Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 5 juillet 2013, n° 12/00006

  • Absence de commercialisation du produit incriminé·
  • Désistement d'action ou d'instance·
  • Étendue de la saisie-contrefaçon·
  • Document en langue étrangère·
  • Saisie-contrefaçon abusive·
  • Absence de droit privatif·
  • Titre annulé ou révoqué·
  • Action en contrefaçon·
  • Absence de préjudice·
  • Clientèle spécifique

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 5 juill. 2013, n° 12/00006
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/00006
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 23 novembre 2010 (en réquisition)
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP1075285
Titre du brevet : Emploi de colorant vital pour faciliter des interventions chirurgicales d'extraction de la cataracte
Classification internationale des brevets : A61F ; A61K ; A61P
Référence INPI : B20130148
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 05 Juillet 2013

3e chambre 3e section N°RG: 12/00006

DEMANDEURS Monsieur Gerrit Reinold Jacob M

Société D.O.R.C « DUTCH OPTHALMIC RESEARCH CENTER » INTERNATIONAL) B.V SCHEDDELVEWEG 2 3214VN ZUILAND PAYS BAS

Société D.O.R.C FRANCE […] 75015 PARIS représentées par Me Grégoire DESROUSSEAUX, AUGUST & DEBOUZY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

DEFENDERESSES Société ARCADOPHTA SARL […] 31100 TOULOUSE représentée par Me Laurent PARLRANI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0036

Société PHYSIOL FRANCE SAS […] 31100 TOULOUSE représentée par Me Emmanuelle LUTFALLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267

Société PHYSIOL […] (BELGIQUE) représentée par Me Lame P, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E617

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie S , Vice-Président, signataire de la décision Mélanie B. Juge Nelly CHRETIENNOT.Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DERATS A l’audience du 21 Mai 2013 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE Monsieur Gerrit M, médecin-ophtalmologiste, était titulaire d’un brevet européen EP 1075285 déposé le 8 mai 1998 ayant pour titre « emploi de colorant vital pour faciliter des interventions chirurgicales d’extraction de la cataracte », délivré le 12 mars 2003. Il en a concédé une licence à la société DORC B.V., de droit néerlandais, qui indique distribuer en France, par l’intermédiaire de sa filiale la SARL DORC FRANCE, le produit « Vision Blue » qui est un colorant à base de bleu de trypan. Le brevet européen a fait l’objet de plusieurs procédures d’opposition devant l’Office Européen des Brevets (ci-après OF.B). La première opposition a été formée le 20 juin 2003 par la société italienne Industria Terapeutica Splendorc Alfa Intes et a été suivie de deux autres oppositions d’une société italienne en octobre 2003 puis d’une société allemande en décembre 2003.

En 2004, la société ARCADOPHTA, qui exerce une activité de fabrication et commercialisation de matériel médico-chirurgical et de matériel dentaire, a annoncé le lancement d’un nouveau produit dit « MONOBLUE 0.055% », composé de bleu de trypan et commercialisé en France à partir de 2005. Le 5 janvier 2006, le conseil de Monsieur M a informé la société ARCADOPUTA qu’il considérait que ce produit, utilisé à titre d’aide visuelle pendant l’extraction d’une cataracte, constituait une contrefaçon de son brevet européen. Par décision du 15 février 2006, la division d’opposition de l’OEB a maintenu le brevet sous une forme modifiée. Un recours a été forme à l’encontre de cette décision par les opposants et la Chambre de recours a sursis à statuer le 14 mai 2009 dans l’attente d’une décision G2/08 de la Grande Chambre de recours, estimant qu’elle pouvait avoir une influence sur l’issue du litige compte tenu de l’analogie existant entre les cas. Les 17 mai 2006 et 2 janvier 2007, la société DORC DUTCH OPHTALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) B.V. a adressé au distributeur suédois de la société ARC ADOPHTA une mise en demeure d’avoir à cesser toute commercialisation du produit « Monoblue 0,055% » au regard du brevet n° EP 1075285 . Le 21 décembre 2009, le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé Monsieur M à faire procéder à une saisie

