Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 30 mars 2010, n° 08/14954

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 30 mars 2010, n° 08/14954
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 08/14954

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 1re section

N° RG : 08/14954

N° MINUTE :

JUGEMENT

rendu le 30 Mars 2010

DEMANDERESSES

S.A.S N O P F. R

[…]

[…]

S.A. N, intervenante volontaire

[…]

[…]

représentées par Me Christian BREMOND – BREMOND VAISSE RAMBERT & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R038

DÉFENDERESSE

S.A. ARTPRICE.COM représentée par son Président et Directeur Général, M. Z A.

Domaine de la Source

[…]

représentée par Me Emmanuel PIERRAT – SELARL CABINET PIERRAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L166

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

Marie SALORD, Vice Présidente

B C, Juge

assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2010 tenue publiquement devant Marie SALORD et B C, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe

Contradictoirement

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société N O P F. R est une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Pour les ventes les plus prestigieuses, elle réalise et publie des catalogues, une soixantaine par an. Ces catalogues font l’objet de formules d’abonnements annuels (1310 euros pour l’ensemble des catalogues) proposées sur les sites internet de la société, à savoir et . Ils sont également diffusés par mailing et leur contenu est accessible sur ces sites internet.

La société N SA, est titulaire des marques suivantes :

la marque française nominative « N » n°3010712 déposée le 24 février 2000 pour désigner des produits et services des classes 6, 9, 14, 16, 19, 21, 27, 35,38, 41 et 42,

la marque communautaire nominative « N » n° 5127261 déposée le 9 janvier 2006 pour désigner des services en classes 35, 41 et 42,

la marque communautaire nominative « N » n° 6024781 déposée le 21 juin 2007 pour désigner des produits en classe 16 et des services en classe 38.

La société ARTPRICE.COM, qui se prétend leader mondial de l’information sur les renseignements et services en ligne ayant trait au marché de l’art, propose depuis 1997, sur ses sites internet et un service dénommé « Artprice images » permettant l’accès par lot et par artiste à un fond de catalogues de ventes publiques internationales.

Par courrier du 15 avril 2008, la société N O P F. R, estimant que la reproduction et la commercialisation de ses catalogues sur ces sites portaient atteinte à ses droits exclusifs ainsi qu’à ceux des artistes dont les œuvres étaient

représentées et étaient constitutifs d’actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, a mis en demeure la société ARTPRICE.COM de cesser ces agissements. La société ARTPRICE.COM a, par courrier du 23 avril 2008, contesté le bien fondé de cette demande. Le 19 mai 2008, la société N O P F. R a renouvelé sa mise en demeure.

Elle a fait réaliser un procès verbal de constat par Maître D E, Huissier de justice, le 18 juin 2008.

La société ARTCUTIAL O P F. R a alors assigné la société ARTPRICE.COM en référé devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir cesser la diffusion sur les sites et des catalogues litigieux. Suivant une ordonnance du 12 septembre 2008, le Président du Tribunal de commerce de Paris a dit n’y avoir pas lieu a référé.

C’est dans ces conditions que la société N O P F. R a, par acte du 15 octobre 2008, assigné la société ARTPRICE.COM devant le Tribunal de céans pour contrefaçon de droit d’auteur, atteinte aux droits de producteur de base de données et concurrence déloyale.

La société N est intervenue volontairement à l’instance par conclusions du 26 octobre 2009.

Dans ses dernières conclusions du 15 décembre 2009, la société N O P F. R demande au Tribunal, au visa des articles L331-1, L112-1 et s., L341-1 et s. du Code de la propriété intellectuelle et de l’article 1382 du Code civil, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

dire que la reproduction et la diffusion de ses catalogues auxquelles se livre la société ARTPRICE.COM dans le cadre de son activité commerciale constituent une atteinte à ses propres droits d’auteur sur lesdits catalogues, ainsi qu’à ses droits de producteur de base de données,

subsidiairement, dire que lesdites reproduction et diffusion constituent en tout état de cause des agissements de concurrence déloyale de la part de la société ARTPRICE.COM,

constater de surcroît que cette exploitation excède l’autorisation limitée qu’elle a elle-même obtenue de reproduire certaines œuvres vendues dans ses catalogues,

