Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 19 novembre 2010, n° 08/06723

  • Qualité du produit ou service·
  • Présentation des produits·
  • Validité de la marque·
  • Concurrence déloyale·
  • Droit communautaire·
  • Caractère déceptif·
  • Mention trompeuse·
  • Réglementation·
  • Chocolat·
  • Secret

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 19 nov. 2010, n° 08/06723
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 08/06723
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 7 janvier 2009, 2008/06723
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : LA LAITIERE ; BONNE MAMAN
Référence INPI : M20100715
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 19 Novembre 2010

3e chambre 3e section N°RG: 08/06723

DEMANDERESSE S.N.C. ANDROS FRANCE Zone Industrielle 46130 BIARS SUR CERE représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E329

DEFENDERESSE S.A. LACTALIS NESTLE ULTRA FRAIS MARQUES (ci-après –LNUF MARQUES) 2 rue du Centre 93160 NOISY LE GRAND représentée par Me Christophe PECH DE LACLAUSE, du Cabinet BFPL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P496

COMPOSITION DU TRIBUNAL Agnès T. Vice-Président, signataire de la décision Anne CHAPLY, Juge Mélanie BESSAUD, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS A l’audience du 05 Octobre 2010 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

Les Sociétés ANDROS et LACTALIS NESTLE ULTRA FRAIS MARQUES (ci-après LNUF MARQUES) commercialisent toutes deux des desserts lactés, la société LNUF MARQUES exploite à ce titre la marque LA LAITIERE, et la société ANDROS la marque BONNE MAMAN. Une première action a été intentée par la société LNUF MARQUES contre la société ANDROS, par acte d’huissier de justice du 8 avril 2008 devant le président du tribunal de commerce de Laval statuant en référé puis par acte du 20 mai 2008 devant le tribunal de commerce de Paris, au motif notamment que cette dernière emploierait l’expression « yaourt » de manière trompeuse pour désigner ses produits. La société ANDROS a assigné, par acte d’huissier de justice du 28 avril 2008, la société LNUF MARQUES devant le tribunal de céans, ainsi que devant le Tribunal de Commerce de Paris, en concurrence déloyale, remettant en cause devant le tribunal de commerce la représentation graphique des aromates figurant sur certains produits aromatisés LA LAITIERE.

Le Tribunal de Commerce de Paris, statuant par jugement du 18 décembre 2008, a rejeté les actions respectives des deux parties. Par jugement avant dire droit en date du 8 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Paris a institué une mesure de consultation confiée à M. Hervé T. Cette mesure d’instruction s’est déroulée le 25 septembre 2009. Par arrêt du 18 décembre 2009, la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état du 7 janvier 2009 ayant retenu la compétence du tribunal de grande instance de Paris pour connaître du présent litige. Par dernières conclusions signifiées le 10 mars 2010, la société ANDROS, a principalement demandé au tribunal de : Dire et juger qu’en commercialisant les produits LA LAITIERE dénommés « secret de mousse chocolat noir », « secret de mousse chocolat au lait », « secret de mousse chocolat blanc sauce chocolat », « secret de mousse vanille sauce chocolat », secret de mousse saveur praliné sauce chocolat », « secret de mousse caramel au beurre salé », « craquant et fondant caramel » et « craquant et fondant saveur vanille » sous la marque LA LAITIERE et en utilisant la représentation d’une laitière, la société LNUF MARQUES a commis des actes de concurrence déloyale aux dépens de la société ANDROS FRANCE; Interdire à la société LNUF MARQUES sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir de commercialiser les produits LA LAITIERE dénommés « secret de mousse chocolat noir », « secret de mousse chocolat au lait », « secret de mousse chocolat blanc sauce chocolat », « secret de mousse vanille sauce chocolat », secret de mousse saveur praliné sauce chocolat », « secret de mousse caramel au beurre salé », « craquant et fondant caramel » et « craquant et fondant saveur vanille » sous la marque LA LAITIERE et en utilisant la représentation d’une laitière;