contrefaçon au sein des locaux de la société ARCADOPHTA, pour rechercher la preuve de la contrefaçon de son brevet européen. Cette mesure a été diligentée le 22 décembre 2009. Le 21 janvier 2010 Monsieur M, la société de droit néerlandais DORC DUTCH OPHTALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) et sa filiale française la société DORC FRANCE ont assigné devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon du brevet EP 1 075 285 la société ARCADOPUTA, la société de droit belge PHYSIOL et la société PHYSIOL FRANCE en qualité de distributeurs du produit litigieux s’agissant de ces deux dernières. Suite à cette assignation la société ARCADOPHTA est intervenue dans la procédure d’opposition en cours devant POEB le 15 avril 2010. Un sursis à statuer a été prononcé le 23 novembre 2010 par le tribunal de grande instance de Paris dans l’attente de l’issue de la procédure en cours à l’OEB et l’instance a été radiée du rôle. Le 27 janvier 2011 la Chambre de recours de l’OEB a révoqué la totalité du brevet EP-B-1 075 285. La société ARCADOPHTA a signifié le 28 décembre 2011 des conclusions en reprise d’instance dans lesquelles elle indique que les prétentions des demandeurs doivent être abandonnées et formule des demandes reconventionnelles.

Dans leurs conclusions en réponse signifiées le 5 juin 2012. Monsieur Gerrit M et les sociétés PORC et PORC FRANCE demandent au tribunal, vu la décision de l’Office européen des brevets du 27 janvier 2011, les articles 1134 et 1382 du code civil ainsi que les articles 696 et 700 du code de procédure civile, de: Donner acte aux demandeurs de ce qu’ils se désistent de leurs demandes en contrefaçon, Constater l’absence de tout abus de procédure Débouter en conséquence la société ARCADOPHTA de l’ensemble de ses demandes en réparation au titre de l’abus de procédure, Subsidiairement, dire que ces demandes sont mal fondées et en débouter la société ARCADOPHTA Rejeter comme irrecevables les demandes formées au titre du préjudice d’image prétendument provoqué par une publication dans la revue irlandaise Eurotimes Subsidiairement, dire que ces demandes sont mal fondées et en débouter la société ARCADOPHTA Dire que l’équité n’impose pas le remboursement des frais irrépétibles à la société ARCADOPHTA et la débouter de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement, débouter la société ARCADOPHTA de la demande visant au remboursement des sommes exposées devant l’Office européen des brevets et par ses dirigeants, Dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens. Les demandeurs principaux contestent tout abus dans l’exercice de leur droit d’action. Ils font valoir qu’à la date de l’assignation, le brevet était valable et avait en outre été validé par la division d’opposition, les limitations n’affectant pas les caractéristiques prétendument contrefaites par le produit ARCADOPHTA. Selon eux, ils pouvaient donc légitimement penser que leur brevet serait également validé par la Grande Chambre des recours. Par ailleurs, ils soulignent qu’ils ont spontanément accepté le sursis à statuer dans l’attente de la décision de l’OEB sur l’opposition et arguent de leur bonne foi, leur action n’ayant pas été précipitée compte tenu de l’ancienneté de la priorité du brevet qui remontait à 1998, de la durée de la procédure de délivrance et des délais prévisibles de la procédure d’opposition et alors que l’atteinte qu’ils estimaient subir justifiait une action en contrefaçon pour défendre leur monopole sur l’invention. S’agissant des conditions de la saisie-contrefaçon, ils invoquent un accord amiable intervenu entre les parties sur les conditions du respect de la confidentialité, en l’absence de toute saisine du juge ayant autorisé la mesure et considèrent que toute réclamation formée de ce chef est tardive et mal fondée. Sur le fond, ils soutiennent que la contrefaçon était avérée puisque le produit litigieux est bien le colorant proposé dans le brevet, proposé pour un même usage en chirurgie ophtalmique. Ils en déduisent l’absence de toute malice, mauvaise foi ou erreur équipollente au dol qui, seules, seraient de nature à démontrer un abus de procédure. Au contraire, les demandeurs excipent des documents internes de la société ARCADOPHTA, dont il ressort que cette dernière a spécifiquement lancé son produit en 2005 en se plaçant en concurrence directe du produit distribué par les société DORC, qui mettait en œuvre les enseignements du brevet.