En conséquence,

interdire à la société ARTPRICE.COM de diffuser, notamment sur ses sites « www.artprice.com » et « www.artprice.fr », tout ou partie des catalogues qu’elle édite et ce, sous 48 heures au plus tard de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, qui courra pendant deux mois,

de plus, enjoindre à la société ARTPRICE.COM, sous les mêmes délais et sanctions, d’ouvrir à la demanderesse ou à tel Huissier que celle-ci

mandatera, tous les accès réservés aux abonnés de ses sites « www.artprice.com » et « www.artprice.fr » pour lui permettre de vérifier que ses catalogues ne figurent plus dans lesdites bases de données, même non accompagnés du nom « N »,

condamner la société ARTPRICE.COM à lui verser une somme de 250.000 euros, toutes causes de préjudices confondues, en indemnisation des dommages d’ores et déjà causés par ses agissements,

condamner la société ARTPRICE.COM à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société ARTPRICE.COM aux dépens.

La société N O P F. R considère que si l’assignation signifiée le 15 octobre 2008 ne précise pas le nombre de catalogues qui auraient été diffusés par la défenderesse, elle demeure néanmoins parfaitement claire en visant l’interdiction de l’ensemble des catalogues disponibles sur les sites internet en cause.

Elle soutient que la société ARTPRICE.COM, en reproduisant et en mettant en ligne sans son autorisation tout ou partie des catalogues litigieux a porté atteinte à son droit d’auteur et à son droit de producteur de bases de données. Elle fait valoir que les catalogues litigieux, œuvres collectives, sont tous originaux au regard des choix réalisés notamment pour la conception de la couverture, la mise en page, la composition, la présentation et l’analyse des œuvres et à leur composition recherchée et ne constituent pas une liste de vente mais sont composés, organisés et mis en page pour que les œuvres bénéficient de la meilleure présentation ce qui relève de l’arbitraire et donc de l’originalité. Elle estime donc être titulaire, en tant que promoteur d’œuvres collectives, de droit d’auteur sur ces catalogues que la société défenderesse, qui se les ait procurés par des voies détournées, a diffusés et exploités sans son accord.

Elle considère également bénéficier de la protection du producteur de base de données pour ces catalogues. Elle fait valoir à cet égard que leur création nécessite un travail de recherche historique, artistique et bibliographique rendu possible par des investissements consacrés à sa bibliothèque privée et par le travail de plusieurs salariés. Elle souligne également avoir fait des investissements financiers pour la réalisation des éditions papiers des catalogues et pour permettre le téléchargement de ceux-ci sur le site .

Elle expose que les catalogues reproduisent des œuvres faisant l’objet de droits exclusifs d’exploitation appartenant à leur auteur et le cas échéant à ses ayants droits et qu’elle dispose d’accords lui permettant de les reproduire dans ses catalogues et qu’en les reproduisant sur son site, la défenderesse y porte atteinte.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la société ARTPRICE.COM a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en mettant à la disposition de sa clientèle sur ses sites internet les catalogues litigieux et a ainsi cherché à se placer dans son sillage et à tirer profit des investissements qu’elle a réalisés.

Dans ses dernières conclusions du 15 décembre 2009, la société N demande au Tribunal au visa des articles L713-3 et L713-5 du Code la propriété intellectuelle, de l’article L155-33 du Code de la consommation et de l’article 1382 du Code civil, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

constater que la reproduction et la diffusion des catalogues de la société N O P F. R et notamment la page de couverture desdits catalogues auxquelles s’est livrée la société ARTPRICE.COM dans le cadre de son activité commerciale constituent une atteinte à ses droits sur ses marques n° 3010712 (marque française), n° 5127261 (marque communautaire) et n° 6024781 (marque communautaire),

dire également que les modalités d’exploitation des catalogues de la société N O P F. R par la société ARTPRICE.COM constituent des agissements engageant sa responsabilité du fait d’une exploitation, injustifiée et de nature à induire en erreur, d’une marque notoire et de son image, prohibée par les articles L713-5 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et L115-3 du Code de la consommation,

