Tribunal administratif de Montpellier, 1ère chambre, 28 décembre 2023, n° 2104579

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, 1re ch., 28 déc. 2023, n° 2104579
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 2104579
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 9 janvier 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre 2021 et 28 septembre 2023, Mme C E, agissant pour le compte de son fils mineur B A, représentée par Me Rosé, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision de l’Office français de l’immigration et de l’intégration du 1er août 2021 refusant l’accès aux conditions matérielles d’accueil à B A, mineur de 9 mois ;

2°) d’enjoindre à l’Office français de l’immigration et de l’intégration d’admettre son fils au bénéfice des conditions matérielles d’accueil à compter du 17 février 2021, date de sa demande d’asile, dans le délai de sept jours suivant la notification du jugement à intervenir, au besoin sous astreinte ; en conséquence de pourvoir à leur hébergement et de verser l’allocation pour demandeur d’asile au montant correspondant à une famille de deux personnes à compter du 17 février 2021 ;

3°) de condamner l’Office français de l’immigration et de l’intégration à payer la somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

— la fin de non-recevoir opposée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration sera écartée dès lors que sa demande, envoyée par courrier recommandé reçu le 1er juin 2021, a fait naître une décision implicite de rejet susceptible de recours ;

— le refus d’accorder les conditions matérielles d’accueil est entaché d’illégalité faute d’avoir fait l’objet d’une décision écrite et motivée, en violation de l’article L. 551-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la décision est dépourvue de base légale, la situation de son fils n’entrant pas dans les cas limitativement énumérés par l’article L. 744-8 puis L. 551-15 dans lesquels les conditions matérielles d’accueil peuvent être refusées ;

— la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de la situation de vulnérabilité de B en violation des articles L. 744-8 puis L. 515-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de l’article L. 522-3 du même code et de l’article 20 de la directive n°2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

— la décision méconnaît l’intérêt supérieur de l’enfant et les stipulations de l’article 3- 1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant et les articles 21 et 23 de la directive « Accueil » ;

— elle porte une atteinte disproportionnée à son droit de solliciter une protection internationale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2023, l’Office français de l’immigration et de l’intégration conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— la requête est irrecevable en l’absence de décision susceptible d’être contestée ;

— le moyen tiré de l’absence de motivation de la décision est inopérant ;

— les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme E, agissant pour le compte de son fils B A, a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2021.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— l’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 27 janvier 2021 sous le numéro 445958 ;

Vu :

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Couégnat, première conseillère,

— et les observations de Me Rosé, représentant Mme E.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E, de nationalité ivoirienne, a présenté, le 21 novembre 2018 auprès de la préfecture du Maine-et-Loire, une demande d’asile, qui a été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 28 juin 2019 et par la Cour nationale du droit d’asile le 17 décembre 2019. Le versement de l’allocation pour demandeur d’asile a cessé à la fin du mois de décembre 2019. Elle s’est présentée à nouveau en préfecture le 17 février 2021 et sa demande d’asile a été placée en procédure accélérée s’agissant d’une demande de réexamen. Après un entretien de vulnérabilité réalisé ce même 17 février 2021 prenant en compte la naissance de son fils, B A, le 19 janvier 2021, l’Office français de l’immigration et de l’intégration a pris le même jour une décision de refus des conditions matérielles d’accueil, qui lui a été remise en mains propres et n’a pas été contestée. Le 30 avril 2021, Mme E s’est présentée à nouveau en préfecture pour déposer une demande d’asile au nom de son fils et s’est vue délivrer, au nom de celui-ci, une attestation de demande d’asile « procédure normale – réexamen ». Par un courrier du 31 mai 2021 de son conseil, Mme E a sollicité le bénéfice des conditions matérielles d’accueil pour son fils et elle-même. Par sa requête, Mme E, agissant pour le compte de son fils mineur, demande l’annulation d’une décision implicite de refus d’accorder des conditions matérielles d’accueil.

2. Il résulte de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’il appartient à l’étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l’accompagnent. En cas de naissance ou d’entrée en France d’un enfant mineur postérieurement à l’enregistrement de sa demande, l’étranger est tenu, tant que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d’asile, ne s’est pas prononcé, d’en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d’asile, est réputée l’être à l’égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n’était pas en droit de le faire. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d’un enfant né après l’enregistrement de leur demande d’asile présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que la demande ainsi présentée au nom du mineur doit alors être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de l’article L. 723-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La demande ainsi présentée au nom du mineur présentant le caractère d’une demande de réexamen, le bénéfice des conditions matérielles d’accueil peut être refusé à la famille, conformément à l’article L. 744-8, sous réserve d’un examen au cas par cas tenant notamment compte de la présence au sein de la famille du mineur concerné. Lorsque l’Office français de l’immigration et de l’intégration décide de proposer à la famille les conditions matérielles d’accueil et que les parents les acceptent, il est tenu, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette demande, d’héberger la famille et de verser aux parents l’allocation pour demandeur d’asile le montant de cette dernière étant calculé, en application des articles L. 744-9 et D. 744-26 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en fonction du nombre de personnes composant le foyer du demandeur d’asile.

3. Il résulte de ce qui précède que la demande d’asile présentée le 30 avril 2021 au nom du fils mineur de la requérante, laquelle venait de déposer le 17 février 2021 une demande de réexamen de sa demande d’asile définitivement rejetée le 17 décembre 2019, doit être considérée comme une demande de réexamen. L’Office français de l’immigration et de l’intégration a donc pu légalement, sur le fondement de l’article L. 744-8 devenu L. 551-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et après examen au cas par cas, refuser à la requérante le bénéfice des conditions matérielles d’accueil pour elle et son fils. Le moyen tiré du défaut de base légale doit donc être écarté.

4. La requérante, qui n’a pas sollicité de l’Office français de l’immigration et de l’intégration la communication des motifs de la décision implicite contestée, ne peut utilement se prévaloir de l’absence d’une décision écrite et motivée. Le moyen invoqué doit par suite être écarté.

5. Mme E, qui s’est maintenue en France après le rejet définitif de sa demande d’asile le 17 décembre 2019, n’apporte aucun élément sur la situation en France de M. A, le père de son enfant. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’entretien d’évaluation, le 17 février 2021, de sa situation de vulnérabilité par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qu’elle-même et son enfant bénéficiaient d’un hébergement à titre précaire et d’aides matérielles consentis par les services du conseil départemental de l’Hérault. Ainsi, la seule présence de son très jeune enfant ne suffit pas à établir qu’en refusant, dans les conditions rappelées aux points précédents, de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, l’Office français de l’immigration et de l’intégration aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation de vulnérabilité ni qu’il aurait méconnu l’intérêt supérieur de son enfant.

6. Dès lors qu’ainsi qu’il l’a été dit aux points précédents, la décision contestée n’est pas entachée d’illégalité, le moyen invoqué tiré de ce qu’elle porterait une atteinte disproportionnée à son droit de solliciter la protection internationale ne peut qu’être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le défendeur, que les conclusions présentées par Mme E tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d’octroi des conditions matérielles d’accueil, prise par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction et celles relatives aux frais du litige.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C E, à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et à Me Rosé.

Délibéré après l’audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Corneloup, présidente,

Mme Michelle Couégnat, première conseillère,

M. Nicolas Huchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

La rapporteure,

M. Couégnat

La présidente,

F. Corneloup

La greffière,

M. D

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 28 décembre 2023.

La greffière,

M. D 00

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