Enjoindre à la société LNUF MARQUES sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir de retirer du marché les produits LA LAITIERE dénommés « secret de mousse chocolat noir », « secret de mousse chocolat au lait », « secret de mousse chocolat blanc sauce chocolat », « secret de mousse vanille sauce chocolat », secret de mousse saveur praliné sauce chocolat », « secret de mousse caramel au beurre salé », « craquant et fondant caramel » et « craquant et fondant saveur vanille » ; Se réserver la liquidation des astreintes; Condamner la société LNUF MARQUES à payer à la société ANDROS FRANCE une somme de 1.000.000 d’euros à titre de dommages-intérêts; Ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq supports au choix de la société ANDROS France et aux frais de la société LNUF MARQUES dans la limite de 50.000 euros HT ;

Condamner la société LNUF MARQUES à payer à la société ANDROS FRANCE une indemnité de 30.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société LNUF MARQUES aux entiers dépens. Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie. Elle a principalement fait valoir : Sur la matérialité des faits reprochés à la société LNUF MARQUES : La présentation de différents desserts lactés commercialisés par la société LNUF MARQUES fausse gravement la concurrence en ce qu’elle méconnaît les dispositions du règlement n°1234/2007 du 22 octobre 2007 relatif à l’organisation commune des marchés dans le secteur agricole. L’annexe XII de ce règlement dispose que la dénomination « lait » ne peut être employée par les opérateurs que pour désigner des produits exclusivement dérivés du lait, aucune substance ne pouvant alors être utilisée pour remplacer un constituant quelconque du lait. Dans le cas contraire, aucune forme de présentation indiquant, impliquant ou suggérant que les produits utilisés sont des produits laitiers ne peut être utilisée. Or, les produits LA LAITIERE dénommés « secret de mousse chocolat noir », « secret de mousse chocolat au lait », « secret de mousse chocolat blanc sauce chocolat », « secret de mousse vanille sauce chocolat », secret de mousse saveur praliné sauce chocolat », « secret de mousse caramel au beurre salé », « craquant et fondant caramel » et « craquant et fondant saveur vanille » méconnaissent cette réglementation car ils contiennent de la matière grasse végétale hydrogénée.

Par jugement du 8 juillet 2009, le tribunal de céans a décidé de consulter M. Hervé T sur le rôle de la matière grasse végétale hydrogénée dans les produits litigieux. Ce dernier, auditionné le 25 septembre 2009, a confirmé le fait que cette matière pouvait remplacer effectivement, et à moindre coût, un constituant du lait destiné à structurer le produit.

Sur le caractère déceptif et trompeur de la marque « LA LAITIERE » : La puissance évocatrice de la marque LA LAITIERE est de nature à tromper le consommateur qui pense que ces produits, dont la présentation est agrémentée de l’image d’une laitière versant du lait, sont composés uniquement de lait, il ne s’attend pas à y trouver de la matière grasse végétale hydrogénée. La Société LNUF MARQUES devrait donc assumer la puissance évocatrice de sa marque en employant que du lait pour fabriquer les produits désignés « LA LAITIERE ».

Sur la concurrence déloyale : Ces actes de tromperies faussent gravement le jeu de la concurrence puisque la société LNUF MARQUES fait croire aux consommateurs que les produits litigieux sont des produits de qualité supérieure justifiant qu’ils soient vendus à des prix élevés alors qu’en réalité ces produits sont de moindre qualité et donc de moindre coût. De ce fait, l’économie indûment réalisée par la société LNUF MARQUES est de l’ordre de 350.000 € par an. Ces agissements sont donc gravement préjudiciables aux producteurs de desserts lactés qui respectent la réglementation relative à la dénomination du lait et des produits laitiers tels que la société ANDROS France qui a réalisé d’importants investissements pour lancer une gamme de desserts lactés sous la marque BONNE MAMAN. Par dernières conclusions signifiées le 15 juin 2010, la société LNUF MARQUES, a principalement demandé au tribunal au visa de l’article 1382 du code civil et du règlement CE n°1234/2007 du 22 octobre 2007 et son annexe XII, de : Constater qu’ANDROS a abandonné ses demandes à l’encontre du produit « secret de mousse café », Constater que la commercialisation sous la marque LA LAITIERE du « secret de mousse chocolat noir », « secret de mousse chocolat au lait », « secret de mousse chocolat blanc sauce chocolat », « secret de mousse vanille sauce chocolat », secret de mousse saveur praliné sauce chocolat », « secret de mousse caramel au beurre salé », « craquant et fondant caramel » et « craquant et fondant saveur vanille » est parfaitement respectueuse de la réglementation relative à l’étiquetage, En conséquence, Dire et juger mal fondées l’action en responsabilité engagée par la société ANDROS et les mesures d’interdiction sollicitées, l’en débouter ;