En conséquence,

interdire à la société ARTPRICE.COM de poursuivre la diffusion, notamment sur ses sites « www.artprice.com » et « www.artprice.fr », des catalogues de ventes aux enchères de la société N O P F. R, porteurs de la marque « N » et ce, sous 48 heures au plus tard de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, qui courra pendant deux mois,

De plus, enjoindre à la société ARTPRICE.COM, sous les mêmes délais et sanctions, d’ouvrir à la société N SA ou à tel Huissier que celle-ci mandatera, tous les accès réservés aux abonnés de ses sites « www.artprice.com » et « www.artprice.fr » pour lui permettre de vérifier que les catalogues de la société N O P F. R ne figurent plus dans lesdites bases de données,

condamner la société ARTPRICE.COM à lui verser une somme de 100.000 euros, toutes causes de préjudices confondues, en indemnisation des dommages d’ores et déjà causés par ses agissements,

condamner la société ARTPRICE.COM à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société ARTPRICE.COM aux dépens.

La société N fait valoir que les droits qu’elle détient sur ses marques ne sont pas épuisés puisque d’une part, les catalogues litigieux n’ont pas été mis sur le marché mais sont vendus directement par la société N O P QTAJAN à ses clients et non à un réseau de distributeur et que, d’autre part, les actes reprochés

à la société ARTPRICE.COM ne sont pas des faits de mise en circulation des catalogues mais d’exploitation de la marque notoire « N » dans le cadre de son activité commerciale.

Elle considère en outre que la société ARTPRICE.COM a fait un usage des signes litigieux « dans la vie des affaires », en commercialisant auprès de ses abonnés l’accès aux catalogues de la société N O P F. R, ce qui a créé un risque de confusion.

Elle soutient enfin que l’exploitation non justifiée de la marque notoire « N » dans le domaine de la vente d’objets d’art par la société ARTPRICE.COM peut s’assimiler à la pratique des marques d’appel.

Dans ses dernières conclusions du 20 janvier 2010, la société ARTPRICE.COM demande au Tribunal de :

In limine litis,

constater l’irrecevabilité des demandes de la société N O P F. R pour défaut de preuves et de précisions,

dire qu’aux vu des circonstances de l’espèce, il convient de faire application de l’article 4 du Code de procédure pénale et de surseoir à statuer sur les demandes formées par les sociétés N jusqu’à l’issue de la procédure pénale engagée par la société ARTPRICE.COM,

A titre principal,

Concernant les demandes de la société N O P F. R,

constater l’absence de preuve de la reproduction in extenso des catalogues de N O P F. R sur le site d’ARTPRICE,

constater l’absence de preuve de la protection de tout ou partie des catalogues de N O P F. R par le droit d’auteur,

constater l’absence de preuve de la protection des catalogues au titre du droit sui generis du producteur de base de données de N O P F. R,

constater l’absence d’actes de concurrence déloyale et/ou parasitaire de la part de la société ARTPRICE.COM,

constater l’absence de préjudice subi par N O P F. R,

en conséquence, débouter la société N O P F. R de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

Concernant les demandes de la société N SA:

constater l’absence de contrefaçon ou d’usage illicite de la marque française dénominative « N » enregistrée sous le numéro 3010712 et des marques communautaires dénominatives « N » enregistrées sous les numéros 5127261 et 6024781,

En conséquence,

débouter la société N SA de l’ensemble de ses demandes, fins, et prétentions à son encontre,

A titre reconventionnel,

condamner solidairement la société N O P F. R et la société N SA à lui verser la somme de 30.000 euros en réparation du caractère abusif de la procédure,

En tout état de cause,

condamner la société N O P F. R à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

condamner la société N SA à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre liminaire, la société ARTPRICE.COM soutient que le Tribunal doit surseoir à statuer en raison de la plainte contre X qu’elle a déposée le 13 octobre 2009 pour escroquerie au jugement et pour faux et usage de faux concernant des factures émises par Monsieur F G au titre de photographies, notamment à l’égard de la société N O P F. R et faisant actuellement l’objet d’une enquête de la Brigade de Répression de la Délinquance Astucieuse dans la mesure où cette procédure est de nature à avoir une incidence sur la solution de la présente instance.

