Tribunal de grande instance de Bobigny, 6e chambre, 5e section, 9 mai 2016, n° 14/06471

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Bobigny, 6e ch., 5e sect., 9 mai 2016, n° 14/06471
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bobigny
Numéro(s) : 14/06471

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 09 MAI 2016

Chambre 6/ section 5

AFFAIRE N° RG : 14/06471

N° de MINUTE :

Madame K D-J

[…]

[…]

représentée par Me Véronique WEISBERG, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 289

DEMANDEUR

C/

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Elisabeth ZAPATER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0457

Société CHARENTON IMMOBILIER

[…]

[…]

représentée par Me I MICHELET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0962

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mme BLANCHET, Vice Président, statuant en qualité de Juge Unique, conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du Code de Procédure Civile, assistée aux débats de Mme COPIN, Greffier.

DÉBATS

Audience publique du 21 Mars 2016.

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rédigé et signé par Mme BLANCHET, Vice Président, assistée de Mme COPIN, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte reçu le 8 octobre 2013 par Maître X Notaire au RAINCY, la SCI RESISTANCE 2001 a vendu, par l’intermédiaire de l’Agence CHARENTON IMMOBILIER représentée par Madame G E, à Madame D-J un appartement de quatre pièces et un débarras (lots 17 et 19 du règlement de copropriété) dépendant d’un immeuble sis […] et ce, moyennant le prix de 215 000 euros. Cet appartement est situé au 4 ème étage de l’immeuble qui en comprend cinq.

Le “compromis” stipule la clause suivante : DEGATS DES EAUX

“Le VENDEUR déclare que le lot numéro 17 a subi un dégât des eaux causé par des infiltrations sur le balcon de l’étage supérieur. L’ACQUEREUR déclare avoir constaté ce dégât des eaux. Un procès-verbal a été réalisé le 24 septembre 2013 par Maître Y, Huissier de Justice au RAINCY, afin de constater les dégâts. Un courrier en date du 3 septembre 2013 de la société AGEXIA à Monsieur Z H architecte dont une copie est demeurée ci-annexée après mention, le mandate afin de rechercher l’origine de la fuite. A ce jour, l’origine de la fuite n’a toujours pas été trouvée et le lot 17 objet des présentes subi toujours ce dégât des eaux.

Par conséquent, de convention expresse entre le VENDEUR et l’ACQUEREUR, ces derniers sont convenus que le VENDEUR s’oblige à réparer les lieux dégradés, au moyen d’une réfection des peintures murales du séjour et des chambres, ainsi que la remise en état de la fenêtre d’une des deux chambres après recherche de la fuite, et arrêt de ce sinistre, et ce, au plus tard, pour la signature de l’acte de vente définitif. Pour le cas où, pour des raisons totalement extérieures à la volonté du VENDEUR (défaillance des tiers intervenants, murs non secs pour permettre de démarrer les travaux de réfection …) les travaux n’auraient pu être effectués avant la signature de l’acte de vente authentique, les parties conviennent qu’il sera remis une somme forfaitaire et définitive par le VENDEUR à l’ACQUEREUR correspondant à l’estimation du coût de remise en état au moyen d’un ou plusieurs devis, établis tant par le VENDEUR que l’ACQUEREUR ou à défaut par l’agence immobilière. Dans ce cas, le coût des travaux sera prélevé directement sur le prix de la vente revenant au VENDEUR et versé à l’ACQUEREUR lors de la signature de l’acte de vente authentique, et par la comptabilité de l’Office Notarial du RAINCY. L’ACQUEREUR renoncera à tous recours contre le VENDEUR à ce titre. En, cas de franchise restant à la charge de la copropriété, suite à une éventuelle prise en charge des travaux par l’assurance de la copropriété, sur les parties communes, le VENDEUR s’oblige à en supporter sa quote-part en fonction des tantièmes des lots vendus.