Enfin, les demandeurs contestent toute faute dans la formulation de leurs demandes qui n’étaient selon eux ni excessives, ni contestables et dont la teneur était conforme aux textes applicables. En tout état de cause, il n’en résulte selon eux aucun préjudice pour les défenderesses. Les sociétés DORC et Monsieur M invoquent le caractère excessif des demandes d’indemnisation. A ce titre, ils font valoir que la décision du distributeur de la société ARCADOPHTA d’interrompre la commercialisation du produit en 2010 et 2011 ne saurait lui être imputée et que les pertes alléguées pour les années 2012 à 2015,

qui sont au demeurant hypothétiques, sont le résultat de la décision unilatérale du distributeur. Ils contestent tout préjudice d’image en lien avec la publication d’un article antérieur à l’action en contrefaçon, rédigé en anglais, qui est paru en septembre 2009 dans une revue irlandaise, ce qui rend irrecevable toute demande formée à ce titre. En tout état de cause, ils estiment que les termes purement factuels repris dans cette unique parution ne sont pas fautifs. Les demandeurs s’opposent à toute indemnisation des frais irrépétibles relatifs à l’intervention de la société ARCADOPHTA dans la procédure d’opposition et des frais internes de cette entreprise. S’agissant des frais d’avocat pour la présente instance, ils rappellent que seules des conclusions de sursis à statuer ont été prises, qui ne nécessitaient pas des conclusions sur l’ensemble du litige. Dans ses conclusions de reprises d’instance du 28 décembre 2011 la société ARCADOPHTA demande au tribunal, vu la décision de la Chambre de Recours de l’Office Européen des Brevets du 27 janvier 2011, de: Débouter Monsieur M et les sociétés DORC DUTCH OPHTHALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) B. V et DORC FRANCE des fins de leurs demandes principales; Statuant sur la demande reconventionnelle de la SARL ARCADOHPTA : Dire et juger que la procédure engagée par Monsieur M et les sociétés DORC DUTCH OPHTHALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) B. V et DORC FRANCE relève d’un comportement fautif et lui a causé un dommage ; Condamner en conséquence, après ou sans expertise, in solidum Monsieur M et les sociétés DORC DUTCH OPHTHALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) B. V et DORC France à payer à la SARL ARCADOHPTA les sommes de 460 770,01 € TTC et 75 000,00 € à titre de dommages et intérêts. Si une expertise est ordonnée, les condamner d’ores et déjà in solidum à payer à la SARL ARCADOPHTA la somme de 75 000,00 € en réparation de son préjudice immatériel et une provision de 100 000,00 € à valoir sur son préjudice matériel. Condamner Monsieur M et les sociétés DORC DUTCH OPHTHALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) B. V et DORC FRANCE sous la même solidarité à payer à la SARL ARCADOPHTA la somme de 89 784,26 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner sous la même solidarité à payer les entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Maître Laurent P, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société ARCADOPHTA reproche tout d’abord aux demandeurs un abus du droit d’agir sur le fondement du brevet européen, aux motifs que l’annulation du titre était attendue à la même période que l’assignation et que manifestement aucune contrefaçon n’était caractérisée, ce qui démontre que le seul but de la procédure était de déstabiliser la société ARCADOPHTA et d’en capter le savoir-faire stratégique, commercial et technique. La société ARCADOPHTA dénonce également un abus dans les conditions d’exercice de la procédure de saisie puisque selon elle, la mesure aurait permis aux demandeurs d’accéder de façon abusive et anormale à des informations confidentielles. Certes, ces données confidentielles ont été exclues du procès-verbal d’huissier suite à la négociation menée entre les parties, mais la société ARCADOPHTA reproche aux demandeurs de n’avoir jamais justifié de leur destruction. Enfin la défenderesse dénonce un abus dans l’excès des demandes formulées par les demandeurs – droit à l’information et exécution provisoire
- qui auraient pour seul but de déstabiliser commercialement et financièrement la société ARCADOPHTA. La défenderesse principale invoque un préjudice économique résultant d’un très important manque à gagner compte tenu de la marge brute sur les ventes manquées en produit MONOBLUE 0,55%, du fait de la renonciation par ses licenciées à répondre à plusieurs appels d’offres de marchés publics et de la perte de marchés publics négociés en 2010 et 2011. La société ARCADOPHTA fait valoir qu’il a été porté atteinte à son image, un préjudice qui se caractériserait par le fait qu’elle a été désignée par un article de presse irlandaise comme la responsable d’une commercialisation illicite. Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 juillet 2012 la société PHYSIOL FRANCE prie le tribunal de: Prendre acte de la demande de désistement d’instance formée par les demandeurs, Dire que la société PHYSIOL FRANCE ne s’oppose pas à cette demande de désistement, que le tribunal pourra considérer comme parfait, Condamner les demandeurs à verser la somme de 20.000 € à la société PHYSIOL FRANCE au titre de ses frais irrépétibles, outre les entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP SOULIE & COSTE- FLORET, avocat aux offres de droit. Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 août 2012 la société PHYSIOL sollicite du tribunal de : Prendre acte de la demande de désistement formée par les demandeurs et du fait que la société PHYSIOL ne s’y oppose pas.

