Tribunal administratif de Dijon, 2ème chambre, 13 décembre 2022, n° 2200200

  • Expropriation·
  • Impôt·
  • Finances publiques·
  • Imposition·
  • Justice administrative·
  • Plus-value·
  • Administration fiscale·
  • Contribuable·
  • Intérêts moratoires·
  • Procédures fiscales

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Dijon, 2e ch., 13 déc. 2022, n° 2200200
Juridiction : Tribunal administratif de Dijon
Numéro : 2200200
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2022, et régularisée le 17 février 2022, et un mémoire enregistré le 2 juin 2022, Mme B E demande au tribunal :

1°) de l’autoriser à poursuivre le réemploi de l’indemnité d’expropriation qu’elle a perçue, en franchise d’impôt, pendant une durée d’un an ;

2°) d’ordonner la restitution de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux acquittée au titre de l’année 2018, à raison de la plus-value réalisée à l’occasion de la perception d’une indemnité d’expropriation d’un montant de 1 226 149 euros, résultant de l’expropriation d’un ensemble immobilier, sis 1 impasse Michel à Saint-Denis, et des intérêts moratoires, sur le fondement de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de condamner l’Etat à l’indemniser des préjudices financier, physique et moral qu’elle a supportés, en raison de cette imposition supplémentaire.

Elle soutient que :

— ses lettres des 29 novembre, 6 décembre et 29 décembre 2021 constituent des réclamations préalables indemnitaires ;

— Mme A, inspectrice des finances publiques, lui a verbalement accordé une durée de trois années pour procéder au réemploi de l’indemnité d’expropriation qu’elle a perçue, lors de rendez-vous intervenus au début de l’année 2018 ;

— en lui accordant une durée illégale pour ce réemploi, l’administration fiscale a commis une faute engageant sa responsabilité ;

— elle a subi un préjudice financier du fait, d’une part, du prélèvement sur son compte bancaire d’une somme de 14 647,67 euros le 2 décembre 2021, remboursée le 31 décembre 2021, et d’autre part, du prélèvement d’une somme globale de 237 469 euros, correspondant au montant de l’impôt en droits et pénalités.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 avril et 25 juillet 2022, le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— les conclusions tendant à ce que le juge accorde un délai de réemploi de la somme perçue sont irrecevables, dès lors qu’elles ne ressortissent pas à l’office du juge de l’impôt ;

— les conclusions indemnitaires sont irrecevables, dès lors qu’elles méconnaissent les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, dans la mesure où elles n’ont pas été précédées d’une décision de l’administration statuant sur une réclamation préalable indemnitaire du contribuable ;

— les conclusions indemnitaires n’ont pas été présentées par un avocat, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 431-2 du code de justice administrative ;

— les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées par une lettre du 2 mai 2022 que cette affaire était susceptible, à compter du 6 juin 2022, de faire l’objet d’une clôture d’instruction à effet immédiat en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

La clôture de l’instruction a été fixée au 26 août 2022 par ordonnance du même jour.

Les parties ont été informées le 14 octobre 2022, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des conclusions à fin de remboursement des impositions supplémentaires et de versement d’intérêts moratoires, en l’absence de litige né et actuel sur ce point avec le comptable compétent.

Le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or a présenté des observations, en réponse à ce moyen par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. D C,

— et les conclusions de M. Thierry Bataillard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite d’une procédure d’expropriation d’un ensemble immobilier sis 1 impasse Michel dans le quartier de La Plaine Saint-Denis à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, Mme B E a perçu en décembre 2017 une indemnité principale d’expropriation d’un montant de 1 226 149 euros. Constatant que l’intéressée n’avait pas procédé au remploi de cette somme dans le délai de douze mois prévu au 4° du II de l’article 150 U du code général des impôts, l’administration fiscale lui a adressé, en date du 3 mars 2021, une proposition de rectification relative à l’imposition de la plus-value immobilière en résultant. Malgré les observations du contribuable, les impositions supplémentaires ont été maintenues et mises en recouvrement le 15 septembre 2021. Par une décision explicite du 22 novembre 2021, l’administration fiscale a rejeté la réclamation préalable du 6 octobre 2021 de la contribuable. Mme E doit être regardée, afin de donner une portée utile à sa requête, comme demandant au tribunal de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2017 et de condamner l’État à la réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis en raison de ces impositions supplémentaires.

