Décision de la Commission des sanctions du 6 mai 2022 à l'égard des sociétés Nyenburgh Holding BV, Tilborg Trading BV et de MM. Rob Kamsteeg, Dionisius Johannes Henricus Van Tilborg et Diede Mink Van Den Ouden

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Sur la décision

Référence :
AMF, 6 mai 2022, n° SAN-2022-06
Numéro : SAN-2022-06
Identifiant AMF : SAN-2022-06

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n°5 du 6 mai 2022

Procédure n° 21-02

Décision n° 5

Personnes mises en cause :

− Nyenburgh Holding B.V. Dont le siège social est : Beursplein 5, 1012 JW Amsterdam (Pays-Bas) Prise en la personne de son représentant légal Ayant élu domicile chez Me Martin Le Touzé, au cabinet Herbert Smith Freehil s Paris LLP, 66 avenue Marceau, 75008 Paris

− M. Rob Kamsteeg Né le […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile chez Me Martin Le Touzé, au cabinet Herbert Smith Freehil s Paris LLP, 66 avenue Marceau, 75008 Paris

− Tilborg Trading B.V. Dont le siège social était : Valkenswaardstraat 18, 5036 SL Tilburg (Pays-Bas) Prise en la personne de son représentant légal Ayant élu domicile chez Me Hugues Bouchetemble, au cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, 47 avenue Hoche, 75008 Paris

− M. Dionisius Johannes Henricus Van Tilborg Né le […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile chez Me Hugues Bouchetemble, au cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, 47 avenue Hoche, 75008 Paris

− M. Diede Mink Van Den Ouden Né le […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile chez Me Maxime de la Morinerie, au cabinet Brunswick, 25 rue du Général Foy, 75008 Paris

www.amf-france.org 17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20

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La 1ère section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après, « AMF ») :

Vu le règlement (UE) n°596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (ci-après, le « Règlement MAR ») et notamment ses articles 12 et 15 et son annexe I section A ;

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 621-15, R.621-38 à R.621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 631-1 et 631-2 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 8 avril 2022 :

— Mme Sophie Schil er, en son rapport ;

- M. Xavier Jalain, représentant le collège de l’AMF ;

- La société Nyenburgh Holding B.V., représentée par M. Bert Muller, directeur, et assistée par son conseil Me Martin Le Touzé, du cabinet Herbert Smith Freehil s Paris LLP ;

- M. Rob Kamsteeg, assisté par son conseil Me Martin Le Touzé, du cabinet Herbert Smith Freehil s Paris LLP ;

- M. Dionisius Johannes Henricus Van Tilborg, assisté par son conseil Me Hugues Bouchetemble, du cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP ;

- M. Diede Mink Van Den Ouden, assisté par son conseil Me Maxime de la Morinerie, du cabinet Brunswick ;

- Mmes Marianne de Susbielle et Andrea Lindaart et MM. Alexandre Carayon et Courtney Ennis, interprètes ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Nyenburgh Holding B.V (ci-après, « Nyenburgh ») est une société de trading pour compte propre de droit néerlandais qui emploie plusieurs traders dont M. Kamsteeg, de nationalité néerlandaise et résidant aux Pays-Bas, qui en est également l’un des directeurs généraux depuis 2012.

M. Van Tilborg, de nationalité néerlandaise et résidant aux Pays-Bas, détient la totalité du capital de la société Lankier B.V., société de droit néerlandais qui el e-même détenait entre 2013 et 2020 la totalité du capital de Tilborg Trading B.V. (ci-après, « Tilborg Trading »), société de droit néerlandais exerçant une activité de négociation sur instruments financiers. Cette activité était assurée par M. Van Tilborg par l’intermédiaire de sociétés tierces de trading pour compte propre avec lesquelles Tilborg Trading avait conclu des partenariats. Tilborg Trading a fait l’objet d’une liquidation amiable qui a été clôturée le 18 septembre 2020.

M. Van Den Ouden, de nationalité néerlandaise et résidant aux Pays-Bas, est un trader qui, de 2014 à 2018, intervenait au sein de Better Options LLP, société de trading pour compte propre de droit anglais établie aux Pays- Bas.

Ces personnes sont intervenues sur plusieurs titres cotés sur Euronext Paris entre 2013 et 2016.

PROCÉDURE

Le 29 février 2016, le secrétaire général de l’AMF a décidé l’ouverture d’une enquête portant sur le marché des titres « QUANTEL (FR0000038242), ADOMOS (FR0000044752), EUROPLASMA (FR0000044810), ST DUPONT (FR0000054199), CIBOX INTER A CTIV (FR0000054322), DIAGNOSTIC MEDICAL (FR0000063224), ACANTHE DEV. (FR0000064602), AVENIR TELECOM (FR0000066052), EGIDE (FR0000072373), MICROPOLE (FR0000077570), ALCATEL LUCENT (FR0000130007), SOITEC (FR0004025062), AVANQUEST (FR0004026714), HUBWOO (FR0004052561), DIAXONHIT (FR0004054427), VALNEVA SE (FR0004056851), HYBRIGENICS (FR0004153930), GENFIT (FR0004163111), METABOLIC EXPLORER (FR0004177046), ONXEO (FR0010095596), SOLOCAL GROUP (FR0010096354), INNATE PHARMA (FR0010331421), CELLECTIS (FR0010425595), HOLOSFIND (FR0010446765), IMPLANET (FR0010458729), ATARI REGPT (FR0010478248),

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ACHETERLOUER.FR (FR0010493510), EURO DISNEY REGPT (FR0010540740), AB SCIENCE (FR0010557264), VISIOMED GROUP (FR0011067669), ADOCIA (FR0011184241), FUTUREN RGPT (FR0011284991), NANOBIOTIX (FR0011341205), SEQUANA RGPT (FR0011352590), EKINOPS (FR0011466069), DELTA DRONE (FR0011522168), ASK (FR0011980077), POXEL (FR0012432516), SAFE ORTHOPAEDICS (FR0012452746), OXIS INTERNATIONAL (US6918294025) ou sur tout instrument financier qui leur serait lié, à compter du 1er mars 2013 ».

Le 10 août 2016, l’enquête a été étendue aux titres « CYBERGUN (FR0004031839), FIPP (FR0000038184), HERACLES (FR0011442128), FONC. PARIS NORD (FR0011277391), CGG (FR0000120164), AUPLATA (FR0010397760), MBWS (FR0000060873), ONCODESIGN (FR0011766229), NEOVACS (FR0004032746), ERYTECH PHARMA (FR0011471135), NICOX (FR0013018124), VET AFFAIRES (FR0000077158), TRANSGENE (FR0005175080), VALNEVA PREF (FR0011472943), LUCIBEL (FR0011884378), ORCO PROPERTY GRP (LU0122624777), VERGNET (FR0004155240) ou sur tout instrument financier qui leur serait lié, à partir du 11 août 2013 ».

Le 11 mai 2020, la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a adressé à Nyenburgh, Tilborg Trading ainsi qu’à MM. Kamsteeg, Van Tilborg et Van Den Ouden des lettres, accompagnées d’une traduction en langue néerlandaise, les informant de manière circonstanciée des faits éventuellement susceptibles de leur être reprochés au regard des constats des enquêteurs et de la faculté de présenter des observations dans le délai d’un mois.

Des observations en réponse ont été produites par M. Van Tilborg le 7 juil et 2020, par M. Van Den Ouden le 10 juil et 2020, et par la société Nyenburgh et M. Kamsteeg le 17 juil et 2020.

L’enquête a donné lieu à un rapport daté du 30 novembre 2020.

La commission spécialisée n°3 du collège de l’AMF a décidé, le 14 décembre 2020, de notifier des griefs à Nyenburgh, M. Kamsteeg, Tilborg Trading, M. Van Tilborg et M. Van Den Ouden.

Les notifications de griefs ont été adressées à Nyenburgh, M. Kamsteeg, Tilborg Trading, M. Van Tilborg et M. Van Den Ouden le 4 février 2021, accompagnées d’une traduction en langue néerlandaise. La notification de griefs destinée à M. Van Den Ouden, accompagnée de sa traduction, lui a été de nouveau adressée à une autre adresse le 1er mars 2021.

Il leur est reproché d’avoir, entre le 1er mars 2013 et le 31 décembre 2016, commis des manquements de manipulation de cours à raison d’interventions réalisées sur les titres objet de l’enquête cotés sur Euronext Paris, et plus précisément :

— d’une part, d’avoir réalisé des interventions pouvant avoir donné ou été susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours de ces titres, en méconnaissance des dispositions des articles 631-1, 1° a) du règlement général de l’AMF et 12.1(a)(i) du Règlement MAR ; et

— d’autre part, de s’être assuré une position dominante sur le marché de ces titres de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, en méconnaissance des dispositions des articles 631-1, a) du règlement général de l’AMF et 12.2(a) du Règlement MAR.

Une copie des notifications de griefs a été transmise le 4 février 2021 à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 1er mars 2021, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Christophe Lepitre en qualité de rapporteur.

Par let res du 12 mars 2021, les mis en cause ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

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Par lettres du 23 février 2021 concernant Nyenburgh et M. Kamsteeg, des 2 mars et 23 avril 2021 concernant Tilborg Trading et M. Van Tilborg, ces mis en cause ont adressé au rapporteur des demandes de communication de divers éléments en complément de ceux issus du dossier d’enquête. Ces demandes ont été transmises au secrétaire général de l’AMF qui y a répondu par lettres du 11 mars et du 3 mai 2021.

Par lettre du 23 mars 2021, M. Van Den Ouden a informé le président de l’AMF que s’il ne reconnaissait pas sa culpabilité, il était prêt à payer à l’amiable un montant égal au profit correspondant aux griefs reprochés et un montant similaire à une association caritative. Par lettre du 12 avril 2021, le président de l’AMF a répondu à M. Van Den Ouden que seul le collège était habilité à proposer une transaction et que cette option ne lui avait pas été proposée.

Par décision du 4 juin 2021, la présidente de la commission des sanctions a désigné Mme Sophie Schil er en qualité de rapporteur en remplacement de M. Lepitre.

