Tribunal de grande instance de Paris, 2e chambre 2e section, 29 mars 2018, n° 15/10741

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 2e ch. 2e sect., 29 mars 2018, n° 15/10741
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/10741

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

2e chambre 2e section

N° RG : 15/10741

N° MINUTE :

Assignations du :

09 Juin 2015

11 Juin 2015

JUGEMENT

rendu le 29 Mars 2018

DEMANDERESSE

Madame Y AV-AC de D

[…]

[…]

représentée par Maître Bernard VATIER de l’AARPI VATIER & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0082

DÉFENDEURS

Monsieur Z AI de D

[…]

[…]

représenté par Me AR AKNIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0398

Société HSBC PRIVATE BANK FRANCE

103 avenue des Champs-Elysées

[…]

représentée par Maître Christian PAUTONNIER de la SELARL PAUTONNIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0159

Monsieur A AT AK de D

[…]

[…]

représenté par Me AR AKNIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0398

[…]

[…]

[…]

représentée par Me AR AKNIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0398

Madame J AF V de B

[…]

[…]

représentée par Maître Hélène HARTWIG- DE BLAUWE de l’AARPI ONYX AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0833

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mme AR X, Premier vice-Présidente Adjointe

M. Jérôme HAYEM, Vice-président

Mme F G, juge

assistés de Frédérique ADENET-LOUVET, Greffier lors des débats et de AP AQ, Greffier lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience collégiale du 08 Février 2018, tenue en audience publique, Mme X a présidée et fait lecture du rapport en application de l’article 785 du Code de Procédure Civile. Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 29 mars 2018.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

C de D, dont le dernier domicile était situé à Paris, est décédé le 14 mars 2013 laissant pour lui succéder :

— sa fille Y née d’une première union avec H I,

— ses deux fils Z et A, nés de sa seconde union avec AC-AD N,

— Mme J B, son épouse en troisièmes noces,

selon l’acte de notoriété établi le 19 avril 2013 par Me Durant des Aulnois, notaire à Paris.

C de D a exprimé ses dernières volontés dans un testament olographe du 10 janvier 2008 suivi d’un codicille daté du 25 décembre 2011 ainsi rédigés :

Le 10 janvier 2008

Ceci est mon testament – et annule tout Autre d’une date anterieure-

Je soussigné C de D, retraité, né le […], […], divorcé en premières noces de Mme H I, et veuf en secondes noces de Mme AC-AD N, déclare faire mon testament de la manière

suivante :

Je nomme comme exécuteur testamentaire avec les pouvoirs les plus étendus : Madame K L, née K M de Loubardère.Je demande que tout ce qui appartenait à mon épouse Mme AC AD N, decedée

en 1994, (tableaux, onjets d’art, bijoux, argenterie), dont certains avec factures au nom de Mme M. T N, soient bien remis à ses deux fils : Z et A, et non contestés par ma fille Y de D

née d’un premier mariage En cas de contestations pour les partages de

numéraires, objets ou biens quel qu’ils soient, par l’un quelconque de mes trois enfants ou par plusieurs de mes trois enfants, je prive ce dernier ou ces derniers de tous droits dans la quotité disponible, et sa part ou leurs parts, ira accroître la part ou les de l’autre ou des autres. Seule Mme K L est apte à juger du bien fait de cette clause, de son application, et de son exécution…/….

Certifie conforme ce jour, et remplace tout autre testament à cette date-

Fait le 10 janvier 2008"

CODICILLE à mon testament du 10 janvier 2008-

Le 25 Décembre 2011-

Je soussigné C de D né le […], demeurant à Paris, au […] de J AF AG née contrat, déclare que ceci est un codicille à mon testament du 10/01/08 dont je confirme bien mes dispositions testamentaires, sous réserve des aménagements ci après- Il annule et remplace le codicille du premier Juillet 2009-

Je lègue à mon épouse actuelle 25% de mes portefeuilles titres, placements

financiers et comptes bancaires- (Voir HSBC Paris, Reyl Paris, Palatine Paris) au choix de ma légataire la délivrance de ce legs en espèces, (Euros) ou dation de titres- Je prive mon épouse de tous autres droits dans ma succession et notamment de tous ses droits quelconques sur mes meubles, tableaux, etc… y compris le droit d’usage viager du mobilier garnissant la

résidence principale.