A l’appui de ses demandes concernant la société N O P F. R, la société ARTPRICE.COM fait valoir que l’assignation délivrée le 15 octobre 2008 à son encontre ne précise pas le nombre des catalogues qui seraient concernés par la contrefaçon et ainsi ne permet pas de circonscrire l’objet du litige.

Elle estime en outre que la défenderesse ne rapporte pas la preuve de la contrefaçon alléguée puisqu’elle n’a communiqué qu’un nombre limité de catalogues dont la protection par le droit d’auteur est revendiquée et n’a pas établi qu’elle avait reproduit in extenso ces catalogues sur ses sites internet dans la mesure où le constat d’huissier du 18 juin 2008 ne relève que des pages reproduisant les couvertures de catalogues édités par N, qu’il n’est fait aucune comparaison entre les catalogues originaux et les éléments contenus sur ses sites internets et que l’huissier est imprécis quant au véritable contenu de ses constations.

Elle soutient par ailleurs ne pas avoir commis d’actes de contrefaçon, se contentant de reproduire en ligne la couverture des catalogues litigieux ainsi que les informations brutes portant sur les ventes et œuvres d’art qu’ils contiennent et qui ont été triées, sélectionnées et retraitées accompagnées de commentaires de ses propres rédacteurs ou raccordées à ses bases biographiques.

Elle conteste l’originalité d’une part des éléments purement informationnels contenus dans les catalogues repris sur ses sites internet et, d’autre part, des catalogues pris dans leur ensemble qui ne sont que des documents destinés à fournir au public une information.

Elle indique qu’ N O P F. R ne peut revendiquer la possibilité de représenter les auteurs ou ayants droits des œuvres vendues aux enchères et solliciter la réparation d’une prétendue violation de droit d’auteur sur des œuvres dont elle ne prouve pas détenir les droits.

Elle soutient en outre que la société N O P F. R ne bénéficie pas de la protection sui generis du producteur de base de données, ne rapportant pas la preuve que ses catalogues reproduisent des données disposées de manière systématique et méthodique et n’établissant pas avoir réalisé des investissements substantiels pour réaliser ses catalogues.

Au titre de la concurrence déloyale et des actes parasitaires, elle considère que la société N O P F. R n’évoque pas d’actes distincts des actes de contrefaçon et qu’elle n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale, n’étant pas en concurrence directe avec la demanderesse, ni d’actes de parasitisme, n’ayant pas repris le travail de la demanderesse, ni tiré profit des investissements réalisés par cette dernière.

Enfin, elle fait valoir, concernant les demandes de la société N SA, d’une part que le droit sur les marques de cette partie est épuisé dans la mesure où elle est propriétaire des exemplaires des catalogues en cause pour les avoir acquis et d’autre part, qu’elle n’en fait pas un usage « dans la vie des affaires » mais seulement à titre informatif, ce qui exclut tout risque de confusion. Elle conteste par ailleurs avoir utilisé ces signes comme marque d’appel car la marque n’est utilisée qu’en tant qu’elle figure sur les catalogues.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2010.

Par conclusions d’incident du 29 janvier 2010, les sociétés N O P F. R et N SA demandent au Tribunal de :

constater que les conclusions et la communication de pièces par la société ARTPRICE.COM du 20 janvier 2010, date à laquelle la clôture des débats est intervenue, n’ont pas été communiquées en temps utile,

en conséquence, les écarter des débats,

statuer quant aux dépens ainsi que précédemment requis.

En réponse, par conclusions du 2 février 2010, la société ARTPRICE.COM demande au Tribunal de:

In limine litis,

déclarer les conclusions d’incident des sociétés N O P F. R et N SA, signifiées le 28 janvier 2010, irrecevables,

Au fond,

constater que les conclusions et pièces signifiées par la société ARTPRICE.COM n’ont pas un caractère tardif,

Par conséquent,

débouter les sociétés N O P F. R et N SA de leurs demandes, fins et prétentions.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions d’incident du 28 janvier 2010

Prononcer l’irrecevabilité des conclusions d’incident des sociétés demanderesses reviendrait à les priver de la possibilité de faire valoir leurs droits fondés sur les principes de loyauté de la procédure et de la contradiction. Il convient donc de les déclarer recevables.