Par lettres du 11 juin 2021, les mis en cause ont été informés de la désignation d’un nouveau rapporteur puis, par lettres du 17 juin 2021, il leur a été indiqué qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 631-39-2 du code monétaire et financier, pour demander sa récusation dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 25 juin 2021, les mis en cause ont présenté des observations en réponse aux notifications de griefs, après que des prolongations du délai de réponse initialement imparti leur ont été accordées.

Nyenburgh et M. Kamsteeg ont été entendus par le rapporteur le 7 octobre 2021, M. Van Tilborg le 15 octobre 2021 et M. Van Den Ouden le 15 novembre 2021.

A la suite de ces auditions, des documents complémentaires ont été adressés au rapporteur par Nyenburgh et M. Kamsteeg le 20 octobre 2021, par M. Van Tilborg les 29 octobre, 5 novembre et 14 décembre 2021, et par M. Van Den Ouden le 29 novembre 2021.

Le rapporteur a déposé son rapport le 10 janvier 2022.

Par let res du 11 janvier 2022 auxquelles était joint le rapport du rapporteur, les mis en cause ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 8 avril 2022 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par let res du 17 février 2022, les mis en cause ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 8 avril 2022 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-2 à R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

Les mis en cause ayant sol icité et obtenu la prolongation du délai applicable, des observations en réponse au rapport du rapporteur ont été déposées par Tilborg Trading, M. Van Tilborg et M. Van Den Ouden le 17 février 2022, et par Nyenburgh et M. Kamsteeg le 18 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les moyens de procédure 1. Sur le moyen de procédure soulevé par M. Van Tilborg sur la liquidation de Tilborg Trading

1.1 Présentation du moyen

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1. M. Van Tilborg soutient que Tilborg Trading ne peut pas faire l’objet d’une sanction de la commission, cette société ayant fait l’objet d’une liquidation amiable qui a été clôturée définitivement le 18 septembre 2020 pour des raisons commerciales étrangères à l’enquête de l’AMF. Il ajoute que Tilborg Trading avait été constituée dans le seul but de lui permettre de prendre une participation au capital de la société BMD2 Trading B.V. par le biais de la société Lankier B.V. dont il était seul actionnaire. Il expose également que BMD2 Trading B.V. était la société exerçant l’activité de négociation pour compte propre par l’intermédiaire de laquel e ont été réalisées les interventions reprochées, société elle-même dissoute en janvier 2019 après avoir subi des pertes importantes en 2016 et le licenciement de deux salariés en 2016 et 2018.

1.2 Examen du moyen

2. La liquidation définitive d’une société, qui entraîne la disparition de sa personnalité morale, fait obstacle au prononcé d’une sanction pécuniaire à son encontre.

3. En l’espèce, selon les éléments du dossier, Tilborg Trading a été constituée le 25 avril 2013, puis dissoute et liquidée le 18 septembre 2020. La disparition de cette société a été enregistrée dans les registres néerlandais le 23 septembre 2020. M. Van Tilborg a en outre déclaré en audition devant le rapporteur que la liquidation de Tilborg Trading était liée à la liquidation de BMD2 Trading B.V., laquelle a eu lieu le 2 janvier 2019 à la suite de conflits entre les actionnaires survenus à partir de 2016 au sujet notamment des coûts importants générés par l’activité de cette société. Il ressort également du dossier que l’activité de Tilborg Trading n’a pas été reprise par une autre société après sa cessation en 2020.

4. Tilborg Trading n’existe donc plus depuis le 18 septembre 2020, date de la clôture de sa liquidation. En l’absence de personnalité morale, el e ne peut être valablement poursuivie par le collège et a fortiori sanctionnée par la commission.

5. Par conséquent, le moyen soulevé par M. Van Tilborg tiré de la liquidation de Tilborg Trading est fondé et il y a lieu de constater la disparition de Tilborg Trading et partant, l’impossibilité de prononcer une sanction à son égard.

2. Sur le moyen de procédure soulevé par Nyenburgh et M. Kamsteeg tiré de l’atteinte au droit à un procès équitable et aux principes de loyauté et de confidentialité

2.1 Présentation du moyen

6. En réponse aux notifications de griefs, Nyenburgh et M. Kamsteeg soutiennent que le renvoi collectif de l’ensemble des mis en cause devant la commission des sanctions n’est pas justifié et en contradiction avec les principes de loyauté et d’équité en l’absence d’action concertée. Ils affirment également que ce renvoi collectif caractérise une violation des principes de confidentialité dans la mesure où le dossier d’enquête contient des informations sur la stratégie de trading utilisée par M. Kamsteeg et sur l’état de santé de ce dernier dont les autres mis en cause n’avaient pas à avoir connaissance. Ils font encore valoir que le renvoi col ectif méconnaît le principe de présomption d’innocence. Ils concluent à l’existence d’un vice de procédure tiré de l’atteinte au droit à un procès équitable prévu à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après, « CSDH »), ainsi qu’à la loyauté de la procédure et aux secrets professionnel et de la vie privée au sens des articles L. 621-4 du code monétaire et financier et 9 du code civil, ce qui justifie selon eux la nullité de la procédure.

7. Dans leurs observations sur le rapport du rapporteur, Nyenburgh et M. Kamsteeg exposent au surplus que le renvoi collectif de l’ensemble des mis en cause réduit leur possibilité de remettre en cause le bien-fondé des griefs pour chacune des séquences lors de la séance devant la commission et, de manière générale, rend moins audibles leurs observations et arguments en défense.

2.2 Examen du moyen

8. A titre liminaire, conformément au I de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, le collège dispose du pouvoir souverain d’appréciation de l’opportunité des poursuites. Il peut ainsi décider, de façon discrétionnaire, de la nature et de l’étendue des griefs qu’il notifie ainsi que des personnes mises en cause.

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9. L’article 6 de la CSDH dispose : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre el e. […] / 2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

10. La commission des sanctions, lorsqu’elle est saisie d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par le code monétaire et financier, doit les apprécier dans leur ensemble et doit être regardée comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale, au sens de cet article, de sorte que les exigences du procès équitable en découlant, telles que le principe des droits de la défense, s’appliquent à compter de la notification des griefs, ouvrant la procédure de sanction.

11. Le fait de juger plusieurs personnes mises en cause dans le cadre d’une même procédure de sanction ne constitue pas, au seul motif que ces personnes ne se connaissent pas ou n’ont pas agi de concert, une atteinte au droit à un procès équitable.

12. Dès lors que Nyenburgh et M. Kamsteeg, à l’instar des autres mis en cause, ont pu présenter durant la phase contradictoire, tant devant le rapporteur qu’à la suite de son rapport, ainsi que lors de la séance de la commission, des observations relatives aux manquements qui leur sont reprochés, ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que le principe des droits de la défense a été méconnu.

13. Concernant la violation des secrets professionnel et de la vie privée, l’article L. 621-4, II du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur au 7 mai 2005, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose : « [L]es personnels et préposés de l’Autorité des marchés financiers […] sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l’article L. 642-1. »

14. L’article 9 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 30 juil et 1994, énonce quant à lui : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. / Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

15. Or, les informations dont Nyenburgh et M. Kamsteeg critiquent la diffusion auprès des autres mis en cause se rapportent aux diligences des enquêteurs, qui ont été reprises par la poursuite, et qui participent ainsi de la recherche des manquements reprochés. Par suite, elles sont nécessaires à la poursuite d’un but légitime de protection de l’ordre public économique sans que leur mention dans la procédure n’apparaisse disproportionnée.

16. Nyenburgh et M. Kamsteeg ne démontrent pas non plus en quoi la communication des informations en cause aurait porté atteinte à l’exercice de leurs droits de la défense de telle sorte qu’elle est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure.

17. Enfin, le rapport d’enquête et la notification de griefs n’emportent ni déclaration de culpabilité, ni préjugement de la décision à intervenir, de sorte qu’ils ne peuvent, en eux-mêmes, porter atteinte à la présomption d’innocence.

18. Le moyen soulevé par Nyenburgh et M. Kamsteeg tiré de l’atteinte au droit à un procès équitable et aux principes de loyauté et de confidentialité est rejeté.

3. Sur le moyen de procédure soulevé par M. Van Den Ouden tiré de l’atteinte aux droits de la défense

3.1. Présentation du moyen

19. M. Van Den Ouden soutient que la procédure est disproportionnée au regard des faibles profits qu’il est supposé avoir réalisés et de sa bonne foi, critiquant en particulier la décision du collège de le poursuivre tandis que les poursuites ont été abandonnées à l’encontre d’autres opérateurs mentionnés dans le rapport d’enquête à raison de stratégies portant sur des penny stocks au vu des enjeux de ces dernières. M. Van Den Ouden fait également valoir une violation du principe d’égalité des armes compte tenu de la durée de la procédure et de l’absence de

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démonstration par l’AMF des faits reprochés et du calcul des profits correspondant aux séquences reprochées, qui l’empêchent d’exercer efficacement sa défense et rendent la procédure inéquitable. Il en conclut que sa mise hors de cause est justifiée.

3.2. Examen du moyen

20. Il convient d’abord de rappeler que le col ège est souverain dans l’appréciation de l’opportunité de l’ouverture d’une procédure de sanction, sans avoir à motiver sa décision et sans que celle-ci soit soumise à l’appréciation de la commission.

21. Ensuite, le principe d’égalité des armes implique que chaque partie se voie offrir la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Ce principe est respecté lorsque les personnes mises en cause ont pu présenter des observations en réponse aux lettres circonstanciées, qu’elles ont, une fois les griefs notifiés, obtenu la copie de l’intégralité du dossier transmis à la commission des sanctions, qu’elles ont pu être entendues par le rapporteur et qu’el es ont pu présenter des observations à plusieurs stades de la procédure, en dernier lieu lors de la séance de la commission des sanctions. A cet égard, la durée d’une procédure n’est pas de nature à constituer à el e seule une violation de ce principe. El e n’en justifie l’annulation que lorsqu’il est démontré qu’elle a fait obstacle à l’exercice normal des droits de la défense.