Je déclare vouloir maintenir mon épouse dans son droit temporaire (1an), sur le logement dont je suis usufruitier sis à Paris ([…], à ses Frais et qui constitue notre résidence principale.

Je souhaite que mon épouse puisse continuer à aller de temps à autre séjourner dans la propriété de mes deux fils en Dordogne, (Le Bournaguet)

comme nous en avons discuté avec Z et A-

Fait à Paris, Le 25 décembre 2011 »

Me O P a été choisi par les héritiers comme notaire chargé du partage avec l’assistance de Me T-AK AL, notaire assistant de Mme Y de D.

Un inventaire des meubles du domicile conjugal a été réalisé le 23 juillet 2013.

Un projet d’acte de liquidation et partage de la succession a été établi par les deux notaires en octobre 2013 qui n’a pas reçu l’approbation de tous.

Par actes d’huissier de justice des 9 et 11 juin 2015, Mme Y de D a fait assigner MM. A et Z de D ainsi que Mme J B pour voir ordonner le partage judiciaire et trancher les difficultés faisant obstacle au partage amiable.

Elle a attrait ensuite dans la cause la société HSBC ainsi que la SCI Maray par acte d’huissier de justice du 26 novembre 2015.

La jonction des deux procédures a été ordonnée le 12 janvier 2016.

Il y a lieu, pour un exposé détaillé des moyens des parties, de se reporter à leurs dernières écritures régulièrement notifiées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions de Mme Y de D notifiées par voie électronique le 16 janvier 2018,

Vu les dernières conclusions de MM. A et Z de D et de la SCI Maray notifiées par voie électronique le 24 janvier 2018,

Vu les dernières conclusions de Mme B notifiées par voie électronique le 11 janvier 2018,

Vu les dernières conclusions de la société HSBC notifiées par voie électronique le9 janvier 2018,

In limine litis

MM. A et Z de D soulèvent l’irrecevabilité de l’assignation au visa de l’article 1360 du code de procédure civile aux motifs que l’assignation ne contient ni description des biens ni ses intentions quant à leur répartition.

Mme Y de D réplique que son assignation comprend en pages 7 à 9 un descriptif des biens à partager ainsi que les diligences accomplies pour parvenir au partage amiable en page 9 ainsi, enfin, que ses intentions quant à la répartition des biens en page 15.

Sur ce,

L’assignation, qui comporte les mentions requises par l’article 1360 du code de procédure civile, est en conséquence jugée recevable.

Sur les demandes de constats

En application des articles 12 et 22 du code de procédure civile, le juge qui a pour mission de trancher un litige ou de concilier les parties, n’exerce aucun contrôle de légalité ou d’opportunité sur les donner actes ou les constats qui n’ont pas de force exécutoire. Il n’appartient donc pas au tribunal de les examiner.

Sur la demande en partage

Il résulte des dispositions de l’article 815 que nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention.

Selon l’article 840 du code civil, le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder.

Au vu des désaccords des héritiers les empêchant de parvenir au partage amiable de la succession, il convient d’en ordonner le partage judiciaire, ce sur quoi ils s’accordent tous.

Il convient, pour y procéder, de désigner un notaire en la personne de Me V W.

La complexité des opérations justifie la désignation d’un juge commis pour en surveiller le déroulement.

Il y a lieu de rappeler qu’il entre dans la mission du notaire commis de dresser, dans le délai d’un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira la masse partageable, les comptes entre les copartageants, les droits des parties et les éventuels dépassements de la quotité disponible, ainsi que la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision.

A cette fin, il appartient au notaire de se faire remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l’indivision, d’examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte au titre des loyers, de déterminer, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l’occupation gratuite de certains biens dépendant de l’indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants.

En effet, chaque indivisaire peut être créancier de la masse au titre d’impenses qu’il a faites, de frais divers qu’il a acquittés, de la rémunération de sa gestion ou de ses travaux personnels comme débiteur de cette masse au titre d’une indemnité d’occupation, des pertes ou détériorations qu’un bien indivis aurait subi par sa faute, de la perception de fonds indivis qu’il n’aurait pas remis à l’indivision ou prélevés dans la caisse de celle-ci ou encore d’une avance en capital.

Si un désaccord subsiste, le notaire établira un procès verbal reprenant les dires respectifs des parties, ainsi qu’un projet d’état liquidatif qu’il transmettra au juge commis, lequel fera rapport au tribunal des points de désaccord subsistants, le cas échéant, après une tentative de conciliation devant le juge commis.