Condamner in solidum les sociétés DORC, DORC FRANCE et Monsieur M à verser la somme de 10.000 euros à la société PHYSIOL en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner in solidum les sociétés DORC, DORC FRANCE et Monsieur M en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Laure P, avocat aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 6 novembre 2012. EXPOSE DES MOTIFS Par conclusions d’incident signifiées le 2 novembre 2012, Monsieur M et les sociétés DORC réclament le rejet des écritures de la société ARCADOPHTA signifiées le 31 octobre 2012 alors que celle-ci avait une date relais au 12 juillet 2012 et qu’elle avait sollicité un délai jusqu’au 30 septembre 2012. Cependant, aucune conclusion de la société ARCADOPHTA n’a été communiquée au tribunal dans le dossier 12/0006, lequel n’est donc saisi que des demandes de reprise d’instance en date du 28 décembre 2011. Sur le désistement d’instance Aux termes de l’article 385 du code de procédure civile, "l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. Dans ces cas, la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs". En vertu de l’article 395 du code de procédure civile, le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, sauf si ce dernier n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non recevoir et l’article 396 du même code prévoit que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime. En l’espèce, Monsieur M et les sociétés DORC DUTCH OPHTALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) B.V. se sont désistés de leurs demandes en contrefaçon après rétablissement de la procédure par la société ARCADOPHTA. Ce désistement a été accepté par les sociétés PHYSIOL et PHYSIOL FRANCE. La société ARCADOPHTA n’a pas accepté le désistement d’instance, intervenu postérieurement à ses conclusions de reprise d’instance mais a conclu au débouté des demandes principales et

n’invoque aucun motif légitime susceptible de faire obstacle au désistement, qui fait suite à la révocation du brevet européen intervenue le 27 janvier 2011. Il y a donc lieu de déclarer le désistement parfait.

Sur les demandes reconventionnelles En vertu de l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

— sur la procédure abusive L’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d’erreur grossière équipollente au dol. La société ARCADOPHTA considère que les demandeurs ont agi avec précipitation dans le but d’entraver [activité commerciale de leur concurrent, alors que selon elle, la révocation du brevet était inévitable. Cependant, à la date de l’assignation le 21 janvier 2010, le brevet EP 1075285 était délivré depuis le 12 mars 2003, les faits argués de contrefaçon avaient débuté en 2005 et Monsieur M avait informé la société ARCADOPHTA en janvier 2006 de ce qu’il considérait que son produit contrefaisait son brevet. Aucune précipitation n’est donc établie cl les demandeurs, qui ont fait le choix d’introduire une action en contrefaçon en janvier 2010 pour protéger leur monopole alors que le brevet européen n’a été révoqué que le 27 janvier 2011 soit un an plus tard, n’ont commis aucune légèreté blâmable. Enfin, compte tenu de la validation du titre par la Division d’opposition antérieurement à la délivrance de l’assignation. Monsieur M et ses licenciées ont pu légitimement se méprendre sur la validité de leur titre, qui bénéficiait d’une présomption en ce sens, compte tenu de sa délivrance par l’OEB. S’agissant des opérations de saisies-contrefaçon, la défenderesse reproche au titulaire du brevet d’avoir pu accéder à ses informations confidentielles et précieuses, sur le fondement d’un titre manifestement nul et en arguant d’une contrefaçon inexistante. Le tribunal constate, comme le relèvent d’ailleurs les demandeurs, que le juge de la rétractation n’a pas été saisi alors que l’appréciation des circonstances ayant conduit à l’autorisation de la saisie relève de la compétence exclusive du juge ayant rendu la requête en vertu de l’article 497 du code de procédure civile.

