Tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre presse - civile, 21 octobre 2015, n° 14/18029

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 17e ch. presse - civ., 21 oct. 2015, n° 14/18029
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/18029

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

MINUTE N°:

17e Ch. Presse-civile

N° RG :

14/18029

MM

Assignation du :

10 décembre 2014

(footnote: 1)

République française

Au nom du Peuple français

JUGEMENT

rendu le 21 octobre 2015

DEMANDERESSE

A B

[…]

[…]

représentée par Me Dorothée BARTHELEMY, avocat postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0126 et par Me Arnaud DIMEGLIO, avocat plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER.

DÉFENDEURS

Société BPF (SARL)

[…]

[…]

Y Z

[…]

[…]

et

[…]

1220150 PATTAYA

Thaïlande

représentés par Me Etienne DESHOULIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1654

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Magistrats ayant participé au délibéré :

Marie MONGIN, vice-président

Président de la formation

Marie-Hélène MASSERON, vice-président

Thomas RONDEAU, vice-président

Assesseurs

Greffier : Viviane RABEYRIN aux débats et à la mise à disposition

DÉBATS

A l’audience du 31 août 2015 tenue publiquement devant Marie MONGIN et Marie-Hélène MASSERON qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience et en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Mis à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

Vu les dernières conclusions en date du 30 juin 2015 et l’assignation qu’A B a fait délivrer par acte en date du 10 décembre 2014 à la société BPF et à Y Z, par lesquelles, au visa des articles 3, 6, 7, 8, 32, 38, 40 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, 226-18, 226-18-1, 226-19, 226-22-1, 312-10, 312-12, 441-1, R. 625-10 du Code pénal et 6 et 1382 du Code civil, elle demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de :

— Débouter la société BPF et Y Z de leurs demandes de rejet de ses pièces n°3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 16 et 17,

— Juger que la numérisation, la diffusion sur Internet, notamment sur le site http://www.mstx.com, et la conservation en mémoire informatisée de ses données à caractère personnel, sexuel, racial et ethnique, sont constitutives d’un traitement automatisé de ses données,

— Juger que la société BPF SARL et Y Z ne justifient d’aucune information préalable, consentement exprès, et spécifique, d’A B au traitement automatisé de ses données à caractère personnel, sexuel, racial et ethnique,

— Condamner par conséquent la société BPF et Y Z en raison du traitement automatisé illicite qu’ils ont effectué de ses données,

— Juger qu’est fondée sur un motif légitime, son opposition au traitement automatisé de ses données personnelles, sexuelles, raciales et ethniques, par la société BPF SARL et Y Z,

— Condamner la société BPF SARL et Y Z du fait du traitement automatisé des données d’A B, et ce, malgré son opposition légitime,

— Condamner la société BPF SARL et Y Z pour chantage, en raison de la menace exercée sur A B, de diffuser la vidéo à caractère pornographique la représentant, à défaut de paiement d’une contrepartie financière,

— Condamner la société BPF SARL et Y Z pour menace exercée à l’encontre d’A B, de transférer sa vidéo aux Etats-Unis,

— Condamner la société BPF SARL et Y Z pour faux et usage de faux, du fait de la confection et de la production du contrat « Autorisation du modèle » falsifié par l’adjonction de la mention « BDC Sarl », puis de la suppression de la mention « MST Productions», à laquelle a été substituée la mention «BDC Sarl»,

En conséquence,

— Enjoindre à la société BPF SARL et à Y Z de cesser toute utilisation, diffusion, conservation et traitement automatisé des données personnelles, sexuelles, raciales et ethniques, de A B, et d’en justifier, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir,

— Enjoindre à la société BPF SARL et à Y Z de détruire la vidéo et les images à caractère pornographique d’A B, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir,

— Constater qu’A B subit de nombreux préjudices du fait des agissements de la société BPF SARL et de Y Z,

— Condamner in solidum la société BPF SARL, et Y Z à payer à A B les sommes de :

—  50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice relatif à la numérisation, la diffusion sur Internet, et la conservation en mémoire informatisée de ses données personnelles, sexuelles, ethniques et raciales, en l’absence de son information, et consentement exprès préalable,