22. Or, en l’espèce, M. Van Den Ouden ne fait état d’aucun élément concret permettant de considérer que la durée de la procédure dont il fait l’objet a fait obstacle à l’exercice normal de ses droits de la défense.

23. Son argumentaire porte au surplus sur la démonstration de la caractérisation des griefs par la poursuite et partant, sur le bien-fondé des griefs, qui sera examiné plus loin.

24. Les critiques formulées par M. Van Den Ouden sur la décision de poursuite prise par le col ège à son encontre et le principe d’égalité des armes sont dès lors dépourvues de fondement.

25. Le moyen soulevé par M. Van Den Ouden tiré de l’atteinte aux droits de la défense est rejeté. II. Sur les griefs notifiés 26. Il est nécessaire de rappeler au préalable le mode de fonctionnement d’un carnet d’ordres sur Euronext Paris.

27. À chaque instant, deux prix coexistent au sein d’un carnet d’ordres : le meil eur prix à la vente, qui correspond au prix le plus bas auquel certains vendeurs sont prêts à céder leurs titres, et le meil eur prix à l’achat, qui lui est nécessairement inférieur et qui correspond à la limite la plus haute que certains acheteurs sont prêts à payer pour acquérir des titres. En période de négociation continue, les deux prix ne peuvent pas être égaux puisque s’ils le sont, il y a accord et donc exécution immédiate et systématique des ordres concernés. Ces deux meil eurs prix forment la fourchette de cotation.

28. Le cours coté d’un titre correspond pour sa part au dernier prix auquel a été réalisée une transaction : soit il est égal au meil eur prix à la vente, si un acheteur a accepté de passer un ordre à ce cours et donc de payer plus cher que la meil eure limite à l’achat ; soit il est égal au meil eur prix à l’achat, si cette fois un vendeur a accepté de vendre moins cher que la meil eure limite à la vente.

29. Un ordre est dit « agressif » lorsqu’il est passé à la meil eure limite opposée (par exemple, pour un ordre d’achat, lorsqu’il est saisi à un cours supérieur ou égal à la meil eure limite à la vente) : il y a alors accord sur le prix, et donc transaction. Passer un ordre agressif permet son exécution immédiate, plutôt que de le voir placé dans la file d’attente du carnet d’ordres, derrière d’autres ordres présents en carnet au même prix, prioritaires car saisis plus tôt.

30. Un ordre est dit « passif » lorsqu’il est entré dans le carnet d’ordres à un cours limite auquel il ne peut pas être immédiatement exécuté (par exemple, pour un ordre d’achat, lorsqu’il est saisi à un cours inférieur à la meil eure limite à la vente) : l’acheteur attend alors qu’un investisseur de sens opposé entre un ordre à ce cours pour que la

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transaction puisse se réaliser. Si l’ordre est saisi trop loin des meil eures limites, ou qu’il est annulé rapidement, il ne sera jamais exécuté.

31. Les ordres passifs entrés dans le carnet d’ordres sont visibles (sauf exception) par les investisseurs, qui savent donc à quel prix et pour quel volume la liquidité est disponible, à l’achat comme à la vente.

1. Notification de griefs

32. Il est fait grief à l’ensemble des mis en cause d’avoir, entre le 1er mars 2013 et le 31 décembre 2016, réalisé des interventions sur les titres financiers objet de l’enquête qui pourraient être constitutives de manipulations de cours.

33. Les notifications de griefs retiennent que les mis en cause ont adopté un mode opératoire identique, en trois étapes : l’établissement d’un déséquilibre côté acheteur ou vendeur du carnet d’ordres par l’émission d’ordres passifs de tail e conséquente aux meil eures limites, également appelés « ordres leurres » ; la réalisation de transactions en sens inverse du déséquilibre ; enfin l’annulation partielle ou totale des ordres passifs, suivie de la répétition éventuelle du mode opératoire dans le sens inverse.

34. Les enquêteurs ont recensé l’ensemble des séquences manipulatoires avec les critères de détection suivants : la séquence est un al er-retour, la durée de l’al er-retour est inférieure à 60 minutes, au moins une phase de déséquilibre est causée au cours de l’aller-retour avec un déséquilibre bilatéral supérieur à 33% et un déséquilibre unilatéral supérieur à 50%, au moins une transaction (pour un volume minimal d’un titre) en sens inverse est réalisée au cours des phases de déséquilibre, et le taux d’annulation du volume des ordres présents du côté des phases de déséquilibre pendant cel es-ci est supérieur à 80%.

35. Les notifications de griefs ajoutent que ces critères ont permis de détecter 1099 séquences potentiellement manipulatoires s’agissant de Nyenburgh et de M. Kamsteeg, 286 séquences potentiel ement manipulatoires s’agissant de M. Van Tilborg, et 46 séquences potentiellement manipulatoires s’agissant de M. Van Den Ouden.

36. Concernant la caractérisation des griefs à l’égard de chacun des mis en cause, la poursuite se réfère aux trois indicateurs de manipulation de cours suivants : l’effet des ordres qui sont émis sur les meil eurs prix affichés à l’offre et à la demande de l’instrument financier, ou plus généralement la représentation du carnet d’ordres auquel ont accès les participants au marché et qui sont annulés avant leur exécution, prévu à l’article 631-2 du règlement général de l’AMF et au f) de la section A de l’annexe I du Règlement MAR ; la concentration des ordres émis ou des opérations effectuées sur un bref laps de temps ; l’importance des ordres ou transactions se traduisant par des renversements de positions sur une courte période et la proportion importante du volume de transactions réalisé sur l’instrument financier concerné représentée par les ordres passés ou les transactions effectuées.

37. Les notifications de griefs concluent que les interventions de chacun des mis en cause pourraient avoir donné ou été susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours des titres visés par l’enquête, en méconnaissance des dispositions du 1° a) de l’article 631-1 du règlement général de l’AMF et de l’article 12.1(a)(i) du Règlement MAR.

38. Il est également fait grief à l’ensemble des mis en cause, à raison des mêmes interventions, de s’être assuré une position dominante sur le marché des titres visés par l’enquête, de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, en méconnaissance des dispositions du a) de l’article 631-1 du règlement général de l’AMF et de l’article 12.2(a) du Règlement MAR.

2. Observations des mis en cause

39. Les mis en cause contestent les deux manquements de manipulation de cours qui leur ont été notifiés.

40. Nyenburgh et M. Kamsteeg soutiennent tout d’abord que les stratégies de négociation de M. Kamsteeg sont ordinaires et usuelles et relèvent principalement de la technique dite de « spread trading » ou « scalping » consistant à acheter et vendre des produits financiers dans des courtes périodes de temps, afin de tirer des profits issus de petites mais multiples variations de cours. Ces mis en cause ajoutent que les ordres passés au cours des séquences reprochées étaient toujours fondés sur des données de marché, ce qui établit selon eux l’absence

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d’intention de manipuler le marché. Ensuite, s’agissant du grief de manipulation de cours par indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours des instruments financiers concernés, ils rappellent la légitimité des interventions reprochées sur le marché, précisant que les notifications de griefs ne démontrent pas l’absence d’intention d’exécuter les ordres en cause. Ils se prévalent également de l’absence d’impact de leurs ordres et transactions sur le cours des titres. En outre, Nyenburgh et M. Kamsteeg critiquent les indicateurs de déséquilibre retenus par les enquêteurs, qui peuvent être influencés par dif érents facteurs sans être nécessairement liés à l’activité de Nyenburgh, ainsi que les indicateurs de manipulation de cours retenus par la poursuite aux motifs qu’ils sont trop restrictifs pour effectivement attester de l’existence d’un comportement manipulatoire, ne sont pas des critères légaux pour deux d’entre eux, et sont dépourvus de pertinence. Ils exposent encore qu’en tout état de cause aucun de ces indicateurs n’est caractérisé. Enfin, s’agissant du grief de manipulation de cours par constitution d’une position dominante, ces mis en cause reprochent à la poursuite d’affirmer que les autres intervenants ont modifié leurs ordres afin de pouvoir être exécutés sans le démontrer, et de ne pas préciser à quelle définition de l’abus de marché prévue par la réglementation le comportement reproché doit être rattaché. Ils soutiennent encore que ce grief n’est corroboré par aucun des indicateurs de manipulation listés à l’article 631-3 du règlement général de l’AMF, soulignant que les faits reprochés ne s’apparentent pas aux abusive squeezes alors que la réglementation relative aux positions dominantes en matière de manipulation de cours a vocation à sanctionner ces pratiques. Selon eux, ce grief, qui nécessite également de démontrer une intention de s’assurer une position dominante, n’est pas établi.

41. M. Van Tilborg soutient que ses interventions s’inscrivent dans une activité légale de scalping consistant à identifier des tendances de marché de court terme en prenant des positions et en les débouclant dans la journée, et qu’il a toujours poursuivi un intérêt réel acheteur ou vendeur. Il critique les critères retenus par la poursuite à son encontre, en particulier le choix des seules trois meil eures limites du carnet d’ordres, non justifié selon lui. Il expose encore que d’autres intervenants ont passé des ordres aussi volumineux que ceux qui lui sont reprochés au cours de phases antérieures aux séquences litigieuses, et que l’annulation d’ordres est une méthode traditionnelle de trading dans le cadre d’une stratégie de scalping. Il précise à cet égard que le taux d’annulation de ses ordres est cohérent si on le compare à d’autres éléments, notamment les positions prises par les autres intervenants au cours de la même journée et la valeur des positions prises. Il se prévaut aussi de l’absence d’impact des ordres qu’il a annulés sur les cours et reproche à la notification de griefs de ne pas démontrer l’effet des opérations reprochées sur les autres intervenants.

