’acquittement des taxes. 48.2 – Lorsque la demande de la SHT est reçue par le Titulaire avant la fin de la première année qui suit la mise à disposition du Dispositif relatif à la TPLN, le contrat est conclu conformément à l’une des options du contrat type qui figure à l’annexe 22 si la SHT le demande. / La SHT choisit l’option du contrat type sur le fondement de laquelle est conclu le contrat visé au présent article 48.2. (…) ». Aux termes de l’article 59 « résiliation pour motif d’intérêt général » de ce contrat : « 59.1 – L’Etat peut à tout moment, moyennant un préavis de six (6) mois notifié au Titulaire par lettre recommandée avec avis de réception postal ou par lettre remise contre récépissé, résilier unilatéralement le contrat pour un motif d’intérêt général. (…) ».

3. Par ailleurs, aux termes du préambule du contrat type de prestation de services à conclure avec les SHT figurant en annexe 22 du contrat de partenariat : « Le Contrat a pour objet de préciser les stipulations de nature juridique qui définissent les modalités de partage des responsabilités et les modalités de rémunération à mettre en œuvre entre le Partenaire et la SHT. Ces stipulations ne sont pas susceptibles d’aménagement par les Parties sauf lorsque cela est expressément prévu. / Le Contrat comporte trois options qui varient en fonction des prestations de services et des fournitures nécessaires au Service de Télépéage que la SHT souhaite confier au Partenaire. / (…) / Dans le cadre de l’option n° 3 la SHT fournit un Service de Télépéage au moyen d’un Dispositif SHT élaboré entièrement par elle. (…) ». Aux termes de l’article 37.1 du contrat conclu entre la société A et la société Ecomouv', conforme au contrat type mentionné ci-avant, qui retient l’option n°3 : « La fin anticipée du contrat de partenariat entraîne la résiliation du contrat à moins que l’Etat ne décide de reprendre le contrat. / La résiliation du contrat en application du présent article 37.1 ne donne pas lieu à indemnisation ».

4. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un contrat. L’Etat a décidé de résilier le contrat de partenariat, ce dont la société Ecomouv’ a informé la société requérante, par lettre du 5 novembre 2014. Elle lui a rappelé que cette fin anticipée entrainait la résiliation de leur propre contrat, sauf à ce que l’Etat en poursuive l’exécution pour son propre compte. Par lettre du 15 décembre 2014, l’Etat a écarté cette possibilité. Si la société A n’était pas partie au contrat de partenariat conclu entre l’Etat et la société Ecomouv', elle peut néanmoins utilement se prévaloir, à l’appui de l’action en responsabilité quasi délictuelle qu’elle forme contre l’Etat, de l’illégalité de cette décision de résiliation, qui est directement et exclusivement à l’origine de la résiliation sans indemnité de son propre contrat.


N° 1507487 6

5. Dans la lettre adressée le 30 octobre 2014 à la société Ecomouv', la ministre de

l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche ont justifié leur décision de résilier le contrat de partenariat par les « difficultés insurmontables dans la mise en œuvre de l’écotaxe, même aménagée » et lui ont rappelé que « des doutes ont été émis sur la validité du contrat initial au regard des exigences constitutionnelles qui s’imposent à l’Etat lorsqu’il confie à des personnes privées la gestion de certaines activités ». Dans le courrier adressé le 15 décembre 2014 à la société A, l’Etat a précisé avoir été confronté à des difficultés insurmontables dans la mise en œuvre de la tarification kilométrique, laquelle devait se faire au moyen du contrat de partenariat et des contrats conclus avec les SHT. En défense, l’Etat fait valoir que « les parties au contrat ont rencontré des difficultés techniques qui ont entraîné un retard important, puis n’ont pas su apporter de solution aux difficultés liées au maillage adéquat du territoire et aux modalités de répercussion des coûts de la taxe sur les transporteurs. (…) ». Il précise également que « la mise en place de l’écotaxe par l’intermédiaire d’un contrat de partenariat faisant intervenir une société privée s’est heurtée à de vives critiques, y compris d’ordre constitutionnel et a eu des conséquences politiques », pour en déduire que le montage contractuel initialement retenu ne répondait plus à ses besoins.