—  20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice relatif au non-respect de son opposition, et de sa demande de suppression légitime,

—  10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du chantage exercé à son encontre,

—  10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice relatif à la menace de transférer la vidéo aux Etats Unis,

—  10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice relatif au faux et l’usage de faux,

— Condamner la société BPF SARL, et Y Z in solidum à payer à A B la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les écritures en réponse signifiées par voie électronique le 26 juin 2015 pour Y Z et la société BPF par lesquelles ils demandent au tribunal de :

— Juger que les pièces adverses n°3, 4, 5-1, 5-2, 6, 7, 9, 10, 16 et 17 sont dénuées de force probante et les écarter des débats,

— Juger que les défendeurs ont obtenu l’autorisation d’A B pour diffuser la vidéo litigieuse et qu’aucun traitement de données à caractère personnel relatif à A B n’a été mis en œuvre par les défendeurs,

— Juger que les défendeurs n’ont commis aucun chantage à l’égard de la demanderesse,

— Juger que les défendeurs n’ont commis aucune menace à l’égard de la demanderesse,

— Juger que les défendeurs n’ont commis aucun faux et usage de faux,

En conséquence :

— Ecarter des débats les pièces adverses n°3, 4, 5-1, 5-2, 6, 7, 9, 10, 16 et 17,

— Débouter A B de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— Condamner A B à verser à Y Z et à la SARL BPF la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 1er juillet 2015 ;

MOTIFS

Attendu qu’A B expose être née en Mongolie en 1975, qu’arrivée à Paris en 1999 où n’ayant pas de moyen de subsistance elle a accepté de participer au tournage d’une vidéo à caractère pornographique alors qu’elle était âgée de 25 ans ; qu’aujourd’hui elle est mariée, mère de deux enfants et exerce le métier d’interprète ;

Que la demanderesse indique avoir découvert en 2008 que des photos et vidéo étaient diffusées, sans son consentement, sur Facebook et hi5 ; que son mari a, le 10 avril 2008, adressé plusieurs courriels à l’adresse bdc@mstxvideo.com et a reçu une réponse positive d’un certain X ;

Qu’en 2014 elle s’est aperçue que la vidéo était diffusée sur le site internet mstx.com ; que sur l’intervention d’une société de protection de la réputation sur internet, la société IPROTEGO, ce prénommé X déclarait qu’il rechercherait le contrat signé par la demanderesse et sollicitait une somme de 700 euros pour un « rachat définitif », puis indiquait qu’à défaut de réponse rapide le prix serait de 1 000 euros ; que la copie d’un contrat, partiellement masquée, était adressée par X à son interlocuteur par courriel du 12 mai 2014 à qui il faisait savoir que le prix était de «1 300 euros ou je remettrai la vidéo en ligne» (pièces n°4) ;

Que la demanderesse indique avoir fait intervenir ensuite son avocat qui a sollicité la transmission du contrat sans les masques qui affectaient sa lisibilité, que dans le cadre de l’échange avec cet avocat le dénommé X invoquait la possibilité d’inclure cette vidéo dans la cession de son catalogue « à une grosse société américaine » et proposait un accord amiable pour éviter cette cession ;

Que la demanderesse a fait dresser un constat d’huissier le 20 novembre 2014, à partir du site internet www.archive.org, faisant état de la présence, sur le site www.mstx.com en 2013 et 2014, de la vidéo au prénom de la demanderesse « A », dans la rubrique « asiatique » précisant son âge, sa nationalité mongole, ses pratiques sexuelles et son lieu de résidence à Paris dans le 16e arrondissement ;

Attendu que Jaques Z se présente dans ses écritures comme réalisateur de film à caractère pornographique depuis 1991, ayant «construit sa renommée sur internet en diffusant des film de « porno-réalité »» ; qu’il a fondé la société BDC (productrice de film X) en juillet 1994 et en a exercé, en alternance avec D E, la gérance (pièce n°13 en demande) jusqu’à sa cessation d’activité le 31 juillet 2006 (pièce n°1c en défense) ; qu’il a également fondé la société BFP le 20 décembre 2005, dont il est le gérant, société qui a acquis, suivant « contrat d’exploitation » en date du 2 décembre 2005, « l’ensemble du catalogue » de la société BDC, comprenant la vidéo représentant A B ; que les défendeurs affirment que «BPF SARL n’a cependant jamais diffusé les prises de vues d’A B» ;

