Tribunal des affaires de sécurité sociale de Beauvais, 21 septembre 2023, n° 21/00720

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Sur la décision

Référence :
TASS Beauvais, 21 sept. 2023, n° 21/00720
Numéro(s) : 21/00720

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPAG FRANÇAIS DU VINGT ET UN des minutes du secrétariat-greffe SEPTEMBRE DEUX MIL TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAISE BEAUVAIS (Oise) VINGT TROIS Lest extrait ce qui suit littéralement transcrit
POAG SOCIAL
JUGEMENT POAG SOCIAL
Rendu le 21/09/2023, par mise à disposition après audience de plaidoirie X Y du 15/06/2023 par Monsieur Z AA statuant en qualité de juge du tribunal judiciaire de Beauvais, C/
Monsieur AB AC, assesseur représentant les travailleurs salariés, Société RANDSTAD
Monsieur AD AE, assesseur représentant les travailleurs non salariés, N° RG 21/00720 – N° Portalis et de Madame Murielle RENAULT, adjoint administratif faisant fonction de greffière. DBZU-W-B7F-EAGR
Minute N° ENTRE:
Copie exécutoire PARTIE DEMANDERESSE: le : 21/09/2023
Madame X Y à: Me FUENTES 27 rue des Orchidées
60460 BLAINCOURT AGS PRECY à: Me ZANOVELLO
Comparante assistée de Me Julie FUENTES, avocat au barreau de à : Sté AMAZON France BEAUVAIS Logistique
ET: à: CPAM de l’OISE
PARTIE DÉFENDERESSE:
Copie certifiée conforme le : 21/09/2023 Société RANDSTAD
[…] à: Me FUENTES […]
Représentée par Me Caroline ZANOVELLO, avocat au barreau de : Me ZANOVELLO
BEAUVAIS
à : Sté AMAZON France
Logistique PARTIES INTERVENANTES :
à: CPAM de l’OISE Société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE SAS ENTREPRISE UTILISATRICE
[…] à Mme Y
[…] Non comparante à : Sté RANDSTAD
CPAM DE L’OISE SERVICE JURIDIQUES
1, rue de Savoie
BP 30326
60013 BEAUVAIS CEDEX
Représentée par Madame AF AG AH, régulièrement mandatée


EXPOSE DU LITIGE
Le 11 mars 2021, X Y, alors salariée sous contrat de travail temporaire avec la société RANDSTAD (S.A.S), mis à disposition de la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE (S.A.S), ci-après désignée la société AMAZON, en qualité d’agent d’exploitation logistique, a été victime d’un accident du travail.
Les circonstances de l’accident ont ainsi été décrites dans la déclaration d’accident du travail, établie par la société RANDSTAD, datée du 12 mars 2021 : « Activité de la victime : alors que Mme Y réalisait un audit des palettes/ Nature de l’accident : un cariste qui n’avait pas vu les balises l’a heurtée avec la palette qu’il transportait. Mme AI s’est protégée avec sa main droite. Elle présente plusieurs contusions à la main droite et aurait ressenti une douleur au dos/Objet dont le contact a blessé la victime: palette et table/Siège des lésions : dos/ Nature des lésions : douleur(s) ».
Le certificat médical initial fait état d’une contusion au dos, thorax et poignet droit.
Par décision du 29 mars 2021, la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise, ci-après désignée la Caisse, a reconnu d’emblée le caractère professionnel de l’accident.
L’état de santé de X Y n’est pas consolidé.
Après vaine tentative amiable du règlement du litige et par requête reçue le 21 décembre 2021, X Y a saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de Beauvais aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société RANDSTAD dans la survenance de l’accident du 11 mars 2021 tout en dirigeant également son action contre la société AMAZON.
Par due réception de l’accusé 2C 168 772 9377 3, la société AMAZON a régulièrement été convoquée à l’audience de mise en état du 2 mars 2023. À l’issue de cette audience, l’affaire a été renvoyée pour plaidoiries à l’audience du 15 juin 2023.
Lors de cette dernière audience, les parties comparantes ont plaidé et la décision a été mise en délibéré au 21 septembre 2023.