6. En premier lieu, si un vice entachant la régularité juridique du contrat de partenariat pouvait fonder légalement la décision de le résilier, l’Etat ne précise, ni dans ses échanges avec la société Ecomouv’ ou la société requérante, ni devant le présent tribunal, les règles ou principes de valeur constitutionnelle qui auraient été méconnus par le montage contractuel retenu, ni d’ailleurs, la nature et l’origine des critiques qu’il formule. Le 11 décembre 2007, la

Section des finances du Conseil d’Etat avait au contraire rendu un avis aux termes duquel elle estimait que le dispositif proposé par le Gouvernement consistant d’une part, à autoriser le prestataire privé à effectuer des contrôles automatisés et, le cas échéant, à procéder à

l’établissement et au recouvrement d’une taxe forfaitaire, majorée éventuellement de frais de dossiers, à l’égard du redevable en infraction, et d’autre part, de réserver aux fonctionnaires des douanes, qui disposent des prérogatives que leur confèrent les articles 60 et suivants du code des douanes, la réalisation des contrôles physiques ainsi que du recouvrement forcé, ne se heurtait à aucun obstacle d’ordre constitutionnel. D’ailleurs, statuant sur le pourvoi en cassation formé contre une ordonnance du juge des référés précontractuels du présent tribunal, lui-même saisi par un concurrent évincé de la passation du contrat de partenariat, le Conseil

d’Etat n’a pas relevé d’office, comme il ne pouvait manquer de le faire, la méconnaissance par le projet de contrat de règles ou principes de valeur constitutionnelle ni aucune autre cause

d’illicéité de son contenu (n° 347720, 347779).

7. En second lieu, s’il est constant que des difficultés techniques ont émaillé la conception et la mise en œuvre du dispositif destiné à la perception de l’écotaxe et ont été à

l’origine du report de son entrée en vigueur, l’Etat ne précise ni la nature exacte des difficultés « liées au maillage adéquat du territoire et aux modalités de répercussion des coûts de la taxe sur les transports » qu’il invoque ni dans quelle mesure ces aléas auraient empêché la bonne exécution du contrat de partenariat, au point d’en justifier la résiliation. Une telle allégation est en tout état de cause contredite par l’article 3 du protocole d’accord signé le 20 juin 2014 entre l’Etat et la société Ecomouv’ notamment, qui constatait expressément dans son article 3

« mise à disposition » que le « dispositif a été réalisé conformément aux prescriptions du contrat de partenariat » et qu’à l’issue des opérations de vérification en service régulier, il « ne présentait pas de défaut majeur », sa mise à disposition étant dès lors « prononcée par l’État avec effet convenu entre l’État et le Titulaire au 20 mars 2014. ».


N° 1507487 7

8. Au surplus, le ministre ne précise pas la nature des « conséquences politiques » qu’il invoque en défense, lesquelles n’étaient pas au nombre des motifs avancés, pour justifier la résiliation, dans la décision du 30 octobre 2014 ni dans le courrier adressé le 15 décembre 2014 à la société A. Il n’explicite pas, a fortiori, leur incidence sur la mise en œuvre du projet de l’écotaxe et partant, sur la poursuite du contrat de partenariat.

9. Enfin, si la commission de conciliation entre l’Etat et Ecomouv', dans son rapport du 10 juin 2014, constate qu’est prévue dans le projet de protocole à conclure entre ces deux parties l’hypothèse de la résiliation pour motif d’intérêt général du contrat de partenariat au cours de la période de suspension courant jusqu’au 31 décembre 2014, elle rappelle également « qu’il est difficile d’imaginer un autre motif que l’abandon de l’écotaxe pour justifier la résiliation du contrat » au cours de cette période. Or, quelques semaines avant la décision ministérielle de résiliation unilatérale du contrat de partenariat, le législateur a, par l’article 16 de la loi du 8 août 2014, seulement aménagé le dispositif de la taxe sur les poids-lourds, dont le champ d’application a été restreint, mais n’en a pas prononcé l’abrogation. Celle-ci n’est intervenue que deux ans plus tard, par la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

