Tribunal administratif de Toulouse, 6ème chambre, 15 décembre 2023, n° 2301447

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 6e ch., 15 déc. 2023, n° 2301447
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 2301447
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 21 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2023, Mme A B C, représentée par Me Barbot-Lafitte, demande au tribunal :

1°) de l’admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler l’arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de renouveler son titre de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou, à défaut d’obtention de l’aide juridictionnelle, sur le seul fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’arrêté attaqué n’est pas suffisamment motivé ;

— la décision de refus de titre de séjour est entachée d’un défaut d’examen réel et sérieux de sa situation ;

— le préfet aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié compte tenu de la durée de son séjour et de ses liens familiaux en France ;

— il aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l’article 7 b et de l’article 9 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié dès lors qu’elle est employée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel depuis le 23 janvier 2023 en qualité d’assistante ménagère, la condition tenant à la production d’un visa de long séjour ne lui étant pas opposable ;

— le préfet aurait dû exercer son pouvoir de régularisation et lui accorder un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ou en qualité de salariée ; en refusant de lui délivrer ce titre, le préfet a entaché sa décision d’une erreur manifeste appréciation ;

— elle a été prise en méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l’illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la décision fixant le délai de trente jours est illégale du fait de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

— la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 3 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens soulevés par Mme B C n’est fondé.

Par une ordonnance du 21 mars 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 21 juin 2023.

Mme B C a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire par une décision du 19 juillet 2023.

Vu :

— l’ordonnance n° 2301787 du 18 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l’aide juridique,

— le code de justice administrative.

Dans cette affaire, la présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Poupineau a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B C, ressortissante algérienne, est entrée en France le 28 février 2019, sous couvert d’un passeport algérien en cours de validité et d’une carte de résident de longue durée portant la mention « UE », valable du 7 juillet 2017 au 27 juin 2022, délivrée par les autorités espagnoles. Elle a obtenu la délivrance d’un premier titre de séjour d’une durée d’un an, valable jusqu’au 9 septembre 2022, en qualité de conjointe d’un ressortissant français, à la suite de son mariage, célébré le 22 mai 2021, avec un ressortissant français, et dont elle a sollicité le renouvellement ainsi qu’un certificat de résidence algérien de dix ans, le 19 août 2022. Par un arrêté du 21 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Par la présente requête, Mme B C demande l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant à l’admission, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle :

2. Par une décision du bureau d’aide juridictionnelle en date du 19 juillet 2023, Mme B C a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande tendant à être admise, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle est devenue sans objet. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne l’arrêté attaqué, pris dans son ensemble :

3. Il ressort des mentions de la décision de refus de titre de séjour contestée que le préfet de la Haute-Garonne a visé les stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié et les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile applicables à la situation de Mme B C ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a également précisé l’identité, la date et le lieu de naissance de Mme B C, ainsi que les conditions de son entrée en France, et exposé les raisons pour lesquelles il a considéré qu’elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir le titre de séjour qu’elle sollicitait. Il a enfin énoncé des éléments suffisants sur sa situation familiale. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment exposé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour. En application de l’article L. 613-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’obligation de quitter le territoire français en litige, qui a été prise sur le fondement des dispositions du 3° de l’article L. 611-1 du même code, qu’elle vise, n’avait pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Enfin, la décision fixant le pays de destination rappelle la nationalité de Mme B C et mentionne que celle-ci n’est pas exposée en Algérie à des traitements prohibés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’arrêté attaqué ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l’arrêté attaqué ni des pièces du dossier que le préfet n’aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme B C. En particulier, si la requérante lui reproche de ne pas avoir tenu compte de son activité professionnelle alors qu’elle a été recrutée le 23 janvier 2023, par un contrat à durée indéterminée, en qualité d’aide ménagère, elle n’établit pas avoir porté cet élément de sa situation personnelle à la connaissance du préfet, qui fait valoir qu’il n’en a pas été informé. Par suite, le moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, lorsqu’il est saisi d’une demande de délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’une des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou de l’une des stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, s’agissant d’un algérien, le préfet n’est pas tenu, en l’absence de dispositions expresses en ce sens, d’examiner d’office si l’intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur un autre fondement, même s’il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l’intéressé.

6. Il ressort du formulaire de demande de titre de séjour renseigné par Mme B C le 22 juin 2021, que celle-ci tendait à obtenir le renouvellement du titre de séjour dont elle était titulaire en qualité de conjointe d’un ressortissant français et la délivrance d’un certificat de résidence algérien d’une durée de dix ans. Ainsi, la requérante n’ayant pas sollicité de titre de séjour sur le fondement des stipulations du 5° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié et de celles des articles 7 b et 9 de ce même accord, le préfet n’était pas tenu d’examiner les droits au séjour de l’intéressée au regard de ces stipulations. Par suite, le moyen soulevé par Mme B C et tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations ne peut qu’être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

8. Mme B C fait valoir qu’elle est entrée en France en 2007, à l’âge de 17 ans, et qu’elle y réside depuis plus de dix ans au côté de ses parents et de ses frères et sœurs, qui vivent sur le territoire français sous couvert d’autorisations de séjour en cours de validité. Toutefois, s’il ressort des pièces du dossier que Mme B C a effectué quelques séjours en France entre 2012 et 2018, elle n’y réside effectivement que depuis le 28 février 2019, date de son entrée sur le territoire français alors qu’elle était titulaire d’une carte de résident de longue durée portant la mention « UE », délivrée par les autorités espagnoles et valable du 7 juillet 2017 au 27 juin 2022. A la date de l’arrêté attaqué, elle était divorcée et sans enfant à charge. Si elle se prévaut de la présence sur le territoire national de plusieurs membres de sa famille, elle ne justifie pas entretenir avec ceux-ci, dont elle a été séparée pendant plusieurs années, des relations d’une intensité particulière. Par ailleurs, elle dispose nécessairement d’attaches personnelles et familiales dans son pays d’origine où elle a vécu la majeure partie de son existence. Enfin, elle ne justifie pas d’une intégration particulière par la seule circonstance qu’elle a travaillé quelques jours au mois d’août de l’année 2021 puis du 1er septembre 2021 au 3 mars 2022 et qu’elle a été recrutée le 23 janvier 2023, par un contrat à durée indéterminée, en qualité d’aide ménagère à temps partiel. Dans ces circonstances, la décision de refus de titre de séjour attaquée n’a pas porté au droit de Mme B C au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le préfet de la Haute-Garonne n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B C dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B C n’établit pas que la décision de refus de titre de séjour est illégale. Dès lors, l’exception d’illégalité de cette décision soulevée à l’appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n’est pas fondée et doit ainsi être écartée.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B C n’établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale. Dès lors, l’exception d’illégalité de cette décision soulevée à l’appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire n’est pas fondée et doit ainsi être écartée.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, Mme B C n’est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B C n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté attaqué. Ses conclusions à fin d’annulation et d’injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’aide juridictionnelle provisoire de Mme B C.

Article 2 : La requête de Mme B C est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B C, à Me Barbot-Lafitte et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l’audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Poupineau, présidente,

Mme Rousseau, conseillère,

M. Frindel, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

V. POUPINEAU

L’assesseure la plus ancienne,

M. ROUSSEAULa greffière,

B. RODRIGUEZ

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme :

La greffière en chef,

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