42. M. Van Den Ouden fait valoir que son mode opératoire n’est pas critiquable dès lors que ses interventions s’inscrivent dans une technique de trading licite dite de scalping. Il conteste l’application des indicateurs de déséquilibre mentionnés dans la notification de griefs. Il soutient également que, sur les 46 séquences qui lui sont reprochées, la seule séquence détail ée dans le rapport d’enquête, qui concerne le titre Nicox, ne présente pas de déséquilibre. Il considère par ail eurs que la poursuite ne démontre pas le caractère manipulatoire des 45 autres séquences retenues à son encontre. M. Van Den Ouden conteste au surplus les indicateurs de manipulation retenus par la poursuite, ajoutant que ses interventions ne font apparaître aucun indicateur de manipulation de cours. Il critique plus précisément le choix des enquêteurs de ne retenir que les trois meil eurs prix du carnet d’ordres et fait valoir l’absence de renversement de position au motif que les annulations d’ordres ont parfois été suivies de nouveaux ordres identiques peu de temps après. Selon lui, la durée très courte des déséquilibres allégués démontre en réalité l’absence de manipulation de cours. Il reproche en outre à la notification de griefs de ne pas tenir compte des forts volumes d’échanges et de la volatilité des titres, et affirme que les ordres litigieux avaient pour objectif d’être exécutés. Il soutient aussi que toute manipulation de cours est exclue en raison de la très grande vitesse de réaction du trading haute fréquence, précisant à cet égard que ses ordres étaient toujours situés près du cours de bourse, et explique que l’examen des séquences reprochées démontre que le marché a réagi dans le sens inverse de ses interventions. Il expose enfin que l’AMF ne peut retenir plusieurs griefs à l’encontre d’un même mis en cause pour des manquements de natures différentes au regard de faits identiques et se prévaut de l’absence de caractérisation des indicateurs prévus à l’article 631-3 du règlement général de l’AMF.

3. Textes applicables

43. Les faits reprochés, qui se sont déroulés entre le 1er mars 2013 et le 31 décembre 2016, doivent être examinés au regard des textes alors applicables, sous réserve de l’application rétroactive de dispositions moins sévères entrées en vigueur postérieurement.

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3.1. Sur la définition de la manipulation de cours

44. L’article 631-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2004 au 23 septembre 2016, disposait : « Toute personne doit s’abstenir de procéder ou de tenter de procéder à des manipulations de cours. / Constitue une manipulation de cours : / 1° Le fait d’effectuer des opérations ou d’émettre des ordres : / a) Qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’instruments financiers […] ; […] / à moins que la personne ayant effectué les opérations ou émis les ordres établisse la légitimité des raisons de ces opérations ou de ces ordres et leur conformité aux pratiques de marché admises sur le marché réglementé concerné […] ; / En particulier, constituent des manipulations de cours : / a) Le fait, pour une personne ou pour plusieurs personnes agissant de manière concertée, de s’assurer une position dominante sur le marché d’un instrument financier […], avec pour effet la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou des prix de vente ou la création d’autres conditions de transaction inéquitables ; […] ».

45. Ces dispositions, abrogées le 24 septembre 2016, ont été remplacées par les articles 12 et 15 du Règlement MAR, entré en application le 3 juil et 2016.

46. L’article 12 du Règlement MAR dispose : « 1. Aux fins du présent règlement, la notion de « manipulation de marché » couvre les activités suivantes : / a) effectuer une transaction, passer un ordre ou adopter tout autre comportement qui : / i) donne ou est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier […] ; […] / à moins que la personne effectuant une transaction, passant un ordre ou adoptant tout autre comportement établisse qu’une telle transaction, un tel ordre ou un tel comportement a été réalisé pour des raisons légitimes et est conforme aux pratiques de marché admises telles qu’établies conformément à l’article 13 ; […] / 2. Les comportements suivants sont, entre autres, considérés comme des manipulations de marché : / a) le fait, pour une personne ou pour plusieurs personnes agissant de manière concertée, de s’assurer une position dominante sur l’offre ou la demande d’un instrument financier […], avec pour effet, réel ou potentiel, la fixation directe ou indirecte des prix d’achat ou des prix de vente ou la création, réelle ou potentielle, d’autres conditions de transaction inéquitables ; […] / 4. Lorsque la personne visée dans le présent article est une personne morale, le présent article s’applique également, conformément au droit national, aux personnes physiques qui prennent part à la décision de mener des activités pour le compte de la personne morale concernée. […] » ;

47. L’article 15 du Règlement MAR dispose : « Une personne ne doit pas effectuer des manipulations de marché ni tenter d’effectuer des manipulations de marché ».

48. Les définitions précitées énoncées aux points 1(a)(i) et 2(a) de l’article 12 et à l’article 15 du Règlement MAR ne sont pas rédigées en des termes moins sévères que ceux de l’article 631-1 du règlement général de l’AMF, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en faire une application rétroactive.

3.2. Sur les indicateurs de manipulation de cours

49. Comme indiqué au point 36 ci-dessus, un seul des trois indicateurs de manipulation de cours sur lesquels se fondent les notifications de griefs est expressément prévu par les textes, français comme européens. Les deux autres indicateurs s’inspirent de ces textes tout en s’affranchissant pour l’un du critère de variation de cours, et pour l’autre de l’échelle temporelle.

50. Seront donc présentés ci-dessous l’indicateur repris in extenso par la poursuite, ainsi que les indicateurs dont la poursuite s’est inspirée pour la définition des indicateurs ad hoc.

51. L’article 631-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 25 novembre 2004 au 23 septembre 2016, dispose : « Sans que ces éléments puissent être considérés comme formant une liste exhaustive ni comme constituant en eux-mêmes une manipulation de cours, l’AMF prend en compte, pour apprécier les pratiques mentionnées au 1° de l’article 631-1 : / 1° L’importance de la part du volume quotidien des transactions représentée par les ordres émis ou les opérations effectuées sur les instruments financiers […] concernés, en particulier lorsque ces interventions entraînent une variation sensible du cours de ces instruments ou des instruments sous-jacents […] ; […] / 4° Les renversements de positions sur une courte période résultant des ordres émis ou des opérations effectuées sur le marché réglementé […] de l’instrument financier concerné, […] associés éventuellement à des

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variations sensibles du cours d’un instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé […] ; / 5° La concentration des ordres émis ou des opérations effectuées sur un bref laps de temps durant la séance de négociation entraînant une variation de cours qui est ensuite inversée ; / 6° L’effet des ordres qui sont émis sur les meil eurs prix affichés à l’offre et à la demande de l’instrument financier […], ou plus généralement de la représentation du carnet d’ordres auquel ont accès les participants au marché et qui sont annulés avant leur exécution ; […] ».

52. A ces dispositions, abrogées le 24 septembre 2016, se sont substituées cel es de la section A de l’annexe I du Règlement MAR depuis le 3 juil et 2016, qui énonce : « Aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, point a), du présent règlement, et sans préjudice des formes de manipulations décrites au paragraphe 2 dudit article, les participants au marché et les autorités compétentes prennent en considération, lors de l’examen de transactions ou d’ordres, les indicateurs suivants, dont la liste n’est pas exhaustive et qui ne doivent pas pour autant être considérés en soi comme constituant une manipulation de marché : / a) la mesure dans laquelle les ordres passés ou les transactions effectuées représentent une proportion importante du volume quotidien de transactions réalisé sur l’instrument financier concerné, […], en particulier lorsque ces activités entraînent une variation sensible de leur cours ; […] / d) la mesure dans laquel e les ordres passés ou les transactions effectuées ou les ordres annulés se traduisent par des renversements de positions sur une courte période et représentent une proportion importante du volume quotidien de transactions réalisé sur l’instrument financier concerné, […] et pourraient être associés à des variations sensibles du cours d’un instrument financier […] ; / e) la mesure dans laquelle les ordres passés ou les transactions effectuées sont concentrés sur un bref laps de temps durant la séance de négociation et entraînent une variation de cours qui est ensuite inversée ; / f) la mesure dans laquelle les ordres passés modifient la représentation des meil eurs prix affichés à l’offre et à la demande d’un instrument financier, […] ou plus généralement la représentation du carnet d’ordres auquel ont accès les participants au marché, et sont annulés avant leur exécution ; […] ».

53. Les dispositions des a), e) et f) de la section A de l’annexe I du Règlement MAR sont rédigées en des termes équivalents à ceux des 1°, 5° et 6° de l’article 631-2 du règlement général de l’AMF et ne sont donc pas susceptibles de recevoir une application rétroactive.

54. En revanche, les dispositions du d) de la section A de l’annexe I du Règlement MAR, qui exigent un élément constitutif supplémentaire tenant à la « proportion importante du volume quotidien de transactions réalisé sur l’instrument financier concerné », sont moins sévères que celles du 4° de l’article 631-2 du règlement général de l’AMF et doivent en conséquence être appliquées de manière rétroactive.

4. Examen des griefs

4.1 Sur les indicateurs de manipulation de cours

55. L’indicateur mentionné au 6° de l’article 631-2 du règlement général de l’AMF et au f) de la section 1 de l’annexe I du Règlement MAR se rapporte à l’effet des ordres qui sont émis sur les meil eurs prix affichés à l’offre et à la demande de l’instrument financier ou plus généralement de la représentation du carnet d’ordres auquel ont accès les participants au marché et qui sont annulés avant leur exécution.

56. En l’espèce, il résulte des données collectées par les enquêteurs que les séquences reprochées à chacun des mis en cause incluent l’existence d’un al er-retour et la présence d’au moins une phase de déséquilibre au cours de chaque aller-retour sur les trois premières limites du carnet d’ordres avec, d’une part, un déséquilibre total du carnet aux trois meil eures limites supérieur à 33% en cas de pression à l’achat (déséquilibre bilatéral), et d’autre part, la proportion du volume total des ordres d’achat ou de vente de chaque mis en cause aux trois meil eures limites par rapport au volume cumulé des ordres d’achat ou de vente aux trois meil eures limites supérieure à 50% (déséquilibre unilatéral).

57. Il ressort également des investigations des enquêteurs que le taux d’annulation du volume des ordres présents du côté des phases de déséquilibre, pendant cel es-ci, était supérieur à 80%. Ce critère a été appliqué sans limite de temps sur l’annulation des ordres. Il convient de préciser que les éléments du dossier permettent de constater que les déséquilibres en cause ont duré en moyenne de 27,95 à 54,54 secondes.

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58. S’agissant des séquences reprochées à Nyenburgh et M. Kamsteeg, l’analyse des données de marché relatives à la séance du 9 avril 2015 sur le titre Solocal Group établit que la séquence de 9h00mn00s à 09h05mn31s se caractérise par un déséquilibre bilatéral maximum de 89%, un déséquilibre unilatéral maximum de 99% et un taux d’annulation du volume des ordres présents du côté de la phase de déséquilibre de 99%.