X Y, assistée de Maître FUENTES, en se référant à ses écritures datées du 20 décembre 2021, régulièrement communiquées par signature de l’accusé de réception 1A 194 123 8414 1, demande au Tribunal:
- de dire et juger que la société RANDSTAD a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident de travail de Madame Y ;
- de surseoir à statuer jusqu’à la consolidation définitive de son état de santé s’agissant de la majoration du capital ou de la rente et de l’évaluation de ses préjudices;
- de condamner la Caisse à faire l’avance de la somme de 4 000 euros à titre de provision;
- de condamner la société RANDSTAD au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
- d’assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire.
Elle expose que l’accident est survenu lors de sa première prise de poste en zone de chargement et déchargement de marchandises, alors qu’elle saisissait des informations dans un ordinateur situé sur une table fixée au sol, dénommée « table de co-working ». Elle précise avoir été percutée de dos par un chariot de manutention motorisé portant sa charge maximale et mesurant au minimum 2 mètres. Elle ajoute que seulement 2 plots délimitaient son espace de travail, mesure insuffisante pour prévenir le risque de
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collision.
En premier lieu, elle se prévaut de la présomption de faute inexcusable de l’article L. 4154-2 du code du travail. Elle estime que son contrat de mission aurait dû porter la mention que le poste, à savoir agent d’exploitation logistique, était à risques compte tenu de l’environnement bruyant et surtout du risque de collision avec des engins motorisés. Elle ajoute que la société utilisatrice aurait dû lui délivrer une formation pratique, appropriée en matière de sécurité et l’informer de la dangerosité de ce poste. Elle fait également valoir qu’elle n’a pas bénéficié de suivi médical professionnel. La salariée indique qu’il appartient aux défenderesses de justifier de l’établissement d’un document unique d’évaluation des risques et de l’existence du rapport d’enquête de la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) suite à cet accident. Elle ajoute que le jour de sinistre, les voies de circulation dans l’entrepôt n’étaient pas aménagées afin d’assurer la sécurité des salariés. X Y estime aussi qu’il appartient aux sociétés défenderesses de démontrer que le conducteur de l’engin litigieux était médicalement apte, formé sur les règles de circulation, détenteur d’un CACES et d’une autorisation de conduite.
Au regard de son état de santé, elle sollicite l’octroi d’une provision.
La société RANDSTAD, représentée par Maître ZANOVELLO, demande au Tribunal, en se référant à ses conclusions visées par le greffe à l’audience, régulièrement communiquées, de :
In limine litis, sur le sursis à statuer :
- prononcer un sursis à statuer dans l’attente d’une consolidation ou d’une guérison de la salariée ;
Sur la faute inexcusable :
- à titre principal, rejeter la demande de X Y en reconnaissance de sa faute inexcusable;
- subsidiairement, juger que la faute inexcusable éventuelle relève de la seule et exclusive responsabilité de l’entreprise utilisatrice, la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE substituée dans la direction des salariés en application de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale;
- condamner, en application des articles L. 452-1 et L. 412-6 du code de la sécurité sociale, la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE, à garantir la société RANDSTAD de toutes les condamnations qui seront prononcées au titre de l’éventuelle faute inexcusable (majoration de rente et préjudices extra patrimoniaux), tant en principal qu’en intérêts et frais;
- condamner en application des articles L. […] et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale, la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE à prendre en charge sur son compte employeur la totalité de la rente (soit les 3/3) de Madame Y résultant de son accident du travail du 11 mars 2021;
- constater que la société RANDSTAD s’en remet à la sagesse du Tribunal concernant l’organisation d’une expertise médicale judiciaire dans la limite des préjudices indemnisables au titre de la faute inexcusable ; constater que la société RANDSTAD s’en remet à l’appréciation du Tribunal concernant la demande de provision de la demanderesse ;
- juger que la société RANDSTAD ne fera pas l’avance des frais d’expertise ;
- débouter les autres parties de toute demande de condamnation qui pourrait être formulée a rencontre de la société RANDSTAD au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de toute autre demande formulée à son encontre, et subsidiairement condamner la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE à garantir la société RANDSTAD des sommes auxquelles elle serait éventuellement condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
- déclarer la décision commune à la Caisse.