Sur la demande de rejet des débats des pièces n°3, 4, 5-1, 5-2, 6, 7, 9, 10, 16 et 17 produites en demande et la contestation par Y Z d’être l’auteur des courriels litigieux

Attendu que les défendeurs contestent la réalité des échanges par courriel, y compris les pièces jointes, (pièces n°3, 4, 6, 7, 9, 10, 16 et 17), entre le prénommé X -qui ne serait pas Y Z – et les personnes étant intervenues au nom la demanderesse – son mari, son avocat et la société IPROTEGO, qu’ils contestent également avoir communiqué, dans le cadre de ces échanges, diverses versions du contrat signé par A B, portant la date du 19 janvier 2000, et produisent celui qu’ils affirment être l’original ; qu’ils demandent que ces pièces soient rejetés des débats ; qu’ils formulent la même demande s’agissant du procès-verbal de constat dressé par l’huissier de justice le 20 novembre 2014 (pièces n° 5-1 et 5-2) au motif que l’avocat d’A B était présent lors de la réalisation de ce constat ;

Attendu que ces argumentations et prétentions en défense ne peuvent être accueillies ; qu’en effet, il n’existe aucune incohérence dans les courriels versées aux débats par la demanderesse, que rien ne permet de supposer que ces courriels auraient été falsifiés, la différence de présentation entre les impressions de ces échanges et les copies d’écran ne présentant aucun caractère suspect ; que les défendeurs n’allèguent aucun piratage de leur boîte mail, se bornant à envisager une situation purement hypothétique qui n’est étayée par aucun élément ; qu’en outre, la présence de l’avocat de la demanderesse lors des constatations réalisées par l’huissier de justice ayant dressé le procès-verbal produit aux débats n’est pas de nature à affecter la validité de cet acte ;

Que la demande de rejet des débats dites pièces produites par la demanderesse ne sera pas accueillie, leur force probante étant appréciée par le tribunal conformément aux dispositions des articles 1347, 1348 et 1353 du Code civil ;

Que, s’agissant de la contestation effectuée par Jaques Z d’être l’auteur des courriels signés X ou X SLETTER, échangés avec les représentants de la demanderesse, il doit être relevé :

— que le titulaire du nom de domaine de MSTX.COM est Y Z, dont l’adresse mail déclarée à ce titre est : X.chaussconfort@gmail.com, ainsi que cela résulte du document n°7 annexé au constat d’huissier dressé à la requête d’A B,

— que sur les mentions légales du site MSTX, il est indiqué que le site appartient à la société BPF, a été créé par X F, lequel est désigné comme «responsable de la publication»

— que, comme le souligne à juste titre la demanderesse, le cliché photographique (pièce n°19 en demande) représentant X F-MST, démontre une incontestable ressemblance de cette personne avec Y Z tel que la photo de son passeport le représente (pièce n° des défendeurs),

— qu’en outre, alors que l’assignation introductive de la présente instance a été délivrée à Jaques Z à l’adresse indiquée sur le Kbis de la société BPF dont il est le gérant, soit à Paris, […], il a dans la constitution de son avocat à la présente instance, déclaré une autre adresse en Thaïlande : «[…] 1220150 PATTAYA (Thaïlande)» qui est celle qui figure comme étant celle de X SLETTER et du siège de la société TREYBERLINK co ltd dans un contrat qualifié de «cession de droits d’auteur et de droits audiovisuels» conclu avec la société BCD MST productions, au mois de juillet 2007, adressé le 7 juin 2014 au conseil de la demanderesse (pièce n°9 en demande),

— qu’il doit également être relevé les différences orthographiques parfois dans un même courriel, du nom utilisé : F, Sletter, (pièce n°9 précitée)