En ce qui concerne la répartition du coût des travaux de copropriété, il a été expressément convenu :

Le VENDEUR supportera le coût des travaux de copropriété décidés jusqu’à la date de ce jour, que ces travaux soient exécutés ou non ou en cours d’exécution. L’ACQUEREUR supportera seul les travaux qui viendraient à être votés à compter de cette date. Pour ce qui concerne les travaux qui viendraient, le cas échéant, à être décidés à compter de ce jour jusqu’au jour de l’acte authentique de vente, ils ne seront supportés par l’ACQUEREUR que si ce dernier a été mis en mesure d’assister à l’assemblée ayant décidé les travaux ….. “.

Le 9 octobre 2013, Monsieur Z, architecte mandaté par la copropriété, conformément à la mission qui lui avait été confiée par le syndic le 3 septembre précédent a fait réaliser des sondages dans le lot 17 et dans le comble perdu sous la toiture de l’immeuble. A cette occasion, il a constaté dans l’appartement la présence d’une poutraison avec corrosion moyenne qui ne constitue pas a priori une atteinte à son intégrité et, deux heures après l’ouverture des sondages, une très forte odeur d’humidité. Il a conclu son rapport en indiquant que : “la mise à jour d’une structure porteuse métallique rassure quant à la tenue du plancher en regard des infiltrations d’eau subies. Cette situation permettra probablement d’éviter la mise en œuvre d’importantes reprises structurelles mais des actions devront néanmoins être entreprises afin de garantir la tenue dans le temps des profilés métalliques.

Par ailleurs, à l’occasion des investigations menées sous les combles, il est apparu que la charpente pyramidale a été affectée par un incendie ancien, à l’origine indéterminée, et compromettant la stabilité de la toiture.

Les conditions suspensives ayant été réalisées, la vente a été réitérée par acte reçu le 20 décembre 2013 par Maître I C Notaire au RAINCY.

Les parties sont convenues des dispositions suivantes :

-“ page 18 : L’ACQUEREUR prendra le BIEN vendu dans l’état où il se trouvera le jour de l’entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du VENDEUR pour raison : Soit de l’état des constructions, de leurs vices même cachés ……. Soit même de l’état de l’immeuble vendu …. A cet effet, le VENDEUR déclare, ce que l’ACQUEREUR reconnaît qu’il existe dans l’appartement vendu (lot 17) objet des présentes, des étais et des ouvertures dans le coffrage du plafond, par suite de la fuite d’eau ci-après relatés et actuellement en cours de réparation.

- page 20 : après avoir rappelé les dispositions de l’avant-contrat relatives au dégât des eaux et aux accords pris alors : Les travaux n’ont pu être achevés à ce jour, par suite d’éléments extérieurs indépendants de la volonté du VENDEUR dont l’ACQUEREUR déclare avoir parfaite connaissance, prenant possession des lieux dans leur état. Néanmoins, conformément à l’engagement du VENDEUR résultant de l’avant-contrat, ce dernier a remis ce jour à l’ACQUEREUR de manière transactionnelle, forfaitaire et définitive, la somme de 4 515,65 euros par la comptabilité du notaire soussigné afin de permettre à l’ACQUEREUR de finir de réaliser, sous son entière responsabilité lesdits travaux, soit par lui-même soit auprès d’entreprises de son choix, le tout sans recours contre le VENDEUR.

 – pages 28 et 29 : Le VENDEUR supportera le coût des travaux de copropriété décidés avant ce jour, exécutés ou non ou en cours d’exécution. L’ACQUEREUR supportera seul les travaux qui viendraient à être votés à compter de ce jour. Néanmoins, une assemblée générale extraordinaire doit être réunie ce jour, en vue de réaliser des travaux urgents, portant tant sur la charpente et châssis de toit que sur les désordres occasionnés en terrasse au 5e étage, visant à supprimer les infiltrations d’eau provoquées sur le 4e étage, et notamment à l’origine du dégât des eaux dans l’appartement objet des présentes, ci-dessus relaté. De convention expresse, ces derniers sont convenus que les travaux resteront à la charge du VENDEUR en fonction du montant fixé dans la convocation mais dont le montant sera appelé ultérieurement à l’ACQUEREUR …. Ainsi il a été réglé ce jour par le VENDEUR à l’ACQUEREUR par la comptabilité du notaire soussigné, une somme forfaitaire et définitive s’élevant à 3 766,33 euros afin que l’ACQUEREUR puisse faire face aux différents appels du syndic, se décomposant comme suit :

- au titre de la résolution numéro 2 portant sur les travaux de charpente …

- au titre de la résolution n°3 portant sur les travaux de structure du 5e étage ….