Sur la demande d’irrecevabilité des conclusions de la société ARTPRICE.COM du 20 janvier 2010 et des pièces 12 à 16

Suite aux conclusions de la société N O P F. R du 25 novembre 2009, le juge de la mise en état a renvoyé l’affaire au 20 janvier 2010 pour clôture. La défenderesse a signifié ses conclusions le jour de la clôture. En soi, cette signification de nouvelles conclusions le jour de la clôture n’est pas de nature à violer le principe de la contradiction, ni la loyauté des débats d’autant qu’il lui appartenait de conclure en dernier afin de pouvoir faire valoir ses arguments en défense et il n’est pas allégué que ces conclusions contiennent des moyens nouveaux. La demande d’irrecevabilité des conclusions du 20 janvier 2010 sera rejetée.

La société ARTPRICE.COM a communiqué le 20 janvier 2010 les nouvelles pièces suivantes:

— pièce 12 portant sur les investissement réalisés par Artprice pour le produit Artprice Images en date du 27 avril 2009,

— pièce13 : procès-verbal de constat de Maître X du 18 janvier 2010 portant sur le fonctionnement du site ,

— pièce 14 : courrier électronique de Madame Y du 5 septembre 2008,

— pièce 15 : courrier au procureur du Tribunal de grande instance de Paris en date du 15 octobre 2009,

— pièce16 : attestation de Madame H I, directeur administratif et financier, en date du 19 janvier 2010 portant sur le chiffre d’affaires en 2007 et 2008 ainsi que la proportion de catalogue N dans la base au 19 janvier 2010.

Il convient de relever que l’ensemble de ces pièces, à l’exception du procès-verbal de constat et de l’attestation de Madame H I, sont antérieures aux dernières conclusions de la société N O P F. R et que rien ne justifie qu’elles n’aient pas

été communiquées auparavant aux demanderesses, de manière à permettre à celles-ci de les étudier et d’en tirer argument dans leurs écritures.

Concernant le constat d’huissier et l’attestation de la directrice administrative et financière, il n’est pas établi par la société ARTPRICE de raisons pour lesquelles elle aurait été contrainte de les faire réaliser la veille de la clôture.

En conséquence, cette production de cinq pièces le jour de la clôture est déloyale dans la mesure où elle exclut la possibilité pour les demanderesses de les étudier et, le cas échéant, d’y répondre. En raison de l’atteinte portée au principe de la contradiction, elles seront écartées des débats.

Sur le sursis à statuer

Le Tribunal ne disposant d’aucun élément lui permettant d’apprécier le bien fondé de la demande de sursis de statuer fondée sur le dépôt d’une plainte pénale et dans la mesure où la pièce n° 15 intitulée plainte contre X pour escroquerie et pour faux et usage de faux a été déclarée irrecevable et le sursis n’étant plus de droit, il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur la recevabilité de l’action de la société N O P F. R

La société ARTPRICE.COM demande au Tribunal de constater l’irrecevabilité des demandes de la société N O P F. R pour défaut de preuves et de précisions.

C onformément aux dispositions de l’article 771 du Code de procédure civile, “lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour:

1. Statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance”.

La référence par la société ARTPRICE.COM au fait que l’assignation ne définit pas clairement les catalogues doit être étudiée au vu de l’article 56 du Code de procédure civile, au terme duquel “l’assignation contient à peine de nullité (…) l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit”. Cette demande ne pouvait être présentée que devant le juge de la mise en état et le Tribunal n’est pas compétent pour statuer en vertu de l’article 771 susvisé.

S’agissant du défaut de preuve allégué, il ne constitue pas un moyen d’irrecevabilité des demandes.

Il convient de statuer d’abord sur la recevabilité de l’action du fait du droit d’auteur avant de statuer, le cas échéant sur la contrefaçon.