Le notaire commis peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, s’adjoindre un expert, choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis. Il n’y a donc pas lieu en l’état d’ordonner une expertise.

Mme Y de D demande que le juge commis soit doté de la faculté notamment d’interroger les fichiers Fivovie et Ficoba et faire procéder à la rédaction d’un inventaire complet des meubles en la forme des article 1328 et suivants du code civil.

Il convient de la débouter de ces demandes qui n’entrent pas dans la mission du juge commis mais relèvent de celle du notaire commis qui sera doté des pouvoirs de consultation sollicités.

Sur un nouvel inventaire

Mme Y de D expose que l’inventaire réalisé le 23 juillet 2013 est incomplet qui ne comprend pas :

— les meubles étiquetés comme présents d’usage,

— les meubles de la maison de Sarlat,

— le contenu du coffre-fort ouvert hors sa présence,

— les bijoux de famille qui lui ont été signalés comme ayant été “volés”,

— les avoirs du compte ouvert par le défunt à la banque Reyl, auquel il fait allusion dans son testament olographe du 25 décembre 2011,

— le serment prévu à l’article 1330 du code de procédure civile selon lequel les parties qui habitaient dans l’appartement doivent indiquer qu’ils n’ont détourné, vu détourner ni su qu’il en ait été détourné aucun de ses biens.

Elle déplore que ses cohéritiers aient refusé, en dépit de ses demandes réitérées, qu’il soit procédé à un inventaire complet conforme aux dispositions des articles 1328 et suivants du code de procédure civile.

Mme B réplique :

— qu’un inventaire des meubles du domicile conjugal a été réalisé le 23 juillet 2013 en présence de tous les héritiers, dont Mme Y de D assistée de son conseil qui l’a signé et reconnu que “l’ensemble des meubles représente l’intégralité et l’entièreté des meubles de la succession de C de D”,

— que le 23 décembre 2014, MM. de D ont accepté les demandes de Mme Y de D quant à son choix sur la répartition entre eux des meubles de l’inventaire avant qu’elle ne revienne sur ce choix, générant ainsi des frais de garde-meubles dont Mme B demande à n’y prendre aucune part.

Les consorts de D rétorquent que :

— l’inventaire, réalisé conformément aux dispositions de l’article 1328 du code de procédure civile, a été signé par Mme Y de D en présence de son conseil avec reconnaissance de son caractère complet, exhaustif, définitif et irrévocable,

— leur père a pris des dispositions testamentaires en acquéreurs de contestations pour le partage des numéraires, objets ou biens par l’un ou plusieurs de ses enfants,

— ces biens, hormis un tableau, ont été vendus aux enchères le 11 décembre 2017 par Me S,

— les meubles de la maison de Sarlat leur appartenaient en propre comme provenant de la donation de la nue-propriété opérée à leur profit par leur mère, propriétaire en propre de ce bien, l’usufruit qui avait été concédé à leur père par un même acte authentique reçu le 26 novembre 1993 ne lui conférant aucun droit sur les meubles ; aucun élément ne permet de prouver que l’acquisition a été faite par leur père au nom de leur mère décédée en 1994, toute action tendant à remettre en cause cette donation étant prescrite. Enfin, ils soulignent que Mme Y de D n’apporte aucune preuve que les meubles de la maison de Sarlat auraient appartenu à leur père.

Sur ce,

Il résulte de l’inventaire dressé le 24 juillet 2013 par office de Me T-AK AM, huissier de justice à Paris, en présence de tous les héritiers ainsi que de Me R S, commissaire-priseur que cet acte a été signé par Mme Y de D ainsi que par tous les autres héritiers qui ont déclaré en outre que cet inventaire était complet et exhaustif et que toute contestation de l’un des héritiers emporterait application de la clause du testament relative à la suppression du bénéfice de la quotité disponible au profit de l’héritier qui élève la contestation.

L’acte mentionne que Mme Y de D a assisté à l’inventaire en présence de son conseil de sorte qu’il est improbable, ainsi qu’elle le soutient, qu’elle l’ait signé sous la pression de ses cohéritiers.

Cet inventaire ne concerne que les meubles et objets du domicile du défunt de sorte que l’absence de mention relative au contenu d’un coffre-fort et d’un compte à la banque Reyl, aux meubles de la maison de Sarlat appartenant en propre à ses deux fils est sans effet quant à sa validité.