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Elle fait valoir que l’accident n’est pas survenu de son fait et que l’entreprise utilisatrice doit être regardée comme substituée à l’entreprise de travail temporaire dans la direction des salariés mis à disposition. Elle expose que le poste d’agent d’exploitation logistique ne figure pas sur la liste des postes à risques et qu’il n’exige aucune formation initiale particulière. Elle ajoute avoir analysé le poste avec l’entreprise utilisatrice et avoir recherché un salarié compétent, formé et expérimenté sur ce poste. En outre, elle estime que la salariée n’apporte pas la preuve de la conscience du danger et de l’absence de mesure prise pour l’en préserver. Subsidiairement, elle sollicite la garantie intégrale de la société AMAZON compte tenu de l’absence de tout agissement fautif de sa part, tant concernant les conséquences financières résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable que s’agissant du coût de l’accident.
L’entreprise de travail temporaire souligne que l’état de santé de la salariée n’est pas consolidé.
Par note en délibéré autorisée à l’audience et réceptionnée par le greffe le 21 juin 2023, la société RANDSTAD a justifié de la régulière communication de ses écritures à la société AMAZON résultant de la due réception de l’accusé 2C 162 568 3030 8.
La société AMAZON, bien que régulièrement avisée de l’audience aux termes de l’accusé de réception 2C 172 056 5757 1, n’est pas comparante et n’a pas informé la juridiction d’un quelconque motif à cette carence.
La Caisse, représentée par Madame AG AH, dûment mandatée, demande au Tribunal, en se référant à ses conclusions datées du 8 juin 2023, de :
- donner acte à l’organisme concluant de ce qu’il s’en rapporte à Justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable,
En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur
- dire et juger qu’aucune majoration de rente / indemnité en capital ne peut intervenir au jour du délibéré ;
- rejeter la demande de réalisation d’une expertise médicale; Sur la demande de provision :
- à titre principal, la rejeter;
- subsidiairement, ramener à de plus justes proportions le montant de la provision sollicitée par l’assurée ; dire et juger que la Caisse pourra récupérer auprès de l’employeur, la société RANDSTAD :
- les indemnités et majorations complémentaires susceptibles d’être attribuées en application des dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale à X Y en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur,
- les éventuels frais d’expertise.
La Caisse rappelle les dispositions applicables en cas de reconnaissance de faute inexcusable et constate que l’état de santé de l’assurée n’est pas consolidé.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties à la procédure pour un complet exposé de leurs prétentions et moyens.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la reconnaissance de la faute inexcusable
L’article L. 412-6 du code de la sécurité sociale dispose que pour l’application des articles L. […]. 452-4, l’utilisateur, le chef de l’entreprise utilisatrice ou ceux qu’ils se sont substitués dans la direction, sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l’employeur.
Sur la faute présumée
L’article L. 4154-3 du code du travail dispose que « la faute inexcusable de l’employeur prévue à l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est présumée établie pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ils n’auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l’article L. 4154-2 ».
Selon les dispositions de l’article L. 4154-2 du code du travail « les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée, les salariés temporaires et les stagiaires en entreprise affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité ainsi que d’un accueil et d’une information adaptés dans l’entreprise dans laquelle ils sont employés. La liste de ces postes de travail est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique, s’il existe. Elle est tenue à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 ».
Le second alinéa de cet article précise que la définition de la liste des postes de travail présentant un risque particulier pour la santé et la sécurité est soumise à une procédure consultative institutionnelle préalable sous le contrôle de l’inspection du travail qui échappe à la compétence du Tribunal.
Il incombe donc au demandeur de démontrer que les tâches qui lui étaient confiées figurent sur cette liste.
Selon la jurisprudence (Cass. Civ. 2, 16 février 2012, N°11-10889), l’absence d’établissement de la liste des postes à risque par l’employeur ne constitue pas une irrégularité formelle constitutive d’une faute inexcusable. Le Tribunal doit alors en l’absence de cette liste rechercher si le poste auquel était affecté le salarié présentait effectivement des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité.