Le procès verbal de constat par Maître D E, Huissier de justice, du 18 juin 2008 établit que sur le site la page d’accueil comporte les mentions suivantes : « avec artprice images

accédez à tous les catalogues de ventes futures de 2009 maisons de vente et au plus grand fonds documentaire sur le marché de l’art avec 290.000 catalogues de vente de 1960 à nos jours » et « un accès illimité au plus grand fonds de catalogues de ventes d’art au monde ». La bibliothèque Artprice images est accessible au prix de 79 euros par an en complément d’un abonnement annuel.

En tapant sur le mot clé « N », l’huissier a accédé à un tableau comprenant 80 représentations de couvertures de catalogues, de la taille d’un timbre, à côté desquelles figurent trois images floutées sur lesquelles est inscrit en rouge « disponible avec Artprice images » et un lien « consulter ce catalogue ».

Sur ce tableau figure 28 mentions de « N (S.V.V) », à côté de la première page des catalogues portant sur des ventes prévues entre le 18 février et le 18 juin 2008 « art tribal », « art déco », « 9 pièces d’Alberto et J K », « photographie », « Estampes et livres illustrés », « bijoux anciens et modernes », « montres de collection », « design, photographie des XIX et XX », « art moderne et contemporain (3 mai 2008) », « lettrismes, cobra, situationnistes, Happ », « livres anciens et modernes », « archives d’architectes et de décorateurs », « modern design for living », « Luxe, sport et collection », « Art moderne (9 avril 2008) », « Art Moderne (10 avril 2008) », « dessins anciens et du XIXème », « art contemporain (4 avril 2008) », « art italien du XXème , italien de luxe », « art contemporain (3 avril 2008) », « montres d’aventure et de collection », « tableaux anciens et modernes (23 mars 2008) », « souvenirs historiques et armes anciennes », « tableaux et sculptures du XIXème », « L M designer », « intérieurs du XXème Art Déco design », « art moderne,tableaux et œuvres » et « art abstrait § contemporain ».

La société ARTPRICE.COM conteste que le contenu des catalogues ait été reproduit sur son site internet. Il résulte uniquement du constat d’huissier que les couvertures des catalogues en cause sont effectivement reproduites sur le site de la défenderesse, la société N O P F. R sur qui pèse la charge de la preuve n’établissant pas la preuve que le contenu des catalogues ait été reproduit. En effet, cette preuve ne saurait résulter de la simple mention générale sur le site de la possibilité de recherche dans 290.000 catalogues ou de l’accès à « tous les catalogues de 2.900 maisons de vente », ni de l’interprétation a contrario des faits constatés par le procès verbal du 30 octobre 2008 réalisé à la demande de la société ARTPRICE.COM, et au demeurant étranger au présent litige, qu’il

n’existe pas de consultation du catalogue Christie en ligne ou du constat du 13 mars 2009 au terme duquel le mot-clé « N » n’est plus référencé sur le site de la défenderesse.

Dés lors, il convient de statuer uniquement sur la protection au titre du droit d’auteur de la couverture des catalogues, dans la mesure où seules ces couvertures sont reproduites, et de rechercher si elles sont susceptibles de constituer au sens des dispositions du Livre I du Code

de la propriété intellectuelle une œuvre de l’esprit, à savoir une œuvre originale, empreinte de la personnalité de son auteur.

Pour chaque catalogue, la couverture reproduit une oeuvre emblématique de la vente. Figurent en haut de la première page les mentions “N” et en dessous “O-Le Fur-P-QTajan”, à l’exception de cinq couvertures qui indiquent “N Deauville” et d’une sur laquelle cette mention figure en bas. En outre, sont mentionnés le nom de la vente, le lieu de la vente, sa date et ses horaires.

La société N O P F. R fait valoir que l’ originalité des couvertures est liée aux efforts consacrés à leur conception.

Outre le fait que la notion “d’efforts” est étrangère à la définition juridique de l’oeuvre protégeable, il convient de constater que ces couvertures ne mentionnent que des éléments purement informatifs. Elles reproduisent une oeuvre ou un assemblage des oeuvres qui seront proposées à la vente, étant relevé que la société N O P F. R ne revendique la protection au titre du droit d’auteur des photographies ou des oeuvres représentées.