A titre subsidiaire, Constater que la présentation des produits critiqués ne crée aucun risque de confusion avec les produits laitiers, En conséquence, Dire et juger mal fondées l’action en responsabilité engagée par la société ANDROS et les mesures d’interdiction sollicitées, l’en débouter ; A titre plus subsidiaire, Constater que la société ANDROS ne démontre pas la réalité du préjudice qu’elle invoque, En conséquence,

Dire et juger mal fondée la demande de dommages-intérêts formulée par la société ANDROS ainsi que ses demandes d’injonctions et de publication judiciaire, l’en débouter ; En tout état de cause, Condamner la société ANDROS à payer à LNUF la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP BFLP Associés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle a principalement fait valoir que:

Les demandes d’ANDROS sont dépourvues de fondement :

A) Sur la portée de la réglementation en vigueur : Le règlement du 22 octobre 2007 invoqué par la demanderesse distingue deux catégories de produits : d’une part les « produits laitiers », dérivés exclusivement du lait, et d’autre part les « produits composés » dont le lait est le principal ingrédient mais qui intègrent d’autres substances. Ce qu’interdit la réglementation applicable à ces deux catégories de produits, ce n’est pas l’adjonction de substances autres que le lait mais l’adjonction de substances destinées à remplacer un constituant du lait Contrairement à ce que prétend la demanderesse, l’adjonction de matière grasse végétale hydrogénée dans un « produit composé » qui, par définition, contient des ingrédients non laitiers, n’est pas en soit interdite puisque cette matière ne remplace aucun constituant du lait.

B) Sur l’utilisation de la matière grasse végétale hydrogénée dans les produits LA LAITIERE :

La matière grasse végétale hydrogénée est présente dans les produits en cause soit parce qu’elle entre dans la composition des sauces, soit parce qu’elle est contenue dans l’ingrédient chocolat, soit parce qu’elle est utilisée à des fins exclusivement structurantes. L’audition de M. T, ordonnée par le tribunal de céans le 8 juillet 2009, confirme ces facultés de la matière grasse végétale hydrogénée.

C) A titre subsidiaire, l’emploi des termes LA LAITIERE sur l’emballage des produits critiqués n’est pas trompeur :

A supposer même que les produits mis en cause ne relèvent pas de la catégorie des « produits composés », l’emploi du terme « LA LAITIERE » accompagné du célèbre tableau de Vermeer n’indiquent pas en eux-mêmes que le produit offert à la vente est un « produit laitier », qui serait exclusivement dérivé du lait. La mention « produit laitier » ne figure d’ailleurs jamais sur l’emballage des produits incriminés et la liste des ingrédients ne laisse aucune ambiguïté sur le fait que les produits offerts à la vente ne sont pas exclusivement dérivés du lait. Subsidiairement, sur le mal fondé des demandes d’injonctions et la demande de dommages-intérêts : La société ANDROS ne produit aucune pièce pouvant justifier le préjudice qu’elle allègue, ni dans son principe, ni dans son montant, elle ne démontre l’existence d’aucun risque de confusion entre les produits LA LAITIERE et les produits ANDROS qui lui serait dommageable. De même, elle ne rapporte pas la preuve d’un trouble commercial ou d’une baisse de ses ventes liés à la commercialisation des produits qu’elle critique. Le préjudice visé par la concurrence déloyale ne peut en aucun cas résider dans l’économie réalisée par un concurrent lors de la fabrication de ses produits.

MOTIFS La société ANDROS soutient que la présentation de différents desserts lactés commercialisés par la société LNUF MARQUES fausse gravement la concurrence en ce qu’elle méconnaît les dispositions du règlement n°1234/2007 du 22 octobre 2007 relatif à l’organisation commune des marchés dans le secteur agricole et notamment son annexe XII, puisqu’elle présente ses produits comme étant des produits laitiers alors qu’ils contiennent de la matière grasse hydrogénée destinée à remplacer un des constituants du lait. La protection de la dénomination du lait et des produits laitiers lors de leur commercialisation est prévue par les dispositions du règlement CEE n°1234/2007 du 22 octobre 2007, applicable depuis le 1er janvier 2008, qui remplace et intègre le règlement CEE n°1898/87 du 2 juillet 1987, en repre nant l’annexe XII de ce dernier règlement.