S’agissant des bijoux de famille, ils ont été déclarés volés par le défunt lui-même selon le compte-rendu d’infraction produit, le 8 novembre 1984.

Enfin, les dispositions des articles 1328 et suivants du code de procédure civile sont rattachées aux articles 797 et suivants du code civil qui concernent les modalités de l’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Les meubles et objets ayant été vendus par le ministère de Me S en décembre 2017, il n’y aura pas lieu d’ordonner un nouvel inventaire.

Sur les dispositions testamentaires

Il est constant que C de D a inséré dans son testament olographe une clause prévoyant la privation de droits à la quotité disponible en cas de contestation par un ou plusieurs de ses héritiers dans le partage des numéraires, objets ou biens quels qu’ils soient.

MM. A et Z de D entendent voir leur soeur privée de tout droit sur la quotité disponible en raison des contestations élevées par elle.

Cette dernière réplique que La clause pénale contenue dans la donation du 7 novembre 1995 privant l’héritier qui conteste ladite donation de ses droits sur la quotité disponible du défunt et celle contenue dans le testament du 10 janvier 2008 ne se justifie que pour écarter la concluante du bénéfice de ses droits. En outre, elle se heurte à l’ordre public puisqu’elle a pour cause d’écarter les conséquences du recel successoral, de ce fait elle sera jugée illicite. En tout état de cause, Madame Y de D ne remet pas en question la donation du 7 novembre 1995 et d’autre part, compte tenu des circonstances et du blocage des co-héritiers, la présente action initiée par Madame Y de D est légitime.

Sur ce,

La clause litigieuse n’a pas été écrite pour priver Mme Y de D de ses droits puisqu’elle concerne tout héritier contestant le partage.

Sans rapport avec le recel, elle ne saurait donc être jugée illicite de ce seul fait.

En revanche, est jugée excessive la clause dont la rédaction générale prive tout héritier de son droit de demander le partage judiciaire de sorte qu’elle sera réputée non-écrite.

Sur la requalification de la donation-partage du 7 novembre 1995

Aux termes de cette donation, Mme Y de D a reçu des biens immobiliers d’une valeur de 359 779,68 euros tandis que ses frères ont reçu la moitié chacun de la nue-propriété des lots 1,13,34,46,72 et 30 dépendant de la copropriété de l’immeuble sis […] à Paris, libéralités stipulées de valeur égale.

Mme Y de D soutient que les biens reçus ont été sur-évalués, estimés pour des valeurs d’assurance et non pour des valeurs marchandes un peu inférieures.

Elle demande, dans son dispositif, que la donation de la nue-propriété du bien immobilier reçue par ses frères soit requalifiée en donation simple rapportable pour la valeur des biens mobiliers au jour du décès du donateur.

MM. A et Z de D répliquent que la valeur vénale des biens reçus par Mme Y de D est en réalité supérieure à la nue-propriété dont ils ont été gratifiés ainsi que le prouve la lettre de Me Picard, notaire, reproduite dans le rapport d’expertise dressé à l’occasion de son divorce. Ils rappellent en outre qu’elle a signé la donation-partage.

Sur ce,

La donation-partage du 7 novembre 1995 qui n’a pas opéré un partage définitif puisque les deux frères de D demeurent dans l’indivision sera en conséquence requalifiée en donation simple.

Sur la donation déguisée consentie à M. Z de D

Mme Y de D soutient que l’acquisition par son frère Z d’un appartement sis […] dont le prix a été payé comptant sans mention de la provenance des fonds est susceptible d’être qualifiée de donation indirecte ou tout du moins d’un avantage indirect, ses frères ayant confié à une journaliste qui le rapporte dans un article du 13 décembre 2015 paru dans le Journal du Dimanche, avoir hérité de leurs parents trois grands appartements et un studio dans ce même immeuble.

M. Z de D expose qu’il travaillait depuis 1996 à la date de l’acquisition en juillet 2002 et que ses revenus lui permettait l’acquisition.

Sur ce,

Mme Y de D ne produit aucune preuve ni même aucun commencement de preuve que l’acquisition faite par son frère aurait été financée en tout ou partie par un don manuel de leur père.

La demande est rejetée.

