Tribunal administratif de Rennes, 5ème chambre, 29 décembre 2022, n° 2202471

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 5e ch., 29 déc. 2022, n° 2202471
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2202471
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Non-lieu
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 mai et 6 décembre 2022 sous le numéro 2202471, M. A B, représenté par Me Vervenne, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 21 octobre 2021 par laquelle le préfet du Finistère a déclaré irrecevable sa demande de titre de séjour ;

2°) d’enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d’un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de trois jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B soutient que :

— la décision de refus de titre de séjour a été signée par une autorité incompétente ;

— la décision méconnait les articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnait l’article R. 431-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnait l’article L. 114-6 du code des relations entre le public et l’administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de de ce qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la requête n° 2202471 tendant à l’annulation

de la décision rejetant pour irrecevabilité sa demande de titre de séjour, dès lors que le préfet a statué sur ladite demande par sa décision du 20 septembre 2022 dont M. B

demande l’annulation dans la requête 2205095.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 23 juin 2022.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 octobre, 24 novembre et 5 décembre 2022 sous le numéro 2205095, M. A B, représenté par Me Vervenne, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière ;

2°) d’enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d’un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, l’ensemble sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B soutient que :

— la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

— il justifie de son identité au regard de l’accord franco-malien ;

— la décision méconnait les articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le préfet n’a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard des fondements de sa demande alors qu’il justifie d’un travail et de ressources ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

— la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Mali de coopération en matière de justice ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. C,

— et les observations de Me Douard, représentant M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France en avril 2017 en se prétendant mineur. Sa minorité n’a toutefois pas été reconnue par un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 10 septembre 2018 devenu définitif. M. B a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, mais a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français en date du 6 janvier 2020 dont la légalité a été confirmée par ce tribunal. Il s’est maintenu en situation irrégulière et a demandé son admission exceptionnelle au séjour. Par une décision du 21 octobre 2021, le préfet du Finistère a déclaré cette demande de titre de séjour irrecevable. Suite à la suspension de cette décision, par arrêté du 20 septembre 2022, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer le titre demandé, l’a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

2. Les requêtes n° 2202471 et n° 2205095 concernent la situation d’une même personne et ont fait l’objet d’une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même jugement.

Sur le non-lieu à statuer :

3. Si, par sa décision du 21 octobre 2021, le préfet du Finistère a déclaré irrecevable la demande de titre de séjour de M. B, il a finalement statué sur cette demande, que l’intéressé avait d’ailleurs confirmé, en prenant la décision du 20 septembre 2022 rejetant cette demande dont M. B demande l’annulation dans la seconde requête. Les conclusions de M. B tendant à l’annulation de cette première décision sont donc devenues sans objet. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 2202471.

Sur les conclusions aux fins d’annulation de la requête n° 2205095 :

4. Par un arrêté du 22 septembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Finistère a donné délégation à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture et signataire de l’arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, à l’exception de certains au nombre desquels ne figurent pas les actes en matière de police des étrangers. Le moyen tiré de l’incompétence dont serait entaché l’arrêté manque en fait et doit ainsi être écarté. Par ailleurs, la circonstance que cet arrêté ait été pris sur proposition du secrétaire général de la préfecture ne méconnaît aucun texte ou principe. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que le préfet s’est senti lié par cette proposition et aurait méconnu l’étendue de sa compétence.

5. Aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » salarié « , » travailleur temporaire « ou » vie privée et familiale « , sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. () ». Aux termes de l’article R. 431-10 du même code : " L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente à l’appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; () « . Aux termes de l’article L. 811-2 du même code : » La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil. « . Enfin, aux termes de l’article 47 du code civil : » Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte des dispositions applicables à la délivrance des titres que la délivrance d’une carte de séjour temporaire sur le fondement de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’est pas seulement subordonnée au respect des conditions de fond prévues par ces articles mais également au respect, par le demandeur, des règles de recevabilité de sa demande et, notamment de celle imposée par l’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile tenant à la production des indications relatives à l’état civil.

7. Il ressort des pièces du dossier que le juge des enfants, statuant sur l’admission de l’intéressé à l’aide sociale à l’enfance, a jugé, dans un jugement du 21 décembre 2017, que « l’ensemble des éléments portés à sa connaissance permettait d’écarter la minorité de M. B sans qu’il soit besoin d’ordonner des examens médicaux ». Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel de Rennes en septembre 2018 devenu définitif. M. B a ensuite produit, au soutien de sa précédente demande de titre de séjour, de nouveaux actes, qui ont, comme les précédents, été regardés comme dépourvus de force probante par le tribunal administratif et par la cour administrative d’appel de Nantes. Au soutien de sa nouvelle demande de titre de séjour, M. B produit de nouvelles versions du même acte de naissance, toujours dressées à partir du même jugement supplétif mais corrigeant les imperfections relevées précédemment par les experts de la police, et qui ne présentent pas plus de force probante. Il produit également des cartes consulaires et un passeport qui, même si les supports sont authentiques ainsi qu’en atteste le consulat du Mali, ont été établis à partir d’actes sans valeur et ne sont donc pas susceptibles d’établir son état civil. Dans ces conditions, et sans que le préfet ait méconnu les stipulations de l’accord franco-malien de coopération en matière de justice ou l’accord franco-malien signé le 3 février 1962, le préfet du Finistère a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que M. B n’établissait pas son état civil, quand bien même le délai de transcription du jugement supplétif n’aurait pas été méconnu. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit ainsi être écarté.

8. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. B, c’est à la suite d’un examen particulier de la situation de l’intéressé que le préfet a rejeté sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, même si M. B dispose de ressources et a pu travailler durant l’instruction de ses demandes de titre de séjour.

9. Aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. () ».

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B est célibataire, sans charge de famille en France. Il n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales à l’étranger. S’il est présent en France depuis plusieurs années et a pu travailler, il n’établit pas ne pas avoir abusivement bénéficié d’une formation professionnelle alors qu’il n’était plus mineur. Dans ces conditions, le préfet du Finistère n’a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n’a, dès lors, pas méconnu l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

11. Le présent jugement rejette les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision du préfet lui refusant un titre de séjour. Par suite, M. B n’est pas fondé à contester, par la voie de l’exception, la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, en se prévalant de l’illégalité de la décision relative au séjour.

12. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a indiqué que M. B n’apportait aucun élément permettant de penser qu’il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d’origine. Il a ainsi suffisamment motivé sa décision fixant le pays de retour.

13. Le présent jugement rejette les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire. Par suite, M. B n’est pas fondé à contester, par la voie de l’exception, la légalité de la décision fixant le pays de renvoi, en se prévalant de l’illégalité de cette décision.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 20 septembre 2022, par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d’un de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

15. Le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d’annulation de la requête n° 2205095 de M. B n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte présentées par l’intéressé doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B doivent, dès lors, être rejetées dans l’instance n° 2205095.

17. Par ailleurs et dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B présentées dans l’instance n° 2202471, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 2202471.

Article 2 : La requête n° 2205095 de M. B est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative dans l’instance n° 2202471 sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet du Finistère.

Délibéré après l’audience du 12 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gosselin, président,

Mme Pottier, première conseillère,

Mme Gourmelon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

signé

O. C

L’assesseur le plus ancien,

signé

F. Pottier La greffière,

signé

E. Douillard

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Nos 2202471, 2205095

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