59. Comme indiqué à l’annexe 4.1 du rapport d’enquête, l’ensemble des 1099 séquences reprochées à Nyenburgh et M. Kamsteeg satisfait les critères de détection retenus par les enquêteurs relatifs au déséquilibre bilatéral supérieur à 33% (en moyenne de 73%) et au déséquilibre unilatéral supérieur à 50% (en moyenne de 79%), ce qui signifie que les ordres émis ont représenté plus de la moitié du volume présent aux trois meil eures limites du côté du déséquilibre du carnet d’ordres et, sur les trois meilleures limites, un volume supérieur au volume total du marché du côté opposé, soit plus de cinq fois plus en moyenne.

60. En outre, l’analyse de ces 1099 séquences rend compte d’un taux d’annulation du volume des ordres du côté des déséquilibres de 96% en moyenne, pour des déséquilibres dont la durée moyenne est de 27,95 secondes. A cet égard, c’est à tort que Nyenburgh et M. Kamsteeg critiquent la mesure du taux d’annulation en volume d’ordres et non en nombre d’ordres concernés au motif que cela n’est pas conforme à la méthode d’Euronext pour le calcul de ses frais de négociation alors que celle-ci n’a aucune valeur règlementaire contraignante. De plus, cette mesure est cohérente avec les autres indicateurs retenus par les enquêteurs, notamment concernant les déséquilibres dont le calcul repose aussi sur les volumes.

61. S’agissant des séquences reprochées à M. Van Tilborg, les données de marché relatives à la séance du 7 janvier 2015 sur le titre Adocia entre 10h33mn34s et 10h35mn23s révèlent un déséquilibre bilatéral maximum de 95%, un déséquilibre unilatéral maximum de 93% et un taux d’annulation du volume des ordres présents du côté de la phase de déséquilibre de 97%.

62. Comme indiqué à l’annexe 4.2 du rapport d’enquête, l’examen des 285 autres séquences reprochées à M. Van Tilborg permet de constater un déséquilibre unilatéral de 83% en moyenne et un déséquilibre bilatéral de 73% en moyenne. Les ordres de M. Van Tilborg ont ainsi représenté plus de la moitié du volume présent aux trois meil eures limites du côté du déséquilibre du carnet d’ordres et, sur les trois meil eures limites, un volume supérieur au volume total du marché du côté opposé, soit plus de cinq fois plus en moyenne. Ces 285 autres séquences se caractérisent également par un taux d’annulation du volume des ordres présents du côté des phases de déséquilibre de 96% en moyenne, pour des déséquilibres d’une durée moyenne de 31,46 secondes.

63. S’agissant des séquences reprochées à M. Van Den Ouden, l’analyse des données de marché se rapportant à l’aller-retour réalisé au cours de la séance du 25 septembre 2014 sur le titre Nicox entre 15h36mn20 et 15h38mn23s rend compte d’un déséquilibre bilatéral maximum de 82%, d’un déséquilibre unilatéral maximum de 99% et d’un taux d’annulation du volume des ordres présents du côté des déséquilibres de 100%.

64. Comme indiqué à l’annexe 4.3 du rapport d’enquête, l’analyse des 45 autres séquences reprochées à M. Van Den Ouden établit que les ordres de ce dernier ont représenté plus de la moitié du volume présent aux trois meil eures limites du côté du déséquilibre du carnet d’ordres (en moyenne 81%), ce qui correspond au déséquilibre unilatéral maximum constaté par séquence. Au regard du déséquilibre bilatéral de 69% en moyenne identifié par les enquêteurs, ses ordres sur les trois meil eures limites ont également représenté un volume cinq fois supérieur au volume total du marché du côté opposé. Enfin, sur ces 45 autres séquences, le taux d’annulation du volume des ordres émis par M. Van Den Ouden présents du côté des déséquilibres, qui ont duré en moyenne 54,54 secondes, s’élève à 96% en moyenne.

65. M. Van Den Ouden soutient que l’AMF ne démontre pas les instants de déséquilibres, qui sont selon lui inexistants. La lecture des annexes du rapport d’enquête permet cependant d’identifier précisément les séquences potentiellement manipulatoires sur les titres concernés et les phases de déséquilibre détectées, lesquelles sont avérées ainsi qu’il vient d’être exposé. A titre d’exemple, s’agissant du titre Nicox, les annexes du rapport d’enquête mentionnent la séquence précitée survenue le 25 septembre 2014 entre 15h36mn20 et 15h38mn23s, ainsi qu’une phase de déséquilibre incluse dans cette séquence en application des critères des enquêteurs ayant débuté à 15h38mn17s et s’étant terminé à 15h38mn32s. En conséquence, les critiques de M. Van Den Ouden sont injustifiées.

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66. Il s’ensuit que chacun des mis en cause est intervenu rapidement sur les titres concernés pour des volumes importants dans les trois meil eures limites du carnet d’ordres, donnant l’impression d’une forte demande à l’achat ou à la vente des titres alors que les ordres en cause ont été massivement annulés avant leur exécution, ce qui a eu un effet sur la représentation du carnet d’ordres auquel ont accès les participants au marché.

67. L’indicateur relatif à l’effet des ordres annulés avant leur exécution est donc établi pour les 1099 séquences reprochées à Nyenburgh Holding B.V. et M. Kamsteeg, les 286 séquences reprochées à M. Van Tilborg et les 46 séquences reprochées à M. Van Den Ouden.

68. Le deuxième indicateur retenu par les notifications de griefs porte sur la concentration des ordres émis ou des opérations effectuées sur un bref laps de temps. Cet indicateur s’inspire de l’indicateur prévu au 5° de l’article 631-2 du règlement général de l’AMF et au e) de la section A de l’annexe I du Règlement MAR, mais s’en distingue dans la mesure où l’expression « durant la séance de négociation entraînant une variation de cours qui est ensuite inversée » a été supprimée par la poursuite.

69. Le troisième indicateur retenu par les notifications de griefs se rapporte à l’importance des ordres ou transactions se traduisant par des renversements de positions sur une courte période et la proportion importante du volume de transactions réalisé sur l’instrument financier concerné représentée par les ordres passés ou transactions effectuées. Cet indicateur s’inspire des indicateurs prévus au 1° de l’article 631-2 du règlement général de l’AMF et au d) de la section A de l’annexe I du Règlement MAR, la poursuite ayant néanmoins volontairement remplacé l’expression « volume quotidien de transactions » par « volume de transactions » afin de viser les phases de déséquilibre.

70. Il s’agit donc d’indicateurs ad hoc, non prévus par les textes.

71. Il résulte de la rédaction de l’article 631-2 du règlement général de l’AMF, comme de la section A de l’annexe I du Règlement MAR, que ces textes énoncent des exemples non exhaustifs d’indicateurs de manipulation de cours, de sorte que le col ège de l’AMF peut valablement se fonder dans le cadre de ses poursuites pour manipulation de cours sur d’autres indicateurs.

72. Ces indicateurs sont par conséquent recevables.

73. Il ressort du dossier que, s’agissant des 1099 séquences reprochées à Nyenburgh et M. Kamsteeg, les ordres émis pour des volumes significatifs étaient sources de déséquilibres dans le carnet d’ordres et étaient massivement annulés avant leur exécution, au cours de phases ayant duré en moyenne 27,95 secondes. S’agissant des 286 séquences reprochées à M. Van Tilborg, les ordres en cause pour des volumes significatifs étaient sources de déséquilibres dans le carnet d’ordres, puis massivement annulés avant leur exécution, au cours de phases ayant duré en moyenne 31,46 secondes. S’agissant des 46 séquences reprochées à M. Van Den Ouden, les ordres de ce dernier émis pour des volumes significatifs étaient sources de déséquilibres dans le carnet d’ordres et massivement annulés avant leur exécution, au cours de phases ayant duré en moyenne 54,54 secondes.

74. Par conséquent, l’indicateur tiré de la concentration des ordres émis ou des opérations effectuées sur un bref laps de temps est caractérisé pour l’ensemble des séquences reprochées à Nyenburgh et M. Kamsteeg, M. Van Tilborg et M. Van Den Ouden.

75. Par ail eurs, les notifications de griefs se fondent sur le fait que les séquences reprochées incluent toutes, selon le système de détection utilisé par les enquêteurs, un aller-retour contenant, par définition, un renversement de position. Toutes les séquences en cause ont une durée inférieure à 60 minutes et, en moyenne, une durée de 10 minutes et 28 secondes s’agissant des interventions reprochées à Nyenburgh et M. Kamsteeg, 20 minutes et 10 secondes s’agissant des interventions reprochées à M. Van Tilborg, et 19 minutes et 31 secondes s’agissant des interventions reprochées à M. Van Den Ouden. Or, en l’espèce, les séquences excédant une durée de 15 minutes ne peuvent être qualifiées de « courte période ».

76. En revanche, la poursuite n’indique pas quelle a été la part du volume de transactions réalisées par les mis en cause sur la durée des séquences concernées, mais assimile ledit volume des transactions au volume des ordres passés au cours des phases de déséquilibre, lesquel es ne se confondent pas avec les séquences.

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77. Par suite, l’indicateur tiré des renversements de positions sur une courte période et la proportion du volume de transactions n’est pas caractérisé, a minima s’agissant des séquences d’une durée supérieure à 15 minutes.

78. En tout état de cause, s’agissant du deuxième indicateur relatif à la concentration des ordres émis ou des opérations effectuées sur un bref laps de temps, la suppression des termes précités opérés par la poursuite revenant à supprimer arbitrairement un des éléments de définition d’un indicateur prévu par les textes et, s’agissant du troisième indicateur relatif aux renversements de positions sur une courte période et à la proportion du volume de transactions, la substitution de termes marquant un choix arbitraire de la poursuite quant à la durée de la période analysée, ont pour effet, en l’espèce, de trop faciliter la démonstration de la caractérisation des indicateurs et de réduire ainsi leur force probante. Ces indicateurs ad hoc ne sont donc pas suffisamment pertinents pour apprécier la caractérisation des manquements reprochés aux mis en cause.