Dès lors, ces couvertures constituées du seul assemblage de mentions informatives sur une reproduction d’oeuvre ne correspondent qu’à un travail purement technique, sans aucune empreinte de la personnalité de son auteur et faute de remplir la condition relative à l’originalité de l’oeuvre, la société N O P F. R est irrecevable à agir sur le fondement du droit d’auteur.

Sur les droits de propriété intellectuelle des œuvres figurant sur les couvertures

La société N O P F. R prétend que la société ARTPRICE.COM n’est pas titulaire des droits de représentation des œuvres figurant sur ces catalogues, ce moyen se limitant pour le présent litige aux œuvres figurant sur la couverture des catalogues.

La société ARTPRICE.COM produit un contrat d’autorisation d’exploitation en ligne d’oeuvres des arts visuels conclu le 12 juin 2007 avec la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques.

Ce moyen, sur la base duquel la demanderesse ne formule aucune demande, est sans objet dans le présent litige puisque que les auteurs des œuvres ou leur ayants causes ne sont pas partie à la présente procédure et que la société N O P F. R n’a aucune qualité pour les représenter.

Sur la protection au titre du producteur de bases de données

L’alinéa 2 de l’article L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle définit la base de données comme « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposées de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ».

Les catalogues de vente de la société N O P F. R reproduisent et décrivent les œuvres qui seront proposées à la vente, indiquent leur auteur, leur titre, leur provenance, une bibliographie et une estimation de leur prix. Ces catalogues sont liés à la vente publique en permettant aux acheteurs potentiels de pouvoir avoir accès à des informations sur les œuvres. Une fois la vente passée, ces catalogues constituent un fonds d’archive. Ils ne constituent pas une base de données puisqu’il n’est pas démontré par la société N O P F. R qu’elle a mis en place des moyens électroniques ou autre permettant à partir d’un mot clé d’accéder à un élément de ses catalogues (type d’œuvre, date de la vente, nom de l’auteur).

Au surplus, la condition pour bénéficier de la protection en qualité de producteur posée à l’article L.341-1 du Code de la propriété intellectuelle, de l’existence d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel n’est pas remplie en l’espèce, faute pour la société N O P F. R de produire le moindre justificatif à l’appui de ses allégations portant sur les investissements réalisés.

Elle ne peut donc bénéficier de la protection instaurée au profit du producteur de données et sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les faits de concurrence déloyale et de parasitisme

Au préalable, il convient de relever que si dans le dispositif de ses conclusions, la société N O P F. R fait état d’agissements de concurrence déloyale, le corps de celles-ci ne fait référence qu’à des actes de parasitisme et ce seul fondement sera étudié.

Le parasitisme est caractérisé dès lors qu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Il résulte du constat d’huissier du 20 mai 2008 que les couvertures de 28 catalogues de la société N O P F. R étaient reproduites sur le site de la société ARTPRICE.COM.

En elles-même, la reproduction de ces seules couvertures, qui ne sont pas le fruit ni d’un travail intellectuel, ni d’ investissements, n’est pas fautive.

Cependant, en mettant en ligne ces couvertures et en faisant croire aux internautes qu’ils pourraient accéder aux catalogues après avoir payé un abonnement, la société ARTPRICE.COM s’est servi du savoir faire et de la renommée de la société N O P F. R à des fins commerciales, pour azugmenter le nombre de visites sur son site et donc son volume d’affaires, et sans le consentement de celle-ci, ce qui constitue une faute.

Le préjudice causé à la société N O P F. R du fait d’associer ses catalogues à la souscription d’abonnement au produit Art images sera justement indemnisé par l’allocation de 15.000 euros.

Sur l’atteinte aux droits de la société N sur ses marques

La société ARTPRICE.COM ne conteste pas la reproduction sur son site internet des marques dont est titulaire la société N, ni le fait que les marques désignent des services similaires à ceux qu’elle propose.