A cet acte a été annexée la copie de la convocation à cette assemblée, l’ACQUEREUR ayant à cette occasion déclaré être en possession de ces documents « dès avant ce jour ».

Il a enfin été prévu que :

Pour le cas où des travaux complémentaires seraient à régler ou par suite de dépassement budgétaire résultant d’une nouvelle assemblée, l’ACQUEREUR se verrait verser au syndic un montant supérieur à celui qui lui a été remis ce jour par le VENDEUR, il devra en faire son affaire personnelle, sans recours contre le VENDEUR ……. Ainsi l’ACQUEREUR ne pourra se retourner contre le VENDEUR pour obtenir de sa part un versement complémentaire du fait de la remise de cette somme à titre transactionnel, forfaitaire et définitif…”.

Le 20 décembre 2013, au matin, les copropriétaires de l’immeuble du […] au Raincy se sont réunis en Assemblée Générale Extraordinaire, selon convocation du 9 décembre 2013. En raison de la faible présence des copropriétaires, ils n’ont pas souhaité voter sur les travaux envisagés.

Le 8 janvier 2014 une nouvelle assemblée s’est réunie à l’effet de statuer sur le même ordre du jour. Madame D-J y était présente. Les travaux ont été votés dans les termes et montants des projets de résolutions établis pour l’assemblée du 20 décembre 2013 et a voté les travaux relatifs à la charpente pour 46 497, 86 euros.

Considérant que son consentement à la vente avait été vicié, Madame D-J a fait assigner la SCI RESISTANCE 2001 devant le tribunal de grande instance de Bobigny par acte du 24 avril 2014.

Par exploit en date du 16 janvier 2015, la SCI RESISTANCE 2001 a assigné en intervention forcée la société CHARENTON IMMOBILIER à l’effet d’être garantie des fautes qu’elle aurait pu commettre dans l’exercice de son mandat.

Les procédures ont été jointes le 9 février 2015.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 décembre 2015, Madame D-J demande au tribunal, au visa des articles 1116 et 1641 du code civil, de :

[…],

- DIRE ET JUGER que le consentement de Madame D J a été surpris par les manœuvres et la réticence dolosive de la société RESISTANCE 2001,

- DIRE ET JUGER que l’acte de vente du 20 décembre 2013 entre Madame D J et la société RESISTANCE 2001 est nul ,

- En conséquence, CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à restituer la somme de 215.000€, outre les frais d’enregistrement et de notaire, à Madame D J qui restituera les clés du bien immobilier sis […], lots […] et 19, en contrepartie ,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 20.000 euros à Madame D J à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 au remboursement des frais de Monsieur A, Expert,

[…],

- DIRE ET JUGER que le consentement de Madame D J a été surpris par les manœuvres et la réticence dolosive de la société RESISTANCE 2001,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 2.668,53 euros (6.374,86 – 3706,33) à Madame D J au titre des travaux votés par AGE du 8 janvier 2014,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à prendre en charge tous les éventuels et futurs travaux de structure de l’immeuble et ceux occasionnés par le dégât des eaux,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 20.000 euros à Madame D J à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 6.030 euros à Madame D J au titre du préjudice de jouissance du 1er décembre 2013 au 31 mai 2015,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 10.587,50 euros au titre du préjudice matériel lié à la réfection des peintures,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 215.000 euros au titre du préjudice lié à la non-conformité de la hauteur de plafond,

[…],

- CONSTATER l’existence d’un vice caché d’une particulière gravité, qui diminue tellement l’usage du bien que l’acheteur n’aurait pas acquis le bien immobilier sis […], lots […] et 19,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 2.668,53 euros (6.374,86 – 3706,33) à Madame D J au titre des travaux votés par AGE du 8 janvier 2014,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à prendre en charge tous les éventuels et futurs travaux de structure de l’immeuble et ceux occasionnés par le dégât des eaux,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer la somme de 20.000 euros à Madame D J à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