En l’espèce, il est constant que le poste occupé par X Y, au jour de l’accident, était agent d’exploitation logistique. Il ressort du contrat de mise à disposition daté du 6 janvier 2021 que poste n’a pas été considéré comme étant à risques au sens des dispositions précitées.
La salariée fait valoir que ce poste l’a exposé à un risque particulier de collision conjugué à une exposition au bruit. La société RANDSTAD conteste cette appréciation.
Le Tribunal relève que le poste d’agent d’exploitation logistique n’impose aucune qualification ou formation particulières, notamment en matière de sécurité, et que la seule présence d’engins roulants à proximité de salariés piétons n’implique pas nécessairement l’existence de risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité. Par ailleurs, l’environnement bruyant de ces salariés ne permet pas de retenir la notion de risques au sens de l’article L. 4154-2 du code du travail.
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Par voie de conséquence, la faute inexcusable de l’employeur ne peut être présumée sur ce fondement.
Sur la faute prouvée
L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que « lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ».
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce dernier d’une obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens du texte susvisé, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident subi par le salarié. Il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes- en ce compris la faute d’imprudence de la victime – auraient concouru au dommage.
Il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Sur la conscience du danger
Cette conscience du danger est appréciée souverainement par les juges du fond, et ce in abstracto en référence à ce qu’aurait dû connaître un professionnel avisé. Ainsi, la conscience du danger n’est pas celle que l’employeur (ou son préposé) a eue du danger créé, mais celle qu’il devait ou aurait dû normalement avoir de ce danger, eu égard aux qualités professionnelles et formations que l’employeur (ou son préposé) doit avoir.
En l’espèce, il est constant que l’accident litigieux résulte de la collision du dos de la salariée, située en zone de chargement et de déchargement de marchandises au sein d’un espace de travail balisé, par un chariot de manutention motorisé conduit par un autre salarié.
Il résulte des circonstances précises de l’accident que l’employeur ne pouvait ignorer le danger de collision entre un salarié piéton et un engin motorisé dans un espace professionnel de circulation balisé.
Partant, la conscience du danger est établie.
Sur les mesures de prévention
L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes '>.
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L’article L. 4121-2 du code du travail ajoute que « l’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini
à l’article L. 1152-1;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs »>.
Aux termes de l’article L. 4121-3 du même code l’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, dans l’organisation du travail et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe. A la suite de cette évaluation, l’employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans
l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.
L’article R. 4224-3 dudit code dispose que les lieux de travail intérieurs et extérieurs sont aménagés de telle façon que la circulation des piétons et des véhicules puisse se faire de manière sûre.
L’article R. 4324-55 du même code dispose que la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de travail servant au levage est réservée aux travailleurs qui ont reçu une formation adéquate.
X Y fait principalement grief aux défenderesses de ne pas produire :
- le document unique d’évaluation des risques de la société AMAZON mentionnant les mesures de prévention des risques identifiés,
- le rapport d’enquête de l’accident établi par la HSCT,
- les justificatifs d’aptitude médicale, de formation sur les conditions de circulation dans l’entreprise, de détention d’un CACES et d’une autorisation de conduite du salarié, conducteur de l’engin l’ayant percutée.
La société RANDSTAD estime que toutes les mesures de prévention nécessaires ont été prises et que l’accident résulte uniquement d’une défaillance humaine insurmontable.
Le Tribunal constate qu’aucun des documents sollicités par X Y n’est produit, notamment ceux relatifs à la formation et à l’aptitude du salarié à la conduite du chariot de manutention motorisé, de sorte qu’il est établi que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver la travailleuse du risque auquel elle a été exposée.
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Il en résulte que la faute inexcusable dans la survenance de l’accident du 11 mars 2021 est caractérisée pour laquelle l’entreprise de travail temporaire, la société RANDSTAD, est seule tenue envers l’organisme social des obligations de l’employeur en cas d’accident du travail causé par une faute inexcusable.