Sur la recevabilité :

2. Aux termes des deux premiers alinéas de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. ».

3. Contrairement à ce qu’elle soutient, Mme E ne justifie pas avoir adressé à l’administration fiscale une demande indemnitaire susceptible de faire naître une décision. Ainsi, ni la lettre du 29 novembre 2021, qui se borne à alléguer une faute de l’administration, mais ne sollicite aucune indemnisation, ni celle du 6 décembre 2021, qui se borne à demander à l’administration de l’exonérer de la plus-value en litige, ne constituent une telle demande indemnitaire préalable. Dès lors, il y a lieu d’accueillir la fin de non-recevoir opposée sur ce point par le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or en défense. Le contentieux n’étant ainsi pas lié, les conclusions indemnitaires présentées par Mme E sont, en tout état de cause, irrecevables et doivent être, pour ce motif, rejetées.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

4. Aux termes du premier alinéa du I de l’article 150 U du code général des impôts : « Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. ». Aux termes du II de cet article : " Les dispositions du I ne s’appliquent pas aux immeubles, aux parties d’immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / () 4° Pour lesquels une déclaration d’utilité publique a été prononcée en vue d’une expropriation () à condition qu’il soit procédé au remploi de l’intégralité de l’indemnité d’expropriation ou du prix de cession par l’acquisition, la construction, la reconstruction ou l’agrandissement d’un ou de plusieurs immeubles dans un délai de douze mois à compter de la date de perception de l’indemnité d’expropriation ou du prix de cession ; () ".

5. En l’espèce, Mme E ne conteste pas ne pas avoir procédé au remploi de l’indemnité d’expropriation qu’elle a perçue en décembre 2017, dans le délai de douze mois prévu au 4° du II de l’article 150 U du code général des impôts. Dès lors, c’est à bon droit que l’administration fiscale a assujetti la plus-value ainsi réalisée par Mme E dans les conditions prévues aux articles 150 U et suivants du code général des impôts.

En ce qui concerne l’interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. ». Aux termes de l’article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l’article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal ; () ".

7. En l’espèce, Mme E soutient que Mme A, inspectrice des finances publiques au pôle de contrôle des revenus du patrimoine de la direction départementale des finances publiques de la Nièvre, avec qui elle est entrée en contact au début de l’année 2018, lui aurait « laissé trois ans pour procéder au réemploi de la somme ». Néanmoins, l’administration fiscale en défense produit une lettre du 18 janvier 2018 de Mme A, adressée à la contribuable, expliquant sur trois pages les modalités d’imposition de la plus-value en litige et les conditions d’exonération de l’impôt, et se terminant en mentionnant la possibilité d’exonération si « 90 % de l’indemnité représentative de la valeur du bien exproprié » est « réutilisée dans les douze mois à compter de la réception du paiement () ». Alors que Mme E évoque elle-même l’existence de cette lettre, ni son âge ni son comportement quant au réinvestissement de l’indemnité d’expropriation ne sauraient permettre d’établir l’existence et le contenu de la prise de position verbale dont elle se prévaut. Si la requérante soutient encore que la date de la proposition de rectification, intervenue plus de trois ans après la perception de la somme en cause, constituerait également un indice de l’existence de cette prise de position, l’administration fiscale en défense produit encore une lettre de Mme E du 23 septembre 2020 reprenant contact avec le même pôle de contrôle, une réponse de ce service mentionnant la nécessité de remplir le formulaire de déclaration et de calcul de la plus-value, avant l’expiration d’un éventuel délai de trois ans et un échange de courriels avec le conseil de l’intéressée mentionnant le dépôt à venir de cette déclaration, sans qu’aucun de ces documents ne fasse référence à la prise de position alléguée. Enfin, les seules pièces de procédure dans lesquelles Mme E mentionne une telle prise de position sont toutes postérieures à l’envoi par l’administration fiscale de la proposition de rectification du 3 mars 2021. Dès lors, Mme E ne justifie, en tout état de cause, ni de l’existence ni du contenu d’une interprétation formelle de sa situation par le service au sens de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Sur les conclusions tendant au remboursement d’impositions et au versement d’intérêts moratoires :

8. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales : « Quand l’Etat est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l’administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires dont le taux est celui de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. ».

9. En l’absence de litige né et actuel sur ce point avec le comptable compétent, les conclusions de Mme E à fin de remboursement du montant des impositions supplémentaires et de versement d’intérêts moratoires, qui sont irrecevables, ne peuvent, en tout état de cause, qu’être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées en défense par le directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or, la requête de Mme E doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B E et au directeur régional des finances publiques de Bourgogne-Franche-Comté et du département de la Côte-d’Or.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Nicolet, président,

Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

M. Hugez, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

I. C

Le président,

P. Nicolet

La greffière,

L. Curot

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

lc

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Dijon, 2ème chambre, 13 décembre 2022, n° 2200200