Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 5 avril 2018, n° 18/02118

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 5 avr. 2018, n° 18/02118
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 18/02118

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 1re section

N° RG : 18/02118

N° MINUTE :

Assignation du :

07 février 2018

JUGEMENT

rendu le 05 avril 2018

DEMANDERESSE

S.A.S NOVARTIS PHARMA

[…]

[…]

représentée par Maître Thomas CUCHE de la SCP DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0075

DÉFENDERESSE

Société NOVARTIS PHARMA AG société anonyme immatriculée au Registre du Commerce du canton de Bâle-Ville sous le n° CHE-106.052.527, représentée par son Président Directeur Général et son Président du Conseil d’administration, domicilié en cette qualité audit siège

Lichstrasse 35

4056 Bâle

[…]

représentée par Me Estelle MARCHAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0075

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

X Y, Juge

Z A, Vice président

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier

DEBATS

A l’audience du 13 mars 2018

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE :

La SAS NOVARTIS PHARMA, immatriculée le 30 décembre 1996 au RCS de Nanterre, qui fait partie du groupe NOVARTIS, est une entreprise spécialisée dans la fabrication, l’achat et la commercialisation de tous produits ou spécialités pharmaceutiques.

La société de droit suisse NOVARTIS PHARMA AG, est immatriculée le 25 octobre 1989 au registre de commerce du canton de Bâle-Ville.

Elle est titulaire du brevet européen EP 1 096 932, délivré le 29 août 2007 désignant la France, intitulé “combinaison antihypertensive à base de valsartan et d’un bloquant du canal de calcium” et d’un certificat complémentaire de protection (CCP) 07C0042, déposé, sur la base d’une autorisation de mise sur le marché nEU/1/06/370/001-024 du 17 janvier 2007, pour le produit “valsartan et amlopidine, et leurs sels pharmaceutiquement acceptables” à l’INPI le 12 septembre 2007. Ce CPP a été délivré le 30 avril 2008. La mention de la délivrance a été publiée au BOPI du 9 mai 2008.

La société NOVARTIS PHARMA AG est également titulaire du brevet européen EP 2 322 174 délivré le 23 septembre 2015 désignant la France, intitulé “utilisation combinée de valsartan et bloqueurs du canal de calcium à but thérapeutique”. Elle a fait une demande le 7 mars 2016 auprès de l’INPI de CCP 16C0008 pour le produit “valsarian et amlodipine, et leurs sels pharmaceutiques acceptables”, lequel a été délivré le 20 juin 2016, avec mention de la délivrance publiée au BOPI du 24 juin 2016.

La SAS NOVARTIS PHARMA, licenciée de la société NOVARTIS PHARMA AG, commercialise en France les médicaments «EXFORGE 5 mg/80 mg, comprimé pelliculé », « EXFORGE 5 mg/160 mg, comprimé pelliculé» et « EXFORGE 10 mg/160 mg, comprimé pelliculé » comprenant la combinaison de deux substances actives amlodipine et valsartan, destinée au traitement ou la prévention de l’hypertension artérielle, ayant fait l’objet de l’autorisation de mise sur le marché du 17 janvier 2007.

Par décision du 7 octobre 2015, la Chambre des recours de l’Office Européen des Brevets (OEB)a révoqué le brevet européen n° 1 096 932, au titre de l’article 113(2) CBE, sans examen au fond de la brevetabilité, impossible en l’absence d’un texte valable, le titulaire du brevet déclarant qu’il n’est plus d’accord avec le texte dans lequel le brevet a été délivré et ne produisant ni ne retirant de texte modifié.

Le 22 juillet 2016, la SAS TEVA SANTE a formé un recours devant la cour d’appel de Paris contre la décision du 20 juin 2016 de délivrance du CCP 16C0008 au motif que le produit “valsartan et amlopidine” avait déjà fait l’objet d’un CCP antérieur 07C0042 au profit du même titulaire.

Par décision du 26 septembre 2016, le directeur général de l’INPI, considérant qu’au vu d’un nouvel examen du dossier, il apparaissait qu’à la date de délivrance du CCP 16C0008, le produit avait déjà fait l’objet d’un CCP 07C0042, ce qui est contraire à l’article 3c) du Règlement (CE) n469/2009, a décidé de retirer la décision de délivrance du CCP 16C0008 et averti la société NOVARTIS PHARMA AG d’un nouvel examen de sa demande.

