Tribunal administratif de Montpellier, 12 octobre 2010, n° 0903420

  • Langue française·
  • Justice administrative·
  • Commune·
  • Agglomération·
  • Langue régionale·
  • Public·
  • Voie publique·
  • Route·
  • Terme·
  • Juridiction administrative

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.revuedlf.com

De quoi la langue est-elle le droit ? Par Jordane Arlettaz La Constitution de 1958 n'est pas indifférente à la question linguistique. Son article 2 consacre le français comme « langue de la République » quand l'article 75-1 intègre les langues régionales dans le patrimoine de la France. Le procédé de reconnaissance n'est pas anodin : aucune de ces dispositions ne se réfère aux locuteurs de l'une ou des autres langues, aucune ne consacre explicitement de droits linguistiques. La Constitution témoigne ainsi de la spécificité de l'appréhension juridique des langues que la thématique des …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, 12 oct. 2010, n° 0903420
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 0903420

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTPELLIER

N° 0903420

___________

Z A

DE SALUT PUBLIC

___________

M. X

Rapporteur

___________

M. De Monte

Rapporteur public

___________

Audience du 28 septembre 2010

Lecture du 12 octobre 2010

___________

NP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montpellier

(5e Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2009, présentée par la Z A DE SALUT PUBLIC, dont le siège est au XXX ; le Z A DE SALUT PUBLIC demande au tribunal :

1. de prononcer à l’encontre de la commune de Villeneuve les Maguelone la condamnation prévue à l’article 1er du décret n° 95-240 du 3 mars 1995 pris pour l’application de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, pour avoir fait poser sur la voie publique, en entrée d’agglomération, trois panneaux supplémentaires comportant la mention « Villanòva-de-Magalona » ;

2. d’enjoindre à la commune de Villeneuve les Maguelone de mettre les panneaux concernés en conformité avec la législation ;


Vu la mise en demeure adressée le 1er décembre 2009 à Me Campourcy-Soulie, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu l’ordonnance en date du 15 décembre 2009 fixant la clôture d’instruction au 23 février 2010 ;


Vu la lettre du 29 juin 2010, par laquelle le tribunal informe les parties de ce qu’il est susceptible de soulever d’office l’irrecevabilité de la requête tirée de l’incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions tendant à la condamnation d’une collectivité publique sur le fondement des dispositions du code pénal ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 2 et 75-1 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la route et les textes pris pour son application, notamment l’arrêté du 24 novembre 1967 modifié relatif à la signalisation des routes et autoroutes et l’arrêté du 7 juin 1977 ;

Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 ;

Vu le décret n°95-240 du 3 mars 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du ;

— le rapport de M. X ;

— les observations de M. Y, pour le Z A DE SALUT PUBLIC ;

— et les conclusions de M. De Monte, rapporteur public ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret n°95-240 du 3 mars 1995 pris pour l’application de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française selon laquelle « I. – Le fait de ne pas employer la langue française dans les conditions prévues par la loi du 4 août 1994 susvisée relative à l’emploi de la langue française ( …) 2° Dans toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle, est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe . II. – Le fait de ne pas employer la langue française pour toute inscription ou annonce destinée à l’information du public, apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun, est puni de la même peine. (…) IV. – En cas de condamnation prononcée pour l’une des contraventions prévues au présent article, le tribunal peut faire application des articles 132-66 à 132-70 du code pénal » ;

Considérant que certaines des conclusions présentées par le Z A DE SALUT PUBLIC tendent au prononcé, sur le fondement des dispositions qui précèdent, de sanctions pénales qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de connaître ; que de telles mesures relèvent des seules juridictions de l’ordre judiciaire ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête susmentionnées doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les autres conclusions de la requête :

Considérant que les autres conclusions de la requête du Z A DE SALUT PUBLIC tendent, d’une part, à la mise en conformité des panneaux litigieux nouvellement posés à l’entrée de la commune de Villeneuve les Maguelone et, d’autre part, à faire employer la langue française pour toute inscription apposée sur la voie publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article R 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours. » ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 26 août 2009 le maire de la commune de Villeneuve les Maguelone a rejeté la demande du Z A DE SALUT PUBLIC en date du 5 août 2009 tendant à ce que les panneaux nouvellement installés en entrée de ville, portant la transcription en occitan du nom de la commune, soient retirés de la voie publique ; qu’ainsi, les conclusions de la requête présentée par le Z A DE SALUT PUBLIC dont il appartient à la juridiction administrative de connaître doivent être regardées comme tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 26 août 2009 et, d’autre part, à la mise en conformité des panneaux litigieux ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée de l’absence de conclusions au sens des dispositions précitées de l’article R 411-1 du code de justice administrative doit être écartée ;