Sur l’action récursoire de la société MANPOWER envers la société AMAZON
Il résulte de la combinaison des articles L. […], L. […]. 452-3, R. 242-6-1 et
R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale qu’en cas d’accident du travail survenu à un travailleur intérimaire et imputable à la faute inexcusable d’une entreprise utilisatrice, l’entreprise de travail temporaire, seule tenue en sa qualité d’employeur envers l’organisme social du remboursement des indemnités complémentaires prévues aux articles L. […]. 452-4 du même code, dispose d’un recours contre l’entreprise utilisatrice pour obtenir de celle-ci le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l’accident du travail.
L’entreprise de travail temporaire demande au Tribunal à ce que la société AMAZON
FRANCE LOGISTIQUE soit condamnée à la garantir de l’intégralité des conséquences financières résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable.
La société RANDSTAD fait valoir que l’accident du travail résulte des seuls manquements à ses obligations de la société utilisatrice, qu’elle s’est assurée que la salariée disposait des compétences nécessaires et qu’elle était formée, expérimentée pour le poste d’agent d’exploitation logistique.
Comme relevé précédemment, ce poste ne figure pas sur la liste des postes à risques de la société AMAZON et ne nécessite aucune qualification ou formation particulières. En outre, il est établi au regard du certificat de travail produit par la société RANDSTAD que la salariée était affectée à ce poste depuis le 2 novembre 2020.
Il en résulte que la société de travail temporaire a respecté l’intégralité des obligations qui lui incombait en mettant à la disposition de la société utilisatrice une salariée ayant les compétences et l’expérience requises pour le poste d’agent d’exploitation logistique, activité ne présentant pas de risques particuliers.
Par ailleurs, le Tribunal rappelle que pendant la durée de la mission, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail en application de l’article L. 1251-21 du code du travail.
Il en résulte que la société RANDSTAD n’a nullement manqué à ses obligations et que l’accident est intégralement imputable à la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE.
En conséquence de ce qui précède, il y a donc lieu d’accueillir l’action récursoire de la société RANDSTAD contre la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE et de dire que cette dernière devra intégralement garantir la société RANDSTAD des sommes qui seront mises à la charge de cette dernière au titre de l’indemnisation de X Y conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur
Sur l’indemnité provisionnelle
Il résulte des articles R. 142-10-5 du code de la sécurité sociale et 771 du code de procédure civile que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le tribunal peut accorder une provision au créancier.
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Étant donné que son état de santé n’est pas consolidé au jour du délibéré, soit plus de deux ans après l’accident et compte de la prise en charge de deux nouvelles lésions, il convient d’allouer à X Y une provision d’un montant de 1 500 euros dont la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise assurera l’avance en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Sur l’action récursoire de la Caisse primaire d’assurance maladie
En application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices alloués à la victime d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur, indépendamment de la majoration du capital ou de la rente, est versée directement au bénéficiaire par l’organisme qui en récupère le montant auprès de l’employeur.
En application de cette disposition, la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise pourra recouvrer auprès de la société RANDSTAD le montant des frais d’expertise, de l’indemnité provisionnelle et des indemnités complémentaires ultérieurement accordées.
Sur le transfert du coût de l’accident
Il résulte des dispositions de l’article L. […] du code de la sécurité sociale, que pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à disposition d’utilisateurs par les entreprises de travail temporaire, le coût de l’accident et de la maladie professionnelle définis aux articles L. 411-1 et L. 461-1 est mis, pour partie, à la charge de l’entreprise utilisatrice si celle-ci est au moment de l’accident, soumise au paiement des cotisations mentionnées à l’article L 241-5. En cas de défaillance de cette dernière, ce coût est supporté intégralement par l’employeur.
Ces dispositions ne font. pas obstacle à ce que le juge procède à une répartition différente, en fonction des données de l’espèce.
Le coût de l’accident du travail au sens de l’article L. […] du code de la sécurité sociale et de l’article R. 242-6-1 du même code s’entend exclusivement du capital versé aux ayants droit en cas d’accident mortel et du capital représentatif de la rente accident du travail servi à la victime dont le taux d’incapacité permanente partielle est supérieur ou égal à 10 %, peu important la reconnaissance d’une faute inexcusable. Comme démontré précédemment, les circonstances de l’accident démontrent que celui-ci procède des seuls manquements de l’entreprise utilisatrice.