Le Tribunal relève, s’agissant de la reproduction des couvertures de catalogue en cause, que compte tenu de leur petite taille, ainsi qu’il résulte du constat d’huissier du 20 mai 2008, la marque N est très difficilement visible.

En vertu de l’article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire son usage pour des produits qui ont été mis dans le commerce sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

Il résulte des pièces que la société ARTPRICE.COM s’est procurée les catalogues dont elle a reproduit les couvertures par le biais d’un abonnement auprès de la holding Drouot.

Le seul fait que les catalogues soient diffusés dans le cadre de cet abonnement et proposés à la consultation et à la vente sur le site internet de la société N O P F. R ne peut être assimilé à l’autorisation d’une commercialisation qui requiert la mise sur le marché d’un lot déterminé de produits. La société défenderesse est donc mal fondée à invoquer le bénéfice de l’article L. 713-4 du Code de la propriété intellectuelle.

La société N fonde son action en contrefaçon notamment sur la marque notoire. Force est de constater qu’elle ne produit aucun élément de nature à justifier que les marques dont elle est titulaire sont connues de façon significative des consommateurs français au vu notamment des parts du marché exploité, de l’intensité de leur exploitation, de leur valorisation et de l’ampleur du budget publicitaire.

En conséquence, faute pour la société N de démontrer que les marques constituent des marques de renommée au sens des dispositions de l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle, sa demande au titre de la marque notoire est mal fondée.

La fonction essentielle de la marque est de garantir aux consommateurs la provenance des produits. En l’espèce, la société ARTPRICE.COM a reproduit la couverture de catalogues sur lesquelles figurent les marques en cause. Ces actes ne peuvent être qualifiés de contrefaçon dans la mesure où la reproduction de la marque dans ce cadre est purement informative et constitue une simple référence, sans que l’internaute puisse se méprendre sur l’origine de la couverture des catalogues en cause.

En vertu de l’article L115-33 du Code de la consommation, « les propriétaires de marques de commerce, de fabrique ou de service peuvent s’opposer à ce que des textes publicitaires concernant nommément leur marque soient diffusés lorsque l’utilisation de cette marque vise à tromper le consommateur ou qu’elle est faite de mauvaise foi. »

Contrairement à ce que soutient la société N, la seule mise en ligne de couvertures de catalogue, contenant la marque N, ne constitue pas un texte publicitaire s’agissant uniquement d’une reproduction, sans aucun argumentaire de nature à inciter le consommateur à acheter un service.

La société N vise dans ses écritures l’article 1382 du Code civil sans formuler expressément de demande sur ce fondement si bien qu’à supposer qu’elle ait entendu formuler une demande au titre de la concurrence déloyale, le Tribunal n’est pas en mesure d’y répondre.

En conséquence, la société N sera déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle

La société ARTPRICE.COM succombant, elle est mal fondée en sa demande pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article 515 du Code de procédure civile, il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, ce qui est compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire eu égard à son ancienneté.

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société ARTPRICE.COM, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance.

Les conditions sont réunies pour la condamner également à payer à la société N O P F. R la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

En revanche, la société N succombant, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à la disposition du public par le greffe le jour du délibéré,

Rejette la demande des sociétés demanderesses tendant à voir écarter les conclusions de la défenderesse signifiées le jour de la clôture,

Ecarte des débats comme tardives les pièces 12 à 16 de la société ARTPRICE,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Déclare la société N O P F. R irrecevable à agir sur le fondement du droit d’auteur,

Dit que la société ARTPRICE.COM a commis des agissements parasitaires à l’encontre de la société N O P F. R,

Condamne la société ARTPRICE.COM à payer à la société N O P F. R la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi au titre des agissements parasitaires,

Déboute la société N de l’ensemble de ses demandes,

Déboute la société ARTPRICE.COM de sa demande pour procédure abusive,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

Condamne la société ARTPRICE.COM aux dépens ,

Déboute la société N de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société ARTPRICE.COM à payer à la société N O P F. R la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Fait et jugé A PARIS le TRENTE MARS DEUX MIL DIX./.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 30 mars 2010, n° 08/14954