En ce qui concerne les conclusions aux fins d’annulation de la décision du 26 août 2009 :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français » ; que l’article 75-1 de la Constitution dispose : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » ; qu’aux termes de l’article 1er de la loi susvisée du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française : « Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics. » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même loi : « Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l’information du public doit être formulée en langue française . » ; qu’aux termes de l’article 21 du même texte : « Les dispositions de la présente loi s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage » ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de l’ensemble des dispositions qui précèdent, et ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 94-345 du 29 juillet 1994, que l’utilisation de traductions de la langue française n’est pas interdite, et que rien ne s’oppose à ce qu’une langue régionale, soit employée par une collectivité publique, notamment sur la voie publique, lorsque des circonstances particulières ou l’intérêt général le justifient ; qu’il n’est toutefois pas sérieusement contesté par la commune de Villeneuve les Maguelone que la traduction en langue occitane choisie en l’espèce, est dépourvue de fondement historique ; que la commune n’établit, ni même n’invoque l’existence d’un usage local suffisamment ancien et constant de la toponymie employée ; que la commune de Villeneuve les Maguelone ne peut pas utilement se prévaloir de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui n’a pas été ratifiée par la France ; que l’installation des panneaux litigieux n’est, dès lors, justifiée par aucune circonstance particulière ou tenant à l’intérêt général ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R 413-3 du code de la route : « En agglomération, la vitesse des véhicules est limitée à 50 km. » ; qu’aux termes de l’article 5 de l’arrêté du 24 novembre 1967 modifié relatif à la signalisation des routes et des autoroutes : « Les panneaux de type EB définissent les limites à l’intérieur desquelles les règles de conduite, de police ou d’urbanisme particulières aux agglomérations sont applicables. Panneau EB 10 : Panneau d’entrée d’agglomération : Il est de forme rectangulaire, à fond blanc avec une bordure rouge et un listel blanc ; les inscriptions sont en caractères droits majuscules (L 1) de couleur noire. ( …) Les panneaux EB 10 (…) ne peuvent être complétés que par les seuls signaux AB 6, AB 7, B 14, E 31 et E 32, à l’exclusion de tout autre signal ou indication. » ; qu’aux termes de l’article 10 du même arrêté : « Les limites des agglomérations sont matérialisées par l’implantation de signaux de localisation EB10 et EB20, tels qu’ils sont définis par l’article 5 du présent arrêté. » ; qu’aux termes de l’article 11 du même arrêté : « L’emploi de signaux d’autres types ou modèles que ceux qui sont définis dans le présent arrêté est strictement interdit. » ; qu’enfin, aux termes de l’article 11 de l’arrêté du 7 juin 1977 modifié relatif à la signalisation des routes et des autoroutes : « Les inscriptions sur les panneaux sont composées en caractères droits de type L 1, L 2 ou L 5 ou en caractères italiques de type L 4 dont les modèles figurent en annexe. –2- Signes diacritiques. Les accents, trémas, cédilles doivent figurer sur les lettres minuscules et majuscules.» ;

Considérant que les prescriptions précitées ont pour but de permettre l’identification immédiate, et sans qu’aucune confusion avec des panonceaux, pancartes, écriteaux ou affiches répondant à d’autres considérations ne soit possible, des panneaux définissant les limites à l’intérieur desquelles des règles de conduite, de police ou d’urbanisme particulières aux agglomérations sont applicables, afin, notamment, de garantir la sécurité de la circulation ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que par leur emplacement, leurs dimensions et leurs autres caractéristiques, les panneaux litigieux peuvent être confondus avec les panneaux d’entrée d’agglomération de Villeneuve les Maguelone portant le nom de la commune en français dont les dimensions sont égales ou même inférieures ; que, dans les circonstances de l’espèce, la pose de ces nouveaux panneaux ne portant pas le nom usuel de l’agglomération sous les panneaux portant le nom français de la commune ne répond pas aux objectifs de sécurité routière précités ; que, de ce fait, les panneaux en cause remplissent une fonction ambiguë nuisant à la clarté nécessaire de l’information que requiert l’obligation de prudence et de sécurité, rappelée par les dispositions précitées du code de la route, s’imposant à tout usager de la route s’engageant dans une agglomération ; qu’en outre, il est constant que le nom de la commune ne peut être transcrit sur la voie publique avec un « O » comportant un accent grave, ce signe diacritique ainsi placé ne figurant sur aucune des annexes de l’arrêté susvisé du 7 juin 1977, du fait qu’il n’existe pas dans la langue française ; qu’ainsi lesdits panneaux ne sont pas conformes aux prescriptions de l’arrêté du 24 novembre 1967 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le Z A DE SALUT PUBLIC est fondé à soutenir que la décision du 26 août 2009 est entachée d’illégalité ; qu’il y lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’en prononcer l’annulation ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. » ;

Considérant qu’en l’absence de considération d’intérêt général susceptible d’y faire obstacle, le présent jugement implique nécessairement qu’il soit procédé à l’enlèvement des panneaux litigieux ; qu’il n’implique pas en revanche, comme il vient d’être dit, l’emploi exclusif par la commune de Villeneuve les Maguelone de la langue française pour toute inscription apposée sur la voie publique ; qu’il y a donc seulement lieu d’enjoindre au maire de la commune de Villeneuve les Maguelone de procéder à l’enlèvement des panneaux litigieux dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de mettre à la charge du Z A DE SALUT PUBLIC, qui n’est pas la partie perdante, la somme demandée par la commune de Villeneuve les Maguelone au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à la condamnation de la commune de Villeneuve les Maguelone sur le fondement de l’article 1er du décret n°95-240 du 3 mars 1995 pris pour l’application de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : La décision du 26 août 2009 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Villeneuve les Maguelone de procéder à l’enlèvement des panneaux litigieux dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent jugement.

Article 4 : Le surplus de la requête présentée par le Z A DE SALUT PUBLIC est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Villeneuve les Maguelone au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié au Z A DE SALUT PUBLIC et à la commune de Villeneuve les Maguelone .

Copie au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.

Délibéré après l’audience du 28 septembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Zimmermann, président,

M. X, premier conseiller,

Mlle Chamot, conseiller,

Lu en audience publique le 12 octobre 2010 .

Le rapporteur, Le président,

M. X M. ZIMMERMANN

Le greffier,

XXX

La République mande et ordonne au préfet de l’Hérault en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 12 octobre 2010

Le greffier,

XXX

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Montpellier, 12 octobre 2010, n° 0903420