Tribunal administratif de Versailles, 4ème chambre - 4/11, 26 avril 2024, n° 2402358

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Versailles, 4e ch. - 4/11, 26 avr. 2024, n° 2402358
Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
Numéro : 2402358
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 avril 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2024, M. D A, représenté par Me Diallo, demande au tribunal :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté du 5 mars 2024 par lequel le préfet des Yvelines lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d’exécution d’office ;

3°) d’enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une attestation de maintien au séjour dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— l’arrêté dans son ensemble a été signé par une autorité incompétente ;

— il est insuffisamment motivé ;

— la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

— elle méconnait les dispositions de l’article L. 541 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnait les dispositions de l’article L. 532-54 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

— elle méconnait les dispositions de l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

La requête a été communiquée au préfet des Yvelines, qui n’a pas produit de mémoire en défense mais qui a versé le 9 avril 2024, des pièces au dossier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

— la directive n°2008/115/CE du 17 décembre 2008 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal administratif de Versailles a désigné Mme Marc pour statuer sur les requêtes relevant de la procédure prévue à l’article L. 614-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en application de l’article R. 776-13-3 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 23 avril 2024 qui s’est tenue en présence de M. Ileboudo, greffier :

— le rapport de Mme Marc ;

— M. A n’étant ni présent, ni représenté ;

— le préfet des Yvelines n’étant ni présent, ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. D A, ressortissant mauritanien né le 1er décembre 1989, est entré sur le territoire français en 2021. Par un arrêté du 5 mars 2024, le préfet des Yvelines l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné en cas d’exécution d’office. M. A demande l’annulation de cet arrêté.

Sur la demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence, sous réserve de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée () par la juridiction compétente ou son président ».

3.Il y a lieu, eu égard à l’urgence qui s’attache à ce qu’il soit statué sur la requête de M. A, de prononcer son admission provisoire à l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne les moyens communs à l’ensemble des décisions attaquées :

4. En premier lieu, par un arrêté n° 2024-00037 du 29 janvier 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n°78-2024-037 du même jour de la préfecture des Yvelines, Mme C B, attachée d’administration de l’Etat, adjointe au chef du bureau de l’asile, a reçu délégation du préfet des Yvelines pour signer la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

5. En second lieu, l’arrêté attaqué vise le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et notamment ses articles L. 424-9, L. 424-1°et L. 611-1-4°, et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment ses articles 3 et 8. Il suit de là qu’il est suffisamment motivé en droit. Par ailleurs, l’arrêté mentionne les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. A, notamment son identité, et précise, en outre, sa situation privée et familiale et le fait qu’il n’établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans son pays d’origine. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’arrêté doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, si M. A se prévaut des dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, il ne peut utilement invoquer directement les termes de cette directive, qui ont été transposées en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Ce moyen est, dès lors, inopérant.

7. En deuxième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

8. Si M. A, célibataire et sans charge de famille, fait valoir qu’il a construit des liens privés et familiaux depuis son arrivée en France, il n’établit toutefois pas la réalité et l’intensité de ses relations, ni ne justifie d’une quelconque insertion sur le territoire français. Dans ces conditions, et au regard du caractère récent de sa présence sur le territoire français, le préfet des Yvelines n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale en l’obligeant à quitter le territoire français et n’a ainsi pas commis une erreur manifeste d’appréciation ni méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

9. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l’article L. 541-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Le demandeur d’asile dont l’examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ». Aux termes de l’article L. 542-1 de ce code : « En l’absence de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l’article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu’un recours contre la décision de rejet de l’office a été formé dans le délai prévu à l’article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d’asile ou, s’il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ». Aux termes de l’article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l’article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / a) une décision d’irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l’article L. 531-32 ; / b) une décision d’irrecevabilité en application du 3° de l’article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; / () 2° Lorsque le demandeur : / () b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l’objet d’une décision d’irrecevabilité par l’office en application du 3° de l’article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d’éloignement « . Aux termes de l’article L. 531-32 de ce même code : » L’Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d’irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies, dans les cas suivants : / 1° Lorsque le demandeur bénéficie d’une protection effective au titre de l’asile dans un Etat membre de l’Union européenne ; / 2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ; / 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue d’un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l’article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article. ".

10. En l’espèce, la demande d’asile de M. A a été rejetée par une décision de l’OFPRA datée du 14 octobre 2022 et notifiée le 22 octobre 2022, confirmée par une décision de la CNDA datée du 8 mars 2023 et notifiée le 11 mars 2023, et la demande de réexamen présentée par l’intéressé a été rejetée comme irrecevable par une décision de l’OFPRA du 8 juin 2023 et notifiée le 6 juillet 2023, confirmée par une décision de la CNDA du 27 septembre 2023 et notifiée le 18 octobre 2023. En application des dispositions citées au point précédent, le droit au maintien sur le territoire français de M. A a pris fin avant l’édiction de la décision attaquée du 5 mars 2024. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 541-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 532-54 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, n’est pas assorti des précisions nécessaires permettant d’en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

13. Si M. A allègue avoir subi des violences dans son pays d’origine, il n’apporte aucun élément caractérisé propre à sa situation permettant d’en apprécier la réalité et la portée. De plus, s’il allègue que son renvoi en Mauritanie l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants, il n’apporte aucun élément caractérisé propre à sa situation permettant de démontrer qu’il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Mauritanie. Dans ces conditions, les moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu’être écartés.

14. En second lieu, M. A se prévaut des stipulations de l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Toutefois, M. A ne s’étant pas vu reconnaître la qualité de réfugié, il ne peut donc utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations précitées de l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Ce moyen est, dès lors, inopérant.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté du 5 mars 2024 du préfet des Yvelines doit être annulé. Il s’ensuit que ses conclusions à fin d’annulation de l’arrêté doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées aux fins d’injonction et au titre des frais d’instance.

D E C I D E :

Article 1er : M. A est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. D A et au préfet des Yvelines.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La magistrate désignée,

Signé

E. Marc Le greffier,

Signé

J. Ileboudo

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

No 2402358

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Tribunal administratif de Versailles, 4ème chambre - 4/11, 26 avril 2024, n° 2402358