79. Pour autant, les indicateurs de manipulation de cours ne constituant pas en eux-mêmes une manipulation de cours, il convient de déterminer si les interventions des mis en cause sont susceptibles de recevoir une tel e qualification au sens du 1°, a) et du a) de l’article 631-1 du règlement général de l’AMF, et de l’article 12 du Règlement MAR.

4.2 Sur la manipulation de cours par indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’instruments financiers

80. A titre liminaire, contrairement à ce qu’affirment les mis en cause, le fait que les interventions reprochées s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre d’une technique de négociation supposément légale n’est pas de nature à exclure toute manipulation de cours.

81. S’agissant de Nyenburgh et de M. Kamsteeg, il a déjà été exposé aux points 59 et 60 ci-dessus que les séquences qui leur sont reprochées présentent un déséquilibre unilatéral supérieur à 50% (79% en moyenne), un déséquilibre bilatéral supérieur à 33% en cas de pression à l’achat (73% en moyenne), ainsi qu’un taux d’exécution des ordres présents du côté des phases de déséquilibre faible (de 4% en moyenne). Ces éléments révèlent l’importance du volume des ordres en cause passés aux trois meil eures limites du carnet d’ordres, l’existence d’une pression acheteuse ou vendeuse significative dans le carnet d’ordres et l’absence de réel intérêt acheteur ou vendeur pour les titres sur lesquels portaient ces ordres. En outre, Nyenburgh et M. Kamsteeg ont vendu (ou acheté) en sens inverse au moins un titre au cours des phases de déséquilibre (de 27,95 secondes en moyenne), ce qui est de nature à confirmer l’absence de réel intérêt acheteur ou vendeur de leur part s’agissant des ordres présents du côté des phases de déséquilibre. Le renversement de positions, autre critère de détection des séquences en cause par les enquêteurs, confirme encore l’existence d’ordres passés en sens contraire des ordres leurres qui, contrairement à ces derniers, avaient vocation à être exécutés.

82. Selon l’analyse des données de marché relatives à la séance du 9 avril 2015 sur le titre Solocal Group pour la séquence évoquée au point 58 ci-dessus, les interventions litigieuses ont entraîné des décalages de la fourchette de cotation et abouti à la réalisation d’un gain de 869 euros sur l’al er-retour.

83. C’est en vain que Nyenburgh et M. Kamsteeg soutiennent que leurs interventions, en ce qu’elles étaient légitimées par des données de marché en lien avec la volatilité des titres, ne témoignent d’aucune intention de manipuler le marché dès lors que l’intention manipulatoire n’est pas un élément constitutif du manquement.

84. L’absence d’impact des interventions reprochées sur le cours des titres au regard de la volatilité du marché, également invoquée par les mis en cause, même à la supposer établie, est inopérante dès lors que la preuve d’un tel impact n’est pas utile à la caractérisation du manquement, qui peut être établi dès lors que le comportement en cause a été susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours de l’instrument financier.

85. Or, les ordres volumineux qui ont été passés du côté des phases de déséquilibre aux meil eures limites du carnet d’ordres, puis massivement annulés, ont été susceptibles de donner aux autres intervenants du marché une représentation erronée de l’offre, de la demande ou du cours des titres concernés et partant, des indications fausses ou trompeuses sur l’offre et la demande ainsi que, en raison de déséquilibres du carnet d’ordres de nature à provoquer des repositionnements de la part des autres intervenants, sur le cours des titres.

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86. Il ressort également du dossier que les interventions reprochées à Nyenburgh et M. Kamsteeg ont été réalisées par ce dernier, en sa qualité de trader de la société, au nom et pour le compte de celle-ci.

87. Par conséquent, le manquement de manipulation de cours par indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours des instruments financiers, formulé à l’encontre de Nyenburgh et de M. Kamsteeg, est caractérisé.

88. S’agissant de M. Van Tilborg, les séquences qui lui sont reprochées se caractérisent par un déséquilibre unilatéral supérieur à 50% (de 83% en moyenne) et un déséquilibre bilatéral supérieur à 33% en cas de pression à l’achat (de 73% en moyenne). Les ordres passés par M. Van Tilborg aux trois meil eures limites du carnet d’ordres étaient donc importants en volume et ont exercé une forte pression acheteuse ou vendeuse d’un côté du carnet d’ordres. Il s’infère au surplus des données de l’enquête que le taux d’exécution de ces ordres était faible (de 4% en moyenne) et qu’une transaction en sens inverse a été réalisée au cours des phases de déséquilibre (de 31,46 secondes en moyenne). Il convient aussi de rappeler que chacune des séquences reprochées comprend un renversement de positions. La combinaison de ces éléments démontre l’absence de réel intérêt acheteur ou vendeur pour les titres sur lesquels portaient les ordres présents du côté des phases de déséquilibre et l’existence d’ordres passés en sens contraire des ordres leurres qui, contrairement à ces derniers, avaient vocation à être exécutés.

89. Il ressort notamment de l’analyse des données de marché concernant la séance du 7 janvier 2015 sur le titre Adocia que, pour une séquence ayant duré moins de deux minutes comme indiqué au point 61 ci-dessus, des décalages de la fourchette de cotation ont résulté des interventions de M. Van Tilborg, ce qui lui a permis de réaliser un gain de 618 euros sur cet aller-retour.

90. Les circonstances invoquées par M. Van Tilborg tirées de ce que d’autres intervenants auraient passé des ordres aussi volumineux que les siens avant ses opérations et que les taux d’annulation des ordres passés par d’autres intervenants auraient été supérieurs aux siens, qui reposent sur l’analyse des séquences reprochées à l’aune de critères étrangers à ceux retenus par les enquêteurs en l’espèce et au regard de plages horaires ne correspondant pas aux phases de déséquilibres en cause, sont dépourvues de pertinence.

91. M. Van Tilborg se prévaut également du caractère erroné du taux d’annulation qui lui est reproché, qu’il apprécie à tort au regard du nombre d’ordres annulés et non du volume de titres pour les ordres annulés, alors qu’il a été expliqué que la mesure du taux d’annulation appliquée par les enquêteurs était cohérente. Sa critique est donc infondée. 92. De même, l’absence d’effet de l’annulation des ordres sur le cours des titres, invoquée par M. Van Tilborg, est, en tout état de cause, indifférente dès lors qu’ainsi qu’il a déjà été dit la variation effective du prix des titres n’est pas un élément nécessaire à la caractérisation du manquement.

93. Ainsi, en multipliant des ordres émis aux meil eures limites du carnet d’ordres puis en les annulant massivement avant exécution, M. Van Tilborg a pu créer des déséquilibres artificiels d’un côté du carnet d’ordres à l’origine d’une confusion sur la réalité de l’offre et de la demande sur les titres en cause pour les autres intervenants. Ses ordres ont donc donné ou ont été susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre et la demande ainsi que, en raison de déséquilibres du carnet d’ordres de nature à provoquer des repositionnements de la part des autres intervenants, sur le cours des titres.

94. Il est par ail eurs établi et non contesté que les interventions reprochées à M. Van Tilborg ont été réalisées par ce dernier en sa qualité de trader de la société Tilborg Trading.

95. Le manquement de manipulation de cours par indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours des instruments financiers, formulé à l’encontre de M. Van Tilborg, est donc caractérisé.

96. S’agissant de M. Van Den Ouden, les séquences qui lui sont reprochées incluent un déséquilibre unilatéral supérieur à 50% (de 81% en moyenne), un déséquilibre bilatéral supérieur à 33% en cas de pression à l’achat (de 69% en moyenne), un faible taux d’exécution des ordres du côté des phases de déséquilibre (de 4% en moyenne),

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outre un renversement de positions. Ces séquences comprennent également la réalisation d’une transaction en sens inverse au cours des phases de déséquilibres (de 54,54 secondes en moyenne). Ainsi, l’importance du volume des ordres passés aux trois meil eures limites du carnet d’ordres, l’existence d’une pression acheteuse ou vendeuse significative dans le carnet d’ordres, l’absence de réel intérêt acheteur ou vendeur pour les titres sur lesquels portent les ordres présents du côté des phases de déséquilibre ainsi que l’existence d’ordres passés en sens contraire des ordres leurres qui, contrairement à ces derniers, avaient vocation à être exécutés apparaissent établis pour toutes les séquences reprochées à M. Van Den Ouden.

97. Il s’infère en outre des données de marché relatives à la séance du 25 septembre 2014 sur le titre Nicox que les interventions de M. Van Den Ouden ont été la source de décalages de la fourchette de cotation sur l’aller-retour déjà évoqué au point 63, séquence sur laquelle il a réalisé un gain de 107 euros.

98. M. Van Den Ouden conteste les déséquilibres précités. Il s’appuie cependant sur des plages horaires différentes de celles identifiées par les enquêteurs, ce qui rend sa critique inopérante. Il fait également valoir que ses annulations d’ordres ont parfois été suivies de nouveaux ordres identiques très peu de temps après, démontrant

selon lui l’absence de tout renversement de position alors que, par hypothèse, un aller-retour a bien eu lieu lors de chacune des séquences reprochées, la circonstance que d’autres ordres aient ensuite éventuellement été émis étant indifférente. L’absence de moyen de prévoir l’évolution des cours en raison d’incertitudes liées à la volatilité et aux volumes d’échanges des titres ainsi que la vitesse de réaction des systèmes de trading à haute fréquence, invoquées par M. Van Den Ouden, sont également sans incidence sur la caractérisation du manquement.

99. Il y a lieu d’en déduire que M. Van Den Ouden a émis des ordres volumineux aux meil eures limites du carnet d’ordres qui ont été susceptibles d’induire le marché en erreur en ayant altéré la représentation de l’offre, de la demande ou du cours des titres alors que ces ordres étaient en grande majorité annulés avant d’avoir donné lieu à exécution. Ses ordres ont ainsi donné ou ont été susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre et la demande ainsi que, en raison de déséquilibres du carnet d’ordres de nature à provoquer des repositionnements de la part des autres intervenants, sur le cours des titres.