[…],

- DESIGNER tel expert qu’il plaira au Tribunal avec mission classique, et notamment de :

o Se rendre sur place,

o Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission,

o Visiter les lieux,

o Examiner l’ensemble des désordres allégués, en particulier ceux mentionnés dans l’assignation,

o Fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues, et d’évaluer s’il y a lieu les préjudices subis,

o Indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection et chiffrer le cas échéant le coût des remises en état,

o Donner son avis sur les comptes présentés par les parties,

o Chiffrer la valeur réelle du bien immobilier en l’état

o Dire que l’expert sera mis en œuvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du CPC et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au Greffe dans les quatre mois de sa saisine,

o Autoriser l’expert à recueillir les déclarations de toutes personnes informées et l‘autoriser à s’adjoindre, en cas de besoin tout spécialiste de son choix sur la liste des experts du Tribunal,

o Voir dire qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera pourvu d’office à son remplacement par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal, rendu sur minute et requête.

- FIXER la provision à consigner au Greffe à titre d’avance sur honoraires de l’expert.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- DECLARER abusives et réputées non écrites toutes les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité insérées dans le contrat de vente du 20 décembre 2013,

- CONDAMNER la société RESISTANCE 2001 à payer à Madame D J la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 décembre 2015, la SCI RESISTANCE 2001 demande au tribunal de :

-Constater l’irrecevabilité de la demande de Madame D J en nullité de l’acte de vente du 20 décembre 2013, faute de publication de la demande.

-En conséquence, débouter Madame D J de ses demandes tendant à voir juger ledit acte nul ainsi que de ses demandes de restitution du prix et des frais de cette vente,

Subsidiairement sur la demande à titre principal en nullité,

Et à titre principal sur les autres demandes :

-Constater que Madame D-J ne démontre pas avoir été victime de manœuvres dolosives,

-Constater que son consentement a été valablement donné à l’acte de vente du 20 décembre 2013,

-Constater que Madame D J ne démontre pas que son appartement serait affecté d’un vice caché,

-Constater que la SCI RESISTANCE 2001 par l’intermédiaire de l’agence immobilière Charenton Immobilier a parfaitement respecté ses obligations en matière d’information de l’acheteur sur l’état du bien vendu,

En conséquence :

-Débouter Madame D-J de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions tant à titre principal qu’à titre subsidiaire ou infiniment subsidiaire,

-Débouter Madame D J de l’intégralité de ses demandes au titre des préjudices tant matériels que moraux,

-Débouter Madame D J de l’intégralité de ses demandes financières,

-Débouter Madame D J de sa demande d’expertise.

Reconventionnellement,

-Constater la particulière mauvaise foi dont fait preuve Madame D J,

-Constater que les agissements de Madame D J caractérisent

une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice,

-Condamner en conséquence Madame D J à payer à la SCI RESISTANCE 2001 une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Dans ses dernières conclusions du 28 décembre 2015, la société CHARENTON IMMOBILIER demande au tribunal de :

— Dire qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du mandat de vente qui lui a été confiée et la mettre purement et simplement hors de cause,

En conséquence,

-Débouter la SCI Resistance 2001 de sa demande en garantie,

À titre reconventionnel,

-Condamner la SCI RESISTANCE 2001 à la garantir indemne de toutes condamnations ou de toutes les conséquences financières qui pourraient en résulter pour elle,

En tout état de cause,

-Condamner la SCI RESISTANCE 2001 à lui payer une somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC et tout succombant aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2016.

Le tribunal renvoie aux écritures des parties pour le détail des argumentations.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action en nullité de la vente

Aux termes des dispositions des articles 28 4 °c et 33 du décret numéro 55-22 du 4 janvier 1955, les demandes tendant à obtenir la résolution ou l’annulation d’une vente immobilière doivent être publiées au Bureau des Hypothèques de la situation de l’immeuble, à peine d’irrecevabilité.