Le Tribunal rappelle que l’état de santé de l’assurée n’est pas consolidé au jour du délibéré.
Dans ces conditions, la société RANDSTAD est fondée à obtenir à l’encontre de la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE d’une part, le coût de l’accident du travail limité à l’éventuel capital représentatif de la rente, et d’autre part l’intégralité de l’éventuel capital représentatif de la majoration de la rente (dans les limites du taux d’incapacité opposable à l’employeur), dans le cas où un taux d’incapacité permanente partielle égal ou supérieur à 10%, résultant de l’accident du 11 mars 2021, serait attribué à X Y.
Sur le sursis à statuer
Aux termes des articles 378 et 379 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis. Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.
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Compte tenu de l’état de santé de la salariée, le Tribunal ne peut statuer sur la demande en majoration du capital ou de la rente et il n’apparaît pas opportun d’ordonner la réalisation d’une expertise médicale aux fins d’évaluation de ses préjudices.
Dans ces conditions, il y aura lieu de surseoir à statuer sur ces demandes selon les modalités détaillées dans le dispositif de la présente décision.
Sur les dépens
Les dépens seront réservés.
Sur les frais irrépétibles
L’équité commande de condamner la société RANDSTAD INHOUSE SAM, partie perdante, à verser à X Y une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE sera condamnée à intégralement garantir la société RANDSTAD de cette somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Sur l’exécution provisoire
S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale. En l’espèce, la nécessité de devoir ordonner l’exécution provisoire n’est pas démontrée, a fortiori au regard du sursis à statuer ordonné pour certaines demandes.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal judiciaire de Beauvais, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, mixte, par mise à disposition;
RECONNAÎT la faute inexcusable de la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE (S.A.S), société utilisatrice, substituée à l’employeur, la société RANDSTAD (S.A.S), dans la survenance de l’accident du 11 mars 2021 dont a été victime X Y;
OCTROI à X Y une indemnité provisionnelle de 1 500 euros;
DIT que la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise pourra recouvrer le montant des indemnisations à venir et de l’indemnité provisionnelle auprès de la société RANDSTAD (S.A.S), et condamne, en tant que de besoin, cette dernière au paiement de ces sommes ;
CONDAMNE la société AMAZON FRANCE LOGISTIQUE (S.A.S) à garantir intégralement la société RANDSTAD (S.A.S) des sommes qui sont mises à la charge de cette dernière au titre de l’indemnisation de X Y conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale y incluant l’indemnité provisionnelle, au titre des éventuels préjudices personnels non couverts par le livre IV du même code, au titre de l’éventuel capital représentatif de la rente majorée ou de l’éventuelle majoration du capital, et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les éventuels dépens;
DÉCLARE le jugement commun à la Caisse primaire d’assurance maladie de l’Oise ;
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SURSOIT à statuer, jusqu’à la consolidation définitive de l’état de santé de X Y, sur les demandes en majoration du capital / de la rente et en réalisation d’une expertise médicale aux fins d’évaluation de ses préjudices;
DIT qu’il appartient à X Y de transmettre au greffe du pôle social la décision définitive de consolidation de son état de santé aux fins de poursuite de l’instance;
CONDAMNE la société RANDSTAD (S.A.S) à verser à X Y la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
RÉSERVE les dépens;
DIT n’y avoir lieu à l’exécution provisoire de la présente décision.
LA GREFFIÈRE
Mewauth AG PRÉSIDENT
En conséquence, la République Française, ma et ordonne,
à tous huissiers de justice sur ce requis. de mettre ledit jugo ment à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. POUR COPIE CERTIFIEE CONFORME REVENUE DE LA FORMUAG EXFOL TOIRE
Le directeur des service de grene
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ERNES*/Oisey
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Tribunal des affaires de sécurité sociale de Beauvais, 21 septembre 2023, n° 21/00720