100. Enfin, les interventions reprochées à M. Van Den Ouden ont été réalisées par ce dernier pour son compte propre dans le cadre de sa col aboration avec le broker Better Options LLP.

101. Il résulte de ce qui précède que le manquement de manipulation de cours par indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours des instruments financiers, formulé à l’encontre de M. Van Den Ouden, est caractérisé.

102. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, M. Van Tilborg a méconnu l’article 631-1, 1° a) du règlement général de l’AMF, et Nyenburgh, M. Kamsteeg et M. Van Den Ouden ont méconnu les articles 631-1, 1° a) du règlement général de l’AMF et 12.1(a)(i) du Règlement MAR.

4.3 Sur la manipulation de cours par construction d’une position dominante de nature à créer des conditions de transaction inéquitables

103. Une position dominante peut être acquise non seulement au niveau des exécutions mais également à celui des ordres, sans qu’il soit besoin de démontrer son caractère intentionnel.

104. En l’espèce, s’agissant de Nyenburgh et M. Kamsteeg, leurs interventions aux trois meil eures limites du carnet d’ordres sur les titres en cause ont été massives, représentant plus de la moitié du volume présent du côté des déséquilibres détectés par les enquêteurs (avec en moyenne un déséquilibre unilatéral de 79%) et un volume supérieur au volume total du marché du côté opposé (avec en moyenne un déséquilibre bilatéral de 73%). Il y a lieu d’en déduire que Nyenbugh et Kamsteeg se sont constitués une position dominante sur le marché des titres concernés.

105. Comme déjà été indiqué au point 66 ci-dessus, les interventions de Nyenburgh et M. Kamsteeg ont été de nature à donner aux autres intervenants du marché une représentation erronée de l’offre, de la demande ou du cours des titres.

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106. Les mis en cause font valoir que la poursuite ne démontre pas que les autres intervenants sur le marché ont été conduits à modifier leurs ordres afin de pouvoir être exécutés, ni que les ordres reprochés ont eu une influence sur le cours des titres ou les conditions de transaction. Il ressort cependant des données de l’enquête que, pour chacune des 1099 séquences en cause, une transaction d’achat ou de vente a été réalisée en sens inverse au cours des phases de déséquilibre. Nyenburgh et M. Kamsteeg ont en outre réalisé un profit cumulé estimé par les enquêteurs à 72 677 euros, ce qui n’est pas contesté par les mis en cause. En particulier, les données de marché se rapportant à la séance précitée du 9 avril 2015 sur le titre Solocal Group font ressortir un décalage de la fourchette de cotation à la hausse. Les arguments des mis en cause sont dès lors mal fondés.

107. Il apparaît ainsi établi que la position dominante de Nyenburgh et M. Kamsteeg a eu pour effet de créer des conditions de transaction inéquitables pour les autres intervenants du marché.

108. Les critiques des mis en cause sur l’absence d’utilisation par la poursuite des indicateurs de manipulation de cours tels que ceux prévus à l’article 631-3 du règlement général de l’AMF sont infondées dès lors que, comme indiqué au point 79 ci-dessus, ces indicateurs ne constituent pas en eux-mêmes une manipulation de cours, de telle sorte que leur absence au soutien du grief en cause ne suffit pas à en écarter la caractérisation.

109. S’agissant des abusive squeezes, également invoqués en défense par Nyenburgh et M. Kamsteeg, ils sont définis au 2(b) de la section 1 de l’annexe II du règlement délégué (UE) 2016/522 du 17 décembre 2015 complétant le Règlement MAR. Ce point précise l’indicateur décrit au b) de la section A de l’annexe I du Règlement MAR qui compte parmi les indicateurs de manipulation consistant à donner des indications fausses ou trompeuses ou à fixer les cours à un niveau anormal ou artificiel. Cela ne paraît donc pas pertinent pour l’analyse du présent grief.

110. Il convient de rappeler que les interventions reprochées ont été réalisées par M. Kamsteeg, en sa qualité de trader de la société Nyenburgh, au nom et pour le compte de celle-ci.

111. Par conséquent, le manquement de manipulation de cours par voie de position dominante de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, formulé à l’encontre de Nyenburgh et M. Kamsteeg, est caractérisé.

112. S’agissant de M. Van Tilborg, il a réalisé des interventions massives aux trois meil eures limites du carnet d’ordres des titres en cause, avec des volumes significativement supérieurs aux autres intervenants puisque pour les 286 séquences qui lui sont reprochées, ses ordres ont représenté, sur les trois meil eures limites, plus de la moitié du volume présent du côté des déséquilibres identifiés par les enquêteurs (avec en moyenne un déséquilibre unilatéral de 83%) et un volume supérieur au volume total du marché du côté opposé (avec un moyenne un déséquilibre bilatéral de 73%). Ces éléments permettent d’établir que M. Van Tilborg s’est assuré une position dominante sur le marché des titres en cause.

113. Il résulte au surplus de l’examen du grief précédent que ses interventions ont altéré la représentation du carnet d’ordres pour les autres intervenants de marché et l’état de l’offre et de la demande des titres. Pour toutes les séquences en cause, M. Van Tilborg a acheté ou vendu au moins un titre alors que des ordres passés sans intention de les exécuter étaient positionnés en sens inverse. En outre, selon les enquêteurs, il a réalisé un profit cumulé de 183 789 euros. Les données de marché relatives à la séance précitée du 7 janvier 2015 sur le titre Adocia rendent comptent de plusieurs décalages successifs de la fourchette de cotation au cours de l’aller-retour, celle-ci étant d’abord de 53.16/53.45, de 53.16/53.40, puis de 53.08/53.35 et enfin de 53.13/53.36.

114. Il est donc établi que la position dominante de M. Van Tilborg a eu pour effet de créer des conditions de transaction inéquitables pour les autres intervenants du marché.

115. Pour rappel, M. Van Tilborg a réalisé les interventions reprochées en sa qualité de trader de la société Tilborg Trading, qui n’a plus d’existence juridique depuis le 18 septembre 2020.

116. Le manquement de manipulation de cours par voie de position dominante de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, formulé à l’encontre de M. Van Tilborg, est donc caractérisé.

117. S’agissant de M. Van Den Ouden, ses ordres au cours des 46 séquences reprochées, en ce qu’ils ont représenté plus de la moitié du volume présent aux trois meil eures limites du côté du déséquilibre du carnet d’ordres (avec en

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moyenne un déséquilibre unilatéral de 81%) et, toujours sur les trois meil eures limites, un volume cinq fois supérieur au volume total du marché du côté opposé (avec en moyenne un déséquilibre bilatéral de 69%), ont été massifs. Il est donc avéré que M. Van Den Ouden s’est assuré une position dominante sur le marché des titres en cause. 118. M. Van Den Ouden a effectué une transaction à l’achat ou à la vente alors que des ordres passés sans intention de les exécuter étaient positionnés en sens inverse. Il a par ail eurs déjà été établi au point 66 ci-dessus que les ordres volumineux émis par lui aux meil eures limites du carnet d’ordres ont été de nature à induire le marché en erreur en ayant altéré la représentation de l’offre, de la demande ou du cours des titres concernés alors que ces ordres étaient majoritairement annulés avant exécution. En outre, son profit cumulé réalisé sur ces opérations est estimé à 31 828 euros. Si M. Van Den Ouden conteste l’estimation des enquêteurs concernant ce profit, il n’en demeure pas moins que les données de marché relatives à la séance précitée du 25 septembre 2014 sur le titre Nicox font en particulier ressortir que des décalages de la fourchette de cotation ont résulté des déséquilibres causés par les ordres de M. Van Den Ouden sur la séquence détectée.

119. Il est donc établi par ce qui précède que la position dominante de M. Van Den Ouden a eu pour effet de créer des conditions de transaction inéquitables pour les autres intervenants du marché.

120. L’argument de M. Van Den Ouden tiré de l’absence de caractérisation des indicateurs prévus à l’article 631-3 du règlement général de l’AMF est sans incidence sur l’analyse pour les raisons déjà exposées ci-dessus.

121. Enfin, comme il a été dit plus haut, M. Van Den Ouden a réalisé les interventions litigieuses pour son compte propre.

122. Il s’ensuit que le manquement de manipulation de cours par voie de position dominante de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, formulé à l’encontre de M. Van Den Ouden, est caractérisé.

123. Par conséquent, et dès lors que dans le cadre d’une même poursuite conduisant à une même décision de sanction, plusieurs manquements distincts peuvent résulter des mêmes faits sans méconnaître le principe du non bis in idem, M. Van Tilborg a méconnu l’article 631-1, a) du règlement général de l’AMF, et Nyenburgh, M. Kamsteeg et M. Van Den Ouden ont méconnu les articles 631-1, a) du règlement général de l’AMF et 12.2(a) du Règlement MAR.

SANCTIONS ET PUBLICATION

I. Sur les sanctions 124. Les manquements de manipulation de cours retenus à l’encontre des mis en cause ont eu lieu entre le 1er mars 2013 et le 31 décembre 2016.

125. L’article L. 621-15, II du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 24 octobre 2010 au 3 juil et 2016, dispose : « II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] / c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, […] s’est livrée à une manipulation de cours […], dès lors que ces actes concernent : / un instrument financier […] admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers […] ».

126. Dans sa version en vigueur à compter du 3 juil et 2016, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère, le II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose : « II.- La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes : […] / c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger : / 1° S’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou à une manipulation de marché, au sens des articles 8 ou 12 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) […] ; […]

/ dès lors que ces actes concernent : / – un instrument financier […], négociés sur un marché réglementé ou un

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système multilatéral de négociation situés sur le territoire français ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur de tels marchés a été présentée ; […] ».

127. Les manquements de manipulation de cours retenus à l’encontre des mis en cause, qui concernent des titres cotés sur Euronext Paris, sont donc susceptibles de donner lieu au prononcé d’une sanction par la commission sur le fondement du II c) précité de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

128. Le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 5 juin 2016, non modifiée depuis sur ce point dans un sens moins sévère, dispose : « III.- Les sanctions applicables sont : […] / c) Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 mil ions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public.».

