Tribunal administratif de Lyon, 26 juillet 2016, n° 1406797

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 26 juill. 2016, n° 1406797
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 1406797
Décision précédente : Tribunal administratif de Lyon, 11 septembre 2014, N° 1407030

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

N° 1406797

___________

M. Y X

___________

Mme Claude Deniel

Rapporteur

___________

Mme Caroline Rizzato

Rapporteur public

___________

Audience du 12 juillet 2016

Lecture du 26 juillet 2016

___________

335-03

C-SR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Lyon

(5e chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 août 2014, M. Y X, représenté par Me Bescou, demande au tribunal :

1°) d’annuler les décisions du 24 juillet 2014 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;

2°) d’enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de résident ou, à tout le moins, une carte de séjour temporaire d’une durée d’une année mention « vie privée et familiale » dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement, à son conseil, d’une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour Me Bescou de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

— elle est insuffisamment motivée en droit ;

— elle n’a pas été précédée d’un examen préalable, réel et sérieux de sa situation ;

— elle est entachée d’erreurs de droit dès lors que le préfet ne pouvait lui opposer la menace à l’ordre public et ne pouvait se fonder sur ses seules condamnations pénales ;

— elle est entachée d’erreur manifeste dans l’appréciation de la menace à l’ordre public ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et celles de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Sur l’obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination :

— elles sont illégales en raison de l’illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

— l’obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

— le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en limitant à trente jours le délai de départ volontaire pour exécuter la mesure d’éloignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par ordonnance du 10 juin 2016, l’instruction a été réouverte.

M. X a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

— la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

— l’accord l’entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

A été entendu au cours de l’audience publique le rapport de Mme Deniel, premier conseiller.

1. Considérant que M. X, ressortissant tunisien né le XXX à XXX, est entré en France en février 2006 sous le régime du regroupement familial ; qu’il a sollicité, le 10 juin 2009, la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement des articles 7 bis, 7 quater et 10 e) de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; que cette demande a été rejetée par une décision du préfet du Rhône du 2 août 2011, annulée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 juillet 2013 ; que les décisions du préfet du Rhône du 13 mars 2012 portant obligation pour l’intéressé de quitter le territoire français et placement en rétention administrative ont été annulées par un jugement du magistrat délégué du tribunal de céans du 16 mars 2012 ; que statuant de nouveau sur sa demande initiale du 10 juin 2009, le préfet du Rhône, par un arrêté du 24 juillet 2014, a refusé un titre de séjour à M. X, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Tunisie comme pays de destination ; que l’intéressé demande l’annulation de l’ensemble de ces décisions ;

Sur l’étendue du litige :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 512-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « I. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant (…). / Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article / (…) / III. – En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation (…) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin (…) statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine (…) » ;

3. Considérant que M. X a été assigné à résidence le 9 septembre 2014 ; que par un jugement n° 1407030 du 12 septembre 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 512-1 du code de justice administrative, statué sur les conclusions de M. X tendant à l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, de la décision de refus d’octroi d’un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et de la décision fixant le pays de destination ; qu’ainsi, ces conclusions sont devenues sans objet ; qu’il n’y a pas lieu d’y statuer ; qu’en revanche, il y a lieu de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. X ;

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision de refus de titre de séjour du 24 juillet 2014 :

4. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet du Rhône a estimé que la présence en France de M. X représentant une menace pour l’ordre public, il ne remplissait pas les conditions de l’article 10 e) de l’accord franco-tunisien pour obtenir une carte de résident ; que l’autorité administrative a également examiné le droit au séjour de l’intéressé au regard de l’article 7 quater de l’accord franco-tunisien susvisé et a relevé sur ce point l’absence d’atteinte disproportionnée que le refus litigieux aurait porté à sa vie privée et familiale en France ; que le moyen tiré de ce que le motif d’ordre public retenu pour refuser l’admission au séjour sur le fondement de l’article 7 quater de l’accord franco-tunisien ne serait pas motivé en droit ne peut donc qu’être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que selon l’article 11 de l’accord franco-tunisien : « Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l’application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l’accord » ; que pour justifier le refus de délivrer à l’intéressé une carte de résident sur le fondement du e) de l’article 10 de l’accord précité au regard de la menace qu’il représenterait pour l’ordre public, la décision contestée rappelle au préalable que, malgré le silence de cet accord sur l’application de la réserve d’ordre public, aucune de ses stipulations ne prive l’administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l’admission au séjour d’un ressortissant tunisien en se fondant sur un motif tiré de la menace à l’ordre public ; qu’au demeurant, le préfet n’a opposé la clause de la menace à l’ordre public visée à l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’au seul titre d’une éventuelle régularisation de la situation du requérant dans le cadre de cette disposition ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence de motivation en droit du refus de titre de séjour opposé en application des stipulations de l’article 10 de l’accord franco-tunisien doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, pour retenir l’existence de risques pour l’ordre public, le préfet ne s’est pas borné à reprendre les condamnations pénales infligées à l’intéressé mais a exercé une appréciation sur son comportement ; que le refus de séjour contesté ne procède donc d’aucune erreur de droit ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Rhône, qui a implicitement rejeté la demande de titre de séjour dont l’avait initialement saisi M. X sur le fondement de l’article 7 bis de l’accord franco-tunisien aux termes desquels « Sans préjudice des dispositions de l’article 7, le ressortissant tunisien mineur ou dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, et dont l’un des parents au moins est titulaire d’un titre de séjour valable un an, obtient de plein droit un titre de séjour valable un an, s’il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial. Ce titre de séjour lui donne droit à exercer une activité professionnelle. », n’aurait pas examiné la situation personnelle de l’intéressé compte tenu, en particulier, de son âge ; que le refus de séjour contesté n’est pas davantage entaché d’erreur de droit à cet égard ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que, comme il a été dit au point 5 du présent jugement, et conformément à l’article 11 de l’accord franco-tunisien, le préfet du Rhône a conservé, en application de la réglementation générale relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France, la possibilité de refuser l’admission au séjour d’un ressortissant tunisien en se fondant sur un motif tiré de la menace qu’il présente pour l’ordre public ; qu’ainsi, et alors même que les articles 7 bis, 7 quater et 10 e) de cet accord ne comportent, eux-mêmes, aucune clause liée à la sauvegarde de l’ordre public, le préfet pouvait, sans commettre d’erreur de droit, opposer une telle clause pour refuser à l’intéressé le droit de séjourner en France ;

9. Considérant, en sixième lieu, que le requérant soutient qu’il n’a fait l’objet d’aucune condamnation depuis sa sortie de prison en février 2014 et qu’il a un projet d’insertion professionnelle dont la commission du titre de séjour a estimé le 22 mai 2014 « qu’en dépit de nombreuses condamnations qui entretiennent nécessairement de sérieuses réserves, le projet d’insertion professionnelle mérite d’être accompagné par la délivrance d’un titre » ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que M. X a fait l’objet de six condamnations par le tribunal correctionnel de Lyon entre novembre 2009 et mai 2013 ayant donné lieu à plusieurs peines d’emprisonnement ferme, notamment pour vol avec effraction, tentative de vol avec effraction, recel de biens provenant d’un vol commis avec effraction, usage illicite de stupéfiants, vol en réunion -récidive- et violence commise en réunion ; qu’eu égard à la nature et au caractère répété de ces délits, le préfet n’a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce en estimant que la présence en France de M. X constituait une menace pour l’ordre public ;

10. Considérant, en septième lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui » et qu’aux termes des stipulations de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications » ;

11. Considérant que M. X soutient qu’il vit sur le territoire français depuis le 26 février 2006, soit depuis près de huit années, qu’il est entré en France dans le cadre d’une procédure de regroupement familial alors qu’il n’était âgé que de quinze ans, qu’il a ainsi accompagné sa mère pour rejoindre son père et une partie de sa fratrie et que, s’il conserve des attaches dans son pays d’origine où résident ses trois frères aînés et une de ses sœurs, ses liens avec ces derniers sont distendus compte tenu de la différence d’âge et de l’ancienneté de son séjour sur le territoire français ; que toutefois, ainsi qu’il a été dit précédemment, sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public ; qu’il est célibataire sans charge de famille ; qu’il ne justifie d’aucune insertion sociale ou professionnelle stable ou d’une particulière intensité et qu’il reconnaît lui-même conserver des attaches dans son pays d’origine ; que, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, le refus de séjour contesté ne porte pas au respect de la vie privée et familiale de M. X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le préfet n’a ni méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni celles de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et n’a pas davantage entaché cette décision d’une erreur manifeste d’appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 24 juillet 2014 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

13. Considérant que le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par le requérant n’implique aucune mesure d’exécution au sens des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que, par suite les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte présentées par M. X ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

14. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation présentées par M. X à l’encontre des décisions du 24 juillet 2014 du préfet du Rhône portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays destination.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Y X et au préfet du Rhône.

Délibéré après l’audience du 12 juillet 2016, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

Mme Deniel, premier conseiller,

Mme Menigoz, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 juillet 2016.

Le rapporteur, Le président,

C. DENIEL D. CHABERT

Le greffier,

P. THOMAS- FARRUGGIO

La République mande et ordonne au Préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

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Tribunal administratif de Lyon, 26 juillet 2016, n° 1406797