— qu’enfin, dans son premier courriel au nom de X F adressé au mari de la demanderesse le 11 avril 2008, son auteur affirmait avoir produit la vidéo sur laquelle figure A B, que dans un courriel adressé, le 29 mai 2014, à l’avocat de la demanderesse depuis l’adresse jacquessparow2012@gmail.com (Pièce n°17 en demande) et signé de X, son auteur précisait « MST Productions est ma structure de production » (souligné par le tribunal), que ces affirmations doivent être mises en regard de la circonstance que le contrat qui est produit en défense (pièce n°2a ) pour établir le consentement d’A B porte la signature de Jaques Z ainsi que cela résulte de sa comparaison avec celle figurant sur le passeport de ce dernier (pièce n°1a des défendeurs) ;

Attendu, par suite, que sera rejetée la contestation élevée par Y Z quant à sa qualité de rédacteur de ces courriels, contestation qui n’est appuyée sur aucun élément, ni même aucun commencement d’explication, susceptible de la rendre vraisemblable et qui est démentie par l’ensemble des circonstances concordantes, ci-dessus rappelées, de sorte qu’il doit être considéré que, contrairement à ce qu’il affirme, Y Z, est bien l’auteur des courriels produits au débats par la demanderesse dans ses pièces n°3, 4, 6, 7, 9, 10, 16 et 17 ;

Sur les violations alléguées des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978

Attendu au fond, que la demanderesse se plaint du traitement automatisé de ses données personnelles, y compris celles ayant un caractère sexuel, ethnique et racial au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 et qui trouve application «aux traitements automatisé de données à caractère personnel», ainsi définis par l’article 2 de ladite loi : « constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction » ; que la demanderesse estime que ce traitement automatisé de ses données personnelles résulte, d’une part, de la diffusion, impliquant la numérisation, sur le site internet mstx.com, de la vidéo la représentant, et la précision de son prénom, sa nationalité, son lieu de résidence et ses pratiques sexuelles, et, d’autre part, des diverses cessions de cette vidéo et de ces données personnelles ainsi que des courriels de Y Z manifestant son intention de céder ces données, spécialement aux Etats-Unis, alors qu’elle n’a donné aucun consentement à un tel traitement ;

Attendu, en premier lieu, que les défendeurs ne peuvent utilement contester la diffusion de cette vidéo sur les réseaux sociaux et sur le site internet www.mstx.com, diffusions dont la réalité résulte du constat d’huissier réalisé à partir du site www.archive.org, corroboré par les termes des courriels qui ont été adressés par Y Z aux représentant de la demanderesse ; que d’ailleurs les défendeurs reconnaissent que la société BDC a cédé, par contrat du 2 décembre 2005, l’ensemble de son catalogue à la société BPF ; qu’il résulte du constat d’huissier précité que la demanderesse, désignée par son prénom, est parfaitement identifiable sur les images de cette vidéo ; qu’en outre, le traitement automatisé des données de la demanderesse, au sens de l’article 2 de la loi précitée, résulte à l’évidence de leur diffusion sur les réseaux sociaux et sur le site internet www.mstx.com, comme des cessions entre les différentes sociétés de Y Z, ainsi que des courriels adressés aux personnes agissant pour le compte de la demanderesse, par Y Z, faisant état de son intention de revendre ces données, notamment à une société américaine ;

Que c’est également vainement que les défendeurs se prévalent de l’autorisation qui leur aurait été donnée par A B, par la signature qu’elle a apposée au bas du document intitulé «Autorisation du modèle (Décharge de responsabilité)», portant la date du 19 janvier 2000 ;

Qu’il doit être précisé que ce document a été communiqué une première fois par Y Z, depuis l’adresse : jaquessparow2012@gmail.com, à l’agence IPROTEGO le 14 mai 2014, dépourvu de signature du cocontractant, «La production», mais identifiant ce cocontractant comme étant : «MST PRODUCTIONS 99 rue de Sèvres […]» ; qu’ensuite, depuis la même adresse mail, Y Z, sous son pseudonyme X SLETTER, envoyait à l’avocat de la demanderesse – lequel lui avait fait observer que MST Productions n’avait pas de personnalité juridique et que la société BPF exploitant le site mstx.com avait été créée en 2005 -, le même contrat, signé par «La production» d’une signature similaire à celle figurant sur le passeport de Jaques Z et précisant, s’agissant de l’identité du cocontractant : «BDC Sarl» ; qu’enfin, dans la troisième version de ce contrat, produite aux débats par les défendeurs, seule « BDC Sarl » est mentionnée comme cocontractant, l’adresse : «99 rue de Sèvres 75006 Paris» restant inchangée sur ces trois versions du contrat qui portent toutes, également dans sa partie supérieure droite, la mention manuscrite « 320 », les deux signatures de la demanderesse étant également inchangées ;