Sur l’acquisition par la SCI Maray des lots 2,18, 25, 33, 34,35 et […]

Selon Mme Y de D, cette acquisition constitue une donation déguisée faite par C de D au bénéfice de son fils A car :

— la SCI a été constituée le 18 octobre 2005 avec apport en capital d’une somme de 10 000 euros représentant 100 parts dont 99 appartenant à son frère A, et une seule à leur père ; ces lots sont ceux d’un appartement de 288,30 m² acquis au prix de 1 500 000 euros financé par un prêt de la HSBC remboursable in fine au plus tard le 1er décembre 2012, garanti par un privilège de prêteur de deniers,

— ce prix correspond à des mensualités de 19 047 euros ; la banque n’a que partiellement communiqué les pièces relatives à la convention de prêt, à l’ensemble des contre-garanties et aux modalités de remboursement,

— C de D est intervenu à l’acte. Il a offert les garanties suivantes :

- Constitution au profit de la banque d’un privilège de prêteur de deniers ;

- Délégation au profit de la banque des polices d’assurances incendie de l’immeuble;

- Nantissement sous seing privé au profit de la banque par C de D du compte d’instruments financiers ouvert à son nom sous le numéro 106 400 00021 dans les livres d’HSBC, ledit compte étant valorisé au 15 novembre 2005 à un montant de 272.122,75€ ;

-Délégation sous seing privé en faveur de la banque du contrat d’assurance-vie souscrit le 6 avril 2000 par C de D auprès de la compagnie La Mondiale Partenaire, ledit contrat étant valorisé au 7 octobre 2005 à un montant de 125.211,46€ ;

-Délégation sous seing privé en faveur de la banque du contrat d’assurance-vie souscrit le 27 juin 1997 par Monsieur C de D auprès de la compagnie AVIVA, ledit contrat étant valorisé au 14 octobre 2005 à un montant de 98 568 euros de sorte que les garanties données personnellement par C de D s’élèvent à la somme totale de 495 901 euros,

— qu’à la lecture des relevés de compte produits partiellement par la banque, il apparaît que des opérations ont été réalisées au crédit de la SCI dont l’émetteur est inconnu ou non identifiable et ce pour un montant total de 827 041,99 euros.

— que le capital a été partiellement remboursé à hauteur de la somme de 885 924 euros,

— que la société Aviva a versé à la banque HSBC une somme de 65 924 euros au décès de C de D en remboursement partiel de l’emprunt souscrit par la SCI Maray au titre d’un contrat en cas de décès souscrit par le défunt,

soit un total de 892 965 euros qu’il convient de réintégrer à la succession, l’acquisition étant susceptible de constituer une donation déguisée ou un avantage indirect rapportable.

Elle ajoute que les précisions de remboursement des mensualités devront lui être communiquées si nécessaire en ayant recours à une mesure d’instruction.

Elle soutient en effet que l’intention libérale du défunt est évidente en ce qu’il a alloti ses fils, qui se gardent bien de rapporter la preuve de leur financement, de biens immobiliers de taille presque identique sans aucune contrepartie.

M. A de D réplique qu’il a souscrit un emprunt pour le financement de l’acquisition ; qu’il a financé son remboursement au moyen de ses fonds propres et des loyers de l’immeuble ; qu’il produit l’attestation de l’expert-comptable de la SCI selon laquelle les revenus locatifs suffisent au remboursement de l’emprunt ; qu’il a produit l’acte de mainlevée du nantissement ainsi que la preuve des deux remboursements opérés par ses soins.

Sur ce,

Il est constant que C de D et son fils A ont constitué la SCI Maray dont le défunt a été le gérant jusqu’à son décès ; que M. Z de D a acquis la part social de son père selon acte authentique du 15 décembre 2010 ; que la SCI Maray a procédé à l’acquisition de lots de copropriété au prix de 1 500 000 euros financé par un emprunt de 1 600 000 euros octroyé le 6 décembre 2005 par la HSBC dont père et fils étaient clients de longue date selon acte authentique reçu par Me T U, notaire à Meudon ; que ce prêt était consenti pour une durée de 7 années et remboursable in fine au plus tard le 6 décembre 2012 ; que les intérêts du prêt était remboursable mensuellement ; que le prêt était garanti par un privilège de prêteur de deniers ; qu’un remboursement anticipé de 500 000 euros est intervenu le 6 décembre 2008 ; que le prêt n’ayant pas été remboursé à son échéance, la banque n’a pas entendu se prévaloir de sa déchéance et a accordé un nouveau prêt à la SCI.