L’article 2 du point II de l’annexe XII intitulée « définitions et dénominations relatives au lait et aux produits laitiers visées à l’article 114, paragraphe 1 » du règlement CEE n°1898 du Conseil du 2 juillet 1987 dispose : « aux fins de la présente annexe, on entend par »produits laitiers" les produits dérivés exclusivement du lait, étant entendu que des substances nécessaires pour leur fabrication peuvent être ajoutées, pourvu que ces substances ne soient pas utilisées en vue de remplacer, en tout ou partie, l’un quelconque des constituants du lait. Sont réservés uniquement aux produits laitiers a) les dénominations suivantes : (…) crème, beurre, babeurre (….) yoghourt, kéfïr (…).

L’article 3 dudit point précise que:« la dénomination »lait« et les dénominations utilisées pour désigner les produits laitiers peuvent également être employées conjointement avec un ou plusieurs termes pour désigner des produits composés dont aucun élément ne remplace ou est destiné à remplacer un constituant quelconque du lait et dont le lait ou un produit laitier est une partie essentielle, soit par sa quantité, soit par son effet caractérisant le produit ». L’article 2 du point III de cette annexe est ainsi rédigé : « en ce qui concerne les produits autres que les produits visés au point II, aucune étiquette, aucun document commercial, aucun matériel publicitaire, aucune forme de publicité, telle que définie à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 84/450/CE du Conseil du 10 septembre 1984 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative, ni aucune norme de présentation indiquant, impliquant ou suggérant que les produits concernés sont des produits laitiers ne peut être utilisé. Dans la présente instance, les parties s’accordent à indiquer que l’article 3 du point II retranscrit ci-dessus relatif aux »produits composés« s’applique aux diverses mousses que la société LNUF commercialise, s’agissant de produits à base de lait pour environ la moitié de leur composition et de divers constituants pour le reste. Il apparaît à la lecture des emballages des mousses commercialisées par la société LNUF sous la marque LA LAITIERE qu’elles contiennent toutes des graisses végétales hydrogénées. En ce qui concerne les emballages litigieux le tribunal a relevé lors de la mesure de consultation que pour les produits LA LAITIERE »craquant et fondant« la matière grasse hydrogénée apparaît dans la composition dans une partie du texte distincte de celle du détail de la composition de la couche chocolat noir. En ce qui concerne le produit »secret de mousse caramel au beurre salé« , la matière grasse hydrogénée apparaît exclusivement dans la composition de la sauce caramel au beurre salé. En ce qui concerne le »secret de mousse saveur praliné sauce chocolat« , »chocolat blanc sauce chocolat« et »vanille sauce chocolat", la matière grasse végétale hydrogénée se retrouve dans la composition de la sauce chocolat présente dans ces trois préparations ainsi que dans la composition des mousses.

En ce qui concerne le « secret de mousse chocolat noir » et « chocolat au lait » on retrouve la présence de matière grasse hydrogénée dans la composition des mousses. La société demanderesse soutient que la société LNUF MARQUES cherche ainsi à remplacer dans ses mousses un des constituants du lait, à savoir la crème, laquelle est soit absente soit présente en quantité très faible dans ses mousses composées pour moitié de lait écrémé. La société LNUF MARQUES soutient pour sa part que la matière grasse hydrogénée qu’elle introduit dans ses produits intitulés « secrets de mousse » n’est présente que :

- parce qu’elle entre dans la composition de sauces (sauce au chocolat ou caramel),
- parce qu’elle est contenue dans l’ingrédient chocolat,

— parce qu’elle est utilisée à des fins exclusivement structurantes.