Qu’aux termes de ce document, la demanderesse autorisait : «le(s) producteur(s) ainsi que toute personne en possession de la présente décharge à utiliser les prises de vue, photos ainsi que les interviews et autres supports d’exploitation commerciale prises sur ma personne en mon accord pour les diffusions, publications, duplications, exploitations et autres formes commerciales connues et inconnues à ce jour y compris télévisuelles hertzienne, satellites ou câblées codées ou non telle Canal+ et ce pour une durée de 99 ans», déchargeait les «utilisateurs et propriétaires de oeuvres » de toute responsabilité et renonçait à « porter plainte ou réclamation » à leur encontre ;

Que ce document prévoyait le versement à A B d’une somme de 300 francs, ce mot étant biffé sur les trois versions du document produites aux débats pour être remplacé par le symbole de l’euro : “” ;

Attendu que cette « autorisation de modèle » qui ne fait aucune référence au traitement automatisé des données personnelles de la demanderesse, ne saurait caractériser ni l’information ni le consentement de la demanderesse exigés par les dispositions des articles 6 et 7 de la loi du 6 janvier 1978 ; que c’est donc surabondamment qu’il sera observé, comme le soutient justement la demanderesse, qu’est, en principe, prohibée la collecte des références à l’origine raciale ou ethnique ainsi qu’à la vie sexuelle ;

Attendu, en conséquence, que le non respect des dispositions de la loi précitée est en l’espèce caractérisé faute pour les défendeurs d’avoir informé A B et recueilli son autorisation ;

Qu’il en va de même du refus opposé par les défendeurs d’effacer les données personnelles de la demanderesse, ainsi qu’elle l’a légitimement sollicité en 2008 et en 2014 par le biais de son conseil (pièce n°3, 4 et 7 en demande) ; que c’est à juste titre que la demanderesse considère que ce refus de supprimer ses donnés personnelles caractérise le délit prévu et réprimé par l’article 226-18-1 du Code pénal, aux termes duquel : « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne, lorsque ce traitement répond à des fins de prospection, notamment commerciale, ou lorsque cette opposition est fondée sur des motifs légitimes, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende » ;

Que compte tenu du caractère intrinsèquement illicite du traitement des données de nature raciale et sexuelle, du caractère, à l’évidence, abusif du contrat qui a été fait signer à la demanderesse tendant à décharger son cocontractant de toute responsabilité pour une durée de 99 ans, de l’identification qui a été rendue certaine par la diffusion publique de ses données personnelles et du transfert de ces donnés, son préjudice, résultant du non respect des dispositions impératives de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 quant au traitement automatisé de ses données personnelles sans son autorisation, sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 15 000 euros ;

Que le préjudice résultant du refus, réitéré, de supprimer ses données personnelles sera quant à lui réparé par des dommages-intérêts d’un montant de 15 000 euros ;

Qu’il sera, en outre, fait droit à sa demande tendant à la destruction, sous astreinte dans les conditions précisées dans le dispositif, des images et données personnelles d’A B ;

Sur les autres demandes d’A B

Attendu qu’A B fait également valoir que les défendeurs se seraient rendus coupables de chantage en menaçant de diffuser la vidéo litigieuse à défaut de versement d’une contrepartie financière, de menace de commette un délit avec ordre de remplir une condition, en prétendant que cette vidéo pourrait être vendue aux Etats-Unis, et, enfin, de faux et usage de faux en ajoutant au document intitulé «autorisation du modèle» la mention «BDC Sarl», puis en supprimant la mention «MST Productions» ;

Que, s’agissant des faits que la demanderesse qualifie de chantage, il doit être rappelé que l’article 312-10 du Code pénal dispose que « le chantage est le fait d’obtenir, en menaçant de révéler ou d’imputer des faits de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d’un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d’un bien quelconque» ;