Les relevés de la banque ainsi que l’attestation de l’expert-comptable de la SCI démontrent que les loyers provenant de la mise en location du bien de la SCI, à hauteur de la somme de 8 000 euros par mois, permettaient d’assurer le remboursement mensuels des intérêts du prêt ; que M. A de D a opéré des placements au nom de la SCI financés sur ses fonds personnels dont aucune pièce ne permet de retenir qu’ils proviendraient de dons manuels du défunt ; qu’il en est de même s’agissant du remboursement anticipé ; qu’à supposer que tel fût le cas, il ne s’agirait pas d’une donation faite à M. A de D mais une créance de la succession à l’encontre de la SCI de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de rapport.

Il appartiendra au notaire commis de vérifier ce point au regard des relevés de compte du défunt étant précisé que les délégations par lui consenties à la banque HSBC du bénéfice de deux assurances-vie ne constituent pas un avantage rapportable dès lors qu’elles ne constituent pas un actif successoral.

Enfin, les garanties procurées à la banque pour les besoins du prêt ne constituent aucunement un avantage rapportable.

Sur l’acquisition par M. Z de D de la moitié appartenant à son frère en nue-propriété

Cette vente est intervenue le 17 janvier 2008 au prix de 225 000 euros.

Mme Y de D expose que :

— le défunt est intervenu à l’acte et a renoncé à l’action révocatoire en cas de non-respect des charges de l’usufruit dont il était détenteur,

— l’acte ne mentionne pas l’origine des fonds donc cette acquisition est susceptible de constituer une donation déguisée ou un avantage rapportable.

Elle ajoute que son frère Z ne rapporte pas la preuve qu’il était propriétaire des deux tableaux ( un Soto et un Warhol) qui lui aurait permis de financer l’acquisition, tableaux qui pouvait selon elle provenir de la collection de leur père. A ce titre, elle sollicite la réintégration d’une somme de 475 000 euros, produit de leur vente.

MM. A et Z de D répliquent que cette acquisition ne regarde pas la succession et que le justificatif de la provenance des fonds est produite.

Sur ce,

En matière de meuble, possession vaut titre hormis preuve contraire qui n’est pas rapportée en l’espèce.

Il n’y aura donc lieu ni à la réintégration du prix de vente des deux tableaux ni à rapport du prix de vente de la nue-propriété, en l’absence de preuve du financement par un don manuel du défunt, régulièrement appelé à l’acte en sa qualité d’usufruitier sans que cette intervention ne puisse constituer un commencement de preuve du don allégué.

Sur les avantages indirects

Mme Y de D expose que son frère Z était domicilié chez leur père sans contrepartie ce qui constitue une libéralité rapportable.

Sur ce,

Cette demande, au demeurant non chiffrée, sera rejetée, l’hébergement d’un héritier par un défunt ne constituant pas un avantage rapportable en absence de preuve de l’intention libérale.

Sur le recel

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de retenir l’existence de recels commis par MM. A et Z de D.

Sur la demande de constat de la disparition du compte HSBC 106 400 00021

Outre le fait qu’une demande de constat ne constitue pas une prétention, la société HSBC justifie par pièces probantes que le compte n’a pas “disparu” mais qu’il a été liquidé à la demande de Me Sixdenier, notaire, et que les fonds sont désormais en sa comptabilité.

Sur la demande de production de pièces par la banque HSBC

Toutes les pièces sollicitées ayant été produites, la demande est sans objet.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur l’injonction de justifier de la provenance d’une montre Cartier

MM. A et Z de D, qui ne démontrent pas la pertinence de cette demande dans le cadre du partage de la succession, alors que Mme Y de D indique l’avoir reçue de leur père, sont déboutés de cette demande.

Sur les dommages et intérêts

MM. A et Z de D reprochent à Mme Y de D de ne pas avoir déféré à l’ordonnance du juge de la mise en état lui enjoignant de fournir des renseignements sur son patrimoine et son financement ni les annexes du rapport d’expertise à l’occasion de son divorce avec M. T-AN AO alors qu’il apparaît très probable qu’elle a bénéficié d’avantages de leur père compte tenu de son train de vie.

Ils sollicitent en conséquence sa condamnation à leur verser une somme de 50 000 euros à titre de résistance abusive.