129. Il s’ensuit que Nyenburgh, M. Kamsteeg, M. Van Tilborg et M. Van Den Ouden encourent chacun une sanction pécuniaire d’un montant maximum égal à 100 mil ions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés.

130. Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : / – de la gravité et de la durée du manquement ; / – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veil er à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ».

131. Afin d’apprécier ces critères, il y a lieu de prendre en compte les éléments ci-après, étant précisé, d’une part, que la circonstance invoquée par M. Van Tilborg selon laquelle plusieurs mis en cause ont été poursuivis dans le cadre de la présente procédure n’est pas de nature à porter atteinte au principe d’individualisation de la sanction, et d’autre part, que l’argument formulé par ce même mis en cause selon lequel la durée de la procédure serait excessive, ce qui selon lui devrait être pris en compte dans l’appréciation de la sanction, est en tout état de cause infondé au regard de la complexité des manquements reprochés, du nombre de personnes mises en cause et de la dimension internationale des investigations menées par les enquêteurs.

132. En l’espèce, les manquements de manipulation de cours retenus à l’encontre de Nyenburgh, M. Kamsteeg, M. Van Tilborg et M. Van Den Ouden ont faussé le fonctionnement régulier du marché et porté atteinte à la confiance des investisseurs, de sorte qu’ils revêtent tous une particulière gravité nonobstant la prétendue absence d’intention des mis en cause.

— S’agissant de Nyenburgh

133. Les manquements retenus à l’encontre de Nyenburgh ont eu lieu du 4 mars 2013 au 9 décembre 2016, au cours de 1099 séquences portant sur 30 titres.

134. Il ressort des pièces du dossier, ce qui n’est pas contesté, que Nyenburgh a réalisé un profit cumulé estimé à plus de 72 000 euros pour l’ensemble des séquences manipulatoires. En audition, Nyenburgh a précisé que ses traders percevaient 40% des profits résultant des ordres passés en son nom et pour son compte, après déduction notamment des coûts de transaction et de leur rémunération fixe.

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135. Depuis le 3 juil et 2016, Nyenburgh a mis en place un dispositif interne relatif aux abus de marché comprenant un outil de détection des abus de marché, qui a été développé en coopération avec le régulateur néerlandais.

136. Il résulte en outre des états financiers versés par Nyenburgh que celle-ci a réalisé une perte nette de 1 492 893 euros au titre de l’exercice 2019 et un bénéfice net de 2 156 090 euros au titre de l’exercice 2020.

137. Au vu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à l’encontre de Nyenburgh une sanction pécuniaire de 200 000 euros.

— S’agissant de M. Kamsteeg

138. Les manquements retenus à l’encontre de M. Kamsteeg ont eu lieu du 4 mars 2013 au 9 décembre 2016, au cours de 1099 séquences portant sur 30 titres.

139. Les gains retirés de ces manquements sont les mêmes que ceux précédemment évoqués pour Nyenburgh.

140. M. Kamsteeg affirme percevoir un salaire mensuel net de […] euros. Il indique également que son patrimoine se compose de sa participation au capital de Nyenburgh à hauteur de 4,99% et d’une épargne de […] euros au 31 décembre 2020. M. Kamsteeg est par ail eurs propriétaire de son logement, dont la valeur estimée pour 2020 s’élève à […] euros, entièrement hypothéquée.

141. Au vu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. Kamsteeg une sanction pécuniaire de 100 000 euros.

— S’agissant de M. Van Tilborg

142. Les manquements retenus à l’encontre de M. Van Tilborg ont eu lieu du 15 juil et 2013 au 18 avril 2016, au cours de 286 séquences portant sur 31 titres.

143. Selon les données de l’enquête, M. Van Tilborg a réalisé un profit cumulé estimé à plus de 183 000 euros pour l’ensemble des séquences reprochées. Il fait valoir qu’en application d’un contrat de partenariat conclu avec la société BMD2 Trading B.V. il était tenu de reverser à cette dernière 15% des gains qu’il réalisait, sans toutefois produire aucun document justificatif.

144. S’agissant de sa situation financière, M. Van Tilborg a déclaré un salaire brut de […] euros au titre de l’année 2020. Il affirme être désormais en recherche d’emploi et sans revenus depuis le début de l’année 2022, avec trois enfants à charge, sa femme étant également sans emploi. Il est propriétaire de son logement, dont la valeur est estimée à […] euros, le capital de son crédit hypothécaire restant à rembourser étant de […] euros. Son épargne s’élève à […] euros au 5 avril 2022.

145. Au vu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. Van Tilborg une sanction pécuniaire de 400 000 euros.

— S’agissant de M. Van Den Ouden

146. Les manquements retenus à l’encontre de M. Van Den Ouden ont eu lieu du 11 juil et 2014 au 3 novembre 2016, au cours de 46 séquences portant sur 13 titres.

147. Il résulte des éléments de l’enquête que M. Van Den Ouden a réalisé un profit cumulé estimé à plus de 31 000 euros pour l’ensemble des séquences reprochées. Il conteste toutefois le calcul des enquêteurs, qui n’est pas détail é dans le dossier, et affirme avoir réalisé un profit réel global maximum de 8 669,8 euros en se fondant toutefois sur des phases de déséquilibre qui ne correspondent pas à l’entièreté des séquences manipulatoires.

148. Selon la déclaration de revenus de M. Van Den Ouden pour l’année 2020, il a perçu […] euros de salaire brut et est propriétaire d’un bien immobilier d’une valeur estimée à […] euros dont la moitié est hypothéquée. Il affirme également avoir investi 2,5 mil ions d’euros dans DVDO Holding B.V. depuis 2017, société qui aurait réalisé son

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premier exercice bénéficiaire en 2020 et n’aurait jamais versé de dividendes à M. Van Den Ouden. Les comptes de cette société n’ont pas été transmis.

149. Au vu de ces éléments, il y a lieu de prononcer à l’encontre de M. Van Den Ouden une sanction pécuniaire de 80 000 euros. II. Sur la publication 150. Nyenburgh et M. Kamsteeg sollicitent l’anonymisation de la décision à intervenir au motif que sa publication leur causerait un préjudice grave et disproportionné, sans toutefois étayer cette demande.

151. Le V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable depuis le 11 décembre 2016, non modifiée depuis sur ces points, dispose : « La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La commission des sanctions peut décider de reporter la publication d’une décision ou de publier cette dernière sous une forme anonymisée ou de ne pas la publier dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes : / a) Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d’une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / b) Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. […] ».

La publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. El e sera donc ordonnée, sans anonymisation.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Didier Guérin, en remplacement de M. Jean Gaeremynck, président de la commission des sanctions, en application du I de l’article R. 621-7 du code monétaire et financier, par Mme Valérie Michel-Amsellem, M. Alain David et M. Lucien Millou, membres de la 1ère section de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions retient que :

— le moyen soulevé par M. Dionisius Johannes Henricus Van Tilborg tiré de la liquidation de la société Tilborg Trading B.V. est fondé ;

— le moyen soulevé par la société Nyenburgh Holding B.V. et M. Rob Kamsteeg tiré de l’atteinte au droit à un procès équitable et aux principes de loyauté et de confidentialité est rejeté ;

— le moyen soulevé par M. Diede Mink Van Den Ouden tiré de l’atteinte aux droits de la défense est rejeté ;

— la société Nyenburgh Holding B.V. et M. Rob Kamsteeg ont réalisé des interventions susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours des titres en cause et se sont assurés une position dominante sur le marché de ces titres de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, et, ainsi, ont méconnu les dispositions des articles 631-1, 1° a) et a) du règlement général de l’AMF et 12.1(a)(i) et 2(a) du Règlement MAR ;

— M. Dionisius Johannes Henricus Van Tilborg a réalisé des interventions susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours des titres en cause et s’est assuré une position dominante sur le marché de ces titres de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, et, ainsi, a méconnu les dispositions des articles 631-1, 1° a) et a) du règlement général de l’AMF ;

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— M. Diede Mink Van Den Ouden a réalisé des interventions susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’of re, la demande ou le cours des titres en cause et s’est assuré une position dominante sur le marché de ces titres de nature à créer des conditions de transaction inéquitables, et, ainsi, a méconnu les dispositions des articles 631-1, 1° a) et a) du règlement général de l’AMF et 12.1(a)(i) et 2(a) du Règlement MAR.

En conséquence, la commission des sanctions :

— constate la disparition de la société Tilborg Trading B.V., définitivement liquidée le 18 septembre 2020 et partant, l’impossibilité de prononcer une sanction à son égard ;

— prononce :

• à l’encontre de la société Nyenburgh Holding B.V. une sanction pécuniaire de 200 000 € (deux cent mil e euros) ;

• à l’encontre de M. Rob Kamsteeg une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mil e euros) ;

• à l’encontre de M. Dionisius Johannes Henricus Van Tilborg une sanction pécuniaire de 400 000 € (quatre cent mil e euros) ;

• à l’encontre de M. Diede Mink Van Den Ouden une sanction pécuniaire de 80 000 € (quatre-vingt mil e euros);

— ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 6 mai 2022

La Secrétaire de séance,

Le Président,

Anne Vauthier

Didier Guérin

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

Document Outline

  • I. Sur les moyens de procédure
    • 1. Sur le moyen de procédure soulevé par M. Van Tilborg sur la liquidation de Tilborg Trading
    • 2. Sur le moyen de procédure soulevé par Nyenburgh et M. Kamsteeg tiré de l’atteinte au droit à un procès équitable et aux principes de loyauté et de confidentialité
    • 3. Sur le moyen de procédure soulevé par M. Van Den Ouden tiré de l’atteinte aux droits de la défense
  • II. Sur les griefs notifiés
    • 1. Notification de griefs
    • 2. Observations des mis en cause
    • 3. Textes applicables
    • 4. Examen des griefs
  • I. Sur les sanctions
  • II. Sur la publication

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Décision de la Commission des sanctions du 6 mai 2022 à l'égard des sociétés Nyenburgh Holding BV, Tilborg Trading BV et de MM. Rob Kamsteeg, Dionisius Johannes Henricus Van Tilborg et Diede Mink Van Den Ouden