Que la demanderesse considère que les propos suivants écrits par Y Z, sous le pseudonyme de « X », dans ses courriels, en date des 18 avril 2014, adressés à la société IPROTEGO, et 9 et 12 mai 2014, : « si votre cliente ne reponds pas rapidement pour l’achat de la vidéo, la prochaine fois le prix sera plus élevé. 700€ ce n’est même pas le prix coutant. le mois prochain ce sera 1000€ »(pièce n°9), « je peux signer un acte de vente et je n’aurai plus le droit de l’utiliser. j’ai été gentil, mais l’affaire n’est pas close sans dédommagement. une fois que j’aurai passé trop de temps à rechercher son contrat je n’accepterai plus de compromis ». (Pièce n°4) et « elle est de mauvaise foi, bien sur qu’elle a signé une autorisation que nous faisons signer à tous les modèles. elle a été payée aussi et nous avons eu des frais, je ferai disparaitre la vidéo contre le remboursement de 1000€ ». (Pièce n°4), « redigez un acte de cession avec le règlement de 1000€ et on fermera ce dossier définitivement » (Pièce n° 4), caractérisent le délit de chantage en la menaçant de diffuser la vidéo litigieuse si elle ne verse pas une somme d’argent alors que la diffusion de ladite vidéo porte atteinte à son honneur et à sa considération ;

Attendu, cependant, que si la diffusion de cette vidéo est de nature à porter atteinte à la vie privée et au droit à l’image de A B, dès lors que l’autorisation dont se prévalent les défendeurs ne saurait, en toute hypothèse, être valablement donnée pour une durée de 99 ans, elle n’est pas inévitablement contraire à l’honneur ou à la considération dès lors que la morale commune ne réprouve pas nécessairement la participation à des films de nature pornographique, de sorte que les éléments constitutifs du délit de chantage ne sont pas, en l’espèce, réunis ;

Attendu quant au délit de menace de commettre un délit faite avec l’ordre de remplir une condition, que la demanderesse estime caractérisé par le fait d’avoir dans un courriel du 29 mai 2014 indiqué que la vidéo représentant la demanderesse pouvait être cédée à «une grosse société américaine» et que «si nous trouvons un accord financier, je pourrai m’engager à la détruire et ne pas l’inclure dans cette opération» (pièce n°17 de la demanderesse) ; qu’A B fait valoir qu’il s’agit d’une menace, au sens de l’article 222-18 du Code pénal, de commettre le délit prévu par l’article 226-22-1 du Code pénal qui puni de 5 ans d’emprisonnement le fait de transférer des données à caractère personnel faisant l’objet ou destinées à faire l’objet d’un traitement vers un État n’appartenant pas à la Communauté européenne et n’assurant pas un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes, dès lors que, comme le soutient à juste titre A B, les États-Unis ne présentent pas une protection suffisante au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 ;

Qu’ainsi, c’est à bon droit que la demanderesse sollicite la réparation du préjudice que lui a causé la commission de cette infraction, préjudice qui, compte tenu de la gravité des conséquences qu’aurait pu avoir la mise à exécution de cette menace, sera évalué à la somme de 2 000 euros ;

Attendu , enfin, qu’A B sollicite la réparation du préjudice que lui aurait causé la commission du délit de faux et usage de faux prévu et réprimé par l’article 441-1 du Code pénal du fait des diverses versions du contrat signé par elle, portant la date du 19 janvier 2000, versions sur lesquelles à été modifiée l’identité de son cocontractant ;

Qu’à l’évidence il a été porté des modifications sur les différentes versions du contrat litigieux communiquées par les défendeurs, modifications relatives, notamment, à l’identité du cocontractant de la demanderesse : MST Production, MST Production et BDC Sarl, BDC Sarl seule ;

Que les défendeurs estiment que l’ajout de la mention BDC Sarl, n’a pu causer de préjudice à la demanderesse puisqu’il ne s’agit que de la « rectification d’une erreur matérielle », BDC sarl et MST Productions n’étant « qu’une seule et même entité », les défendeurs n’apportant aucune explication qui a motivé la suppression de la mention MST Poductions dans la troisième version qu’ils versent aux débats ;