Sur ce,

Nonobstant la décision du juge de la mise en état, le tribunal juge que l’utilité de la communication de pièces relatives au patrimoine personnel de Mme Y de D n’est pas suffisamment démontrée dans le cadre de la demande en partage de sorte que la demande est rejetée.

Sur la demande de délivrance de legs

Mme J B demande la condamnation de la succession à lui verser la somme de 4 808,25 euros au titre du legs à titre universel dont elle est bénéficiaire sur le montant duquel elle a d’ores et déjà reçu une provision de 100 000 euros.

Elle demande en outre à être dispensée de la charge des frais de garde-meuble.

Sur ce,

Il convient d’ordonner la délivrance à Mme B par la succession de C de D du solde restant dû de 4 808,25 euros sur le montant total du legs à titre universel dont elle est bénéficiaire.

A sa demande, le tribunal précisera que son legs ne saurait être amputé des frais de garde-meuble qui n’incombent qu’à l’indivision successorale dont elle ne fait pas partie, ayant été privée de tous droits dans la succession.

Sur les demandes accessoires

L’équité, compte tenu notamment de la nature familiale du litige, justifie qu’il ne soit pas fait droit à la demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens par Mme Y de D et par MM. A et Z de D.

Constatant qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre de Mme J B, il convient de condamner Mme Y de D à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de ses frais d’instance non compris dans les dépens.

De même, en l’absence de justificatif de l’utilité de la mise en cause de la société HSBC qui n’a opposé aucune résistance à la communication des pièces sollicitées par Mme Y de D, cette dernière sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de ses frais d’instance non compris dans les dépens.

Sur l’exécution provisoire

L’ancienneté de la succession justifie le prononcé de l’exécution provisoire.

Sur les dépens

L’emploi des dépens en frais généraux de partage, qu’il convient d’ordonner, est incompatible avec leur distraction au profit des avocats.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal statuant par jugement contradictoire susceptible d’appel, mis à disposition au greffe,

Ordonne le partage judiciaire de la succession de C de D,

Désigne, pour y procéder, Maître V W, notaire à Paris, membre de la SCP V AA d’E, V W et V AB sise […]

Téléphone : 01.42.60.34.60

Fax : 01.42.96.38.47

Courriel : V.W@paris.notaires.fr

Dit que la présente décision lui sera communiquée par les soins du greffe,

Commet tout juge de la 2e chambre pour surveiller ces opérations,

Rappelle que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

Rappelle que le notaire commis pourra s’adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis,

Dit que le notaire commis pourra, si nécessaire, interroger le Ficoba pour retrouver les coordonnées de tous les comptes bancaires, mêmes joints, ouvertes par le (ou les) défunt(s) ainsi que le fichier Ficovie,

Rappelle que le notaire commis devra dresser un projet de partage dans le délai d’un an à compter de sa désignation,

Rappelle qu’à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2e chambre un procès-verbal de dires accompagné de son projet de d’état liquidatif et de partage,

Déboute Mme Y de D de ses demandes de rapport à succession,

Déboute Mme Y de D de ses demandes au titre de recels,

Déclare non écrite la clause du testament olographe de C de D relative à la privation de la quotité disponible,

Déboute en conséquence MM. A et Z de D de leur demande relative à la privation de Mme Y de D de ses droits sur la quotité disponible,

Ordonne la délivrance par la succession à Mme J B de la somme de 4 808,25 euros représentant le solde du montant total du legs à titre universel dont elle est bénéficiaire,

Dit que Mme J B ne prendra aucune part dans les frais de garde-meubles,

Condamne Mme Y de D à payer à Mme J B et à la société HSBC France chacun la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais d’instance non compris dans les dépens,

Rappelle que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable,

Renvoie l’affaire à l’audience du juge commis au partage du 12 novembre 2018 à 14h15 (au tribunal de Paris, 1 Parvis du tribunal de Paris, 75017 Paris) pour faire le point sur les opérations de partage en cours devant le notaire commis,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Ordonne l’emploi des dépens en frais généraux de partage et privilégiés de licitation,

Dit qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l’indivision.

Fait et rendu à Paris le 29 mars 2018,

La greffière La présidente,

AP AQ AR X

1:

Expéditions exécutoires délivrées le :

Copies certifiées conformes délivrées le :

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Tribunal de grande instance de Paris, 2e chambre 2e section, 29 mars 2018, n° 15/10741