En l’espèce, Madame D J ne produit ni le certificat du conservateur ni une copie de sa demande revêtue de la mention.

En conséquence, il y a lieu de faire droit au moyen soulevé par la SCI RESISTANCE 2001 et de déclarer irrecevable la demande en annulation de la vente de Madame D J.

Sur le bien fondé de la demande subsidiaire

Madame D-J reproche à la SCI l’existence de manoeuvres et une réticence dolosive.

Aux termes de l’article 1117 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Il y a donc lieu de rechercher si Madame D-J justifie de l’existence de manoeuvres et ou d’un manquement du vendeur à son obligation pré-contractuelle d’information et le caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

En l’espèce, Madame D-J soutient que la SCI avait connaissance des désordres liés à la structure de l’immeuble et qu’elle les lui a sciemment dissimulés.

Toutefois, il ressort du compromis de vente du 8 octobre 2013 qu’elle a eu connaissance de l’existence du dégât des eaux dont l’origine n’était pas encore déterminée, un mandat de recherche de l’origine de la fuite ayant été donné le 3 septembre 2013 à Monsieur Z, architecte. A cette date, ainsi que cela ressort de l’assemblée générale du 21 mai 2012, le phénomène d’infiltrations dans l’appartement alors loué à Mademoiselle B est connu et elles sont liées à un défaut d’étanchéité du ravalement des façades de l’immeuble .

Lors de l’assemblée générale du 24 juin 2013, les copropriétaires ont décidé d’une étude complémentaire confiée à l’architecte qui se voit chargé d’une mission de reprise de la structure en pan de bois de l’étage attique en complément de l’étude de ravalement des façades actuellement en cours pour établir un cahier des charges et un appel d’offres en vue de l’exécution des travaux de reprise de la structure en pans de bois de l’immeuble.

Il s’évince de ces procès verbaux dont Madame D J a eu connaissance dès avant la signature du compromis de vente, que celle-ci était informée de l’existence des infiltrations dans l’appartement, de la désignation de Monsieur Z pour "rechercher l’origine de la fuite”, son ordre de service du 3 septembre 2013 étant annexé au compromis.

Ce n’est qu’à l’occasion de la réalisation des sondages réalisés sur les 4 ème et et 5 ème étages, que l’architecte a découvert un comble perdu qui, après intervention d’un couvreur, s’est révélé endommagé par un incendie ancien.

Dans son rapport du 9 octobre 2013, il indique :

— Concernant la structure du plancher haut du 4 ème étage sous la terrasse, « la mise à jour d’une structure porteuse métallique rassure quant à la tenue du plancher en regard des infiltrations d’eau subies ». Il préconise des actions à mettre en œuvre, purge des plâtres, dépose des faux plafonds, audit complet des structures, traitement anti corrosion, séchage des planchers sur un minimum de 3 à 4 mois, reprise des plafonds et faux plafonds … Il ajoute que « tant que l’enveloppe de l’immeuble ne sera pas réhabilitée dans son ensemble, il est à craindre que des infiltrations perdurent et par voie de conséquence continuent de dégrader les appartements ».

— Concernant la charpente dont l’état vient d’être découvert, l’architecte souligne qu’une réponse rapide doit être apportée “ dans la mesure où la stabilité de la toiture est engagée".

— le 8 novembre 2013, Maître C qui a reçu le rapport de l’architecte a indiqué à l’agence : “ il s’avère qu’un rapport établi par l’architecte a révélé que l’humidité est toujours présente dans l’appartement vendu et des travaux importants liés à l’enveloppe de l’immeuble doivent être entrepris… l’appartement objet du compromis ne peut faire l’objet de travaux intérieurs tant que des travaux d’ordre structurel n’auront pas été établis, soumis à une assemblée des copropriétaires touchant aux parties communes de l’immeuble… par conséquent, il semble impossible en l’état de garantir la date de signature de l’acte de vente puisque des éléments extérieurs et totalement indépendants de la volonté du vendeur nuisent à la poursuite actuelle de l’opération juridique …”.

