Tribunal administratif de Versailles, Reconduites à la frontière, 7 juin 2023, n° 2303002

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Sur la décision

Référence :
TA Versailles, reconduites à la frontière, 7 juin 2023, n° 2303002
Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
Numéro : 2303002
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 10 juin 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire récapitulatif enregistrés les 22 février et 17 mai 2023, M. A D B, représenté par Me Abreu, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l’a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an en l’informant qu’il faisait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision portant obligation de quitter le territoire français n’est pas suffisamment motivée et a méconnu l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— les décisions portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées et ont méconnu les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du CESEDA car il a établi son insertion sur le territoire français, notamment par le travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2023, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme E pour statuer sur les requêtes relevant de la procédure prévue à l’article L. 614-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en application de l’article R. 776-13-3 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 24 mai 2023, en présence de Mme Amegee, greffière :

— le rapport de Mme E,

— les observations de Me Abreu, représentant M. D B, présent, assisté de Mme C, interprète en portugais, qui reprend ses écritures et qui ajoute qu’il est arrivé en France en 2017 avec son passeport, le visa n’étant pas nécessaire, et qu’il a travaillé dès le début de son séjour en France, où il vit avec une ressortissante portugaise, que l’absence de délai dont est assortie l’obligation de quitter le territoire et l’interdiction de retour sur le territoire français vont avoir des conséquences très négatives sur sa situation ;

— le préfet de Seine-et-Marne n’étant ni présent, ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré sur le territoire français en 2017, selon ses déclarations, M. A D B, ressortissant brésilien né le 15 mai 1989 à Itapuranga (Brésil), demande l’annulation de l’arrêté par lequel le préfet de Seine-et-Marne l’a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an en l’informant qu’il faisait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

2. L’arrêté attaqué, qui n’avait pas à indiquer de manière exhaustive l’ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l’intéressé, vise les dispositions et stipulations applicables du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Ces considérations sont suffisamment développées pour mettre utilement M. D B en mesure de discuter les motifs de l’arrêté et le juge d’exercer son contrôle. Il est, par suite, suffisamment motivé.

En ce qui concerne l’autre moyen dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

4. Si M. D B est entré régulièrement en France, il s’y est maintenu de manière irrégulière et son séjour est récent. S’il fait valoir qu’il vit avec une compatriote en situation régulière, il ne l’établit pas. Son fils, à l’éducation et à l’entretien duquel il n’établit d’ailleurs pas contribuer, vit au Brésil avec sa mère, et n’est venu en France que pour une période limitée. Dans ces conditions, en obligeant M. D B à quitter le territoire français, le préfet n’a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels il a pris cette décision et n’a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision refusant l’octroi d’un délai de départ volontaire :

5. Aux termes de l’article L. 612-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Par dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ; / () 3° Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet « . Aux termes de l’article L. 612-3 du même code : » Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; / 2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; / () / 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D B n’établit pas avoir sollicité, depuis son entrée sur le territoire français, la délivrance d’un titre de séjour. Toutefois, M. D B est titulaire d’un passeport brésilien en cours de validité, justifie d’une adresse stable depuis 2019 et d’une activité professionnelle depuis environ trois ans. Il n’a, en outre, pas fait l’objet d’une précédente mesure d’éloignement et n’a commis aucun acte de nature à caractériser une menace à l’ordre public. Dans ces conditions, M. D B fait état de circonstances particulières de nature à ne pas regarder comme établi le risque qu’il se soustraie à la mesure d’éloignement dont il fait l’objet. Par suite, M. D B est fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français ». Aux termes de l’article L. 612-7 du même code : « Lorsque l’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative n’édicte pas d’interdiction de retour ». Aux termes de l’article L. 612-8 de ce code : « Lorsque l’étranger n’est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l’expiration d’une durée, fixée par l’autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français ».

8. Il résulte de ces dispositions que si, lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour, celle-ci constitue une simple faculté lorsque l’étranger bénéficie d’un tel délai.

9. En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne aurait prononcé à l’encontre de M. D B une interdiction de retour sur le territoire français s’il avait accordé à l’intéressé le délai de départ volontaire de trente jours. Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler la décision par laquelle le préfet de Seine-et-Marne a prononcé à l’encontre de l’intéressé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an.

10. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. D B est seulement fondé à demander l’annulation des décisions par lesquelles le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé l’octroi d’un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an.

Sur les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte :

11. Aux termes de l’article R. 613-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Les modalités de suppression du signalement d’un étranger effectué au titre d’une décision d’interdiction de retour sont celles qui s’appliquent, en vertu de l’article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d’extinction du motif d’inscription dans ce traitement. ».

12. Il résulte de ces dispositions que l’annulation de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement l’effacement sans délai du signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen résultant de cette décision. Par suite, il y a lieu d’enjoindre au préfet de Seine-et-Marne d’y procéder dans le délai d’un mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Sur les frais d’instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés par M. D B et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions en date du 21 février 2023 par lesquelles le préfet de Seine-et-Marne a refusé d’accorder à M. D B un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée d’un an sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de mettre en œuvre la procédure d’effacement du signalement de M. D B aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen dans le délai d’un mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 3 : L’Etat versera à M. D B la somme de 500 (CINQ CENTS) euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A D B et au préfet de Seine-et-Marne.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2023.

La magistrate désignée,

signé

Ch. E La greffière,

signé

E. Amegee

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Versailles, Reconduites à la frontière, 7 juin 2023, n° 2303002