Par conséquent, la société ARCADOPHTA, qui n’allègue ni ne n’établit aucune manœuvre déloyale de Monsieur M pour obtenir ladite autorisation ne démontre pas que la société ARCADOPHTA a accédé de façon abusive et anormale à ses documents internes alors qu’elle y a été dûment autorisée et que les parties sont parvenues à un accord sur les règles de confidentialité des pièces saisies. Enfin, l’absence de justification de la destruction des documents saisis ne constitue pas une faute, dès lors qu’il n’est pas allégué que l’accord convenu entre les parties prévoyait une telle modalité, qu’en outre, aucune demande de rétractation n’a été formée à ce jour et qu’enfin, aucune divulgation n’est alléguée.

En conséquence, la défenderesse ne rapporte pas la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part des demandeurs, qui ont pu légitimement se méprendre sur l’étendue de leurs droits à son encontre sur la matérialité de la contrefaçon et le quantum de leur préjudice. Aucune faute des demandeurs n’est donc établie. La société ARCADOPHTA n’établit pas plus l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés, qui sera indemnisé sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera donc déboutée de sa demande à ce titre. A titre surabondant, le tribunal relève que les ventes manquées dont excipe la société ARCADOPHTA résultent directement et uniquement de la décision de son distributeur d’interrompre la commercialisation du produit « Monoblue 0.055% ». Or, il appartient à chaque acteur du marché d’évaluer les risques commerciaux engendrés par la commercialisation d’un produit argué de contrefaçon et la société PHYSIOL, qui a fait le choix en 2004 de commercialiser un produit pouvant entrer dans le champ du brevet M, ainsi que cela ressort clairement du mail de Monsieur REBOUL du 17 juillet 2003, ne peut imputer au titulaire du brevet la réticence de son distributeur à poursuivre la commercialisation une fois l’action en contrefaçon engagée.

- sur l’atteinte à l’image de la société ARCADOPHTA La société ARCADOPHTA prétend que la parution d’un article dans le journal spécialisé Eurotimes du mois de septembre 2009 relatif au congrès des ESCRS, médecins spécialistes de la cataracte, constitue une faute de Monsieur M et des sociétés DORC à l’origine d’un préjudice d’image. Pourtant, cet article se contente de préciser l’avancement à la date du mois de septembre 2009 de la procédure en cours devant la chambre des recours sur l’opposition au brevet de Monsieur M, en

particulier le sursis à statuer, d’indiquer que dans l’attente de la décision de l’OEB, le brevet reste entièrement valide, et que la société DORC est seule légalement autorisée à l’exploiter. Ce rappel factuel et objectif n’est pas fautif et en tout état de cause, le tribunal constate que le journal Eurotimes est une parution irlandaise, rédigée en anglais. Certes, les clients de chacune des parties sont des professionnels de l’ophtalmologie, qui lisent et .comprennent l’anglais, mais aucun élément ne permet d’établir que ce journal étranger ait été accessible en France ou à destination du public français. En conséquence, aucune des conditions d’application de l’article 1382 du code civil n’est réunie et la société ARCADOPHTA doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et les frais de procédure Aux termes de l’article 399 du code de procédure civile, le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte. A défaut de meilleur accord entre les parties, il y a lieu de mettre à la charge in solidum de Monsieur M et des sociétés DORC et DORC France les dépens de la présente instance, qui pourront être directement recouvrés par Maître Laure P pour la société de droit belge PHYSIOL, la SCP SOULIE & COSTE-FLORET pour la société PHYSIOL FRANCE et Maître Laurent P pour la société ARCADOPHTA. La société ARCADOPHTA sollicite l’indemnisation de l’ensemble des frais qu’elle a exposés dans le cadre de la présente instance et dans le cadre de la procédure d’opposition à laquelle elle s’est jointe. Cependant, l’article 700 du code de procédure civile dispose que « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ». Les frais irrépétibles sont donc exclusivement ceux qui concernent la procédure dont le tribunal est saisi, à l’exclusion de toute autre procédure judiciaire ou, comme en l’espèce, administrative. Ceci étant, il convient de tenir compte des circonstances de la procédure pour évaluer l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile aux défenderesses.