— dans un mail du 12 novembre 2013, l’agence confirme être en possession du rapport de l’architecte du 9 octobre 2013 puisqu’elle le cite en ces termes à Maître C “ dans le rapport de l’architecte, il y a deux points : le traitement de la fuite et les travaux sur la charpente”.

— le 12 novembre 2013, le conseil de la SCI RESISTANCE 2001 a indiqué à l’agence immobilière qu’il convenait d’envisager soit une annulation de la vente soit l’établissement d’un avenant au compromis avec révision du prix.

— le 18 novembre 2013, l’agence a évoqué l’éventualité d’une annulation du compromis en l’absence d’information plus précise sur les travaux.

— le 6 décembre 2013, l’agence a écrit “ je me suis rendue dans l’appartement mercredi avec Madame D …. et lui ai transmis le rapport de l’architecte…. concernant les travaux de ravalement et structure de l’immeuble, le syndic n’a pour le moment aucun devis à transmettre. Madame D en est informée. Ces travaux seront donc à sa charge. Je lui ai indiqué qu’une renégociation du prix de vente impliquait d’une part la purge d’un nouveau droit de préemption de la mairie, d’autre part la validation par tous les associés de la SCI RESISTANCE 2001. Elle prend donc en l’état”.

— Le 9 décembre 2013, de nouveaux désordres ont été découverts de sorte que l’architecte a étayé l’appartement et a demandé la convocation d’une assemblée générale extraordinaire en urgence.

— le même jour, l’agence immobilière a écrit à la SCI pour lui indiquer que “ j’ai informé Madame D-J que, suite à la découverte de nouveaux problèmes, les travaux ne pourront être terminés pour la signature et que l’appartement n’était pas habitable pour le moment. D’autre part, je lui ai indiqué que vous veniez de m’informer qu’une assemblée générale était programmée pour le 20 décembre 2013".

— La SCI lui a adressé les projets de résolution rédigés par le syndic.

— Il ressort de la lettre du 21 mars 2014 de Madame D, que celle-ci a “ découvert l’ampleur des opérations" en visitant à nouveau l’appartement qui était étayé et les plafonds ouverts.

— Le 12 décembre 2013, l’agence a écrit au syndic pour lui confirmer leur conversation téléphonique relative à l’existence des travaux en cours et l’absence de possibilité de retirer les étais.

— Le 16 décembre 2013, le syndic a écrit à Madame E pour lui indiquer qu’il “ est impossible de procéder aux travaux pour le moment compte tenu de la présence trop élevée d’eau dans les plafonds, la présence d’étais reste obligatoire pour le moment… nous faisons au mieux afin que cette situation ne perdure pas …. mais la durée reste à ce jour inconnue…”. Dans son mail du 24 février 2014, l’architecte a confirmé avoir en présence de Madame D indiqué que les étais devaient rester en place jusqu’à la réalisation des travaux de reprise structurelle.

— Le 17 décembre 2013, l’agence a confirmé que Madame D avait visité les lieux en l’état et que le rendez-vous de signature pris pour le 20 décembre 2013 était maintenu.

Il résulte de ces éléments que Madame D-J était informée de l’existence des infiltrations, des désordres de structure révélés entre la signature du compromis et l’acte de réitération de la vente, de la nécessité de mettre en place le temps nécessaire mais non défini des étais dans son appartement.

Dans l’acte notarié de réitération de la vente, les parties sont convenues d’un partage du coût des travaux sous une forme forfaitaire en fonction des résolutions figurant à l’ordre du jour de l’assemblée en distinguant d’une part les travaux de charpente et de structure, l’acquéreur déclarant “ faire son affaire personnelle si les travaux étaient supérieurs à la somme convenue, sans recours contre son vendeur, étant relevé que cette évaluation correspond à celle qui figure dans le projet de résolution dont elle a eu connaissance. Madame D avait donc bien connaissance lors de la signature de l’acte de vente de la nécessité de faire réaliser des travaux de structure et de reprise de la charpente et de la couverture lors de la signature de l’acte authentique de réitération de la vente. Ces travaux seront votés lors de l’assemblée du 8 janvier 2014 (résolution n°2) pour un montant de 35 259,13 euros mais la répartition avec la SCI RESISTANCE 2001 est définitive et forfaitaire. S’agissant des travaux consécutifs aux infiltrations, la résolution n° 3 reprend l’énoncé de la résolution n° 2 de l’assemblée du 20 décembre 2013 dont Madame D avait parfaite connaissance.

