Tribunal administratif de Paris, 1re section - 1re chambre - oqtf 6 sem., 30 décembre 2022, n° 2222586

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 1re sect. - 1re ch. - oqtf 6 sem., 30 déc. 2022, n° 2222586
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2222586
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

F une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 octobre et le 11 novembre 2022, M. E A, représenté F Me Ewane Motto, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 26 octobre 2022 F lequel le préfet de la Seine Saint-Denis l’a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l’octroi d’un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de 12 mois ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour « salarié » dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros F jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de procéder à son effacement dans le système d’information Schengen ;

3°) d’enjoindre à titre subsidiaire, au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une

autorisation provisoire de séjour, jusqu’à ce qu’il soit à nouveau statué sur son cas.

Il soutient que :

S’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— la décision a été signée F une autorité incompétente ;

— elle est insuffisamment motivée et entachée d’un défaut d’examen de sa situation personnelle ;

— elle a été prise au terme d’une procédure irrégulière dès lors que son droit à être entendu, garanti F l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a été méconnu ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnait les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation sur sa situation personnelle ;

S’agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

— la décision est insuffisamment motivée et dépourvue d’un examen sérieux de sa situation personnelle;

— elle est entachée d’une erreur de droit.

F un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, le préfet de la Seine-Saint- Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés F le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

—  la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme C en application de l’article R. 776-13-3 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme C a été entendu au cours de l’audience publique, en présence de Mme Ramphort, greffière d’audience.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. E A, ressortissant sénégalais né le 17 mars 1979 est entré en France, selon ses déclarations, en 2017. F un arrêté du 26 octobre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l’a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l’octroi d’un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de douze mois. M. A demande au tribunal d’annuler ces décisions.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, F arrêté n°2022-0291 du 7 février 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis, régulièrement publié au bulletin d’informations administratives du 9 février 2022, M. B D, chef du pôle instruction et mise en œuvre des mesures d’éloignement, a reçu délégation à l’effet notamment de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français, celles fixant pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français. F suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée F une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, la décision contestée comporte l’énoncé des dispositions légales dont il a été fait application ainsi que des circonstances de fait au vu desquelles elle a été prise et notamment, de la situation personnelle et administrative du requérant. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Seine-Saint-Denis n’était pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments relatifs à la situation personnelle dont il entendait se prévaloir. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d’une insuffisance de la motivation n’est pas fondé et doit être écarté.

4. En troisième lieu, si les dispositions de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables F un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement telle qu’une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement invoquer le principe général du droit de l’Union, relatif au respect des droits de la défense, et qui implique que l’autorité préfectorale, avant de prendre à l’encontre d’un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l’intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu’il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu’elle n’intervienne. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. A cet égard, lorsqu’il présente une demande d’asile, l’étranger, en raison même de l’accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu’en cas de rejet de sa demande d’asile, il pourra faire l’objet d’un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d’une mesure d’éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d’asile, d’apporter à l’administration toutes les précisions qu’il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l’administration d’apprécier son droit au séjour au regard d’autres fondements que celui de l’asile. Il lui est loisible, tant au cours de l’instruction de sa demande, qu’après que l’office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d’asile eurent statué sur sa demande d’asile, de faire valoir auprès de l’administration toute information complémentaire utile.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d’audition du 26 octobre 2022 de M. A F les services de la police que ce dernier a été informé qu’il pouvait faire l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire national avant que ne soit prise la mesure querellée et qu’il a été mis à même de présenter des observations. Il n’est pas établi, ni même allégué, que M. A aurait disposé d’autres informations tenant à sa situation personnelle qu’il aurait été empêché de porter à la connaissance de l’administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d’éloignement contestée et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l’édiction d’une telle mesure. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe fondamental du droit d’être entendu, tel qu’énoncé au 2 de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être écarté.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que le préfet de la Seine-Saint-Denis s’est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. A avant de prononcer une mesure d’éloignement à son encontre.

7. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : «   » 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue F la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. « . Aux termes de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » L’étranger qui n’entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. "

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France selon ses déclarations en 2017 sous couvert d’un visa, pour y chercher du travail. Eu égard au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France et en l’absence de tout autre élément au dossier, le préfet de la Seine-Saint-Denis n’a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l’intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l’obligation de quitter le territoire français a été prise. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n’a pas davantage commis d’erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l’intéressé.

9. En sixième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile lequel ne prévoit pas la délivrance d’un titre de séjour de plein droit.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l’article L. 612-2 du même code : " F dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; () / 3° Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet « . Aux termes de l’article L. 612-3 de ce code : » Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; () 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce () qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale () / ". Aux termes de l’article

L. 612-6 de ce code : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. () ». Aux termes de l’article L. 613-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :

« () les décisions d’interdiction de retour et de prolongation d’interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ».

11. Il incombe à l’autorité compétente qui prend une décision d’interdiction de retour d’indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l’étranger. Elle doit, F ailleurs, faire état des éléments de la situation de l’intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, à la nature et à l’ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d’éloignement dont il a fait l’objet.

12. En l’espèce, il ressort de l’arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Saint-Denis s’est fondé sur les dispositions de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et a motivé sa décision F la circonstance que M. A ne justifie pas être entré régulièrement en France, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour et qu’il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. F ailleurs l’autorité préfectorale a examiné la situation particulière de M. A, notamment sa durée de séjour, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France. F suite, la décision est suffisamment motivée et n’est entachée d’aucun défaut d’examen de la situation particulière de l’intéressé, ni d’aucune erreur de droit.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n’est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 26 octobre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis. F suite, sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions.

D É C I D E:

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. E A et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Rendu public F mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La magistrate désignée,

S. CLa greffière,

A. Ramphort

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2222586/1-1

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Tribunal administratif de Paris, 1re section - 1re chambre - oqtf 6 sem., 30 décembre 2022, n° 2222586