A ce titre, le tribunal relève que la procédure a été intentée alors que le brevet litigieux faisait l’objet d’une procédure d’opposition et qu’il était dans le cadre de cette procédure particulièrement contesté. En outre, la décision de la chambre des recours était initialement attendue en janvier 2010, mois de l’assignation en contrefaçon, ce qui a obligé les défenderesses à étudier juridiquement le brevet, ses antériorités et la meilleure stratégie de défense dès lors qu’elle avait une option entre former une demande reconventionnelle en nullité de la partie française 'du brevet ou intervenir dans la procédure d’opposition sachant que le produit argué de contrefaçon était distribué dans différents pays européens. Au regard de ces éléments, l’action en contrefaçon a obligé la défenderesse à procéder à une étude du brevet, donc à exposer des frais de conseil en propriété intellectuelle et la demanderesse est donc mal fondée à faire valoir que seuls les honoraires de son avocat en vue de la rédaction de conclusions aux fins de sursis à statuer doivent être indemnisés. La défenderesse produit une attestation de son expert comptable qui ne distingue aucunement la nature et la période des frais qui s’élèvent à 42 685 euros H.T. Compte tenu de ces éléments, il sera donc alloué à la société ARCADOPHTA la somme de 40 000 euros.

Monsieur M et les sociétés DORC et DORC France, tenus aux dépens, devront lui payer cette somme in solidum. La société ARCADOPHTA sollicite encore l’indemnisation à hauteur de 38 703,00 euros au litre des heures passées par son dirigeant, directeur technique, sur le dossier. Cependant, en dehors d’une copie de l’emploi du temps et d’une attestation de ce dernier, qui ne sont corroborées par aucun élément objectif alors que nul ne peut se ménager de preuve à soi-même, le préjudice allégué n’est pas établi et il convient en conséquence de la débouler de sa demande. Il y a lieu de condamner les demandeurs in solidum à payer à la société de droit belge PHYSIOL et à la société PHYSIOL FRANCE la somme de 5 000 euros hors taxes à chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Compte tenu de la nature de la présente décision et de l’ancienneté de la procédure, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire pour assurer le paiement sans délai des frais de procédure supportés depuis l’introduction de la demande le 21 janvier 2010 parles défendeurs.

PAR CES MOTIFS.

LE TRIBUNAL,

par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, CONSTATE que le tribunal n’est saisi que des conclusions signifiées le 5 juin 2012 par Monsieur M et les sociétés DORC ; DECLARE parfait le désistement d’instance de Monsieur M, de la société de droit néerlandais DORC DUTCH OPHTALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) et de la société DORC FRANCE à l’égard des sociétés ARCADOPHTA, PHYSIOL et PHYSIOL FRANCE ; DEBOUTE la société ARCADOPIITA de ses demandes reconventionnelles en procédure abusive ; CONDAMNE in solidum Monsieur M et les sociétés DORC DUTCH OPHTALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) et DORC France aux entiers dépens de la présente instance, qui pourront être directement recouvrés par Maître Laure P pour la société de droit belge PHYSIOL. par la SCP SOULIE & COSTE-FLORET pour la société PHYSIOL FRANCE et par Maître Laurent P pour la société ARCADOPHTA ; CONDAMNE In solidum Monsieur M et les sociétés DORC DUTCH OPHTALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) et DORC France à payer à la société ARCADOPHTA la somme de 40 0000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE in solidum Monsieur MELLES cl les sociétés DORC DUTCHOPHTALMIC RESEARCH CENTER (INTERNATIONAL) et DORC France à payer à la société de droit belge PHYSIOL et à la société PHYSIOL FRANCE la somme de 5 000 euros hors taxes à chacune en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;

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