Quelque soit l’issue et le montant définitif des travaux, il s’évince des énonciations de l’acte que le sort des travaux était réglé définitivement par les parties en l’état des informations dont elles disposaient.

Madame D soutient que la SCI RESISTANCE 2001 a eu connaissance d’un mail du 4 décembre 2013 de l’architecte qui évoque la nécessité de procéder à un étaiement et de lui en avoir caché le contenu. Toutefois, ce mail n’a pas été adressé à la SCI mai seulement à Monsieur F, syndic et à la société en charge des travaux de couverture.

Elle lui reproche enfin de lui avoir sciemment dissimulé la durée de pose des étais mais cette durée n’était pas déterminée et dépendait de l’état d’assèchement de la structure sur laquelle même l’architecte ne pouvait apporter aucune certitude.

Enfin, elle lui reproche d’avoir “ refusé catégoriquement de lui donner pouvoir à l’assemblée pour lui cacher les désordres de la structure” mais elle disposait de l’ordre du jour et des projets de résolution de sorte que ce grief ne peut être retenu. Si un tel refus avait aussi important qu’elle le prétend, Madame D avait toute latitude de ne pas signer l’acte de réitération lors du rendez vous fixé chez le notaire à 17 heures, l’assemblée ayant eu lieu le matin.

Il s’ensuit que Madame D a pris sa décision d’acquérir en toute connaissance de cause et que la réalité de manœuvres dolosives ou d’une réticence dolosive de la part de la SCI RESISTANCE 2001 dans l’ intention de la tromper n’est pas établie.

En conséquence , il y a lieu de la débouter de l’ensemble de ses demandes fondées sur le dol ou la réticence dolosive.

Sur la demande fondée sur l’existence d’un vice caché

Madame D J recherche la responsabilité de son vendeur sur le fondement de l’article 1641 du code civil qui suppose démontrer l’existence d’un vice caché antérieur à la vente, qui rendu la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue tellement son usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en n’aurait donné qu’un moindre prix s’il l’avait connu.

Mais , il résulte de ce qui précède qu’elle avait connaissance des dégâts des eaux, des problèmes de structure, de la présence d’étais dans l’appartement, du caractère indéterminable au moment de la vente de la durée du séchage des murs et de la présence de ces étais.

Madame D avait une parfaite connaissance de la situation et elle a acheté cet appartement en toute connaissance de cause.

En conséquence, la preuve d’un vice n’est pas rapportée et il y a lieu dès lors de rejeter la demande de Madame D J.

Les demandes de la SCI RESISTANCE 2001 à l’encontre de la société CHARENTON IMMOBILIER sont sans objet.

Sur la demande d’expertise

Madame D sollicite une expertise portant notamment sur les désordres et responsabilités sans offrir de démontrer l’intérêt d’une telle mesure en lien avec l’objet du litige. Elle en sera déboutée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Le caractère abusif de la procédure n’étant pas démontré, la demande sera rejetée.

Sur les autres demandes

Madame D qui succombe sera tenue aux dépens.

Pour des considérations d’équité, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour aucune des parties.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort;

— Constate l’irrecevabilité de la demande de Madame D J en nullité de l’acte de vente du 20 décembre 2013;

— Déboute Madame D-J de l’intégralité de ses demandes;

— Déboute Madame D J de sa demande d’expertise;

— Déclare sans objet les demandes de la SCI RESISTANCE 2001 à l’encontre de la société CHARENTON IMMOBILIER;

— Déboute la SCI RESISTANCE 2001 de sa demande de dommages et intérêts;

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;

— Condamne Madame D J aux dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

La minute a été signée par Madame BLANCHET, Vice-Président, et par Madame COPIN, Greffier

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Tribunal de grande instance de Bobigny, 6e chambre, 5e section, 9 mai 2016, n° 14/06471