10. Il résulte de ce qui précède que la société A est fondée à soutenir que la décision par laquelle les ministres ont, quelques semaines après la confirmation du principe de l’écotaxe par le législateur, résilié le contrat de partenariat liant l’Etat à la société Ecomouv’ n’était justifiée par aucun motif d’intérêt général et que l’Etat a ainsi commis une faute en procédant irrégulièrement à la résiliation de cette convention. Toutefois, cette faute n’est de nature à ouvrir un droit à réparation au bénéfice de la société requérante que dans la mesure où elle lui a causé un préjudice direct et certain.

II. Sur les préjudices :

II.1 En ce qui concerne le droit à réparation de la société A :

11. Il résulte des énonciations des points 2 à 9, que l’Etat a résilié unilatéralement le contrat de partenariat qui le liait à la société Ecomouv’ sans justifier d’un motif d’intérêt général. Cette décision irrégulière et fautive a été la cause directe et exclusive de la fin anticipée du contrat conclu par la société Ecomouv’ avec la société A. Elle a ainsi privé la société requérante, des gains et bénéfices attendus de la mise en œuvre de ces services de télépéage mais également de toute indemnisation, exclue en cas de résiliation par le 2e alinéa de l’article 37.1 du contrat signé avec la société Ecomouv. L’Etat ne peut donc utilement faire valoir que les préjudices invoqués par la société requérante résultent exclusivement de son choix de conclure un contrat « option n° 3 ». En conséquence, sous réserve que la société A démontre la réalité et le lien direct et certain de chaque poste du préjudice financier qu’elle invoque avec la résiliation de son contrat, la faute commise par l’Etat est de nature à engager sa responsabilité pour l’entier préjudice qui en résulterait.

II.2 En ce qui concerne les préjudices invoqués par la société A :

S’agissant des dépenses engagées pour la mise en œuvre du projet d’écotaxe et son démantèlement :

12. La société A demande d’une part à être indemnisée des dépenses d’investissement matériel (badges) et immatériel (proxy et système d’information) ainsi que des charges d’exploitation et des charges financières qu’elle soutient avoir exposées pour la mise en œuvre du projet de l’écotaxe et d’autre part, des coûts résultant de l’abandon du projet,


N° 1507487 8

comprenant le démantèlement des interfaces du système d’information avec la société Ecomouv’ et l’arrêt de la plateforme satellitaire.

13. Il résulte en premier lieu de l’instruction et notamment des conclusions de l’expertise, que les investissements réalisés et en conséquence, les charges y afférentes supportées par la société A en 2013 et 2014, devaient lui permettre d’atteindre un double objectif : la mise en place de l’écotaxe d’une part et une habilitation en qualité de prestataire du service européen de télépéage (SET) d’autre part. L’expert relève ainsi que, dans son rapport à l’assemblée générale extraordinaire du 6 juin 2012, le président de la société requérante avait alors proposé d’engager les deux dossiers de demande, pour être enregistré à la fois comme prestataire SET et comme SHT pour le projet Ecotaxe. Après la résiliation de son contrat avec la société Ecomouv', la société A a maintenu son objectif de devenir prestataire du SET. Il résulte notamment des conclusions de l’expertise qu’à cette fin, elle n’a pas licencié en 2015 les personnels recrutés entre 2012 et 2014 et qu’elle a conservé les investissements réalisés en 2013 et 2014 au titre desquels « la plateforme satellitaire comprenant les équipements embarqués, le proxy, les relations M2M et le système informatique ». D’ailleurs, comme le rappelle encore l’expert, au cours des années 2013 et 2014, la société A n’a pas réalisé d’autres investissements que ceux présentés dans sa demande d’indemnisation et le montant des investissements auxquels elle a procédé en 2015 était faible et exclusivement relatif au système d’information, ce qui confirme que l’essentiel des investissements des deux années précédentes étaient nécessaires pour faire aboutir son projet d’enregistrement en qualité de prestataire du SET et qu’ils auraient été engagés même si elle n’avait pas participé au projet d’écotaxe. Enfin il est constant que, le 21 décembre 2015, soit douze mois après la résiliation de son contrat par la société Ecomouv', la société A a été enregistrée en qualité de société prestataire du SET et que, trois mois plus tard, elle est devenue la première société prestataire du SET homologuée pour la taxe kilométrique belge.