Par notification du 4 octobre 2016, la société NOVARTIS PHARMA AG a été avisée par l’INPI que sa demande de CPP 16C0008 était susceptible d’être rejetée.

Par courrier du 3 février 2017, la société NOVARTIS PHARMA AG a contesté devant l’INPI le contenu de la notification, faisant valoir que le CCP 07C0042 délivré sur la base du brevet EP 1 096 932 révoqué se trouvait ipso facto privé de tout support juridique et par conséquent d’existence, ce brevet n’ayant jamais produit effet en France, de sorte qu’il n’existait aucun obstacle, au sens de l’article 3c) du règlement (CE) n469/2009, à la délivrance du CCP 16C0008 basé sur le brevet EP 2 322 174, étant précisé que plusieurs autres offices européens ont déjà considéré que la révocation du brevet EP 1 096 932 entraînait la nullité du CCP correspondant basé sur ce brevet.

Par décision du 17 janvier 2018, le directeur général de l’INPI a indiqué qu’il envisageait de prendre une décision de rejet de la demande de CCP 16C0008, invitant toutefois la société NOVARTIS PHARMA AG à lui adresser, dans un délai de deux mois, tous éléments nouveaux de nature à infléchir sa position.

Autorisée par ordonnance du 29 janvier 2018, la SAS NOVARTIS PHARMA a, par exploit d’huissier du 7 février 2018, fait assigner à jour fixe la société NOVARTIS PHARMA AG devant le tribunal de grande instance de Paris, demandant au tribunal de :

— vu notamment les articles 31 et 788 et suivants du code de procédure civile, les articles 3 et 15 1. c) et 15 2. du Règlement (CE) n469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, les articles L.61327 et L.61517 du code de la propriété intellectuelle, l’article D.2116 du code de l’organisation judiciaire,

— déclarer nul le CCP 07C0042 du fait de la révocation de son brevet de base EP 1 096 932 ;

En conséquence,

— prononcer l’annulation du CCP n07C0042 ;

— dire que la présente décision sera inscrite dans le Registre National des Brevets à l’initiative de la partie la plus diligente ;

— dire et juger que chacune des parties conservera à sa charge ses frais, honoraires et dépens ;

— ordonner l’exécution provisoire.

La société NOVARTIS PHARMA AG a constitué avocat et déposé des conclusions le 12 mars 2018.

Elle demande au tribunal, vu les articles 408 et 417 du code de procédure civile, les articles 3 et 15 1.c) et 15.2 du Règlement (CE) n469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, les articles L. 613-27 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle, l’article D.211-6 du code de l’organisation judiciaire, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

— constater que la société NOVARTIS PHARMA AG acquiesce à la demande d’annulation du CCP 07C0042, formée par la SAS NOVARTIS PHARMA, du fait de la révocation de son brevet de base EP 1 096 932,

— en conséquence,

— prononcer l’annulation du CCP n°07C0042,

— dire que la présente décision sera inscrite dans le Registre National des Brevets à l’initiative de la partie la plus diligente,

— dire et juger que chacune des parties conservera à sa charge ses frais, honoraires et dépens.

Les parties, représentées par leurs avocats, ont été entendues à l’audience des plaidoiries du 13 mars 2018.

Le présent jugement, rendu en premier ressort, est contradictoire.

MOTIFS DU JUGEMENT :

1/ Sur la demande de nullité du CCP :