En ce qui concerne les produits « craquants et fondants », la matière grasse hydrogénée est également utilisée à des fins structurantes, afin d’obtenir une texture permettant le dosage de la couche craquante en couche régulière. Elle en déduit qu’elle respecte la réglementation puisque le lait constitue la partie essentielle desdits produits, aucune des autres substances entrant dans leur composition, comme la matière grasse végétale hydrogénée, n’étant mise en oeuvre pour remplacer le lait ou l’un des composants du lait. Il est constant que la réglementation applicable aux produits laitiers et aux produits composés n’interdit pas l’adjonction de substances autres que le lait mais l’adjonction de substances destinées à remplacer un constituant du lait, du produit laitier ou du produit laitier utilisé dans le produit composé. Dès lors, l’adjonction de matière grasse végétale hydrogénée dans un produit dit « composé » qui par définition contient des ingrédients non laitiers n’est pas en soit interdite. Il est en revanche interdit que des ingrédients entrant dans la composition d’un produit composé puissent être désignés sous des dénominations protégées de lait ou de produits laitiers alors que leur composition, en tant qu’ingrédient ne répond pas aux définitions réglementaires ce qui serait le cas si l’ingrédient lait ou produit laitier n’était pas exclusivement composé de lait et contenait l’adjonction d’une substance remplaçant l’un des constituants du lait. En l’espèce, il est constant que les différents produits litigieux comportent bien entre 54 et 67% de lait et entre 13 et 2% de crème, selon les produits. Il n’est pas démontré par la société ANDROS que ce lait et cette crème mis en oeuvre comme ingrédient, ne seraient pas du lait ou de la crème au sens de la réglementation. M. Hervé T a reconnu lors de sa consultation que la matière grasse hydrogénée pouvait contribuer effectivement à la structuration de la mousse. Il a également indiqué que la matière grasse végétale hydrogénée pouvait contribuer à la modification du comportement d’écoulement de la sauce. M. Hervé T a également indiqué qu’on aurait pu remplacer la matière grasse végétale hydrogénée par du « beurre de cacao qui n’a pas forcément le goût du chocolat et qui structure d’autre produit de la gamme ». Dès lors, il a implicitement reconnu que la matière grasse végétale hydrogénée ne remplaçait pas automatiquement un des constituants du lait, mais toute autre matière grasse présentant les mêmes effets. Dans ces conditions, à défaut de preuve contraire, les produits LA LAITIERE litigieux, sont conformes à la catégorie des produits composés tels que définis au point II 3 de l’annexe XII du règlement n°1234/2007 : le lait con stitue la part essentielle de ces produits, aucune des autres substances entrant dans leur composition, comme la matière grasse hydrogénée, n’est mise en oeuvre pour remplacer le lait ou l’un des composants du lait. La société ANDROS ne saurait tirer argument du fait que le produit appelé « secret de mousse chocolat noir avec zestes d’orange » commercialisé en Belgique ne comporte pas de matière grasse végétale hydrogénée, puisqu’il n’est pas établi que ce produit

est le même que celui commercialisé en France et qu’il comporterait notamment de la sauce. Le grief de concurrence déloyale n’étant pas établi par la demanderesse, la société ANDROS sera déboutée de toute demande de ce chef. Par ailleurs, la société ANDROS soutient que l’emploi du terme LA LAITIERE, sur les produits serait trompeur, la société LNUF MARQUES ne devant utiliser que du lait pour fabriquer les produits vendus sous cette marque. C’est ajuste titre que la société LNUF fait valoir :

-qu’aucun des emballages des produits litigieux n’emploie le terme « produit laitier »,
-tous les emballages comportent et mettent en avant des représentations graphiques d’ingrédients autres que le lait : carré de chocolat noir ou blanc, caramel, grains de café…

- la représentation graphique du contenu des pots et les listes de composition ne laissent aucune ambiguïté sur le fait que les produits offerts à la vente ne sont pas exclusivement dérivés du lait,
-que la marque LA LAITIERE peut être apposée sur d’autres produits comme par exemple une tarte Tatin, sans que le public soit amené à penser qu’il s’agit d’un produit laitier. Dès lors, l’emploi de la marque LA LAITIERE, accompagné du tableau de Vermeer ainsi intitulé, ne contrevient pas à l’interdiction posée par le paragraphe III.2 de l’annexe XII du règlement du 22 octobre 2007 et ne revêt aucun caractère trompeur aux yeux des consommateurs. Dans ces conditions, il convient de débouter la société ANDROS de l’ensemble de ses demandes, la société LNUF MARQUES n’ayant commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité en application de l’article 1382 du code civil. Il y a lieu de condamner la société ANDROS, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. En outre, elle doit être condamnée à verser à la société LNUF MARQUES, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 20 000 euros.

II ne paraît pas nécessaire d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, Déboute la société ANDROS de l’ensemble de ses demandes, La condamne à payer à la société LNUF MARQUES la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP BFPL associés,en application de l’article 699 du code de procédure civile. Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

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