14. En second lieu, la société requérante n’a justifié devant l’expert ou le tribunal ni des coûts relatifs aux actions qu’elle aurait effectuées sur le système d’information, notamment pour arrêter les interfaces entre elle et la société Ecomouv', ni des actions logistiques qu’elle aurait menées consécutivement à la résiliation.

15. En conséquence, la société A n’établit pas qu’elle aurait, en pure perte, réalisé les investissements et supporté les charges d’exploitation et financières dont elle demande à être indemnisée dans le cadre de la présente instance. Il ne résulte pas non plus des éléments versés aux débats que la société requérante aurait exposé des dépenses supplémentaires en raison de la résiliation de son contrat pour récupérer les matériels installés chez ses clients ou démanteler le dispositif de collecte de l’écotaxe. Dans ces conditions, la société A n’est pas fondée à demander la condamnation de l’Etat à lui verser les sommes de 49 496 000 euros, de 14 501 000 euros et de 13 889 000 euros qu’elle soutient avoir exposées au titre des investissements et des charges d’exploitation et financières ni la somme de 7 775 000 euros qu’elle allègue avoir dépensée pour le démantèlement du projet.

S’agissant du préjudice résultant du manque à gagner pendant la durée prévisible d’exécution du contrat :

16. La société requérante soutient que par la faute de l’Etat, elle a subi une perte nette de 27 695 000 euros calculée en tenant compte, d’une part, des prévisions du plan d’affaires qu’elle avait établi en 2010, en se fondant, d’autre part, sur une durée de onze ans incluant l’année de mise à disposition du système et une durée de cinq ans renouvelée une fois,


N° 1507487 9

correspondant à la durée prévisible d’exploitation du dispositif prévue par son contrat et par référence, enfin, à un nombre d’équipements embarqués de 240 000.

17. En premier lieu, l’Etat fait valoir que le manque à gagner subi par la société requérante ne peut être déterminé au regard du plan d’affaires qu’elle avait établi en 2010, dont les prévisions étaient trop optimistes par rapport à sa situation effective et qu’il ne saurait être évalué à plus d'1,85 millions d’euros par an soit 9,25 millions d’euros sur cinq ans, compte tenu de la réduction du périmètre de l’écotaxe résultant de la loi du 8 août 2014 et des circonstances que seulement 10% des poids lourds auraient souscrit un abonnement auprès d’A et que 75% des abonnés auraient été actifs chaque trimestre sur le réseau. Il résulte toutefois de l’instruction que cette critique avait déjà été portée dans le cadre des opérations d’expertise et que l’expert l’avait expressément écartée en relevant que le plan d’affaires de 2010, précis et prudent, était de nature à fonder l’évaluation du montant du préjudice subi. Dans le cadre de la présente instance, l’Etat n’apporte aucune pièce susceptible d’étayer ses allégations et remettre ainsi en cause la méthode d’évaluation retenue par l’expert.