Qu’en outre, et comme le fait valoir la demanderesse, au regard du traitement de ses données personnelles, « l’identité du responsable du traitement et, le cas échéant de son représentant », est une condition de la liceité du consentement donnée par la personne concernée, dont l’absence est sanctionnée par une contravention de cinquième classe ainsi que le prévoit l’article R 625-10 du Code pénal ; que cette identification est, en effet, un moyen pour la personne concernée d’exercer ses droits de rectification, d’opposition, d’accès et d’interrogation, de sorte que l’absence de cette mention cause nécessairement un préjudice ; que les diverses modifications réalisées sur le contrat litigieux qui ont eu pour objet de tenter de rendre ce contrat conforme à cette exigence, ont fait obstacle à l’exercice par la demanderesse des droits que la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 lui accorde et étaient bien de nature à causer un préjudice à A B, de sorte que les défendeurs ont commis le délit de faux et usage de faux ;

Que le préjudice de la demanderesse, du fait de cette infraction, sera évalué à la somme de 3 000 euros ;

Attendu que les défendeurs seront condamnés in solidum, à verser ces dommages-intérêts à la demanderesse ; qu’en effet, Y Z ne saurait utilement se prévaloir de la personnalité morale de la société BPF, dont il est le gérant, pour contester sa responsabilité civile personnelle ;

Que d’une part, il apparaît du premier contrat qu’à transmis Y Z à la société IPROGO, comme des ses affirmations selon lesquelles il a produit cette vidéo ( courriels du 11 avril 2008 et du 29 mai 2014 ) que ce contrat a été conclu par lui, sous le nom de MST Productions dont il n’est pas contesté que ce nom n’est pas celui d’une quelconque personne morale ; qu’en outre, les deux autres versions, modifiées à la suite des observations formulées par le conseil de la demanderesse, portent la signature de Y Z ;

Que la responsabilité tant de Y Z que de la société BPF dont il est le gérant, sera donc retenue ;

Attendu que ces défendeurs seront condamnés aux dépens, déboutés de leur demande de remboursement des frais irrépétibles et condamnés, en équité, à verser à A B la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Qu’enfin, l’exécution provisoire, que justifient la nature et l’ancienneté des faits, sera ordonnée ;

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe du jugement contradictoire et en premier ressort

- Rejette la demande tendant à ce que les pièces n° 3, 4, 5-1, 5-2, 6, 7, 9, 10, 16 et 17 versées aux débats par la demanderesse en soient écartées,

- Condamne in solidum Y Z et la société BPF à verser à A B la somme de QUINZE MILLE EUROS (15 000 €) en réparation du préjudice causé par la violation des dispositions impératives des règles régissant le traitement de données personnelles,

- Condamne in solidum Y Z et la société BPF à verser à A B la somme de QUINZE MILLE EUROS (15 000 €) en réparation du préjudice causé par le refus qui lui a été opposé de supprimer ses données à caractère personnel de ce traitement automatisé,

- Ordonne à Y Z et à la société BPF de détruire, à ses frais et sous le contrôle d’un huissier de justice, tout fichier contenant des données personnelles de A B, y compris les images,

- Dit que cette destruction doit intervenir et en être justifiée à A B dans les dix jours qui suivront la signification de la présente décision, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

- Réserve à cette chambre du tribunal la liquidation de l’astreinte,

- Condamne in solidum Y Z et la société BPF à verser à A B la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 €) en réparation du préjudice causé par la menace de commettre un délit avec ordre de remplir une condition,

- Condamne in solidum Y Z et la société BPF à verser à A B la somme de TROIS MILLE EUROS (3000 €) en réparation du préjudice causé par les altérations frauduleuses effectuées sur le document signé A B et l’usage qui en a été fait par la communication aux représentant de celle-ci et dans le cadre de la présente procédure,

Condamne in solidum Y Z et la société BPF à verser à A B la somme de SIX MILLE EUROS (6000 €) euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

- Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

- Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

- Condamne in solidum Y Z et la société BPF aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 21 octobre 2015

Le Greffier Le Président

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Tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre presse - civile, 21 octobre 2015, n° 14/18029