La SAS NOVARTIS PHARMA fait valoir qu’en application de l’article 68 de la Convention sur le Brevet Européen (CBE), l’annulation d’un brevet est rétroactive et entraîne son anéantissement au jour du dépôt de la demande de brevet ; qu’aussi, en raison de sa révocation, le brevet EP 1 096 932 est réputé n’avoir jamais produit aucun effet depuis l’origine, ce que le directeur général de l’INPI rappelle d’ailleurs dans son projet de décision du 17 janvier 2018 ; que le CCP 07C0042 n’a, par ailleurs, pu produire effet au regard de l’article 13 du Règlement (CE) n469/2009; qu’au regard de l’article 15 1 c) du Règlement susvisé, le certificat est nul si le brevet de base est annulé, cette règle étant également prévue par l’article L.613-28 du code de la propriété intellectuelle ; que, par conséquent, l’annulation rétroactive du brevet de base entraîne également la nullité rétroactive du CCP fondé sur ce brevet ; qu’en l’espèce, le brevet de base EP 1 096 932 a été révoqué, de sorte qu’il est réputé n’avoir jamais produit effet en France, ce qui a pour conséquence certaine la nullité du CCP 07C0042, lequel est réputé n’avoir jamais existé ; que, si le directeur général de l’INPI ne disconvient pas de la nullité du CCP 07C0042, il estime cependant, dans son projet de décision du 17 janvier 2018, que le pouvoir de rendre une décision d’annulation du CCP relève de la compétence exclusive du juge civil, conformément à l’article 15.2 du règlement (CE) 469/2009 et qu’en l’absence de décision judiciaire prononçant l’annulation du CCP 07C0042, le CCP 16C0008 n’est pas conforme à l’article 3 c) du règlement (CE) 469/2009 selon lequel un certificat est délivré si, dans l’Etat membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande, le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat et que, dès lors que le CCP 07C0042 aura fait l’objet de la décision d’annulation sollicitée, l’obstacle à la délivrance du CCP 16C0008 sera levé.

La société NOVARTIS PHARMA AG acquiesçant à la demande d’annulation de la SAS NOVARTIS PHARMA, fait siens les moyens exposés par la demanderesse.

SUR CE :

Aux termes de l’article 15 1. du Règlement (CE) n469/2009 du 6 mai 2009 du Parlement européen et du Conseil concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments :

“ Le certificat est nul :

a) s’il a été délivré contrairement aux dispositions de l’article 3 ;

b) si le brevet de base s’est éteint avant l’expiration de sa durée légale ;

c) si le brevet de base est annulé ou limité de telle sorte que le produit pour lequel le certificat a été délivré n’est plus protégé par les revendications du brevet de base ou si, après l’extinction du brevet de base, il existe des motifs de nullité qui auraient justifié l’annulation ou la limitation.”

Par ailleurs, l’article L.613-28 du code de la propriété intellectuelle prévoit, en son premier alinéa, que le certificat complémentaire de protection est nul si le brevet auquel il se rattache est nul.

L’article 68 de la Convention sur le Brevet Européen (CBE) dispose que la demande de brevet européen ainsi que le brevet européen auquel elle a donné lieu sont réputés n’avoir pas eu dès l’origine les effets prévus aux articles 64 et 67, dans toute la mesure où le brevet a été révoqué ou limité au cours d’une procédure d’opposition, de limitation ou de nullité.

Il est rappelé que, par décision du 7 octobre 2015, la Chambre des recours de l’Office Européen des Brevets (OEB) a révoqué le brevet européen n 1 096 932.

Cette révocation a eu pour effet l’anéantissement rétroactif dudit brevet au jour du dépôt de la demande de brevet.

Or, le CCP prenant sa source dans le brevet sur la base duquel il a été délivré, la révocation du brevet entraîne par conséquent de plein droit la nullité du CCP, le produit ayant justifié la délivrance du CPP n’étant plus protégé.

Aussi, le brevet européen n 1 096 932 ayant été révoqué, le CCP 07C0042 doit être annulé.

Il sera donc fait droit à la demande de la SAS NOVARTIS PHARMA d’annulation du CCP 07C0042.

2/ Sur les demandes accessoires :

Nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, l’exécution provisoire du présent jugement sera ordonnée en application de l’article 515 du code de procédure civile.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré,

— annule le CCP 07C0042 dont la société NOVARTIS PHARMA AG est titulaire,

— dit que le jugement sera inscrit dans le Registre National des Brevets à l’initiative de la partie la plus diligente,

— ordonne l’exécution provisoire,

— dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Fait et jugé à Paris le 05 avril 2018

Le Greffier Le Président

1:

Expéditions

exécutoires

délivrées le :

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