18. En deuxième lieu, les parties s’accordent pour admettre que la durée initiale d’exploitation du dispositif était de cinq ans, conformément aux stipulations du point 2 de l’article 9 « entrée en vigueur » du contrat conclu entre la société A et la société Ecomouv'. Il résulte par ailleurs des termes du point 1 de l’article 38 de cette convention qu’un nouveau contrat pouvait être conclu entre les parties pour poursuivre la fourniture d’un service de télépéage de l’écotaxe aux redevables abonnés. Pour justifier l’évaluation de son manque à gagner sur une durée de onze ans, incluant l’année de mise à disposition du dispositif, la société A fait valoir qu’étant devenue fin décembre 2015 prestataire du service européen de télépéage, elle bénéficiait à ce titre du droit de conclure un contrat avec tout percepteur de péage de l’Union européenne. Toutefois, il n’est pas certain que l’Etat aurait fait le choix de renouveler le contrat passé avec Ecomouv’ dans les conditions initiales de sa conclusion. Compte tenu de l’aléa pesant sur les modalités de reconduction de cette convention, c’est donc sur une durée de cinq ans, correspondant à la durée contractuelle d’exploitation du dispositif de télépéage de l’écotaxe, que doit être calculé le manque à gagner de la société A.

19. En troisième lieu, si la société requérante a déterminé le montant de son préjudice par référence aux 240 000 badges qu’elle indique avoir commandés, il résulte de l’instruction que ce nombre est surévalué par rapport aux besoins du projet et qu’au 31 décembre 2014, elle n’en avait distribué que 128 957 auprès de ses clients. Afin de réparer l’entier préjudice résultant pour la société A de la résiliation anticipée de son contrat avec la société Ecomouv', il n’y a donc lieu de tenir compte, pour évaluer son manque à gagner, que de la mise en service de 128 957 équipements électroniques embarqués.

20. Enfin, si l’Etat souligne que le projet de l’écotaxe a permis à la société requérante de se positionner rapidement sur d’autres marchés européens de télépéage, cette circonstance n’est, en tout état de cause, pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité ni à limiter l’indemnisation du gain manqué par la société A du fait de la résiliation de son contrat.

21. Ainsi, il résulte des conclusions de l’expertise, qu’en se fondant sur le plan d’affaires de la société établi en 2010, en tenant compte d’une durée contractuelle d’exploitation du dispositif de cinq ans et en retenant un nombre d’équipements embarqués de 128 957, le manque à gagner subi par la société A du fait de la résiliation anticipée de son contrat doit être évalué à 10 141 931 euros, somme au versement de laquelle l’Etat doit être condamné.


N° 1507487 10

S’agissant du coût de présentation de sa demande indemnitaire :

22. La société A demande à être indemnisée d’une somme de 378 000 euros qu’elle soutient avoir exposée pour la constitution de sa demande indemnitaire. D’une part, il résulte des conclusions de l’expertise que si la société requérante a engagé des dépenses dans le cadre de l’expertise ordonnée par le tribunal, elle n’apporte aucun élément de nature à en démontrer l’utilité. D’autre part, dès lors qu’elle invoque par ailleurs les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la société A ne peut prétendre à être indemnisée des frais qu’elle a dû exposer pour obtenir la réparation de son préjudice et notamment des honoraires dus à ses avocats.

S’agissant du préjudice résultant de l’application partielle du protocole conclu avec la société Ecomouv' :

23. Le 4 avril 2014, a été conclu entre la société A et la société Ecomouv’ un protocole d’accord destiné à compenser les surcoûts résultant de la suspension du projet de l’écotaxe. La société requérante soutient qu’il n’aurait pu être entièrement exécuté compte tenu de la décision de l’Etat d’arrêter le dispositif de collecte au 30 novembre 2014 et de modifier les modalités de calcul du coût de portage. Elle aurait été ainsi privée du versement d’une somme de 65 000 euros. Il résulte toutefois de l’instruction que ni devant l’expert ni devant le tribunal, la société A n’a été en mesure d’apporter des éléments de nature à établir la réalité de ce préjudice.

S’agissant du préjudice constitué par les demandes d’indemnisation des partenaires du réseau de distribution commerciale de la société A :

24. La société A soutient que ses partenaires commerciaux, par l’intermédiaire desquels elle commercialise les badges, vont lui demander de supporter le coût des investissements qu’ils ont dû réaliser pour la mise en œuvre du dispositif de l’écotaxe. Elle estime à 6 333 000 euros le montant de ce préjudice. S’il résulte de l’instruction que les sociétés Shell, UTA et MSE, partenaires de la société A, ont transmis à cette dernière, le 28 juin 2016, une demande d’indemnisation des préjudices qu’elles estiment avoir subis pour les montants respectifs de 1 293 730,67 euros, 2 134 135 euros et 1 057 651,88 euros, il ressort des termes de ces demandes qu’elles ne sont présentées que « sous réserve de l’obtention par A d’une indemnisation à ce titre ». En outre il n’a pas été établi lors de l’expertise, en l’absence de justificatifs, que les préjudices allégués par les partenaires de la société requérante étaient directement et exclusivement en lien avec le projet de l’écotaxe. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que la société A aurait procédé à l’indemnisation de ces trois sociétés. Dans ces conditions, le préjudice invoqué à ce titre n’est pas établi.

S’agissant du préjudice global d’exploitation (« dommages intérêts ») :

25. La société requérante soutient devoir être indemnisée à hauteur de 10 millions d’euros pour le préjudice résultant des difficultés d’exploitation que lui ont causées les modifications de calendrier de mise en œuvre du projet, la baisse des prix induite par la forte concurrence entre les SHT résultant de ce projet et la dégradation de sa situation financière résultant de la fin anticipée du projet. Toutefois, aussi bien dans le cadre des opérations d’expertise que devant le présent tribunal, la société requérante n’a pas apporté d’élément de nature à établir la réalité du préjudice qu’elle invoque.


N° 1507487 11

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société A a subi, du fait de la résiliation de son contrat directement imputable à une décision fautive de l’Etat et alors même que le projet de mise en œuvre d’une taxe sur les véhicules poids-lourds n’était pas abandonné, son abrogation résultant d’une loi du 29 décembre 2016, un préjudice tenant au gain manqué, qui peut être évalué à la somme globale de 10 141 931 euros. Si la société requérante a perçu 5 986 782 euros en exécution du protocole d’accord conclu le 4 avril 2014 avec la société Ecomouv', cette somme, destinée à indemniser le préjudice lié aux retards rencontrés dans le cadre de la mise en œuvre de la taxe, n’a en revanche eu ni pour objet ni pour effet de compenser le manque à gagner résultant de la fin anticipée de son contrat. Elle n’a donc pas lieu d’être prise en compte pour limiter le montant de l’indemnisation de la société A.

III. Sur les intérêts et leur capitalisation :

27. La demande indemnitaire du 7 mai 2015 présentée par la société A a été reçue par les services du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie le 11 mai suivant. La condamnation prononcée au point 26 portera donc intérêts au taux légal à compter de cette date, ainsi que le demande la société requérante. Par ailleurs, aux termes de l’article 1343-2 du code civil : « Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. ». Pour l’application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu’à cette date il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s’accomplit à nouveau à l’expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu’il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

28. La demande tendant à la capitalisation des intérêts a été présentée le 28 août 2015, date d’enregistrement de la requête. A cette date, une année d’intérêts n’avait pas encore couru. Par suite les intérêts produits par les sommes mises à la charge de l’Etat se capitaliseront à compter du 11 mai 2016 et à chaque échéance annuelle postérieure.

IV. Sur les frais liés à l’instance :

IV.1 En ce qui concerne les dépens :

29. Par une ordonnance du 15 mars 2018, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a alloué à M., expert mandaté, la somme de 176 400 euros, qu’il y a lieu de mettre à la charge définitive de l’Etat.

IV.2 En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens :

30. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs le tribunal décide :

Article 1er : L’Etat est condamné à verser à la société A la somme de 10 141 931 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2015. Les intérêts échus au 11 mai 2016 seront capitalisés à cette date puis à chaque date anniversaire.


N° 1507487 12

Article 2 : Les frais et honoraires de l’expertise, taxés et liquidés à la somme de 176 400 euros, sont mis à la charge définitive de l’Etat.

Article 3 : L’Etat versera une somme de 1 500 euros à la société A au titre de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société A est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société A, au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l’économie et des finances.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 18 juillet 2018, n° 1507487